Son apparition aux célébrations du solstice n’avait pas été aussi fructueuse que le Serpent l’avait espéré. Le calme et l’introversion de Lizzie n’avait pas attiré les foules et elle n’avait pas véritablement incarné la présence magnétique que le gang aurait pu attendre d’elle. La brune pouvait presque entendre Pénélope soupirer devant sa performance. Certes, elle n’avait pas à en rougir, mais le tissu social complexe de Silverstone l’avait très certainement prise de cours. L’espionne en elle n’avait pu s’empêcher de passivement observer l’agitation, plutôt que d’y prendre une part active. La soirée n’avait pas été une perte de temps absolue. Leonora avait pu identifier le cercle de proches qui gravitait autour des Rosenbach. Il y avait le docteur Maharaj, avec lequel elle entretenait déjà des rapports de patiente à médecin. Cela n’était évidemment pas suffisant pour lui permettre de pousser la famille du maire à considérer sérieusement l’identité sous laquelle Cole apparaîtrait comme un prétendant pour l’une de leurs filles. Non, l’arnaqueuse devait atteindre ces dernières, ainsi que leur mère. Pour ce faire, il lui fallait se faire connaître de ceux qui s’asseyaient à leur table. Cela incluait Donald Chevalier. Le géologue ne lui avait pas laissé la plus vive des impressions lors des évènements du solstice. Il lui semblait être un véritable simplet, pour tout ce qui ne touchait pas à sa profession. Pour elle, c’était du pain béni. Il aurait peu de chance de lui prêter des intentions peu louables, ce qui lui permettrait d’arriver à ses fins sans encombre. 

La femme s’était donc présentée à la demeure de l’employé des Rosenbach, décidée à s’introduire convenablement et à feindre un intérêt soudain pour l’étal géologique qu’il y entretenait. Une fois en sa présence, ce dernier parut plutôt surpris. Il était vrai que ce n’était pas la plus délicate des matières que de se manifester sans invitation. Après avoir énoncé son identité, enfin, celle d’Elizabeth, elle s’inquiéta grandement de l’importuner et lui offrit de reconduire sa visite. Le français la rassura et se lança dans un tour rapide de sa collection. Heureusement pour elle, il ne suffisait que de quelques acquiescements volontaires pour qu’il poursuive son discours sans chercher plus d’intérêt de sa part. Donald lui indiqua ensuite qu’il s’apprêtait à quitter les lieux et lui offrit sa compagnie. L’empoisonneuse songea immédiatement qu’il tentait de lui dissimuler un objet de valeur avant qu’elle ne le remarque. Puis, elle réalisa qu’une telle pensée ne traversait probablement jamais l’esprit d’une personne aussi aisée. Leonora accepta donc son offre, déambulant à ses côtés, et saisissant finalement l’occasion d’entrer dans une conversation ne consistant pas uniquement de banalités, quoique, ou de propos caillouteux. « La vie à Silverstone vous sied-elle ? Je dois admettre que je ne fréquente la ville que depuis peu, c’est insuffisant pour former une quelconque opinion digne de ce nom. » Des mondanités, évidemment, aucun échange de substance, mais un échange tout de même, qui pourrait la mener aux informations qu’elle recherchait véritablement. En particulier tout ce qui impliquait le nom des Rosenbach.