Il faisait à peine jour, pourtant Ichabod était déjà prêt, tiré à quatre épingle. Il déambulait ( ou plutôt boitait ) dans les rues de Silverstone comme l’aurait fait un touriste. Il connaissait bien le chemin, mais voulait prendre son temps. Il admirait cette ville construite comme un mauvais puzzle : aucune partie ne semblait correspondre avec les autres. Les tailles des maisons variaient, tout comme leur couleur et le style - une véritable cacophonie architecturale.

Bientôt, la belle maison coloniale des Rosenbach lui apparaît : dressée à l’horizon, avec ses airs de manoir moderne, sa peinture blanche criait dans le décor comme un miroir tourné vers le soleil. Il poussa la petite grille comme s’il était chez lui et avança d’un pas tranquille vers la porte principale. Comme à son habitude, il toqua trois fois pour attirer l’attention de la bonne qui, aussitôt, lui ouvrit. La pauvre petite avait l’air positivement surprise d’accueillir un visiteur à cette heure du matin. La maison semblait encore endormie ( à l’exception du personnel, visiblement ). — Est-ce que Madame Rosenbach est réveillée ? Si ce n’est pas le cas, je vous prie de bien vouloir insister. Le motif de ma visite est plutôt impérieux. “ Il sourit poliment à la demoiselle, adoptant une posture de patience, les mains croisées dans le dos. La porte ne se ferma que pour quelques instants, puis ont vint le chercher pour l'installer dans le petit salon.
Les bonnes préparaient deux tasses de thés hâtivement, bien que Mila manquait encore à l’appelle - sa visite avait dû la surprendre en plein sommeil. Ichabod mit un peu de sucre dans son thé. L’idée de le boire lui donnait déjà la nausée, mais il avait envie de prétendre que tout allait bien. D’ailleurs, dans le fond, c’était le cas : il ne s’était jamais senti plus en forme qu’aujourd’hui.

La porte s’ouvrit enfin sur Madame Rosenbach, la mine surprise. Il lui sourit simplement, comme si tout cela était normal, et s’empressa d’aller la saluer comme il se doit. — Madame Rosenbach - pardon de vous déranger aussi tôt, mais il fallait à tout prix que je vous vois. “ La guidant presque par la main vers un fauteuil de velours, il prit place sur un divan voisin, afin de lui faire face. Il posa même la tasse de porcelaine entre ses mains pas encore gantées, comme un metteur en scène qui dirigerait un comédien. Il se fit ensuite reflet de la belle dame en prenant une gorgée de thé chaud, pour la persuader de faire de même. Ils avaient tout le temps du monde, voilà ce qu’il essayait de lui faire comprendre.
— Je m’en vais bientôt. Demain à vrai dire. “ Des fois, on n’a pas le choix que de partir - le mieux reste d’y aller avec entrain. L’idée de se retrouver avec tous ces gens qu’il avait trop longtemps connu lui donnait déjà le mal d’un pays qu’il passait pourtant son temps à critiquer. “ Je ne sais pas encore pour combien de temps - je vais vers les côtes, une des filiales de la compagnie a besoin de moi pour mettre en ordre certains papiers. Je voulais seulement vous dire au revoir. “