Mae Matthews feat @Kilian O'Reilly

« Rich people are so predictable. » Se redressant sur ses coudes en soupirant d’amusement, Mae Matthews inscrit l’heure de passage d’une diligence sur un carnet qu’elle traîne partout avec elle, la couverture peut d’ailleurs en témoigner. Cela fait trois soirs qu’elle est fidèle au poste. À plat ventre, perchée sur une falaise surplombant leur campement, elle observe les passages irréguliers des honnêtes gens à travers la lunette de son fusil. En bas, le camp de hors-la-loi scintille à la tombée de la nuit. Elle aime les regarder s’agiter de là où elle se trouve. C’est à peine si le son des rires enivrés parvient jusqu’à ses oreilles. Le braquage du train a été grisant pour tout le monde et semble avoir redonné un regain d’intérêt pour les activités du groupe. Elle ne les distingue pas, mais elle imagine aisément les conversations qu’ils peuvent avoir entre eux. Joyeuses, sans pour autant être intéressantes.

Matthews n’est pas vraiment d’humeur en ce moment. Celle qui s’est toujours refusé à baisser les yeux par excès de fierté se retrouve à admirer le sol bien plus que de raison.

D’abord, il y a eu la culpabilité. Terrible sentiment qui s’est emparé de ses pensées plusieurs jours après le braquage du manoir Glass. Et le soir même. Coupable d’avoir poussé à bout un homme dont la violence n’était qu’un masque superficiel à ses yeux. C’est elle qui l’a suivi un soir d’hiver. C’est elle qui est partie sans jamais plus lui reparler de ce soir-là. C’est elle qui, par la suite, l’a emmené chez Hannah Baxter afin de lui faire payer pour ce qu’il n’avait pas fait. Car il ne lui devait rien. La fautive, c’est elle, parce qu'elle a été incapable de lui dire des mots simples qui pourtant lui feraient prendre le large. Il est vrai qu’elle n’a pas su avoir les bonnes paroles, chassant ses propres vérités sous la bêtise. Alors, elle a préféré ne rien dire, cachant les traces et taisant les maux. Coupable d’aimer d’une bien mauvaise façon.

Ensuite, il y a eu la peur. Celle qui vous attaque en un seul échange de regards. Celle qui rend la vie incertaine. Celle qui revient hantée des nuits sans sommeil en y ajoutant des visages que l’on veut désespérément oublier. Celle qui vous empêche de manger, ou même de partager un rire. Celle qui se glisse dans votre oreille pour bourdonner des mots insensés, pour faire prendre racine à l’irrationnel, au plus fou. Il recommencera lui dit-elle. Alors, les événements d’une nuit reviennent, heurtant ses yeux qu’elle maintien fermement clos. A nouveau, elle revoit son visage rougi par la colère, et ses yeux perdus dans les abîmes de la déception. Et il disparaît, aussi vite qu’il est apparu, entraînant avec lui la confusion.

Et puis, la colère.

Des bruits de pas se font entendre lorsque la hors-la-loi s’apprête à nouveau à observer les alentours. Elle n’est certainement pas d’humeur à accorder du temps à Sean O’Reilly. Levant les yeux au ciel, Mae déclare sans pour autant se retourner : « O’Reilly, can you stop lookin’ at my ass like it’s the eights wonder and go back with the others please ? » Mais à travers la lunette de son fusil, c’est Sean qu’elle voit au milieu du camp en train de rire avec le père Davis à grand coup de tapes dans le dos. Un soupir traverse ses lèvres lorsqu’elle redresse la tête. «You piece of shit, Patterson go away from me ! Can someone let me breathe once in this damn gang ?! Is it too much askin’ to do my fuckin’ job in peace ? There's diligence to ro...» Mais lorsqu’elle tourne la tête, elle ne termine pas sa phrase, ce n’est certainement pas Patterson qu’elle voit planté debout derrière elle. C’est d’ailleurs la première fois que Mae Matthews se prend à espérer que ce soit l’artificier plutôt qu’un autre. Ses doigts se resserrent autour de son arme pendant que son œil droit retrouve la sécurité de la lunette. C’est pourtant bien de la crainte qui vient se mêler à l’agressivité de sa voix lorsqu’elle s’adresse enfin à la bonne personne. « If you wanna look at the stars, the place is already taken. »

In a very unusual way

Mae Matthews feat @Kilian O'Reilly

Il commence avec maladresse, comme toujours. C’est pourtant ce qui lui arrache un sourire qu’elle dissimule en fronçant les sourcils, feignant de se concentrer sur ce qu’elle voit à travers sa lunette. C’est le campement qu’elle observe. Sean l’a laissé seule en sachant ce que son frère lui avait fait. Il avait préféré partir pour Silverstone. Ou plutôt repartir, la laissant avec ses nuits sans sommeil et sa culpabilité pour compagnie. Elle ne devrait pas lui en vouloir, elle ne l’a pas retenu. « Certainly not. » Et pourtant.

Kilian ne bat cependant pas en retraite, il connait l’inclinaison de la hors-la-loi pour le silence lorsqu’elle préfère prendre la fuite. Il n’y a plus rien, pourtant, elle porte sa main à son cou, douleur fantôme qui la hante encore. « Guess I deserved it. » C’est ce qu’elle se répète depuis maintenant des semaines, il n’y a pas de raison que cela change. Et quand bien même elle voudrait se mettre en colère contre lui, elle n’y arriverait pas. Bien qu’elle y soit, en colère. Mais la culpabilité et la peur viennent tout balayer d’un simple revers, comme un courant d’air qui traverserait une pièce vide et froide. Alors, elle l’écoute, faisant pourtant semblant de l’ignorer. Mais rapidement, les tourments que le cadet dévoile viennent tempérer l’impertinence de Matthews. Un instant, il semblerait qu’elle le regarde du coin de l’œil alors qu’il s’assoit à ses côtés. Kilian pose des mots sur ses actes, blâmant son âme et damnant son cœur. Celui de Mae s’emporte quand elle se décide à briser un silence lourd de sens, las de se taire devant l’homme qui la faisait parler.

« Few days after we robbed the manor, I came to Baxter’s ranch. »  Ses yeux quittent enfin son fusil pour se poser sur l’horizon, notant un dernier passage sur son carnet qu’elle referme soigneusement, se redressant sur ses coudes pour allumer une cigarette. Air qu’elle se donne entre deux inspirations pour assurer sa contenance face à la vérité. « Every fuckin’ time I see her face, I wanna slay her. I wanna crush her damn head against a rock ‘til I can’t recognize it. ‘til she stops talking ‘bout you. » Aveuglée par sa colère et sa jalousie, Mae a laissé Hannah s’immiscer dans son esprit. Elle a laissé ses mots s’introduire dans sa tête jusqu’à en faire un insupportable aria qu’elle vient siffler à ses oreilles une fois la nuit tombée. Dans un soupir, elle se relève en souriant pour prendre place aux côtés du hors-la-loi, laissant à son tour pendre ses jambes dans le vide. « Well, lucky her, Clyde has come out from nowhere. » Mae souffle un rire en levant ses yeux vers le ciel, repoussant la bêtise de ses actes. « See, we all do stupid things. » Comme l’emmener un matin d’hiver au ranch Baxter afin de pousser un peu plus sa propre fierté au bord du gouffre. Elle se tait pour à nouveau regarder droit devant elle, n’osant pas croiser le regard de Kilian. « You’re far from being stupid. And you know, Charles Dickens was a good writer. »  Elle se demande d’ailleurs ce que Charles Dickens peut bien lui siffler au creux de l’oreille pour faire remonter de telles horreurs jusque dans son crâne. Les Irlandais ont toujours eu des croyances un peu spéciales et en dehors des réalités. Elle s’en accommode bien, tant que le fardeau qu’ils portent ensemble reste au-dessus de tout. Evidemment, elle pourrait lui dire que les morts ne viennent pas s’introduire dans la tête des hors-la-loi, mais elle sent que ce n’est pas le moment.

«Stop believing that you’re worthless, it’s gonna be a good start and …»  Pointant la flasque métallique du bout des doigts, elle continue en lui tendant la fin de sa cigarette, remplaçant un vice par un autre. « It’s me right ? … I mean, it’s my fault. » Elle ajoute en le regardant, la voix écrasée par le poids qui s’évade : « Kilian I … I know that’s silly but I can forgive you everything. Whatever you say or do to me, I’ll always be by your side. When this …»  Elle se reprend ravalant sa fierté en même temps que les insultes qui ne manquent pas d’abonder son esprit. « Hannah. When Hannah tried to shoot you. I was in the stairs. And when she pulled the trigger, it was like she took a part of myself.  But I was there, despite the slur and … And in front of your brother too, I was there, again, and God knows how Sean can fuckin’ hold a grudge. I did this because I love you so damn much too. How can you imagine that I think you’re stupid ? » Elle voudrait continuer mais elle se tait pour prendre le temps de le regarder et ainsi trouver les mots avec lesquels elle n’est pas douée lorsqu’il s’agit d’elle-même.  «I miss you and I miss the days we were spendin’ together. I miss our late discussions, talkin’ ‘bout books or anythin’. »  Le voir échanger des livres avec Baxter avait peut-être été le pire pour elle. Mae hausse les épaules, inspirant profondément afin d’empêcher sa peine de couler le long de ses joues. « I miss ‘’us’’. ».

Mae Matthews feat @Kilian O'Reilly

Un sourire se glisse sur son visage sans qu’elle ne parvienne à croire ce qu’il lui dit. Mae n’est pas certaine que lire plus vite qu’un autre puisse vraiment être gage d’une quelconque supériorité, mais Kilian semble le croire. « I’m not that smart. » Ses yeux s’abaissent en même temps que ses sourcils lorsqu’il évoque sa dernière lecture. Matthews est certaine de ne pas lui avoir parlé de ce livre, elle ne l’a elle-même jamais lu. Pourtant, elle rit avec lui, ponctuant sa dernière phrase d’un « Yeah, who ? » approbateur en souriant à l’horizon. Elle cache ses poings sous ses jambes, s’imaginant que celle qui lui a parlé de tout ça est Hannah Baxter. En silence, elle maudit à nouveau la jeune femme, laissant à son esprit l’occasion d’imaginer tout ce qu’elle pourrait lui faire subir pour un seul affront ; celui d’avoir cherché à l’humilier. Même dans un moment où elle n’a pas sa place, elle s’invite sans grâce aucune et installe sa présence sans y être autorisée. Après un silence, Kilian vient la tirer de ses sombres pensées. « Hm ? » Elle lui sourit à nouveau.

Finalement, voir la fin d’Hannah lui semblait plus doux que ce à quoi elle doit faire face. « Well it’s … » Tout l’intérieur de son ventre semble décider à mener une valse en désaccord total avec les battements de son cœur qui se fait lourd. Elle s’en tient à sa respiration pour ne pas s’affaisser. « It’s … » Mae hésite un instant puis s’empare de la flasque engageant plusieurs gorgées qui viennent lui brûler le ventre et réchauffer son esprit qui souffle jusque dans ses oreilles. Oui, elle aimerait tout reprendre depuis le début et ne pas avoir ce poids (celui de la culpabilité) qui s’enroule dans sa gorge. Lorsqu’elle penche sa tête vers le vide, elle donnerait n’importe quoi pour qu’un coup de vent la fasse s’écraser contre le sol, tête la première. « What … What I say ‘bout that ? It’s … » Matthews hoche la tête en pinçant les lèvres, voulant donner l’impression d’une réflexion profonde, il y a tant et si peu à dire, à propos de tout ça. Un oui suffirait amplement à Kilian et elle aimerait lui dire, parce que c’est ce qu’elle veut aussi, mais elle ne veut pas lui faire du mal, elle en a déjà fait assez. Évidemment que Sean aurait à redire sur tout ça, peut-être même qu’il serait en colère, blessé et sentirait poindre une trahison de sa part. Mae a promis à l’aîné de ne pas le trahir, d’être là, mais elle n’a pas pu lui donner son cœur. Pourtant, sa conscience qu’elle a peu l’habitude de côtoyer l’empêche de mentir à nouveau, ou même de prendre la fuite en balayant les mots de Kilian. Elle, qui est d’habitude si habile dans le mensonge, brûle de tout lui dire. Toutes les vérités ne sont pas bonnes à entendre. Elle souffle alors avant de relever la tête pour se tourner vers lui. « That’s what I want too. » Ce qu’elle a toujours eu tant de mal à admettre vient étrangement apaiser ses craintes. Elle termine alors le fond d’alcool qu’il restait avant d’allumer une nouvelle cigarette, tentant de rassembler le peu de courage qu’elle a lorsqu’il s’agit du vrai. En lui rendant la flasque vide, la hors-la-loi ne veut cependant pas s’arrêter là. « But .. You have to know somethin’. N’ remember when you’ll heard it what you promised me. Remember that I forgive you for Hannah, my neck, my weasels face n’ my nasal voice. N’ you have to know that I feel so awfull ‘bout that. » Ses yeux se posent sur lui alors qu’elle commence à laisser échapper ses larmes, se disant que cela pourrait peut-être jouer en sa faveur. Difficile de se défaire des vieilles habitudes.

« I’m … I … I don’t want to hurt you. I have to be better with you. Not you. ‘Cause I don’t know how to love you n’ … I’m certainly doin’ it the wrong way and I … I was intimate with your brother few times this winter. » Elle lance cette vérité qui pèse dans son corps et dans sa tête depuis un moment et puis, elle tourne la tête pour ne pas avoir à lui faire face, regrettant déjà ses mots. Très vite, sa mauvaise foi reprend pourtant le dessus, elle s’abat sur Kilian dans une défense bancale pour justifier l’injustifiable. « I’m sorry ‘bout that but … He was here, n’ I was there too n’ you weren’t, probably with this … This whore n’ Maxence told me that everytime you were sick of me you went away to see her, wich was, according to him, very often ! » Elle renifle en essuyant son nez du revers de sa manche avant de continuer. « N’ then … Then you give her back her book in front of me n’ then she wanna talk with you and you said yes without a word for … for me n’… Yes things happen sometimes n’ … » Il n’y a pas besoin d’en dire plus. Mae s’arrête alors pour essuyer ses yeux de sa manche propre et rallume sa cigarette qui s’était éteinte face au flot de paroles insupportables. Elle regarde le campement en soupirant. « I promise I’ll be better with you. »

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Mae Matthews feat @Kilian O'Reilly

A l’instant même où il crie sa surprise dans laquelle elle croit entendre une pointe de désespoir, Mae regrette déjà ses paroles. Mais ne rien lui dire aurait été pire. Bien sûr, ils auraient été heureux sur le moment, mais Sean ne sera pas indéfiniment loin d’eux, il finira par revenir. Elle lui a simplement évité de l’apprendre devant tout le monde, par égoïsme, pour cacher sa propre honte et ne pas avoir à assumer une telle chose devant leurs hommes. Lorsqu’il s’emporte, elle se relève pour le suivre des yeux, et se préparer à ne pas avoir le dessus sur la colère qui l’abîme. En se relevant, elle a attrapé une pierre qu’elle dissimule dans son dos, elle ne veut pas avoir à faire ça mais son regard lui rappelle de bien trop mauvais souvenirs. Pour le tenir à l’écart, elle brandit sa main libre entre eux tout en reculant. « NO ! No, I’m not saying that ! You’re right it’s … it’s not the same but … But please understand. I … I just needed time n’ you seemed to forget it so fast, I don’t know what I was thinkin’ ‘bout. I’m so sorry ! » Elle ne lui a jamais laissé le temps de revenir à elle. Lui dire que Sean était pour elle un moyen de se venger serait totalement faux, et elle a promis d’être une meilleure personne envers lui, cela incluait de ne plus lui mentir. Ou essayer. Elle l’observe tourner en rond, comme un lion en cage prêt à bondir lorsque le moment opportun sera venu. Les doigts de la hors-la-loi referment leur emprise sur la pierre à mesure que ses larmes la font trembler. « I beg you please … Don’t. » Il lui a promis pourtant, elle n’arrive pas à raisonner son esprit lorsqu’il s’approche enfin d’elle pour croiser son regard. « You don’t have to do th… » A la surprise de Mae, les mains de cadet ne s’enroulent pas une nouvelle fois autour de son cou. Elle commençait d’ailleurs à suffoquer malgré elle, sans vraiment s’en rendre compte, c’était déjà comme s’il recommençait alors qu’il ne l’avait pas touché. Au contraire, il attrape ses épaules et use d’une tendresse maladroite envers elle. Un soupire de surprise franchi ses lèvres. C’est à son tour de le regarder avec les yeux d’un oiseau nocturne, la peur qu’elle avait au ventre se transformant en nausée.

Elle l’écoute, hochant la tête et séchant ses larmes à l’aide de sa manche, reniflant comme une enfant, se sentant idiote d’avoir pensé qu’il pouvait encore lui faire du mal. Elle aurait presque envie de rire de sa bêtise. Pensait-elle réellement s’en tirer avec une pierre de la taille d’un poing ? Quand il la prend dans ses bras, elle a envie de le croire et lance la pierre sur le côté, la laissant s’écraser en contrebas avec ses doutes. A mille lieues d’imaginer ce qu’il se trame dans la tête du hors-la-loi elle l’enlace en fermant les yeux dans un soupire. « Thank you. » Pour ne pas l’avoir tué surtout, pour avoir tenu sa promesse également.

Elle ouvre à nouveau les yeux pour briser le silence qui s’était installé, les laissant chacun à des pensées opposées les unes aux autres. «Kilian ? » Un instant, elle hésite à lui avouer qu’elle a embrassé Maxence un soir d’ivresse, afin de se laver une bonne fois pour toute de ses péchés. Mais elle se dit qu’il lui sera plus facile de le faire passer pour un menteur. Maxence n’est pas Sean, il a peut-être le privilège du sang Irlandais mais il n’a pas de beaux yeux larmoyants à disposition. Et Kilian n’est pas un prêtre, il n’a pas à tout savoir. C’est vrai, qui pourrait imaginer Mae embrasser Maxence de son plein gré ? Et si le croquemort se met à parler, elle a de quoi le faire tomber. D’ailleurs, elle s’y attèle déjà. Mae lève ses grands yeux rougis par les larmes vers ceux du cadet, redressant sa tête et plissant ses sourcils dans un profond désarroi. «You really think that I’ve a weasel’s face n’ a nasal voice ? »

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Mae Matthews feat @Kilian O'Reilly

Ce que Mae Matthews espérait ne fonctionne absolument pas. Kilian est bien trop gentil pour pouvoir se mettre en colère contre son cousin. Mais la hors-la-loi ne se décourage pas pour autant, mettant cette idée dans un coin de sa tête qu’elle garde pour du long terme. Le combat qu’elle a décidé de mener contre le croque-mort est vain, et cela, pour plusieurs raisons. La première étant que d’ici quelques semaines, après quelques verres avec ce dernier, elle aura déjà oublié tout ça. C’est ainsi que la marche du petit monde de hors-la-loi fonctionne. Jusqu’à la prochaine.

Mae fronce les sourcils avant d’ouvrir la bouche, prête à laisser s’abattre la foudre de sa colère sur le cadet. Elle n’en a pas le temps, ce dernier rattrapant ses mots sous un trait d’humour qu’elle a du mal à accepter. « Don’t play me like that ! It’s not funny ! » Il est vrai, qu’elle s’était peut-être laissée légèrement (énormément) emportée par les mots du cousin. « Yeah. Yeah, ok, you’re right. » Matthews se reprend en fermant les yeux dans un soupir. « That’s not me.» Elle rouvre les yeux pour rouler une cigarette entre ses doigts, concentrée sur ses travaux pratiques, elle hausse les sourcils en continuant de se parler. « I’m not like that n’ I should know it, that undertaker always talk more than he should n’ that’s not true. » Ses doigts fins tassent le tabac avant qu’elle n’entreprenne de refermer la feuille. « That’s right O’Reilly, you’re not like that too. » Enfin, elle lève les yeux de l’objet de son monologue pour le regarder. « We’re not like that. » Dans un sourire bref, elle porte sa cigarette à ses lèvres puis l’allume, occupant le silence.

Matthews évince pourtant rapidement les dernières paroles du cadet, pas franchement pressée et à l’aise à l’idée de partager tout ça avec lui. La culpabilité l’envahit encore bien trop pour qu’elle puisse lui dire quoi que ce soit, elle se contente de passer nerveusement la main dans ses cheveux en acquiesçant à ses propos, souriant maladroitement. En temps normal, elle lui aurait dit que Grace n’avait rien à faire avec eux et qu’ils feraient bien de s’en débarrasser puisqu’elle la jugeait inutile. Mais ce n’était certainement pas le moment d’accabler l’Irlandaise qui était bien trop assimilée à Sean dans l’esprit de tout le campement. Mae savait pertinemment que si son aventure avec Sean revenait aux oreilles des autres membres, Grace serait portée en martyre, pauvre femme ayant subi la perte d’un enfant et devant en plus subir l’affront de croiser tous les jours celle avec qui l’homme qu’elle aime éperdument avait couché. Et, selon l’avis non objectif de Mae, Grace était assez perfide pour jouer le rôle de la femme bafouée aux yeux de tous. Elle n’ose pas s’opposer à Kilian sur le sujet, elle se résigne alors. « Seems fair.» Absolument pas, Sean n’avait rien à voir avec tout ça, il ne l’avait pas forcé, c’est elle qui méritait la colère de Kilian. Mais elle en avait eu assez pour aujourd’hui, dire la vérité lui avait demandé bien trop d’efforts. Les frères avaient l’habitude de régler leurs différents par la violence lorsqu’elle préférait utiliser les mots. Selon eux, il s’agissait de la coutume Irlandaise. « I understand, but … Not in front of everyone ok ? » S’il pouvait ne pas donner une nouvelle raison à Patterson de l’insulter, cela l’arrangerait fortement.

Elle reprend alors le court de leur vie, mettant toutes ces histoires loin derrière elle, jusqu’au retour de Sean. « Oh, not now, gotta stay here. I need to know if the mail come at the same time everyday. » Cela faisait bien une semaine qu’elle s’obstinait tous les soirs, perchée sur sa falaise à attendre la diligence du courrier. Elle avait eu l’information (en laissant traîner ses oreilles au saloon) que les affiches concernant l’attaque du train allaient arriver le jeudi, depuis Silverstone.

Elle continue en se rallongeant à son poste d’observation. « But you can stay, if you want. » Sa cigarette terminée, elle l’écrase à côté des nombreuses qui ont déjà terminé leur courte vie sur cette terre. « I mean, I would like to but if you prefer go back, I understand. Or maybe you wanna be alone after that n’ I understand !» Décidemment, lorsqu’elle devrait se taire, la voleuse se met toujours à devenir trop bavarde. Un rire bref trahit l’inconfort de la situation qu’elle ne maîtrise pas. « That’s pretty boring but I heard the wanted posters comin’ tomorrow by the mail. Wanna be sure of the hours. Don’t wanna see our faces in front of Cogburn offices, right ? »  C'est que ça serait vraiment pire que tout.

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