“Moïshe, I … think I'm gonna go.” L’homme de main, une fille sur la cuisse et une autre à son bras, soupire en regardant sa patronne avant de tapoter les séants des jeunes femmes pour qu’elles le libèrent de leur étreinte tarifée. “Oh no, don’t bother, I’m going on my own.”

Penny regardait l’assemblée du saloon, sirotant son verre en silence dissimulée sous son immense capuche. Suite à leur petite excursion du soir pour aller menacer en toute discrétion un énième vendeur a la petite semelle de ne pas marcher sur leurs plates bandes, elle et son homme de main -un petit comité discret- étaient convenus de rester ici pour surveiller un autre de leur rival.
Sauf que le rival voilà bien une bonne heure qu’il ronflait ivre mort le nez contre la table en bois, et sa pinte fut même reversée sur lui. Par détermination - ou desespoir- Penelope était restée, persuadée que c’était une ruse pour leur fausaser compagnie ou échapper à leur surveillance. Mais la jeune femme dut se faire une raison : elle sur estimait grandement le bandit qui s’était tout simplement évanoui apres s’est fait explosé le foi à coup de bière. Et l’ambiance devenait de moins en moins supportable pour elle. C’était bien simple : elle devait être une des rares dames qui n’était pas sur place pour vendre ses charmes, et le reste de l’assemblée était rempli de sacs à vinasse qui hurlaient et rigolaient. La jeune blonde devient sujette à une immense migraine, et si Moïshe gardait à distances les mains baladeuses, elle n’avait pas l’ombre d’une envie de rester sur place.

Moïshe se lève néanmoins, perplexe, et tous les deux vont un peu à l'écart histoire de pouvoir au moins s’entendre au milieu de la cacophonie ambiante.
“Boss is going to rip me a new one if I let you go alone.”
“Then let’s just not tell him shall we ? It’s very late, I'll just be on my horse and go straight to the camp. Nothing will happen to me.”
L’intéressé croise les bras, secouant la tête avec désapprobation, mais Penelope avait décidé de ne pas en démordre. “You really need an evening off, and you are having fun! Plus I must confess : I would really enjoy some solitude on my way out.”
Il était vrai que Penny n’était pas sotte au point de ne pas savoir qu’elle n’était pas la cible rêvée. Mais ce soir elle avait laissé ses jolies robes et ses bijoux au placard, pour quelque chose de plus décontracté et passe partout. Et si il était vrai qu’elle avait souvent pleurniché pour qu’on lui offre une escorte, ce soir elle était fatiguée de la compagnie d’autrui, et surtout masculine, et voulait juste s’offrir une petite balade en cheval avant de rentrer au campement et s’endormir comme une masse.
Moïshe réfléchit : obéir au patron était sa raison de vivre, mais Penny était impossible à raisonner d’une, et pour ainsi dire, il s’amusait bien ici et n’avait aucune envie de rentrer. Bien sûr il pouvait faire l’aller retour, mais il était fort probable que le temps de revenir, tout le monde serait malade et la fête qui bat de son plein toucherait à sa fin.

“You swear you’ll be on your horse and straight to campement.”
“You have my word! Thank you my friend, I’ll be sure our secret will be kept!” Elle s’empresse de lui serrer chaleureusement les mains et prend congé avant qu’il ne change d’avis, retirant sa capuche sur le chemin de la sortie sans remarquer les quelques regards que le geste peut attirer.

Mais dehors, Miss Penny donne déjà un coup de canif au contrat. En effet, elle prend son cheval, lui flatte doucement le museau avant de se mettre en marche vers le campement… mais elle ne monte pas dessus. Respirant à plein poumon l’air frais, délaissant l’agitation pour l’air paisible de la nuit. Évitant de regarder de trop près la misère d’Imogen autour d’elle, Penelope tient son cheval par la bride direction la sortie de la ville. D’humeur pour une petite marche nocturne, elle s’enfonce dans le brouillard de la campagne. Le nez en l’air pour observer le silence autour d’elle, complètement insouciante aux pas qui la suivent.

TW : Alcoolisme, baiser non consenti, terreur d'être attaquée.

Les erreurs sautent souvent à la gorge avec une cruauté non dissimulée, es couteaux dehors, les griffes dans la nuque, les hurlement dans le noir. Mais l’esprit profitant d’un silence récupérateur, seule avec son canasson, Penelope semble à milles lieux de pensées pareilles. Et même elle, n’aurait pas imaginé que l’horreur puisse avoir l’amour en guise d'étendard. Pas outre les romans dans lesquels elle se confinait.
Elle ne se retourne pas à l'exclamation, le ton laisse peu de place au taux d’alcoolémie, et elle décide de faire fi du désespoir qui s’écoule à chacune des quatres lettres prononcées. Les soulards qui hurlent dans le vent sont malheureusement monnaie courante à Imogen. Perchée sur son petit trône de mensonges bien rodée, Penelope, même en pleine nuit, s’imagine fierement intouchable, avant qu’elle est saisit sans ménagement, et avant que le hurlement ne quitte sa gorge, elle sente des lèvres sur les siennes.

La surprise et la panique se mélangent avec un chaos total, résultant a une complète sidération de la jeune femme. Les mains dans les airs, stoppées à mi-chemin au milieu d’un mouvement dont elle ignorait le but et la finalité, tous les sens en alerte, il lui semble être dans un immonde cauchemar qui empeste la drogue et l’alcool. Mais au fond de ce cauchemar, ce baiser qui suinte d’émotions brutes. Quelque chose d’affreux et de cruel. Très peu expérimentée dans l’art du baiser, elle est dépossédée de ses moyens, et quand même bien personne ne l’a, et probablement ne va, jamais la saisir avec autant d’émotion, elle échoue à ressentir de la moindre empathie pour le chagrin omniprésent de la pauvre âme qui lui a sauté dessus. Les seuls sentiments qui lui prennent la gorge, ce sont l'humiliation et la crainte.

“Oh no!” S’insurge-t-elle avec un outrage presque comique à l'appellation dont elle est une nouvelle fois l’étrange victime. “Not again!!” Alice semblait hanter bien des hommes au sein d’Imogen, et Penelope n’appréciait certainement pas être poursuivit par le spectre d’une pauvre femme dont elle ne connaissait ni les tenants ni les aboutissants. D’abord J'aime et maintenant lui… Ou qu’elle soit, Alice devait détester le misérable défilé d’assoiffés qui cherchaient son visage comme des chérubins cherchent leur mère.

Sa langue s’agite, mais ses membres sont encore pris dans les étreintes du choc, et le second baiser s’abat sur elle comme un coup d’épée, alors qu’il ose passer ses doigts dans ses cheveux -ses cheveux magnifiques de la blondeur des anges!
Les larmes dans les yeux de son assaillants fendillent certes son cœur, mais uniquement de terreur : les hommes sont des bêtes, et celui la n’a plus rien à perdre. Il la terrorise bien plus que tous les bandits qui pourraient agiter un couteau devant elle. Ils veulent tous des bijoux, de l’argent, ou lui ouvrir la gorge. Lui ? Impossible de regarder au fond de l’abysse et d’y lire une motivation, un début et une fin. Elle ne voit que l’envie de la posséder, ce qu’il pense rester d’Alice, et elle est terrifiée.

“Get away from me!!” Hurle-t-elle finalement, retrouvant maladroitement l’usage de ses mains pour pousser son attaquant autant qu’elle le pouvait. Ce n’était pas la pauvre fille de chez Delancy, c’était un gaillard rompu à la bagarre, et son angoisse s’en allait croissante au fort et à mesure qu’elle essayait vainement de se détacher de lui en vain.

“Alice is GONE!” Elle ignore comment, pourquoi, par quel miracle, et si c’était parce qu’elle a trouvé un autre homme un peu moins porté sous la boisson ou si les cloches ont cessé de sonner pour elle, mais elle sait qu’elle n’est plus là. Et qu’il doit arrêter de la chercher. “Let me go ! Let HER go ! Get away from me, you fool!”

Sa voix se brise alors qu’elle même sent ses yeux s'humidifier sous la terreur qui l’habite. “Help !” Appelle-t-elle plusieurs fois. Mais dans sa nonchalance, Moïshe est actuellement au saloon, s’amusant avec les filles, profitant de sa soirée de libre. Penelope est seule, et elle a le visage d’un démon du passé.

TW : Alcoolisme, terreur d'être attaquée, emprise psychologique.

Personne ne vient.
Et pire : il reste là.

Penelope serre sa cape autour d’elle comme pour les bras réconfortants d’une mère qui n'a jamais été là pour elle. Ses ongles crispés sur le tissu à en blanchir ses phalanges. Inutile de courir : il ira plus vite qu’elle. Elle doute même de pouvoir arriver jusqu’à son cheval sans qu’il ne l’arrête. Mais sa colère prend petit à petit le pas sur sa peur, alors que son minois est défiguré par la fureur et le dégoût de sentir encore l’alcool sur ses lèvres. Elle les frotte avec rage avec le dos de sa main en écoutant le pauvre type vomir ses paroles avec un accent approximatif de bouseux venu d’europe. Elle le regarde lui cracher des paroles accusatrices, index pointé vers elle, et voix qui se brise sous l’émotion, les yeux bleus qui brillent de larmes. Et Penny est aussi déroutée que perplexe. Mais elle sait également qu’il n’y a aucun détour à prendre.

Si il veut Alice, elle peut la lui donner. Mais le prix sera dur à payer.

“Yes.” Siffle-t-elle en se redressant autant qu’elle le peut, cachant ses mains qui tremblent dans un mélange de peur, de colère, et d’adrénaline. “Yes. I hate you that much. And If I have thought for a second how miserable you could become, yes, I would have taken Wyatt with me!” Elle déglutit, essayant de comprendre ce qui pourrait non seulement la sortir de ce mauvais pas, et pourrait éventuellement le faire décrocher ce maudit fantôme de son esprit. Il y avait visiblement un pauvre gamin au milieu -de ce qu’elle arrivait a comprendre au milieu de cet indigent charabia alcoolisé qu’il lui servait. Et aucun enfant ne mérite un géniteur aussi pathétique.

“I got with someone else, and now I’m gone. And there is nothing you can do about it. You have to get that through this chipmunk brain of yours!”

Penelope ignore ce que cet homme lui inspire quand finalement ses genoux flanchent et touchent le sol. Personne ne l’a jamais prié, et elle ne sait pas si elle prendrait goût à une chose pareille. Tout aussi répugnée que cet homme lui inspire, il lui est difficile de ne pas avoir un rien de sympathie pour lui, alors que ses paroles réclament une clémence qu’elle n’est pas capable de lui offrir. Si la moitié de ce qu’il lui a raconté est vrai… Alice n’est pas vraiment une sainte. Et il ne sert pas à grand-chose de la prier de toute façon. Les morts ne peuvent aider personne.

“I want you to…” Qu’il la laisse en paix et rentrer chez elle serait un excellent début. Et que plus jamais il ne pose ses atroces lèvres de dépravé sur les siennes. Mais Penelope inspire profondément, et ose faire un pas prudent vers l’infortuné alcoolique. “I want you to rise on your feet and snap out of this nonsense. You have our child to take care of. If you don’t… I may have to take him away. Away from your incapable hands.”

Elle plisse les yeux pour croiser les siens, sentant ses ongles labourer sa paume sans vraiment savoir pourquoi.

“I may have loved you once. But it’s over now.” Fit-elle platement. “It’s not your fault. Life just happens. But it’s over. You only see me because you can’t let go.” Et pour cause : ce n’est pas un hasard si les deux personnes qui l’ont confondu pour la pauvre Alice avaient un sacré coup dans le nez. Penelope lisait des livres par centaines, et ce roman étrange d'apparition subite du fantôme de l’être aimé qui donne un dernier conseil avant de dépérir lui semblait absurde. C’était un pari risqué. Et le seul qu’elle avait. “Let me go. Deep down, you know there is nothing more to all of this. I won’t come back for you.”

Elle se pince brièvement les lèvres avant de finir par déclarer dans un dernier souffle :
“I’m sorry I made you suffer like this. You didn’t deserve this.”

TW : Alcoolisme, terreur d'être attaquée, emprise psychologique.

"Because you are wrong."

La voix transperce la nuit après quelque secondes de silence. Laissant les grands yeux noirs de Pénélope devenir juges et bourreaux. La jeune femme expire un mélange de pitié et de frustration qui ferme son visage comme un coquillage. Fossilisé dans le granite. Comme le souvenir d’Alice qui refuse de quitter l’ivrogne a ses pieds.

"Oh it hurts, indeed. But it’s not what hurts the most." Corrige la jeune femme, approchant même un pas dangereux vers lui, comme un oiseau de proie qui cherche un angle d'attaque. Pas certaine où elle met les pieds, mais étrangement poussée par une pensée qui lui a mordu la jugulaire. Une qui lui mord les tripes.
La façon dont il la regarde. La redondance d'un requiem qu'il semble se répéter inlassablement. C'est quelque chose qui lui semble étrange. Étrangement familier.
Même pour elle.

"How many times this month ? This week ? How many times have you seen me, when you know that I never see you ? Because you know it's a dream, that I'm dead and not here. You know, and still you make me appear. You know and still you follow me."

Un nouveau pas vers lui. Contrôlant malgré elle sa peur et ses tremblements. Ravalant la boule dans sa gorge qui menace d'exploser. Elle évite de penser à ses propres rêves. A ses propres douleurs. Au fait qu'elle aussi, a profondément ses ongles enfoncés dans un espoir dont elle prétend cyniquement être au dessus.

"And here I am. Looking young and beautiful. Like one memory you still can’t let go. Maybe I even smell like one too. Am I not ?"

Son visage se rapproche de lui, haussant légèrement les talons, alors que ses mots tombent sur lui comme une tour s'effondre. "This is pain. What hurts the most.. Not the way I was murdered. Not the war you fought. Not my face being the mirror of my son’s. Your own doom is your pain. Real pain has love for a face. This is death. The one true death is in the heart."

Et elle le sait. Elle en est la témoin perpétuelle. Aussi confuse que lui. Suivant aussi son fantôme. Piégée et sans défense. Elle aussi, entend sa voix, et ignore ses propres conseils.
Une légère pluie tombe. Pénélope ne bouge plus, aussi confuse que lui. Il lui faut quelques secondes pour conclure.

"Will you see me tomorrow?"

Ce pauvre alcoolique verra probablement de nouveau son spectre. Attaché à elle, comme Sisyphe à son rocher.
Mais elle. Est ce que son spectre la verra ?