Des jambes puissantes qui peinent pourtant à porter la lourde carcasse de la chasseuse de primes. Dans ces moments, plus rien ne parle plus le plus bas instinct de survie. Une situation primale, en tandem avec la fourrure sur ses épaules, alors qu'elle titube clopin clopant, les yeux rivés sur la lumière vacillante du saloon. Les cloches du paradis qui l'appelle malgré le blizzard qui lui gifle le visage et ébouriffe ses mèches blondes courtes. Dolores ne sent plus la douleur, ne réfléchit plus, la neige ne retient à peine ses longues jambes qui s'enfoncent dans la poudreuse. Ne songeant qu'à la chaleur promise par la maisonnée.

La porte s'ouvre avec fracas devant son énorme silhouette qui domine l'embrasure. Ses yeux bleus perçant l'obscurité de la nuit alors que ses bottes martèlent le plancher du saloon désert. Ne tenant qu'au fin fil de sa volonté. Le dégainement de la Winchester, elle ne l'entend pas, pourtant ses yeux sont rivés sur l'inconnu derrière le comptoir, comme un pêcheur regarderait un ange miséricordieux. À la question posée une respiration lourde et hachurée lui ai répondu. Déglutissant, les longs doigts perclus de sang de Dolorès se saisissent des sangles de son manteau. La fourrure touche le sol dans un fracas, découvrant le corps gigantesque de la mercenaire et sa chemise blanche déchirée, poissarde de sang à peine coagulée. Des coups de couteau ont attaqué la peau et la chair, même les bandages recouvrant sa poitrine ont finit par céder, affichant sa féminité qu'elle essaye pourtant de dissimuler malgré elle.

Malgré son état, ses petits yeux bleus ne trahissent aucune agressivité, aucun désespoir, comme si la douleur était un état second. Et dans la lumière tamisée, le silence s'installe finalement rompu par la voix grave et étrangement douce de Dolorès résonne : «De l'eau.» soupire-t-elle d'une voix graveleuse. « s'il vous plaît.»

Sa main libre trouve avec tâtons sa bourse dans sa sacoche de cuir attachée à sa ceinture. Avec douceur, elle l'a tend à la jeune femme. Un appel à l'aide. Avec la plus grande humilité.

La sueur lui colle à la peau, mais malgré la douleur et l'inconfort, la guerrière aux épaules larges se sent étrangement légère. La chaleur de la pièce semble soulager ses maux et l'anxiété que pourrait apporter la détresse se mut en une sincère paix d'esprit. Le regard qu'elle croise ne lui offre aucune raison de douter sur une sincère volonté de lui offrir une sacro-sainte aide dont elle a cruellement besoin.

Ses petits yeux clignent brièvement quand la jeune femme en face d'elle se giffle soudainement. Se cachant nullement sa surprise malgré sa surprise et sa confusion, même quand elle revient avec l'eau réclamée plutôt. Malgré le gosier sec, il lui est impossible de dissimuler une déglutition bruyante au moment précis où leurs doigts se frôlent.

Qui sait si ses jambes finissent par la lâcher après sa traversée au milieu du froid mordant, ou si ce geste si simple peut faire fléchir une montagne, mais Dolores s'asseoit avec fracas sur une chaise, portant le verre avec hâte a ses lèvres. La mercenaire avale le liquide sans beaucoup de grâce, un filet d'eau s'échappant pour couler sur son menton et atterrir sur son torse découvert, si ce n'est pour sa poitrine modestement couverte par moult bandages pour des raisons de praticité sur le terrain.

"Merci." Déclare la blonde d'une voix encore parcheminée, mais bien moins douloureuse que quelque seconde. Un sourire reconnaissant illumine autant que possible sa vilaine face, dans un instant d'éternité durant lesquelles les deux femmes se regardent dans un silence entendu. Quelques minutes perdues dans une bulle hors du temps. Comme si le froid pouvait les protéger de l'extérieur. Mais le visage de Dolores s'écroule à l'instant où elle se souvient  subitement de la réalité : elle est affreusement laide. La seule façon de la remercier reste les pièces sonnantes et trébuchantes. Elle designe les billets déposés sur la table.

"J'espère que ça couvrira…" un simple verre d'eau ? "Ta journée." Ses yeux bleus regardent brièvement l'établissement sinistrement vide. "La tempête n'est pas très bonne pour nos affaires…" Dolores dégluti derechef. Elle sait qu'elle devrait se taire, partir, s'excuser d'exister. Mais quitter cet endroit, cette femme, lui semble être un véritable crevé coeur.

La carcasse perclue de fatigue de la montagne ne fléchit pourtant pas quand elle sent le linge lui caresser doucement le visage. Comme pour la laver de son fardeau toujours trop lourd pour ce que tout le monde oubliait n’être qu’une simple mortelle. Comme si sa tête qui touche les nuages lui accordait immédiatement le titre d’Atlas. Jamais Dolores n’a prit le temps de poser ses responsabilités aux pieds de quelqu’un. Même ses proches qui l’ont surprit parfois dans des situations vulnérables, ne l’auront jamais vu souffler une supplique, un besoin de repos. Et elle n’est pas certaine de vouloir le faire ce soir. Tout comme elle n’est pas certaine de comprendre ce qu’elle essaie de lire dans le visage de son hôte. Dans ses gestes qui essuient sueur, neige fondue, sang noircie, et saleté. Saleté qui lui colle a la peau depuis qu’elle a vu le jour.

Elle ignore ce qu’elle dit, bien ignorante de tout verbiage qui ne ressemble pas au sien, si ce n’est quelques piteux mots de russes mal prononcés. Mais Dolores souligne la phrase d’un sourire étrangement tendre. Étrangement simple. Sans besoin de faux semblants. “C’est charmant.” Fit-elle un peu gauchement, comprenant l’espagnol sans remettre son accent. Dolores se sentirait normalement pathétique, gardant ses attractions et ses désirs pour elle même. Honteuse même a l’idée de ressentir quoique ce soit alors que son être entier est une vaste insulte a l’idée même du beau.

Mais elle semble oublier cette idée a cette instant. Levant son enorme et rustre main vers celle qui lui lave humblement le visage. Son autre main retire doucement le linge humide, tirant doucement un pan grâce a son pouce et son index. La main de la tenanciere enfin nue, la mercenaire pose doucement son vilain visage dans sa paume, fermant les yeux juste un instant. Épuisée. A l’abris.