Dolores soupire en écrasant sa cigarette avec sa grosse botte, d’hommes évidemment, elle n’a pas des petits pieds délicats de femme. “Ç’a l’air d’être ici.”
Une casba qui tient vaguement debout à la lisière d’Imogen. On remarque une faible lumière alors que le crépuscule commence doucement à pointer son nez. Parfait, leur prise est bien a la maison. Dans son trou à rat dans lequel leurs indics les a aiguillés. La grande perche accorde un regard à son acolyte. Quelques années qu’elle et Makoyepuk se trouvent dans les pattes l’un de l’autre alors briser la glace a fini par couler de source. Si la plupart de ses confrères sont des sacrés merdeux comme des putes sans patrie, Makoyepuk a au moins la décence de l’avoir toujours traité comme un être humain. Et en bonus, comme une collègue douée de ses dix doigts, et pas comme une gertrude qui vient piquer les primes des honnêtes hommes. Et plus il a pas l’égo trop gonflé pour ne pas demander un coup de main quand il s’agit d’aller chercher un meurtrier qui a autant de casserole au cul qu’une cantine de prison.

Parce que M’sieur Frank Monty a cru que c’était une bonne idée de planter un couteau dans la carotide d’un rival -de quoi, Dolores en avait pas eu grand chose à foutre, elle a juste vu les 50 dollars en récompense-  devant témoin, avant de prendre la poudre d'escampette en mode pas vu pas prit. Les rumeurs allaient bon train, on le disait armé jusqu’aux dents, assoiffés de sang, et visiblement avec un passé fait de multiples arnaques plus ou moins bien montées. Mais alors le meurtre, ça, ça passe moyen pour les autorités locales, ça fait un peu sale, même a Imogen.

Dolores a vaguement fait le tour de la maisonnée - à distance respectable- faut dire qu’elle est à peine plus grande qu’un placard à balais. Pas de porte arrière, mais une vitre cassée. Elle prend soin de prévenir Mako de garder son arme fixée dessus, on voudrait pas que Monty se carapate dans la pampa sans dire au revoir.

Dolores lui fait un signe de tête : elle n’aime pas vraiment parler et son collègue respecte ça, alors communiquer par des petits gestes c’est une habitude qui la met a l’aise. Ils savent ce qu’ils ont a faire. Alors elle perd pas de temps, et sa large godasse heurte la porte en bois alors qu’elle a son arme a l’épaule.

A peine le bois vole qu’elle se retrouve nez à nez avec une dame aux traits tirés, cheveux ébourrifés, et entre deux âges. Pas impressionnée par l’entrée fracassante, Dolores et Makoyepuk se font houspiller comme des gamins qui se sont pas lavé les mains : “Mais ça va pas bien, bande de marteaux ?! ” Une casserole au milieu d’un feu d’intérieur, la dame pose une main énervée sur son dos : la protubérance sous sa robe laisse peu de place à l'imagination sur son état de santé. “V’foutez quoi ici ?!!”
La grande blonde essaye de cacher sa surprise, montre son canon pour indiquer qu’elle est la pour affaire urgente. “Frank Monty.” Fit-elle sobrement.

“ENCORE ?!” La dame s’insurge et saisit visiblement un sot d’eau, ou de soupe, difficile a savoir, mais le truc est lourd et encore plus pour une femme enceinte, et alors qu’elle disparait du champ de vision, on entend un énorme splash. “Putain de bon a rien ! Tu m’avais dit que tu allais arrêter tes conneries!”

Dolores jette un regard décomposé à son acolyte : récupérer des loubards chez leurs blondes c’est pas le plus rare, mais de cette façon… Elle se permet quand même de rentrer, et découvre un bonhomme presque aussi ventru que sa moitié trempé sur une espèce de paillasse.
“Mais j’rien fait mimine ! J’te jure!”
“Mon cul que t’as rien fait, espèce de vieux soulard ! Y’a deux connards à la porte et tu vas me dire que t’as rien fait !”

Et si ça n’était pas complètement aberrant, voila deux mouflets qui sortent de l’autre pièce, qui ont l’air aussi curieux que perplexe.
Glacial et professionnelle, la chasseuse se tourne pourtant vers Mako avec un semblant de panique au fond des yeux. Les enfants c’est vraiment le pire : elle sait pas du tout comment gérer ce bordel. Ça marche comment, faut leur dire quoi ? Est-ce qu’ils prennent Monty par le colbard pour le ramener aux postes devant ses propres chiards ?

She’ll slap her man in the face

Ce qu’il y a de bien avec Dolores, c’est qu’elle ne parle pas - ou en tout cas peu. Pour certains, c’est un défaut, mais pour Makoyepuk, qui n’est lui-même pas un grand orateur, c’est une véritable bénédiction. Qu’elle fasse deux têtes de plus que lui ne le dérange pas non plus - dans son corps de métier, on aurait tendance à dire que c’est un avantage.
En plus de ça, Dolores est une véritable professionnelle : Il n’a vraiment rien de bien négatif à dire sur cette femme ou sa façon de travailler. Elle a toujours ramené ses primes, souvent vivantes, parfois mortes quand elle le méritaient - son sens de la justice est peut-être même plus aiguisé que le sien. Son instinct, aussi, sans oublier sa force - c’est simple, la dame est autant collègue qu’outil.
Quoiqu’il en soit, il est clair que tous deux sont taillés pour l’action - c’est sûrement pour cela que la scène qui se déroule devant leurs yeux ronds les laissent autant quoi. Les regards qu’ils se lancent l’un l’autre sont les mêmes ( stupéfaits ). Makoyepuk, qui connait bien l’agressivité d’une femme enceinte, ose à peine s’imposer dans ce vaudeville - la présence de toute la marmaille n’aide pas non plus. Impossible de savoir où donner de la tête.

— On est encore tombé sur des génies. “ Le désespoir répond au désespoir - mais la pauvre Dolores peut se rassurer, même si la lassitude creuse les traits de son camarade, il n’est que trop familier de ce genre de situation ( qui connaissent parfois de bien vilaines fins. Il faut être en paix avec sa morale pour faire ce métier ). “ Je m’en occupe. Toi, reste menaçante. “ Elle le fait déjà très bien. Lui n’a plus qu’à espérer baragouiner un discours potable.

— Excusez moi ! “ Il prend sa grosse voix, mais tâche de rester poli pour éviter un coup de poêle. Mieux vaut se laisser insulter plutôt que de rentrer avec un coquard. En tout cas, on dirait bien que ça marche, puisque tous les regards se tournent vers lui - le fusil qu’il a dans les mains doit aussi bien aider. “ Est-ce qu’on peut parler avec votre mari, seul à seul ? “ Histoire que la ménagerie n’assiste pas au possible carnage. Il n'aime pas trop susciter l'envie de vengeance chez la prochaine génération.
Mais le suspens ne dure pas bien longtemps : la maîtresse de maison reprend flamme, déterminée à être celle qui criera le plus fort.— “ Certainement pas ! je veux savoir ce qu’il a fait - et tes enfants aussi ! Qu’ils sachent que leur père n’est qu’un abruti ! “ Sa figure rougeaude et de nouveau tournées vers celle de son piètre mari. Si elle n’en perd pas les os, c’est un miracle.
— Devant les enfants ? Vous êtes sûre ? “ Makoyepuk a soudainement l’air plus nerveux. il ne mène pas ce débat, c’est certain - dodeliner de la tête pour faire comprendre à Mrs. Monty la gravité de la situation n’y changera rien. Elle lui répond sèchement que, oui, elle est même certaine.
Les lèvres pincées, sa culpabilité reflétée dans les mirettes des têtes blondes qui ne s’imaginent pas qu’un couperet s’apprête à tomber sur leur innocence, Makoyepuk lance de nouveau quelques regards vers sa collègue. “ T’es sûre que c’est le bon Frank Monty ? “ On peut oser douter, puisque la légende dépasse de loin l’individu que se tient devant eux. On dirait plus un sac de vinasse qu’un grand bandit. “ Peut-être qu’elle cache le vrai ailleurs.... “ Il fronce les sourcils, pas vraiment convaincu par sa propre hypothèse, même si la réalité ne l’inspire pas plus. A vrai dire, cette conversation est surtout une bonne excuse pour repousser le moment fatidique des révélations qu’il détient.
— Pardon ?! “ Zut. Il a oublié de chuchoter. La dame de la maison semble bien courroucée par ces accusations, en plus de s’impatienter - Makoyepuk lève directement les mains en signe de paix, lâchant sans remord son fusil qui pend maintenant à son épaule.
— Dolores ? Un coup de main ? “ A eux deux, ils peuvent sûrement faire un bon orateur.

Voilà donc de quoi sont fait les cauchemars.  Non pas des souvenirs horrible de son passé a amuser les foules en faisant le beau comme un animal de foire, mais une femme enceinte et sa marmaille au milieu d’un travail qui aurait du être bien fait. Elle aurait dû se douter : quand les étoiles sont trop bien alignées, il y a toujours un éclair pour vous tomber dessus sans crier gare.
Rester menaçante, ça Dolores le fait très bien. Même dans son sommeil. Aucun campeur oserait piquer la moindre chaussette a la montagne de muscles qui ronfle au coin du feu, même les plus soulards de ses collègues ne s’étaient pas aventuré à un tel méfait, qui serait surement récompensé par un dévissage de tête, et pour les plus imaginatifs, ils pensaient finir a la broche faute de lapins chassés la veille. La grande perche n’avait aucun intérêt à faire taire les rumeurs sur elle, même les plus ridicules et sordides. Un chasseur qui fait peur est un chasseur qui fait bien son travail.

Elle hoche la tête, et garde son fusil dans ses mains, et le voit essayer de parlementer à une dame plus remontée qu’un coucou. Madame Monty n'avait visiblement aucune envie de se laisser marcher sur les pieds, et en est à demander qu’on raconte par le menu le curriculum vitae de son époux. Bon, ça n’a pas l’air d’être une méthode, mais Dolores n’a pas vraiment de reproche à faire au pauvre Blackfoot : il maîtrise la situation bien mieux qu’elle aurait pu, et c’est pas peu dire.  Par ailleurs quand il se tourne vers elle, elle perd un peu de sa superbe, à hausser les épaules l’air de dire “mais qu’est ce que tu veux que je fasse?”. Dolores n’est pas une oratrice, elle est là pour tabasser, prendre son argent, et aller dormir quelque part ou sa sale face donnera des cauchemars à personne. D’ailleurs les enfants l’ont toujours fait profondément mal à l'aise, Avoir entendu des pleurs de chiards terrorisés sur son passage n’a pas aidé à la rendre joviale entourée de têtes blondes.

Mais avant que le pauvre Makoyepuk se prenne un coup de chaudron dans le nez, après avoir provoqué sans le vouloir la maitresse des lieux -quoiqu’on puisse appeler cette cabane- la chasseuse grimace légérement : visiblement il faut bien qu’elle fasse un semblant d’effort avant que ça ne parte a vaux l’eau.

“*Arhem* Madame, je pense que la situation est déjà assez compliquée sans rajouter vos enfants… Nous sommes surement partis du mauvais pas.”

La femme enceinte pose une main sur son ventre en lui offrant une petite exclamation outrée “ Bah voyons, c’est vous qui avez défoncés ma porte!”

“Oui très juste…” Réalise la grande blonde en se disant qu’elle ferait mieux de manger sa botte la prochaine fois qu’elle a l’idée brillante d’essayer de calmer une ambiance sur le feu. Finalement, elle essaye de capitaliser sur autre chose. “Je suis désolée, je sais ce que c’est que d’avoir un bon à rien à gérer à la maison…”

La jeune femme en face d’elle plisse les yeux, mais ne se met pas a hurler depuis le début de cette scène étrange. “Vous savez ce que c’est?”
“Un traine patin assit sur son cul que je dois torcher comme un gosse ?” C’est un mensonge éhonté, du coup elle évite de trop insister, histoire que son visage ne la trahisse pas trop. “Ouais.”

La jeune femme frotte son ventre protubérant en dévisageant son outre pleine de mari qui essaye piteusement de s’habiller. Elle finit par soupirer en levant les yeux au ciel.

“Trois gosses qu’y m’a fait cet abruti ! Et pendant ce temps il va courir les rues à faire ses conneries alors qu’il est trop con pour pas dépenser ses pièces en alcool !” Elle grogne et finalement jette un oeil vers son fils aîné : “Henry, sert leur du reste de tisane veux-tu ?” Dolores s’empressa de lui dire que c’était vraiment pas la peine, préférant partir bredouille que de parler chiffon avec eux, mais elle leur désigne la paillasse ou Monty s'est rassit, tout aussi perdu que les chasseurs. “Désolée, c’est tout c’que j’ai !”

Le ton de sa voix est sans appel : maintenant tout le monde doit s’asseoir. Dolores jette un oeil à son ami, incapable de savoir si c’était une bonne ou mauvaise nouvelle.

She’ll slap her man in the face

Makoyepuk jette un regard interloqué vers sa comparse. La petite discussion qui semble avoir mis d’accord les deux bougresses a piqué sa curiosité : Dolores qui prétend avoir un Jules, en voilà une bien bonne ! Pas qu’il l’imagine mal en ramener un - il a vu des plus crasseux se trouver une épouse -  c’est juste que tout se sait ici-bas, et qu’il n’a jamais entendu parlé d’un de ses prétendants. En plus, avec la vie qu’ils mènent, quand on côtoie quelqu’un, c’est souvent qu’il vient du même milieu.
Mais il aura son ragot plus tard ( si tant est que cette histoire ne soit pas qu’une vague supercherie ), vu qu’il y a plus urgent - comme du thé sur le feu, par exemple. Les deux chasseurs ont beau se confondre en excuses pour s’éviter un quart d’heure des plus gênants, la maîtresse de maison ne veut rien entendre. Marrant de la part d’une dame qui était à deux doigts de leur dévisser la tête à leur arrivée ( ça doit être son état qui la fait passer du chaud au froid ).

Quoiqu’il en soit, Makoyepuk profite du départ du petit Henry - et que madame soit assise - pour finir d’exposer à la maisonnée toute agitée les charges retenues contre le patriarche.  — C’est très gentil de votre part, merci, mais après ça, il va falloir que nous partions - avec votre mari de préférence. Il a tout de même planté un couteau dans la gorge d’un de ses amis vous savez.. “  Au bout de la table, président comme le ferait un Homme, madame Monty ne sourcille pas vraiment. L’apatride ne sait pas comment interpréter cette réaction : peut-être que c’est la suite qu’elle attend ( ou qu’elle vient de tout simplement mourir net à cette annonce ). “ Nous devons le livrer au shériff. Mais il y aura un procès et -. “ Tout le monde s’imagine bien la fin de toute cette petite histoire. Makoyepuk n’a même pas la foi de mentir, lui qui connaît d’un peu trop près le système de justice des Etats-Unis. Ce qui l’étonne le plus, c’est que le chien de potence ne détale pas à l’entente ce triste bilan - peut-être que dans son malheur, il est au moins trop ivre pour comprendre ce qui lui arrive. “ Je suis désolé. “

Le thé arrive sur cet entrefait, presque à point, puisque Makoyepuk peut au moins regarder le fond de sa tasse au lieu de mirer les yeux de la future veuve. Il avale une bonne gorgée, sans vraiment réfléchir, et ne grimace qu’au goût trop prononcé des feuilles de tilleul. On dirait qu’elles sont restées trop longtemps sur le feu, rendant le breuvage à la fois acide et amer.
Il lance d’ailleurs un regard vers Dolores et remue le plus discrètement possible la tête, comme pour lui dire de ne pas toucher à ce poison. Take one for the team, comme disent les colons : Makoyepuk se charge de la partie politesse de cette entreprise, quitte à aller se rincer la gorge plus tard.
— Est-ce que vous avez compris ce que je viens de vous dire ? “  Il relève la tête pour s’assurer que la pauvre mère ne soit pas en train de se décomposer sur sa chaise - mais aussi pour vérifier qu’il ne se soit pas emmêlé dans son anglais ( sait-on jamais ).
Le silence qui lui répond lui glace un peu trop le sang à son goût.
“ Oui. “ Finit enfin par souffler la dame aussi ronde que la lune. Elle n’a pas l’air dans son assiette, mais au moins, la nouvelle est montée jusqu’au cerveau.
“ Bien. “ Il finit sa tasse d’une traite. “ Alors on va y aller. Dolores, tu t’occupes de le ficeler ? “ puisqu’avec ses deux mètres de haut, elle lui fera sûrement plus peur que le brave.

— Mais comment j’vais faire avec les enfants, moi ? “Au moment de se lever, la mère de famille se sent de nouveau d’humeur bavarde. On dirait qu’elle veut gagner du temps - mais elle n’est pas la première épouse à tenter de ralentir la course de la mort. Makoyepuk se retient même de lever les yeux au ciel, trop habitué à ce cirque ( et peut-être pas assez à l’aise avec sa morale pour tergiverser sur le sujet ).
— Jacob t’a pas prévenu qu’il était marié ? “ Il chuchote à peine, penché vers la géante. Une pointe d’impatience se lit dans sa voix tandis que madame Monty continue ses jérémiades. Ce ne serait pas la première fois que l’adjoint oublie un détail d’importance ( surtout en ce moment, il a la tête ailleurs on dirait ). Mais s’ils l’avaient su plus tôt, Ils auraient au moins pu attendre l’heure du marché pour s’introduire chez ce soi-disant meurtrier  “ On aurait dû rentrer par la porte du fond…Laisse tomber le thé, on va l’embarquer avant que ça ne finisse en larme, qu’est-ce que t’en dis ? “

Un léger haut le cœur le saisit l’espace d’une seconde, mais la nausée repart aussi vite qu’elle est arrivée. Il reste juste un peu quoi, se disant que ce ne serait pas la première fois qu’une boisson de pèlerin lui retourne l’estomac. “ Pardon - t’as dis quoi ? “ Il lui semble avoir entendu la voix de dolores seulement en échos.

Dolores ne loupe pas le regard perplexe que Mako coule vers elle alors qu’elle raconte des âneries plus grosses qu’elle. Il lui faut tout le sang froid qu’elle n’a jamais eu pour ne pas lui jeter des dagues avec ses immondes petits yeux bleus. Oui bordel: elle sait que la simple idée d’elle est autre chose en compagnon que son cynisme désabusé est absurde, mais si il pouvait faire semblant d’y croire juste une seconde pour que la pilule passe, elle lui en serait très urbaine. La mercenaire est peut-être du beau sexe, elle n’a pas la moindre idée de comment tenir le role de la bonbonne, ou même de se conduire comme une femme devrait le faire. Plus vite la pilule est passée, plus vite elle se sentirait à nouveau dans son élément. Quoi que son élément puisse être, parce qu’elle ne le savait finalement pas plus que les autres.

Les voilà donc tous attablés comme une famille maudite après la messe, dont tous les membres n’ont absolument aucune envie de voir la gueule de l’autre. Dolores essaie de jeter des regards paniqués à Mako pour avoir un semblant de soutien moral, mais l’autochtone a l’air aussi perdu qu’elle, quoiqu’il a l’air d’un tantinet mieux le cacher. Déjà parce qu’il arrive à parler sans avoir l’air d’un parfait abruti, alors que la grande blonde aurait déjà perdu patience six fois si elle avait été lâchée dans cette histoire sans lui. Il prend même sur lit pour être le corbeau de cette sinistre nouvelle : Papa monty va finir la corde au cou, et les enfants ont même arrêté de jouer dans leur coin, perplexe et confus, en essayant de comprendre ce que l’indien est en train de raconter et en quoi ça va impacter leur quotidien.

“Désolée” Répète-t-elle à sa suite, comme un perroquet, essayant d’avoir plus l’air d’une humble exécutrice de la justice, qu’un cruel croque mitaine qui vient détruire des familles pour simple plaisir. C’est à dire que le sac de vinasse qui a l’air de cuver en fixant le vide, attablé avec eux en prime, n’a rien d’un ange, et les rues seront plus sûres sans un énième ivrogne qui poignarde ses pairs. Mais il a des gosses. Même les plus grosses raclures trouvent chaussures à leur pied, et une pauvre dame pour les supporter. Dolores  surprend son camarade faire la grimace, et si elle comprend le message, elle n’avait absolument pas l’intension de boire quoiqu’il lui fut offert. Tout simplement parce que l’inconfort l’empêche d’avaler quoique ce soit.

Si Mako est d’humeur a abrégé la conversation -au plus grand soulagement de la géante- sa femme ne semble pas être de cet avis, et commence a disputer les mercenaires avec des comptes rendus de sa vie difficile de matrone d’une famille nombreuse. Sortant la corde a sa ceinture machinalement, Dolores s’apprétait a saucissonné l’imbécile heureux, et si il refuse d’obtempérer, le trainer au shériff par les pieds.

“Non.” Marmonne-t-elle en relevant le criminel par le colbaque, pressée de déguerpir d’ici avant qu’on ne les invite en prime a partager la soupe. “J’vais lui expliquer ce que j’en pense de ceux qui font leur boulot à moitié.” Se promet-elle à mi-voix alors qu’elle s’emporte a nouer les mains de Monty dans le dos d’une  main experte.

“Vous avez rien bu!” S’insurge la bonne dame en lui tendant sa tasse tiède entre deux phrases pontiférés a l’autre mercenaire.

“Non merci.” Répond séchement la blonde, en espérant que ça et son physique acheve d’intimider la jeune femme. Ce qui a l,air de fonctionner vu son petit recul, mais ne la rend pas muette pour autant.

“Vous savez ce que c’est que d’avoir des enfants ici ?! Vous pensez vraiment que j’ai le choix?”
“Je pense très honnêtement qu’avec ou sans lui, ça vous changera pas grand chose.”
“Et l’argent ?!”

Excellente question.
Dolores n’a pas de réponse, alors elle grogne avec humeur. Mais c,est à ce moment qu’elle entend Mako qui lui parle, et la cacophonie entre la mère, son collègue et les petits qui commencent à tirer le jupon d’une mère affolée et qui commencent à sangloter, la géante sent sa patience qui s’amenuise.

“QUOI ?!” Aboie-t-elle, pas nécessairement contre lui, mais pour se faire entendre quand il lui a poser une question. Mais ses yeux rétrécissent une seconde en le voyant perdu, mais l’adrénaline et le besoin de se sortir d’ici l’empêche de faire 2 + 2. Monty lutte un peu quand elle le redresse, mais elle le pousse vers la sortie sans autre forme de procès. “Laisse tomber. On s’en va.”

“Madame ! S’il vous plaît !!” A peine a -t-elle passé le pas de la porte qu’elle sent quelque chose lui agripper le pantalon et -comble de l’horreur- un des gamins hoquette en s’accrochant a sa jambe avec effroi.
“Vous pouvez pas nous laisser comme ça ! Vous savez ce que c’est, pas vrai ?! Même si ce sont des connards incapables, on les aime quand même !”
“Mais lâchez-moi, bon sang!” S’insurge la grande blonde, qui pourrait probablement les repousser sans probleme, mais une femme enceinte et un enfant?! La casquette de méchante et de monstre était une qui lui allait a ravir, mais c’était un pas supplémentaire dans l’horreur qu’elle ne franchirait pas.

“Makoyepuk !” Appelle-t-elle, presque suppliante, pour qu’il l’aide a les dégager sans trop de casse. Au moins qu’il vienne chercher Monty pour qu’elle puisse au moins les saisir a deux mains pour les décrocher.
Mais c’était sans se douter du pire.

L’estomac dans les talons, la scène se joue au ralenti pour lui. Tout le monde a quitté la table tandis qu’il reste hébété devant sa tasse, le séant comme collé au banc. Il cligne des yeux et fronce les sourcils, tâchant de ranimer les muscles de son visage qu’il peine à sentir. Il n’y a définitivement pas que la tisane dans cette décoction.

“ Bon, ça suffit maintenant. “ On l’entend à peine de son poste, mauvais pater qui imite mieux l’accent des alcooliques que celui des justiciers. Personne ne bouge et la cacophonie des gamins reniflants ne s’arrête pas non plus.
“ Et merde… “ Chuchote-t-il, à présent bien au fait de sa situation. Cette sensation qui lui pique la langue et lui engourdit le cerveau lui rappelle non sans émotion le tripe qu’il avait vécu après avoir ingéré un mauvais champignon. Apisi c’était bien foutu de sa gueule ce jour-là - et oui, il y avait peut-être quelque chose de cruellement drôle dans son martyr, n’empêche que sans une purge, il aurait pu y passer.
“ Attend une seconde. “ Quand il faut, il faut : tâchant de se poser le moins de questions possible ( heureusement que son cerveau embrumé l’aide dans cette tâche ), il se penche avec la grâce d’un ivrogne et, deux doigts tremblant enfoncés dans la gueule, se déleste sous la table d’un peu du poison qu’on lui a administré.

La gorgone à la tête de la petite bande de gosse fait volte face, grimacière au possible alors qu’un bruit humide arrive jusqu’à ses écoutilles. “ Pardon. “ Articule à peine Makoyepuk pendant qu’il se relève, lui-même un peu sonné par l'audace et la rapidité de son geste. Mais pourquoi s’excuser auprès de son bureau ? Ce trop plein de politesse, le chasseur de prime le met sur le compte de la drogue ( ou n’importe quelle plante qui s’est retrouvée perdue entre deux feuilles de camomille ).
Leurs regards se croisent quelques secondes durant lesquelles un peu d’incompréhension est partagée, beaucoup de dégoût, puis, une réalisation : maintenant que cette tentative de meurtre a échoué, il est temps de passer au chose sérieuses.

Madame, l’esprit vif( quoique son plan ne témoigne pas d’un génie quelconque ) repère le couteau qu’elle a laissé sur la table, juste à côté du pain. L’apatride, quant à lui, le remarque un peu plus tard, pas tout à fait remis de ses émotions - ce petit quart de seconde suffit à donner l’avantage à l’ennemi, qui se jette presque à plat ventre pour saisir l’arme de son futur crime. Makoyepuk, alors bien incapable de bondir, se résous à épingler la petite dame en aposant ses grandes main au dessus des siennes et en appuyant le plus fort possible.
ça gesticule et ça crie fort - l’enfants encore accroché à la jambe de Dolores hoquête seulement, trop choqué pour continuer de pleurer. Frank, lui, semble sortir de sa torpeur pour attraper dans sa botte un grand schlass qui a connu bien des gorges.

“Dolores ! “ Makoyepuk retrouve sa voix entre deux remontée d’acide, et on y decerne clairement de la peur. Certes Mrs. Monty fait la moitié de son poids, mais grâce à sa tisane surprise, elle a su creuser l’écart qui la sépare de la victoire. Le couteau qu’ils tiennent tout deux volent au dessus de leur tête et tente de trancher le moindre nez qui dépasse. Dans cette dance ridicule, penchés au dessus d’une table qui leur scie le ventre, ils plantent de temps à autre la lame dans un napron.

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