"GOIN’ UP CRIPPLE CREEK"

Goin’ in a run

 L’idée avait enchanté Liam dès que Makoyepuk en avait parlé dans la cuisine, au milieu d’une partie de cartes qui n’était qu’un prétexte pour ruminer en silence - mais en groupe - sur les derniers événements passés. Cela faisait bien longtemps que Liam n’avait pas couru les plaines pour voler du bétail (peut-être un peu moins de dix ans…) et il avait bien besoin d’un retour dans le passé pour oublier qu’un gang de jeunes puceaux du grand Est les avaient dépouillés. En plus de deux-trois affaires à régler, un petit passage par Imogen pour visiter de vieux amis…

Liam avait dit au revoir à Pearl, sur les marches du perron qui menait à leur maison. Il avait pressé son front contre le sien, écrasé son nez contre le sien, l’avait gardé près de lui en silence. Sa main posée contre sa nuque, son pouce faisant rouler sa peau dans un geste machinalement apaisant. Puis il lui avait chuchoté quelques bêtises à l’oreille qui les avaient fait ricaner tous les deux.
Il peinait à laisser Pearl seule (sans lui) après les récents événements. Il n’était pas question d’un manque de confiance vis-à-vis d’elle ni d’un doute en ses capacités à suriner qui que ce soit d’un peu trop suspect. Il était simplement plus difficile de s’éloigner pour un temps indéterminé (une semaine ? Deux ?) aujourd’hui que quinze ans plus tôt. Ils ne rajeunissaient pas.

Mais ces états d’âmes furent mis de côté dès la première clôture mise hors service.

Puis parfaitement oublié une fois devant la baraque défoncée de ce vieux fou de Maurice.  “ Monsieur Hennessy, on a comme un problème je crois. “ C’était pour ça que Liam appréciait Makoyepuk.

Parce que c’était un malin.

En effet, il croyait plutôt bien.

Et la neige avait commencé à tomber et le vent à souffler plus fort.

Dans ce « on » y’en avait un qui aurait vite plus de problèmes que l’autre.



Liam finit d’attacher son propre cheval à l’entrée de la propriété. Même de nuit et sous une tempête de neige, il lui fut facile de constater que les lieux étaient dans un bien piètre état. Il n’y avait pas à dire, l’hiver etait difficile pour tous. « Et t’es bien sur que le toit de la grange va pas se fracasser sur les bêtes ? » Liam rit et rejoignit son compagnon de galère en quelques enjambées. Ses pieds s’enfonçaient dans la neige et ça crissait sous ses semelles. Le cigare qu’il avait mis tant de temps à allumer s’était déjà éteint mais il ne s’en débarrassa pas de suite.

Il était déjà moins agacé que lorsqu’ils avaient constaté la malheureuse fin du pauvre fermier qui devait les aider. Après tout, il s'était fait une raison : ce n’était la faute de personne s’il s’était fait dévorer, si ce n’était du cougar qui l’avait croqué. Et on ne peut en vouloir éternellement à un cougar. Puis le projet d’un repas chaud devant un feu de cheminée avait la réputation d’adoucir les mœurs, surtout quand on se trouvait en plein blizzard à devoir se taper des détours inimaginables sous moins vingt degrés.

« Une prime ! Excellente idée. » Sans lui demander son avis, Liam refourga ses gants à son employé. Il fouilla ses poches un instant, à la recherche de son briquet. « J’aurai été un excellent chasseur de prime, c’est certain. » Il était difficile de dire si Liam plaisantait ou non. Il avait trop souvent l’air de se moquer de tout sans y toucher. « Et je m’en tire pas trop mal en improvisation. Je te laisserai donner le ton. » Liam trouva enfin son briquet. Il s’acharna sur son cigare trempé par la neige. Et comme la gamine mettait trop de temps à arriver et que le bout de ses doigts commençaient à être si gelés qu’ils ne répondaient plus, il frappa à son tour contre la porte. Elle trembla sous chacun de ses coups de poing.

« Ah, sur le chemin j’ai eu une idée. » Il recula à son tour d’un pas, se mettant à la hauteur de Makoyepuk. Il en profita pour reprendre ses gants. « Merci. Donc - pour renflouer les caisses je me disais qu’on pourrait récupérer celles du temple. » Liam fit rouler son cigare humide entre ses doigts rouges vifs avant de le laisser tomber au sol. Il y avait tant de vent que ses yeux pleuraient et il faisait si froid que les larmes gelaient sur ses joues. « Recolter la quête après le sermon du pasteur. Qu’est-ce que t’en penses toi ?» Liam retira son chapeau pour le secouer, faisant tomber de la neige sur ses bottes. « C’est compliqué sur les questions d’éthique et d’enfer, c’est sur… T‘es bien sur qu’elle est là, la gamine ? »

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@Makoyepuk Blackfoot &  @Liam Hennessy & Nuttah Doyle

Le froid figeait, torturait, mordait et elle n’y échappait pas. Le monde entier - ou du moins son monde à elle - tournait au ralenti, mais ce n’était pas pour autant que le labeur, lui, cessait. Au contraire, les températures ne faisaient que rendre la vie plus compliquée. L’eau des brocs gelait, la terre était dure comme de la pierre, le bois devait constamment être coupé pour le feu et maintenu autant que possible à l’écart de l’humidité, les nuits entrecoupées de frissons que seules des briques chauffées et placées sous les draps avant le coucher pouvaient rendre supportables. Elle pouvait s’estimer heureuse que les fenêtres brisées aient été réparées depuis l’année passée.

Nuttah était épuisée, plus encore que durant l’été où les travaux d’extérieur étaient nombreux et souvent pénible. Le froid attaquait ses membres,, ses genoux et ses chevilles en particulier, au point qu’elle avait parfois l’impression d’être devenue une vieille femme souffrant de rhumatismes. Assise sur le vieux fauteuil de son père, elle profitait d’un peu de calme et de repos, tant qu’elle pouvait en grappiller. Elle retira ses chaussures péniblement. Un trou s’était creusé dans le cuir de la gauche, maladroitement comblé de papier journal, et ne faisait que s'agrandir. La semelle était visiblement usé par le temps. Elle allait devoir en acheter une nouvelle paire. Bientôt, plus tard. C’était une dépense qu’elle ne pouvait pas se permettre pour le moment. Pas tant qu’elle n’était pas sûre que l’hiver ne s’éterniserait pas. Elle pourrait peut-être les faire durer encore un peu, ou en emprunter de vieilles de Jedediah. Ce serait trop grand, mais ça ferait l’affaire le temps qu’il faudrait.

Le pire était l’humidité qui pénétrait de partout et creusait des petites égratignures au niveau de ses mains et ses pieds. Elle massa ces derniers espérant soulager un peu la douleur avant d’enfiler ses pantoufles réchauffées par le feu de cheminée. Le temps ne fut guère long avant qu’elle s’endorme, la chienne à ses pieds. Il n’était pas rare qu’elle tombe de sommeil de cette façon, et elle ne manquerait pas de s’en mordre les doigts le lendemain, en réalisant qu’elle n’avait pas même pris le temps de dire ses prières. A cette culpabilité s’ajoutait celle de ses absences répétées à l’office du dimanche. Nul doute que le pasteur Molina avait dû s’en rendre compte, songeait-elle souvent à sa plus grande honte. Jedediah le lui avait appris: négliger ses devoirs envers Dieu était un affreux péché. Chaque semaine elle se promettait qu’on ne l’y reprendrait plus, chaque semaine - ou presque - il y avait bien plus pressant à faire.

Des coups frappés à la porte la tirèrent d’un sommeil sans rêve, suivis des aboiements de Maya, qui ne semblait guère apprécier d’être ainsi déranger. Nuttah étira ses membres engourdis et passa sa main sur sa nuque devenu raide et douloureuse suite à une posture peu confortable. D’abord alarmée, elle s’apaisa cependant en reconnaissant la voix de Makoyepuk. Elle se leva d’un bon, plaça un châle sur ses épaules et alla ouvrir la porte. L’air glacial pénétra immédiatement la maison et la fit frissonner tandis qu’elle découvrait, étonnée, le visage de son père. Mais, plus étonnant encore, cet étranger qui se trouvait derrière lui.

Le froid ne lui permit pas de s’épancher en questions, ou même d’hésiter. « Entrez. » asséna-t-elle d’un ton brusque avant de s’écarter pour les laisser passer. Puis, elle referma le battant aussi rapidement que possible et le verrouilla soigneusement. Elle resserra les pans de son châle autour d’elle avant de se tourner vers les deux hommes présents dans son salon.

C’est d’abord à celui qui lui était familier qu’elle s’adressa. « Je t’attendais pas avant plusieurs jours. » Les allées et venues du Blackfoot, Nuttah avait fini par s’y faire. Mais le fait qu’il rentre en pleine nuit, par un froid pareil était étrange, et d’ailleurs très imprudent. Pourtant, c’était surtout l’étranger qu’elle ne pouvait s’empêcher de dévisager par intermittence et avec méfiance. Elle n’aimait pas particulièrement l’idée de cet homme chez elle, en plein milieu de la nuit et ce n’était que parce qu’il accompagnait son père qu’elle n’était pas en train de le menacer de son fusil. Le regard qu’elle lançait à Makoyepuk était sans appel: elle attendait des explications.  

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Goin’ in a run

A peine eut-il terminé sa phrase que la porte s’ouvrit sur une jeune femme à la peau brune et aux yeux noirs écarquillés. Sans atteindre qu’elle mette le point final à son invitation, Liam se pressa à l’intérieur de la cahute, terminant d’épousseter les pans de son manteau. Les aboiements du chien s’étaient coupés pour ne rester que des grondements à peine perceptibles dans le fond de sa gorge. Une crète se relevait sur sa nuque. Liam avait gardé son chapeau à la main, encore trempé de la neige qui y avait fondue. Il frappa ses talons sur le plancher alors que son complice était à ses côtés, observant les lieux avec peu de pudeur. Il s’attarda enfin sur la maîtresse des lieux et fronça des sourcils étonnés en notant son jeune âge. Elle accueillait sa connaissance du duo avec les politesses auxquelles ont pouvaient s’attendre à une heure aussi avancée de la nuit.

« Je t’attendais pas avant plusieurs jours. »

« Et bien oui, mais le voilà quand même ! » intervint Liam avant que Makoyepuk n’ait pu renchérir. Il n’avait pas le temps pour des petites querelles ou encore la prise des nouvelles depuis la dernière fois. Ils auraient tout le loisir de parler potins plus tard l’un et l’autre. En même temps que Liam cherchait où se débarrasser de son chapeau, il accrocha le regard de l’autochtone qui l’accompagnait pour lui partager toute la désapprobation qu’il éprouvait devant cette relation. Liam ne s’attarda pas sur lui, retournant son attention vers la maîtresse de la maisonnée « Quand mon ami m’a causé d’une connaissance à lui chez qui rester la nuit, je m’attendais pas à ce que vous soyez si jeune, miss. Excusez-moi ma surprise. » Il souriait malgré tout. Malgré le canon pointé sur lui et qui ne l’émouvait peu. Tout du moins c’est ce qu’il voulait laisser paraître. Pour faire bonne figure, Liam leva ses deux mains vers le ciel, l’une toujours encombrée de son couvre-chef. « Alors c’est pour pas me payer ma part que t’as voulu qu’on s’arrête ici, hein ? C’est des conneries le Marcel et son cougar, c’est ça ? » Il n’y avait pas de mauvaise situation ni de mauvais moment pour un peu de plaisanterie. Liam s’autorisa même à en rire. « Mon fusil est sur mon cheval et mon colt à ma ceinture. » Vu le gabarit de la gamine, il n’aurait besoin ni de l’un ni de l’autre pour la tuer. Elle était maigre comme un coucou et lui relativement confiant. « P’is on aurait bien besoin de mettre les chevaux à l’abris dans la grange. S’il vous reste encore du foin, on peut vous l’acheter. » Liam lança un coup d’œil à Makoyepuk, dans l’attente d’une réponse. « Si tu m’le charge qu’à moitié sur le salaire, hein ? » Il ricana.

Le gangster frigorifié reposa son chapeau sur sa tête et pris soin de garder la paume de ses mains présentées à leur hôte. « Si vous voulez moi j’vais les amener dans la grange les bêtes, pendant qu’vous vous dites bonjour ou je sais quoi. » C’est qu’il n’avait pas vraiment l’envie de niaiser et la fatigue commençait à tirer ses muscles. Demain serait encore une longue journée et il n’aurait pas dit non à un peu de la viande séchée qu’ils avaient gardés de côté l’un et l’autre pour partager avec Maurice (ou Marcel, il ne savait plus). « Faut qu’on les marques et j’aimerai mieux faire ça tout de suite avant d’être trop au chaud ici. » Il marqua une pause. Pas pour bien longtemps. « C’est un beau terrain que vous avez, on dirait. J’aurai pas cru que ça soit à une fille si jeune s’il me l’avait pas dit. L’hiver doit être bien compliqué. » Liam abaissa ses bras ; c'est qu'il commençait à avoir des crampes.

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@Makoyepuk Blackfoot &  @Liam Hennessy & Nuttah Doyle

Nuttah plissa les yeux en dévisageant l’inconnu, cet homme qui était entré dans sa maison, sur ses terres et se comportait maintenant comme s’il était chez lui, bavassant avec grande aisance. Un peu trop d’aisance d’ailleurs et la langue un peu trop pendue. La remarque sur son jeune âge ne joua malheureusement pas en sa faveur et lui valut un regard noir. Elle se tourna ensuite vers Mako, attendant des explications de sa part quant à leur survenue soudaine au beau milieu de la nuit, par un froid glacial. « Il parle trop ton ami » persifla-t-elle entre ses dents. Et les beaux-parleurs, ça lui plaisait pas du tout. Elle en avait eu son lot, de serpents qui venaient la courtiser pour la pousser à vendre la ferme pas si longtemps auparavant. Et surtout, elle ne comprenait pas la moitié de ce qu’il disait, et ça lui plaisait encore moins.

La suite en revanche, elle aurait préféré ne pas la comprendre du tout. Elle fronça les sourcils quand l’énergumène commença à parler de chevaux. Et pas besoin d’être un génie pour comprendre qu’il ne parlait pas de leurs montures. Mais à la mention de marquage, son visage s’assombrit tout à fait et l’orage grondait dans ses prunelles noires lorsqu’elle avisa son père.

Deuxième mention de son jeune âge, en plus de commentaires qu’elle prit pour elle. « Vous, mêlez-vous de vos affaires. » lâcha-t-elle froidement à l’inconnu, l’index menaçant pointé sur lui. Avant de s’adresser au Blackfoot. « Des chevaux à marquer ? C’est quoi cette histoire ? Qu’est-ce que t’as ramené ? » Elle ne levait pas encore la voix mais elle n’en était plus très loin et son ton était suffisant pour faire comprendre l’ampleur de sa colère. A sa fureur se mélangeait la peur. Elle avait déjà eu bien assez d’ennuis comme ça sur cette ferme, assez de difficulté à la remettre sur pied et à s’en sortir, chaque jour. Elle faisait de son mieux pour mener son affaire le plus honnêtement possible, en bonne chrétienne qu’elle essayait d’être. Ce genre d’embrouille, à elle, on ne lui pardonnerait pas. Elle ne pourrait pas s’esquiver comme l’autre ici présent à coups de jolis mots et de joute verbale. « J’veux pas de ce genre de chose ici, tu le sais non ? » C’était simple pourtant. Il faisait ses affaires, elle posait pas de question. Oh, elle était pas idiote: elle se doutait que tout n’était pas légal, qu’il faisait des choses qu’elle n’aurait pas voulu entendre, et ça lui allait. Tant qu’elle ne savait rien, et tant qu’il ne la mêlait pas à tout ça.

« Sóótokiaiksi*… » La langue de son père - et la sienne aussi à vrai dire -, elle n’en avait grappillé que quelques mots par-ci par-là à force de l’entendre et avait voulu les retenir, mais ne s’en était jamais servie spontanément jusque là. Se moquant bien à ce moment précis de si ou non elle se trompait dans son emploi du mot. « Je devrais vous jeter dehors tous les deux. » Son ton se fit plus menaçant. Si la tempête n’avait pas fait rage dehors ou si Makoyepuk n’était pas son père, elle l’aurait sérieusement envisagé.

Mais qu’elle les réprimande ou pas ne changeait rien. Il y avait dehors des bêtes qui d’après ce qu’elle avait cru comprendre n’auraient pas dû y être. Et elle n’avait pas la moindre idée de ce qu’elle devait faire.



*idiots 

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Goin’ in a run

La jeune fille était aimable comme une porte de prison et elle lui rappelait un peu Pearl dans son amabilité et sa façon de tenir en joug. Liam resta pantois devant la scène de ménage qui se déroulait sous ses yeux après qu’elle lui ait agréablement fait comprendre qu’il était trop bavard. Il se garda de marmonner qu’elle n’était pas la première à le lui faire remarquer, mais en règle général ce genre de réflexion ne lui venait pas de petite insolente.

« Je devrais vous jeter dehors tous les deux. » Son poings se serra sensiblement, les cuticules arrachés autour de ses ongles abimés par la sécheresse de l’hiver piquaient et brûlaient de façon désagréable. Cela faisait bien longtemps qu’on ne lui avait pas parlé de cette façon. Cette fillette le ramenait d’où il venait, de ce qu’il avait brillamment fuit depuis plus de deux décennies maintenant. Cela faisait bien longtemps qu’on l’appelait monsieur et qu’on tortillait du cul pour chier droit devant lui.

Liam n’eut pas le temps de répliquer, ni par les poings (heureusement, elle avait un fusil et un chien après tout) ni par les mots. C’est à peine s’il put ouvrir la bouche finalement. Makoyepuk s’interposait déjà, accusant le fossé culturel qui les séparaient et les difficultés évidentes de la petite. Liam observa curieusement le chasseur de prime qui essayait de se dépêtrer comme il le pouvait. C’était des excuses qu’il avait déjà entendu, un peu pour lui mais surtout pour ses cadets et sa mère, même des années après s’être installés à Little Cypress Creek. Le fantôme d’un sourire s’esquissa du bout des lèvres, motivé par un amusement presque nostalgique et amer. « Bien sûr. Je vois. » Il ne voyait rien du tout.

Liam s’humidifia les lèvres qui devenaient gercées et abimées par le froid. Son compagnon de galère cherchait à raisonner son contact (et pas des moindres) et Liam se laissa aller à quelques pas dans la maisonnée pour la découvrir plus en détail. La lumière éclaboussait quelques recoins de la pièce et laissait découvrir des portraits à l’air austère sur les meubles. Une bible posée sur la table basse et une croix au-dessus de la porte protégeait la maisonnette des mauvaises influences.

“ Pas vrai…Partenaire…? “

« Bien sûr. » Il avait vite raccroché au regard de son employé. « Dix dollars au moins. » Sans s’avancer vers la fenêtre, Liam essaya de distinguer les chevaux qui attendaient à l’extérieur. On ne les voyait pas bien sûr. La nuit et la neige les avaient dévoré. « Peut-être plus. Ce sont de bons chevaux, ceux-là. » Il était difficile de dire si c’était une promesse ou alors le train de sa pensée qui s’échappait par sa bouche.  « Enfin… pour ça faudrait pas qu’ils crèvent de froid. » Il remonta le col de son manteau par-dessus son cou et de l’eau glacée vint s’y loger. Il frissonna. « Je vais me jeter dehors tout seul et rentrer les bêtes dans la grange. » Liam non plus n’avait pas envie de laisser place à la discussion. « Discutez comme vous voulez pendant ce temps. Il va bien falloir trouver un accord. » Il sourit à Makoyepuk, ses yeux étaient fatigués et agacés. « Sinon j’imagine qu’on va tous les deux mourir de froid dans le blizzard. Et c’est pas très chrétien ça, hein ? »  D’un bref signe de la main, par trois doigts, Liam désigna la croix alors qu’il retournait à la porte pour sortir et son rire résonnait chaud et grave. « T’as qu’à me rejoindre quand t’auras terminé de parler avec ton amie. Et si elle n’a rien compris tu pourras lui expliquer. » Quand Liam fit tourner la poignée de la porte pour la déloger du mur, il dut la tenir fermement pour ne pas qu’elle s’arracher à sa poigne pour claquer contre le mur.

Le vent sifflait et grondait pire qu’avant et le froid lui mordit les joues et le nez furieusement. Les caresses de la tempête étaient des lames chauffées à blancs qui venaient lui fouetter et lui transpercer le visage encore et encore. Il lutta pour refermer la porte derrière elle. De la neige s’était éparpillé à l’intérieur de la maisonnée. En avançant difficilement, luttant contre le souffle du blizzard, Liam retourna vers les chevaux.