Ma maman m’a dit que papa était parti au paradis. C’était il y a quelques jours. Mais j’avais pas bien compris. Moi je croyais qu’il était allé dans une chambre avec maman. Mais papa avait même pas pensé à me dire bonjour. Papa était devenu impoli. C’était assez nouveau. En plus, il avait même pas pensé à manger avec nous. A croire que la cuisine de maman était devenue mauvaise ? Je ne comprenais pas. En plus, maman était triste. Je comprenais pas. Si papa était parti au paradis dans sa chambre elle aurait pas dû être triste. A chaque fois que maman avait terminé avec un monsieur, je demandais quand est-ce que papa revenait du paradis. Parce que ça devait bien faire au moins plus de deux lundis qu’il y était parti. C’était un peu trop long. Surtout qu’il était pas venu me voir et qu’il ne m’avait même pas pris dans ses bras.  Maman elle a compris que j’avais pas compris.

A un moment de l’après-midi, quand maman a été libre, elle s’est baissée à ma hauteur, l’air grave et douloureux. Pis ensuite elle m’a dit :

« Ton papa est parti au ciel. »
« Oui je sais, comme les clients. Mais je comprends pas comment il fait papa, il a pas d’ailes. Il peut pas faire comme les piafs maman. »  que j’ai dit.



Bah oui, papa il a pas de bec non plus. Ni de plumes. Je vois pas trop comment il aurait pu y aller. Papa il saute peut-être haut mais pas plus haut que les maisons. Je crois que maman elle doit vivre au pays imaginaire. Ou elle doit pas être bien réveillée maman. Mais je crois que les hommes ils ont des super pouvoirs. Lorsqu’ils sortent des chambres des femmes ils disent qu’ils ont atteint le septième ciel. Mais je comprends toujours pas comment ils font pour y aller. Surtout que certains ils y vont assez souvent. Ce doit être les choses des adultes.



« Du coup papa il arrive quand ? »  que je demande.



Bah oui, ça fait longtemps que je l’ai pas vu. La dernière fois c’était en février je crois. Ou en janvier. Je sais plus. Mais vu qu’il est au paradis ça veut dire qu’il arrive bientôt ici, non ? Bah oui, les messieurs ils redescendent tous par ici. Enfin ils sortent tous des chambres des amies de maman. Je comprends pas. Il y a peut-être une fenêtre secrète par laquelle ils sortent pour tous aller au septième ciel ?



Après, maman m’a expliqué que le paradis c’était là où les gens morts ils allaient.



« Mais les hommes qui viennent Au Beau Soleil ils sont tous vivants, non ? » dis-je un peu confuse.



Ou alors c’est des morts-vivants. Oh mon dieu ! Maman a laissé des morts venir ici ! Mais papa est donc aussi entre la vie et la mort ? Mais ça veut dire qu’on a des gens du cimetière qui viennent jusqu’ici pour voir ma maman ?

Je dois être si stupéfaite que maman a dû comprendre dans quel état j’étais. Alors maman m’a dit que c’était différent. Maman m’a dit que les gens utilisaient surtout cette expression pour dire qu’ils étaient soit très contents soit qu’ils étaient morts. Et papa il était mort. Elle a même déglutit et m’a annoncé qu’on allait pas attendre papa, parce qu’il viendrait pas. Elle a même ajouté qu’ils reviendrait plus jamais. Mais qu’en plus on allait devoir partir loin. Maman a dit qu’on allait déménager et qu’on reverrait plus les gens d’ici.

J’ai hurlé et pleuré. Moi j’veux pas y aller à loin ! Moi j’veux aller rejoindre papa au paradis. Han mais non paradis ça existe pas.

Je hurle et je cris. Je cours hors du travail de maman. J’entends maman me courir après mais j’entends les amies de maman l’arrêter. Il faut visiblement que je me calme qu’elles lui disent. Mais moi je veux pas me calmer. Je veux mon papa. Je veux que mon papa revienne ici avec nous ! Je cours partout, je pars. Si je m’en vais je ne pourrais pas partir d’ici ! Je cours, je cours, je cours, je cours. Je m’arrête. Puis je cours je cours je cours. Je ferme les yeux, je tourne. Personne ne pourra m’attraper. Personne pourra m’emmener loin du Beau Soleil.



Je m’arrête vers un arbre et je pleure. Papa ne reviendra pas. Jamais. Pourquoi il peut pas revenir ? Pourquoi il est mort ? Pourquoi ? Je comprends pas pourquoi papa est mort. Papa était pas si vieux que ça.




Je me retourne. A droite. A gauche. Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi je reconnais pas la route ? C’est quoi ces maisons ?

Je regarde même en l’air. Pour sûr, c’est pas le même ciel. Il était pas comme ça avant. En plus, il y a plus de nuages. Ils sont rigolos. Mais ils m’aident pas. Non.
Maman m’a dit que les indiens communiquaient avec de la fumée. Ils sont bien drôles. Comment ils veulent parler à de la fumée ? Et la fumée comment elle fait pour nous parler ? Et comment la fumée ça devient des nuages ?



Je regarde encore le chemin. Je marche moins vite. Les adultes ils ont des grandes jambes, ils poussent et traversent en un claquement de doigt une lieue. Comme le Petit Poucet avec ses bottes. Moi j’ai des petits pieds. Maman a dit qu’ils grandiraient. Mais pour le moment ils font rien. Et maman a pas pensé à m’acheter les bottes du Petit Poucet.



Les adultes sont tous pressés. Ils sont grands et s’arrêtent même pas.



Je tente d’aller un peu plus loin, je tourne dans un coin de la rue.  Puis je retourne et tourne et tourne. Comme une toupie. Enfin je m’arrête, j’ai l’impression d’avoir mal à la tête. Et puis je crois que je suis déjà passée par ici. Ou pas. Non, je ne reconnais rien. Où suis-je ?



« Maman ? »  appelais-je un peu au hasard.



Personne ne me répond. Quelques adultes me lancent un regard. Un autre me pousse avec beaucoup de force hors de son chemin. Il est pas commode celui-là. Papa il n’aurait pas aimé.
Mes larmes coulent encore. Papa est mort. Papa ne reviendra pas, jamais.



« Mamaaaan ? » je recommence de plus belle.




Mais maman n’est pas là. Maman ne m’entend pas. Maman n’a visiblement pas les mêmes facultés que Dieu.
Je ne reconnais aucun adulte par ici et tous sont occupés. Je pleure. Je veux ma maman, je veux mon papa, je veux ma vie d’avant.

Pour plus de précisions pour le ou la futur.e partenaire de ce rp ;):