Show me the way to the next whisky bar

ft. @Amelia Burke

Les soirs se suivent et Jezabel aimerait dire qu’ils ne se ressemblent pas, mais cela serait mentir. Non pas qu’elle ait le moindre problème à mentir quand elle en a besoin, mais à quoi bon se mentir à soi-même sur un sujet si trivial? Surtout quand, finalement, la réponse ne change pas grand-chose. Il y a pourtant toujours quelque chose de différent chaque soir, une consommation, une fille qui a un nouveau client, un nouveau client (peut-être futur habitué) qui arrive…Mais les petites choses immuables, ces détails qui ne changent quasiment jamais, font aussi de ce lieu ce qu’il est: la maison chérie de sa propriétaire.

La soirée avance, les danseuses, chanteuses et effeuilleuses défilent durant les heures qui font la soirée et le début de la nuit. Mais bien vite arrive l’heure de la fermeture, celle où les badauds rentrent chez eux, certains en prenant soin de ne pas être vus, en passant par la porte de derrière soigneusement dissimulée derrière un lourd rideau de velour rouge, d’autres en titubant d’avoir trop profité des plaisirs proposés par l’établissement. A partir du moment où ils ont passé le pas de sa porte, ils ne sont plus un problème pour Jezabel, qui, déjà, s’est retirée dans le petit salon pour faire les comptes de la nuit. Elle a encore une fille ou deux qui doivent lui apporter sa part de ce qu’elles ont gagné dans la nuit, mais elle peut au moins compter le bar et les entrées.

Quand Amelia arrive, on la dirige sans même se poser de question vers l’antre momentanée de Jezabel. Elle est devenue une figure familière des fins de soirées, à venir dans ses petits souliers, à chercher à savoir si son fils a encore montré sa frimousse ici. Si au départ Madame n’était pas heureuse d’avoir la mère d’un homme, adulte qui plus est, venant lui demander de -littéralement- perdre  un client, elle a vite vu, et compris, qu'Amelia était bien lasse de cette situation. Ainsi est née, après la troisième, ou quatrième visite, l’habitude de lui proposer un verre, en signe de compassion tacite de la part de la gérante. Car si elle ne va pas dire au fils de cette dernière d’arrêter de venir car il brise le cœur (et le porte-monnaie) de sa chère maman, elle envisage aussi l’agacement de la dite maman quand elle voit ses finances difficilement gérables à cause de lui.

Jezabel relève la tête de ses comptes, referme le cahier de compte qui se trouve devant elle, montrant qu’Amelia a son attention, pour le moment. La question est toujours la même, et la brune a toujours une réponse.

“Malheureusement, il y a eu beaucoup de monde chez moi ce soir, je n’ai pas pu rencontrer tout le monde.”

Baliverne et Amelia s’en doute bien. Jezabel n’est pas le genre à ne pas repérer les visages qu’elle cherche. Or, tous les soirs, elle cherche le visage de Maxence, même si elle ne va pas le saluer, juste pour savoir s’il est là ou non. La pièce arrive sur la table et Jezabel la ramasse, se levant gracieusement de son siège pour se diriger vers le bar, reposant la pièce sur le petit sac de la blonde.

“Pas de ça ce soir. C’est la maison qui offre. Qu’est-ce que tu préférerais: whisky? Ou Cherry?”

Le Cherry, un petit plaisir importé par son père à l’époque et auquel elle a pris goût. Elle ne propose pas le Cherry à l’oeil à n’importe qui, mais ça, Amelia n’a pas moyen de le savoir. Une fois la réponse obtenue, Jezabel sert deux verres, en tend un à la mère lasse, et se rassoit, un sourire amusé sur le visage.

“On va dire qu’elles sont comme il faut.” elle n’est du genre à s’étendre sur l’état financier de son établissement, il ne faudrait pas que ce genre d’information ne sorte trop de chez elle. Pourtant, elle accepte de donner un chiffre, un seul, comme le demande Amelia “Trois dollars.”

Ce n’est pas rien, pas rien du tout, et Jezabel plaint un peu Amelia de cette situation. Mais elle est trop égoïste, et vénale, pour perdre un client juste pour les beaux yeux d’une mère. Madame savoure son verre de Cherry alors que la nouvelle question lui parvient. Elle suit du regard ce que désigne Amelia, et hoche la tête.

“Oui. Une idée d’une des filles, quelque chose dont elle a entendu parlé je ne sais plus où…” elle se tourne à nouveau vers Amelia, une mine malicieuse sur le visage “Curieuse de voir le résultat?”

Entre elles, ce sont des petites piques, jamais bien méchantes, une amitié un peu vache sur les bords, mais sans vouloir réellement blesser l’autre. Ce n’est qu’un jeu, entre elles.