Nancy ne réfléchit jamais beaucoup avant de foncer quelque part, dans la même ambiance qu’un papillon de nuit attiré par la lumière. Mais alors, il lui suffisait de voir Wyatt -qui tend la mimine vers elle, par-dessus le marché- pour que cet effet soit multiplié par 5. La blondinette traverse le campement dans la seconde pour aller embrasser bruyamment le petit sur la joue avant de saisir ses petits doigts d’une main et lui chatouiller doucement l’estomac.

“Ay baby lad !” Chantonne-t-elle en frottant son nez contre le sien, faisant virevolter tous les deux leurs cheveux blonds. “Awww! Ye so cute, could just eat ye !!” Le rire cristallin du petit achève de la faire fondre et elle jette un bref regard à Mary en riant avec lui. Elle comprend rapidement qu’elle va garder le petit une énième fois pendant que son paternel va faire ses trucs de gangsters. Elle se tord le cou et elle a juste le temps de le voir s’éloigner, l’ayant probablement raté d’une paire de secondes. Elle n’allait pas forcément s’en émouvoir -il a autre chose a foutre que de casser la croûte avec elle- et ouvrit la bouche pour discuter avec Mary, avant qu’elle ne se souvienne d’avoir vaguement entendu où il allait. Mary a juste le temps d’entendre Nancy inspiré bruyamment avant que la tornade blonde prenne ses grandes jambes à son cou pour trottiner jusqu’à son aîné.

“Ey, mate!” L’interpelle-t-elle à temps, essayant de dissimuler son enthousiasme de son mieux, mais ses petits pieds qui trépignent et ses mains qui s’agitent parlent pour elle.  “Ye going to the Vranken, right ?!” Ses dents se découvrent dans un immense sourire alors qu’elle a littéralement l’air d’être sur ressort. “Oh golly there is one awwwwesome party over there tonight! Got there last year, there is like a band, and dances, a biiiiiiiiig bonfire, aaaand… and a puppet show and it was FEEcking hilarious ! Even heard they plan some fireworks this time! What’s the mission ?! Bah, will explain on the road. Gimme just a sec, imma grab a horse !”

Des vêtements, de l’argent, de quoi manger ? Pas le temps : il était sur le point de se mettre en route, et même s' il n’avait pas eu le temps de refuser sa proposition -c’était le but- elle ne voulait pas qu’il ait à l'attendre plus que de raison. Clyde avait toujours l’air d’avoir enterré sa mère le matin même, ou alors de la chercher dans le fond d’une bouteille, et entre son désir d’être sur place et l’occasion de l’y traîner, la situation était trop belle. Qu’importe la mission, Nancy adore se rendre utile et elle est prête à n'importe quoi. Que ce soit pour cambrioler une banque ou faire exploser une mine, on lui dit de faire, et elle exécute. Les pièces et le reste ça se vole, et Nancy a assez roulé sa bosse pour savoir comment profiter de n’importe quelle festivité sans dépenser un sou. Pour  la simple et bonne raison qu’elle n’en a jamais.

Elle tient parole et une poignée de secondes plus tard, la voilà avec un canasson emprunté au gang,arrivant à sa hauteur.

“Ok let’s go !” Fit-elle avec un enthousiasme presque enfantin. “What’s the plan ?”

"Aye Aye! Me sure !" Précise Nancy, sautant sur son canasson un peu trop grand pour son petit gabarit. Meprenant la question de l'homme de main, elle tient immédiatement à le rassurer : "Dun't worry, handsome. I wun't go in yer way." Jamais de la vie Nancy oserait déranger quiconque. Si elle aurait pu échanger sa place avec celle d'une souris, elle l'aurait fait depuis longtemps. Elle n'aurait pas imaginé qu'il s'inquiète à son sujet, considérant ses soupirs comme des signes avant-coureurs d'une lassitude omniprésente. Mais elle était confiante : une bonne soirée de bringue allait lui remonter le moral. Rien de mieux qu'un feu d'artifice pour ça. Elle ouvrirait l'œil pour lui trouver une potentielle jolie fille pas trop farouche aussi. Une dont le mari essaiera pas de le tuer si possible. La petite blonde est sûre d'elle. Enfin… pas vraiment. Mais elle sait que ça ne tue personne de tenter. Au pire, il aurait une excuse pour vider des verres. Pas qu'il en avait besoin d'une, mais la culpabilité en moins.

N'importe quoi pour redonner un tantinet le sourire a son bienfaiteur. Parce que Nancy oserait pas l'appeler son ami. Les cafards n'ont pas d'amis.


A distance respectable pour ne pas trop lui tirer sur les nerfs, retenant son envie omniprésente de siffloter sur le chemin. Mise a part quelques mondanités échangés sur leurs connaissances communes, surtout Meredith dont elle ne se lassait pas de parler, Nancy peut se vanter d'avoir été sage et calme. Pas vraiment une cavalière de talent -c'est un sport de riche- elle réussit néanmoins à le suivre sans problème, et quand ils arrivent à bon port, elle ouvre grandes ses esgourdes une fois que ses pieds ont touché le sol.
Et il n'a rien à dire. Mais Nancy n'y prend aucun ombrage, répond à son silence avec un grand sourire et un hochement de tête entendu. Elle saisit la bride et promets d'un regard de rester dans son coin et de garder le canasson. Même si elle aurait aimé faire plus, elle ne se fait aucune illusion. Elle ne saurait pas se servir d'une arme pour sauver sa vie -faudrait déjà qu'elle ait envie de la sauver- et aussi menaçante qu'un chaton de 3 jours. Il n'y a rien a faire pour elle ici, si ce n'est donner un coup de poignard à sa crédibilité de rentier. Elle regarde Clyde disparaître vers la cabane en grattant le museau de son cheval, pas totalement certaine de la suite des choses. Nancy n’est jamais sûre de rien. Mais c’est en grande partie ce qui la garde toujours en vie.

TW : Deuil, mort, apathie

Ses vieux doigts usés perclus de petites coupures déroulent le fil à pêche, avec la force de l’habitude. Le mouvement est agile, bien que peu gracieux, mais l’intention n’est plus là. Mickael Barrow sent le poids des années sur ses épaules noués dans sa position rabougrie. Celle qui laisse apparaître la vieille graisse autour de lui, lui collant avec la même sensation désagréable d’un costume mal taillé. Sa moustache est encore pleine de gruau et de bière, il n’a plus de femmes pour le disputer sur sa mauvaise allure depuis très longtemps. Son visage est creusé par la vie et les soucis qu’il ne compte plus. Il n’a plus l’énergie de sa jeunesse à s'inquiéter, chercher des solutions avec frénésie. Même pas une dizaine d’années, il avait retourné toute la région pour aller chercher un médecin pour Irène : il n’avait gagné que des cheveux blancs. Sa jeunesse est morte avec elle, et leur fils lui avait collé des cernes à n’en plus finir. Entre les taxes, les quolibets de bonnes femmes qui ont ruiné sa réputation et celle de son fils, le prêtre qui lui colle au cul comme une mouche sur celui d’un cheval, et les trois pennies qui se disputent dans sa poche, Michael attend la suite comme un prisonnier à l’échafaud. La belle époque où il pouvait encore prétendre sortir au village pour prendre un verre au saloon est loin derrière lui : la vieille Milly allait lui foutre du plomb dans la tête s’il osait s’approcher pour creuser son ardoise.
Quelque part, il sait. Il sait qu’il devrait se battre un minimum pour le futur de Christof. Mais l’odeur pestilentielle du poisson avait désormais une fragrance âcre : celle de l’abattement.

Quand on toque à la porte une visite qu’il n’attend pas. Son corps est trop épuisé pour sursauter. Et pourtant, son invité est un satané oiseau de malheur.
Bordel. Il avait oublié ça.

“Oï aye.” Soupire le cinquantenaire qui a pourtant toutes les qualités d’un vieillard décharné. Barrow aimerait se lever, mais ses genoux ne coopèrent pas. Comme si ce simple geste allait le briser en 2. Il se masse la nuque avec un grognement. “Yeah, I know why you’re here…” Son attitude ne laisse pas vraiment de place au suspense. Il n’a pas ce que King est venu demander. Et si il sait pertinemment qu’il devrait accordé sa mandoline pour lui jouer la meilleure sérénade que l’ouest ait jamais entendu, pour espérer attiser un semblant de pitié de la part du faucheur de thune, il lâche à peine son ouvrage pour laisser retomber lourdement ses mains sur ses genoux.
“Errrr…” Il soupire, lâche un rot bruyant et involontaire au passage et ne s’excuse pas. Il ne sait meme pas si il le ferrait devant la femme du président à cet instant présent. “Wanna beer ?”

Ce qu’il ignore, c’est que Christof est revenu de sa course.
Et que contrairement à lui, il a encore la rage de sa jeunesse.

Il serait facile d’imaginer que, absorbée par la colonie de fourmis qui fait gaiement son chemin non loin du coin ou elle s’est assise au milieu des chevaux, Nancy n’est pas attentive à son environnement. Mais personne ne survit aussi longtemps dans la rue sans un sens de l’observation aiguisé. La blonde ne connaissait ni les nuits profondes, ni le sentiment de paix, mais elle avait la hargne et l’intelligence de ceux qui ne dorment jamais. Sourcil levé et yeux plissés, elle observe le jeune homme qui arrive de l’autre côté, décale sagement un des deux chevaux hors de son champ de vision. Il ne doit pas savoir que Clyde est accompagné. Peu lui importe d’être une cible, mais le gangster ne serait pas de cet avis. En revanche, lui -doit- savoir qu’il y a du renfort non loin. Et la démarche maladroite du type a peine plus jeune qu’elle ne l’empêche pas de voir qu’il est armé. Il sait probablement aussi bien tirer que pisser debout, mais il a l’avantage de la surprise.

Mais ça c’était avant que, bien dissimulée dans les fourrées, Nancy fait claquer sa main sur la croupe du cheval encore en vue. Ce dernier se plaint d’un hennissement outré, qui fait sursauté le gamin mal fagoté comme un chaton après un éternuement.
Machouillant sa lèvre inférieure, la pauvresse espère que ça suffira pour faire passer le message.

Oh il sait qu'il n'y a rien de personnel dans cette histoire. Barrow sait qu’il a signé ce contrat avec les O’Reilly avec son sang -façon de parler vu sa misérable écriture. Il sait qu’il est foutu, et que quoiqu’il se passe, son prochain rayon de soleil sera au choix inexistant ou cruellement froid. Debout et dodelinant un peu bizarrement pour aller chercher une bière, il se souvient a mi chemin qu’il en a plus. Embarrassant certes, mais rendu à un tel point, est-ce que ce détail compte ? Son invité indésirable n’avait pas spécialement l’air assoiffé, a en juger son haleine.

C’est le son des sabots qui provoque des sueurs froides sur la figure ronde du pêcheur. Déjà péniblement humide par l’atmosphère, Mickael est extrêmement mal à l’aise, empaté et comme réveillé après une pénible sieste sans repos. Comme s' il venait de se souvenir qu’il avait un fils. Et que ce fils était dans une sacrée merde.

“He…”

Le cinquantenaire a la calvitie bien entamée n’est pas un excellent orateur, mais il ne sait même pas quoi dire. Il ne sait même pas ce qui est en train de se passer. Il n’avait pas briefé son fils sur cette situation, il ignorait même s' il lui avait dit qu’il avait décidé d'emprunter de l’argent. Mais il était tellement criblé de dettes qu’il ne savait même plus laquelle il avait comblé avec. Il avait été incapable d’être un bon mari, un homme décent, et maintenant un bon père. Non seulement Christof va s’en apercevoir, quoiqu’il doit bien s’en douter, mais en plus ça risque de lui coûter cher. Dans sa bêtise, Mickael n’était pas fou au point de ne pas savoir que si il trouait la peau d’un O’Reilly, cela ne résoudrait aucun problème. Et aussi parce qu’il n’est pas un assassin. Barrow admettait volontiers qu’il était un raté perclu de tous les maux de l’univers, mais jamais de sa vie il ne s’est battu. Même rond comme une queue de pelle. Même quand son chiard lui avait donné des migraines épouvantables. Alors tuer…

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“EH!”

Le flingue dans la main tremblante du jeune homme ne tenait déjà que par l’opération du saint esprit. Mais le sursaut provoqué rend la poignée tellement fébrile que Nancy n’eut qu'à récupérer l’arme entre ses doigts sans aucun problème. La scène est presque risible. Les deux aussi maigrichons et frêles l’un que l’autre, presque des frères et soeurs d’un autre vie, mais Christof est encore un gamin materné pathétiquement par un homme qui ne fait que le protéger de la réalité. Nancy, elle, est cruellement familière avec. Assez pour se douter ce qui va se passer s' il entre paniqué et armé dans une masure de pêcheur. Impossible de savoir qui aurait fini blessé ou mort, mais ça aurait fini en catastrophe.

L’arme est jetée dans une mare a deux mètres, comme si c’était une bouteille de whiskey vide.

“We dunt need that. ‘Key ? ”

Le pauvre type hoche la tête. Honnêtement il pourrait attaquer la jeune femme sans probleme, mais ça ne lui traverse pas l’esprit. Ses yeux sont aussi tremblant que son menton. Il n’a visiblement aucune idée de quoi faire et elle est persuadée qu’il va se mettre a pleurer si il ouvre la bouche.

“Ye’re just going in, and nothin’ bad will happen.”
“You… are not going ?”
“Nah-”
Elle ne dit pas pourquoi. Elle n e sait pas pourquoi si ce n’est que Clyde a dit “reste ici” alors elle reste ici.

Elle pose sa main sur son épaule pour le forcer -gentiment mais sûrement- à passer la porte pour qu’il soit bien sage. Elle n’a pas la moindre idée de ce qui se passe à l'intérieur, mais elle fait confiance à Clyde. Ça ne peut pas si mal se passer. Les trois hommes peuvent voir Nancy gentiment refermer la porte derrière lui, les laisser parler affaire. Chaque chose a sa place. C’est tout juste si elle leur souhaite pas de bien s’amuser au passage.

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Christof a bien ramené un peu d’argent. 2 Dollars sur la vente de poisson qu’il a livré ce matin. Mickael lui demande doucement de les montrer à l'invité, le regard fuyant. Le gamin comprend rapidement ce qui se passe, et il est aussi perplexe qu’affligé.

“That’s… all we got.” Fais le maigrichon en tendant le change avec le poignet qui tremble. “How much do we own ?” Il s'intègre à l’équation tout seul, vu que son père n’est pas assez courageux pour l’avoir fait. Et parce qu’il est malgré lui dans le même bateau. “What can I do ?”

“You don’t have to…” Commence son père.

“What. Can I. Do ?” insiste le plus jeune en coupant son père, se surprenant d’être furieux malgré lui. Mickael baisse le regard, honteux, et ne sachant pas quoi dire de plus. Laissant Clyde décidait de son destin avec le même accablement de quand il a affronté le monde depuis la mort de sa femme.

La blonde lève enfin le nez de la ronde des fourmis, en grattant le museau d’un des chevaux avec une de ses mains, quand Clyde finit par sortir de la bicoque. Elle voit vaguement l’air défait des deux hommes à l'intérieur, mais tout le monde est en vie. Personne est à terre, personne n'est à l'affût, et la porte est fermée sans que personne ne sorte un couteau dans le dos de l’écossais. C’était pas vraiment chose acquise il y a moins de 10 minutes, alors l’irlandaise est ravie. Elle est bien la seule à l'être.

“Came to fetch the horsie I scared away.” Fit-elle en montrant le cheval du jeune homme dont elle a claqué la croupe sans son consentement. Le pauvre canasson est encore chafouin, son sabot labourant la terre alors qu’il se désaltère, mais au moins la bêtise a été réparée. “Ye good ?” Demande-t-elle en le fixant un bref instant, cherchant à repérer la moindre égratignure sur le visage de son bienfaiteur.
“Aye, you look as handsome as ever!” Confirme la jeune femme en lui cognant gentiment l’épaule avec son petit poing qui ne lui ferrait jamais mal, même si d’aventure elle essaye.

“Ye still up to party tonight ? We may even be on time for the puppet show!”

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Ils ont raté les marionnettes.
Mais ils étaient dans les temps pour la première tournée générale. Et finalement c’était le plus important.
Nancy entame sa deuxième pinte, payée par un billet qu’elle n’a absolument pas chipé. Un coup dans le nez et déjà ça ne surveille plus la monnaie sur la table, c’est presque comme si le vol était supplié. Il ne lui faut pas beaucoup de temps pour que ses épaules commencent à bouger au rythme des guitares et des fiddles.
La scène ne paye pas de mine : quelques planches de bois déposées à même la terre meuble, renforcées par quelques clous. Mais à bien y regarder, tout est fait a coup de trois bouts de cordes et un peu d’huile de coup. De la buvette aux jolis lampions qui ballottent piteusement sous un léger vent. Personne n’y fait attention, mais toute l’assemblée semble juste faite de pauvres gens qui ont juste envie de s’amuser sans prétention. Les marionnettes, qui ont parfaitement rempli leur rôle dans le petit théâtre miniature aux rideaux désormais fermés, sont maintenant en train de prétendre picoler pour faire amuser la galerie. Les rires gras résonnent dans l’air alors que les rares gosses encore présents -ceux qui ont négocié à qui mieux mieux pour ne pas aller au lit tout de suite- commencent à taper des clous avec leurs têtes.

Nancy, elle, repose bruyamment sa pinte sur une table en bois. La moitié a été englouti en quatre gorgées a peine, prouvant que malgré son gabarit riquiqui, la jeune femme a une bonne descente quand elle n’est pas en train de courir après une pitance.

“Shite, I was fecking thirsty.” Ricane Nancy dont les joues commencent à doucement rosir et le rire encore plus sonore -couinement de cochons compris. Elle s’essuie la mousse au coin des lèvres d’un revers de manche, avant de regarder son compagnon de soirée avec le regard qui brille. Les fêtes les plus misérables sont souvent ses préférées. Celle où tout le monde oubliera tout demain et les gens sont tellement contents de s’amuser un peu qu’on oublie d’être méchant avec elle. Cleveland en personne pourrait ramener son cul de riche ici, il serait pas plus ou moins bien traité. Tant qu’il essaie pas de cogner quelqu’un.
“Told ye it was worth a shot !” Fait-elle à Clyde sans savoir s' il est heureux ou pas d’être là. De la bière et de la musique, il n'y avait rien à détester ici. Normalement. L'énorme feu de camp est même là pour réchauffé les coeurs.
Et si Nancy sait quelque chose, c'est que l'écossais en a cruellement besoin.

Son acolyte montre un enthousiasme tiède, mais Nancy de s’en offusque pas. Elle savait que le gunsingler n’était pas le plus en foire des larrons. Ça ne l’empêche pas de se dire qu’elle va essayer de lui offrir une soirée relativement convenable, histoire qu’il oublie ce qui peut lui peser. Même un semblant de seconde. Elle le voit lorgner sur les différentes opporunités que lui offre la fête bon enfant, mais n’imagine pas une seule seconde que toutes les idées la concerne dans l’immédiat.

En train de regarder les danseurs qui commencent à s’amuser, battant la musiques avec les mains de son côté avec d’autres spectateurs. Quand Clyde se penche vers elle, elle le salue d’un bref “Hmm ?” Presque chantant. Juste avant d’éclater d’un rire bienveillant a sa derniere réflexion.

“Why ye talkin’ like yer my grandad?!” Fit-elle amusée, en le désignant d’un geste de la main. “Yer fine as hell, let being an old fuck to the old fucks, will ye ?”

Mais Nancy ne se fait pas prier : aller danser la démange depuis qu’a proposé d’aller à cette fête. Seulement, la blonde lui saisit la main qui n’est pas en train de terminer sa bière, déjà sautant sur ses pieds pour le tirer gentiment hors de la buvette. “But aye, gimme the first dance alright ?” Demande-t-elle, espérant que ça le motive à se débrider un peu, outre l’envie plus égoïste qu’elle a enterré profondément. “And after that… what about we find ye a nice lass right ? A pretteh one ! A good dancer! With a nice voice. Surely that would be fun eh ?” Surely, that would made ye smile eh ?

“We can find a nice one while we doing a jig ! C’mon handsome!” Conclue-t-elle en le tirant bon gré mal gré vers la piste, bien décidé a le forcer a prendre du bon temps.

“Aye, only one !” Acquiesce-t-elle docilement, sachant bien qu’elle abusait grandement de sa gentillesse. Mais elle ne relève absolument pas la dernière partie, si ce n’est qu’elle a un bref sourire entendu. Nancy n’est pas très maligne mais pas née de la dernière pluie non plus. Clyde reste un homme et après quelques bières et un jolie sourire d’une inconnue, elle sait très bien que “the only lass” aura changée. Mais elle n’y prend pas ombrage, au contraire. Il faut bien qu’il s’amuse !

Le duo improbable reçoit des œillades amusées, mais Nancy s’en moque. Elle ricane avec lui, suit le rythme improvisé de leur danse maladroite comme si c’était la seule façon de danser. Mais à sa surprise, elle s'attendait à un râleur bougonnant qui tolère trois pas avant de retourner à la boisson. Pas à ce que Clyde semble s’appliquer et s’éterniser sur le rythme avec elle. L’irlandaise est ravie, découvrant son plus beau sourire pour récompenser sa bonté de passer un brin de temps avec son gentil boulet de compagnie. Bien qu’elle pourrait jurer, bizarrement, qu’il a l’air de s’amuser autant qu’elle.

Sans être parfait -et tant mieux, Nancy déteste la perfection, ça la met mal à l'aise- les deux européens finissent par trouvé un rythme qui semble leur convenir. Même si il semble avoir sa propre volonté au milieu des jig des autres habitués. Nancy pourrait se prendre une balle dans la jambe a cet instant précis, et elle resterait amplement contente.
Elle secoue la tête sans rien dire à son excuse. C’était elle qui s’était imposée au milieu de ses affaires, pour cette danse précise à vrai dire. Déjà elle n’avait rien à dire des différentes actions du gang, surtout quand elle était hébergée par eux, et maintenant qu'elle était là, elle aurait lavé 4 écuries pour le même résultat sans broncher.
Bien sûr, elle n’était pas sans ignorer qu’elle avait assisté à une scène absolument effroyable pour une famille. Mais si Nancy se mettait à pleurer pour tous les endettés et les malchanceux de l’ouest, elle serait une mue de serpent séchant sous le soleil du désert. Et elle aurait pas fini de pleurer sur son propre sort. Tout le monde était en vie, c’était la meilleure chose qui aurait pu se passer aujourd’hui.

La blonde cligne soudainement des yeux, une expression sincèrement surprise sur son petit visage clairsemé de petites tâches de rousseur discrètes. “Eh ? Err..” Un petit rire confus lui échappe avant qu’elle ne lâche la plus stricte vérité “Dunno… never thought about it.”
Nancy n’avait guère de luxe dans sa vie, et s’échapper dans sa tête en était un trop gros quand même une nuit de sommeil est souvent trop demandée.
Pourtant, au lieu de jeter cette question aux oubliettes, Nancy se surprend a y réfléchir. Comme si la sincére curiosité de son partenaire de danse la rend incapable de lui dire que c’est une question de merde. Presque flattée que pour une fois, on semble s’intéresser a ce qu’il y a dans sa tête.
“I… guess I would still be dancing. With me ol’ friends, back there in South Boston. We could always hear the sailors singin’ at the port.” Nancy n’a pas repensé a Boston depuis elle ignore combien d’années. Maintenant c’est comme si l’air iodé lui emplissait les poumons. “Maybee… I’ll have a normal job, a small room som’where. A family even.”
Et la bulle est brisée quand elle ricane à ces dernières réflexions. Toutes cruellement simples, mais parfaitement hors de portée. Impossible de savoir si l’idée d’être une épouse américaine moyenne la fait rire, ou si elle est gênée d’avoir même laissé ces pensées ridicules franchir ses lèvres.

Elle releva ses yeux verts dans ceux de Clyde, aussi clair que d’habitude. Peut-être un peu plus brillant sous les lampions ce soir.

“Ye were in Scotland once, aye ?” Une pensée l’effleure que si, elle lui demande par mégarde la même chose, son esprit aussi sera ailleurs. Et probablement dans des endroits remplis de regrets. “Can ye tell me ‘bout it ?”  
Nancy ne connait rien a l’Europe, rien à l'irlande qui coule dans ses veines. L’Écosse non plus, bien évidemment. Et à vrai dire, elle n’avait jamais pensé à poser cette question. Leurs pays auraient pu se trouver sur la lune, ils auraient été pas moins accessibles pour elle.
Sauf pour lui. Et si ça le concerne, Nancy aimerait bien savoir.

"Cold weather, warm people…" résume Nancy avec les yeux verts qui brillent pendant que son cavalier lui décrit son pays natal avec une tendresse dans la voix que personne ne saurait ignorer. "Aye. Lili would love it. Reading her book while rain is falling outside." Elle hoche la tête, imaginant sans peine une de ses seules amies dans son environnement rêvé. Oui, Allison adorerait l'Ecosse, bien plus que ce coin perdu dans le désert.

Nancy ricane à la taquinerie, sans savoir vraiment quoi y répondre. Elle ne sait pas non plus quoi dire quand il lui annonce qu'elle adorerait l'Ecosse. Elle découvre ses dents, persuadée qu'en effet, elle aimerait probablement cette étrange contrée lointaine dont elle ne connait quasi rien. Mais ce n'est qu'un souhait qu'elle n'ose pas formuler. Aussi étrange que de se réveiller soudainement dans un château, une couronne en or sur la tête. Elle avait beau savoir courir longtemps et vite, elle ne pouvait pas traverser les océans. Et personne ne l'amènerait en Écosse. Pas même Clyde.

"Eh." Fit Nancy en clignant des yeux, décidément prise de cours une énième fois avec une nouvelle question qu'elle ne s'était jamais posée. Être irlandaise c'était juste une partie d'elle-même. Comme être blonde, stupide et laide. C'était difficile de s'imaginer que d'être tout ça, il y a avait un pays entier. Il y avait l'Irlande.
Elle s'apprêtait à répondre positivement, bien que perplexe, avant qu'il ne lui demande d'où viennent ses géniteurs. "Dunno" fit elle avec un sourire et un haussement d'épaule. "Never meet 'em. Ain't no idea where they from." Elle pouffe un peu "Prolly not Dublin for sure." Assume-t-elle, se disant que si les femmes sur place sont toutes magnifiques, sa propre mère ne devait sûrement pas venir de là bas. Quoique. Peut être qu'elle fut en effet magnifique, peut être même qu'elle l'est toujours. Et qu'en voyant l'immondice que le seigneur lui a imposé en guise de bébé, elle a préféré s'en débarrasser. Nancy n'en sait rien, et elle préfère ne pas se poser la question. Aucune réponse ne pouvait jamais convenir quand un enfant grandit sans parents.

"I think me would like to see it." Fit-elle cependant, essayant d'imaginer les plaines verdoyantes avec les exemples qu'elle a pu voir pendant ses voyages à travers du pays. "That means… we're kind of neighbors, he?" Rit-elle bêtement avec quelques reniflements de cochons.
Nancy, peut être trop à l'aise, profite du reste de la danse pour déposer sa tête sur son épaule, comme épuisée par la journée. Ou étrangement détendue. Elle ne sait pas vraiment.
"I hope ye'll go back there and see it again. Maybee with the ween and Lili, so they all can see what ye miss so much. Sounds like the greatest place to be."

Elle n'est pas invitée. Malgré la porte grande ouverte chez Allison, Nancy n'est pas une King.
Nancy n'est pas grand chose, si ce n'est une des nombreuses aberrations sans famille, passé ou futur, qui peuplent un pays où tout le monde a accouru, pour se perdre sur le chemin. Parfois tolérée, rarement acceptée, chez elle nulle part.

Sauf peut-être en Irlande? Mais pas a Dublin.

Étrangement trop à l'aise pour être surprise, bercée par la main qui caresse gentiment son dos, Nancy obéit, et laisse ses yeux se fermer.

La joue toujours posée sur son épaule, la jeune femme écoute avec grande attention l’écossais décrire avec un luxe de détail, son pays natal. Pendant un instant coupé du monde, elle peut sentir la braise du foyer qui rougit, ou sont tapis de terrifiants monstres. Elle peut entendre le chien de la famille aboyé comme un beau diable. Sur le toit les gouttes de pluie se fracassent alors que le parquet grince sous les pas de danses, certains plus gracieux que d’autres. Pendant un instant, ce n’est pas seulement la silhouette de Clyde contre elle qui la réchauffe, et il lui semblerait presque être sur les fauteuils à entendre la vieille dame rire et tirer l’oreille du sacripant qui ne sait ni chanter ni danser correctement. Nancy ricane avec lui, comme prise dans l'étreinte de la scène. Elle s'imagine presque sur un des vieux fauteuils, comme une partie du décor. L'espace d'une seconde, dans les mots de son cavalier, elle a eu une maison qui l'a vu grandir. Le goût jusqu’alors inconnu de la nostalgie. Et curieusement, ça lui fait immensément plaisir. Un cadeau bien plus précieux qu’un bout de tente ou un plat chaud.

“I can ‘ear her too !” Fit-elle en riant toujours, quitte à passer pour une illuminée. Bien qu’il devait déjà la croire à moitié sur le fil de la folie. “She sounds so gas ! A grand lady she was !” Sa tête encore reposée sur son épaule. “Did she taught ye songs ? I learned lots of ‘em when I was a wee kid. From the dock boys from the south side.” Laisse-t-elle échapper, comme si les pas de danses invitent naturellement à la confidence.  “Made a feckin’ ruckus on Paddy’s Day. But I liked it ?  Felt like … I dunno. Never knew the ol’ word but they did. So it’s like we all b’long from somewhere.”

Elle laisse échapper un soupir d’aise en serrant sa main en retour, naturellement, comme si c’était parfaitement normal. “Would love to see it one day.” Se laisse-t-elle aller à son tabou ultime : l’espoir. Le rêve. Ce qu’elle ne se permettait jamais d’habitude, et ce dont elle ne se permettra probablement plus jamais.

La musique change pour quelque chose de moins intimiste, et comme on se réveille d’une sieste, elle relève la tête pour afficher un large sourire. Passant ses petits bras autour de sa taille, elle se serre contre lui avec reconnaissance. “Thanks for dancing with me. I had fun !”

Pour être honnête, non Nancy n'y réfléchi pas. Elle envie son cavalier pour cette capacité, a projeter, essayer de dépasser sa condition. Mais après avoir lever le nez de son ragoût, elle comprend vite qu'il ne lui parlait pas vraiment. Et elle n'y prend pas ombrage, qui peut savoir vraiment ce qui peut lui passer par la tête.

“ ‘think there is one?” Demande-t-elle pourtant. Le presbytère a essayé de lui faire avaler cette conception sans vraiment y arriver. Nancy se sait condamnée, mais elle ne pense pas que Dieu est grand chose à voir la dedans. Ce serait se donner bien trop d'importance. Elle est curieuse de savoir ce que Clyde peut penser cependant.

“I dunno what's beyond. And I dun’t think it matter.” Fit elle en soulevant une épaule, mangeant son ragoût sans grâce ou retenue : quand on est pas certain de quand est son prochain repas, inutile de lever le petit doigt. “If you wanna see it, ye just have to go and check. If there is somethin’ blocking ye… well you just have to find another way out. But ye won't know if it's not in the grand design if ye never give it a shot.”

Nancy se sert de son whisky généreusement offert, pour faire descendre la viande joyeusement mâchée, et tapote gentiment le bras de son bienfaiteur. “I think what ye should ask is, if ye want to give it a shot.” Elle lui sourit, faisant briller son regard clair sous les lampions, ayant l'air d'une jeune femme comme les autres pour juste un instant, malgré le jus de viande qu'elle essuie promptement avec sa manche. “Whenever ye ready, cowboy.” Conclue-t-elle. Difficile de savoir si elle parle de retourner au campement… ou autre chose.