Les applaudissements pleuvaient. Chacun des invités, tout comme moi, tapaient vigoureusement dans ses mains l’arrivée du couple.
Au départ je ne l’aimais pas trop cette Sally. A vrai dire, lorsque Bartel était revenu avec cette jeune femme j’avais dit ; bien sûr ; avant qu’il ne la présente :
« Ah non, c’est moi le bébé de la famille. » avais-je déclarée indignée !
J’avais claqué la porte pour marquer mon mécontentement.
Faut pas déconner. Je crois que le nombre de demi-frères et sœurs existants dans notre famille ne m’avait pas ravie.
Si on en revient à Sally, les choses ne s’étaient pas très bien déroulées entre nous.
Après quelques temps, on m’avait fait comprendre que je m’étais fourvoyée. Sally était en réalité l’amoureuse de mon frère. J’avais dit que c’était encore pire. Et j’étais partie sans demander mon reste.
Le regard que m’a lancé ma mère ; lorsqu’elle avait appris cette nouvelle ; il était terrible. Personne n’avait compris mon attitude. C’est parce qu’ils étaient tous des idiots sans cervelles.
Bartel il était à l’armée, il ne venait pas non plus tous les jours, à cause de soit-disant obligations ; maintenant on sait tous à quoi il occupait ses journées, à draguer son infirmière.
J’avais déjà connu cette situation. Un frère se trouvait une amoureuse, une fiancée. Il se mariait et ne revenait plus vraiment parce qu’il devait s’occuper de sa femme. C’était ce qui s’était passé avec tous les autres : Art et Sullivan. Bon, Frank c’est un peu différent. Frank c’est le mouton noir de la famille.
Maman a mis une certaine pression sur mes épaules. Soit-disant il faut savoir bien accueillir les personnes qui vont faire partie de notre famille. Et gniagniagnia.
« Parce qu’on est pas assez nombreux peut-être ? Maintenant on se doit d’agrandir la famille ? C’est un concours à celui qui fera le plus d’enfants ? Au vu du palmarès de notre père Alexander Murphy, il sera bien difficile de l’égaler en toutes circonstances.»avais-je répondu en regardant bien dans les yeux la personne qui avait osé dire ces paroles.
Ma mère m’avait pour la peine punie de dessert mais également de visites au pensionnat. Comme ma mère est une femme de poigne elle s’est souciée de rendre ma punition bien pénible et s’est dépêché de me punir d’un retour dans la demeure le week-end. Durant la période de vacances scolaires, j’avais même refusé de revenir, bien que la punition se soit arrêtée. J’étais fâchée et j’avais préféré rester avec les autres pensionnaires, loin de ces bonheurs familiaux.
Les semaines ont passés, j’avais pu discuter avec des amies de ma situation. Entre confidences, ragots et petits gâteaux, loin de nos inquisitrices du pensionnat.
« Mais t’es bête. Les belles-sœurs elles peuvent être trop sympa. En plus, elles peuvent t’acheter des trucs des fois. »
« J’suis pas d’accord. La mienne elle est méchante. Elle me marche sur les pieds.Parfois, elle me pince. Le pire c’est qu’elle m’accuse de choses afin de me punir. Comment a-t-elle fait pour épouser mon frère ? »
« Il paraît que certaines utilisent des potions d’amour. »
« Des sorcières ? »
« Tellement. Tu n’as pas vu certaines. Elles sont laides et se parfument pour éviter qu’on les reconnaissent. »
« Moi je l’aime pas. » avais-je dit avec une moue boudeuse.
« Tu as quelque chose à lui reprocher ? Elle a été méchante avec toi ? »
Je devais admettre, après une longue réflexion, qu’à part le simple fait d’exister cette brune ne m’avait rien fait. C’était même elle qui avait tenté de se rapprocher de moi. Ce que j’avais sciemment tenté d’éviter par tous les moyens.
« Heu… Non. »
« T’es bête Erin. Tu crois qu’il choisira qui ton frère, entre elle et toi ? Si tu te comportes comme une prétentieuse tu ne le verras plus du tout. » avait affirmé celle qui avait la parole divine.
Ces paroles étaient restées dans mon esprit.
Lorsque j’avais décidé de revenir à la maison, je m’étais donné une mission. Celle de la découvrir. Mais de loin. Il ne fallait tout de même pas exagérer ! Je n’allais pas me laisser amadouer tout simplement parce qu’elle était dans les mêmes lieux que moi !
Dès lors, à chaque fois que nous nous trouvions dans le même endroit, je me cachais d’elle. Ou plutôt je jouais à cache-cache. Je l’observais sous toutes les coutures. Qu’est-ce qu’elle avait fait pour pouvoir séduire mon frère ? La danse du ventre ? Des yeux de biches ? Le battement des cils super rapides. Il paraissait que c’était une technique vieille comme le monde. Moi j’aurai dit que c’était mon frère qui aurait fait une de ses crises bizarres au sol. Quelques fois, il pouvait faire comme des clins d’oeil un peu étranges.
Il est vrai qu’elle était loin d’être hideuse. J’adorais même ses cheveux, même s’ils n’étaient pas aussi beaux que les miens. Son maquillage était soigné et sa tenue lui allait comme un gant.
Maman était toujours belle ; pour son âge cela va sans dire ; elle manquait quelques fois d’être à la pointe de la mode. Sally l’était , il fallait le dire. Pardon maman, mais il est vrai que parfois tu manques de ce petit truc qu’a Sally.
Un jour, celle-ci se trouvait dans la maison. Bartel était en pleine discussion dehors avec Frank. Maman était partie en ballade avec papa, pour lui aérer l’esprit il paraît. Enfin, ça c’est les trucs de vieux je crois. Papa je crois qu’il est parti assez loin dans son esprit.
Étant seule avec l’amoureuse de mon frère, je me disais que c’était le moment pour lui donner une bonne et excellente leçon. Comme les professeurs. Aussi silencieuse qu’un chat chassant sa proie, je m’étais avancée par-derrière cette femme.
« Bouge pas. On va faire quelque chose de très périlleux ensemble. » avais-je prononcé dans le ton du secret près de son oreille.
Mon arme de pointe à la main gauche, de la droite je tenais les cheveux châtains de l’amoureuse de mon frère. Je donnais le premier coup, doucement et avec une certaine lenteur. Du haut de son crâne aux pointes de ses cheveux. Le geste était précis. Maman m’avait appris comment faire, la manière de le faire.
« BOUGE PAS, j’ai dit. C’est cent coups de brosse. Et pas autrement. » avais-je affirmé avec une voix dure et sévère.
J’avais entendu un ricanement derrière mon dos. Un homme mais lequel ? Je n’y avais pas prêté plus attention que cela, j’étais beaucoup plus concentré sur ma tâche. Je brossais avec certaine douceur la chevelure de Sally. Le but était qu’elle ait de plus jolis cheveux - bon ils ne seraient pas aussi merveilleux que les miens - pas qu’elle hurle de douleur en tirant de toute mes forces.
Ma mère avait dit que visiblement je faisais la même chose que les singes. N’importe quoi, je ne suis pas une guenon, moi je suis une dame. Et distinguée en plus !
Les choses s’étaient améliorées après quelques épisodes. Cela avait été mon premier pas vers elle. J’avais appris à l’apprécier. Il fallait dire que cette anglaise était loin d’être une sorcière ou un vilain personnage des contes de fées. Si elle avait eu un rôle, elle aurait certainement eut le rôle d’une princesse.
Certains ont apporté des cadeaux. Moi aussi j’avais décidé d’en prendre un pour eux. J’ai cherché pendant un long moment ce que je pouvais leur offrir à tous les deux. Au début j’avais pensé à donner un bijoux de famille. Toutefois, j’imaginais mal Bartel le porter, ses collègues se seraient fichus de lui. Ensuite, j’avais pensé à des sets de table, de la décoration. Rien ne me plaisait exactement. De plus, il avaient déjà le nécessaire. Je voulais quelque chose qui leur soit utile.
Un jour, je fis la rencontre d’un animal très mignon. Une toute petite bestiole marron foncée. Je le trouvais tellement beau. Au début, j’avais hésité à le prendre, peut-être que sa mère était dans les parages. Finalement, j’avais attendu toute l’après-midi durant. Enfin, je l’avais emmené jusqu’à la maison et je l’avais caché. Maman n’aurait probablement pas été de cet avis. Les bêtes il paraît que c’est sale et que ça ramène les maladies. N’importe quoi. Comme si cette si jolie bête allait me ramener quoique ce soit de méchant !
Il faut tout de même avouer que l’animal ; je ne sais pas l’espèce, un bâtard de chien j’imagine ; était un peu mordeur. J’ai usé de talent et de ruse pour l’éduquer et lui prodiguer des soins multiples. Toujours en cachant l’animal. Ce fut dur et long mais j’y suis arrivée. L’animal avait peu après arrêté de me mordre et de griffer par la même occasion. Chose assez étonnante, ça mangeait un peu de tout : du lait, des œufs, du lapin, du poulet,… Au moins je n’avais pas à me prendre trop la tête là-dessus.
Pour que l’animal, que j’avais baptisé Bally, soit un merveilleux cadeaux, j’avais tenté de lui apprendre quelques tours. A ce jour, Bally sait rester assis et couché. Il sait également aller dehors pour faire ses besoins.
Avant d’aller aux fiançailles, j’avais trouvé une caisse. J’avais pu collé du papier cadeau sur la boîte. Le hic ? Un animal c’est comme un humain, ça a besoin de respirer.
J’étais allée voir le seul et unique frère resté à la maison, Frank. Je lui avais demandé de me faire plein de trous. Il m’avait demandé pour quoi faire d’un air sceptique. J’avais dit que c’était un secret pour Bartel et Sally. Il n’a pas cherché plus loin. Il a juste fait sa tête habituel, celle qui signifie que je suis bizarre. Il a balancé des trucs comme quoi ce serait dur de découper à moi seule les morceaux de notre frère. Si moi je suis la folle de la famille, c’est parce qu’il s’est mal regardé ! C’est lui l’homme étrange de la famille, il a pas vu sa tête ni son raisonnement. Après ce service, j’avais décidé de mettre des sortes de petits coussins pour pouvoir installer confortablement Bally.
Quelques heures avant les fiançailles, j’avais décidé de faire prendre un bon bain au chien. Je l’avais peigné, brossé, fait des papouilles. Pour le rendre encore plus beau, j’avais pensé à lui mettre un nœud de papillon. Qu’il était magnifique !
Lors de la remise aux cadeaux, j’avais attendu le dernier moment et je m’étais dirigée vers Sally. Au vu de mon passif avec elle, je préférais largement le lui donner à elle. Et puis j’étais toute impressionnée. D’un coup j’ai eu chaud aux joues. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Les habits, la situation, le fait qu’ils soient tous les deux plus grands que moi. Ou peut-être parce que j’avais décidé de passer la dernière, je ne sais pas. J’avais monté la boîte toute seule comme une grande, parce que je le suis déjà. J’avais regardé les deux à la fois, prête à faire mon discours.
« Je ne vais pas y aller par quatre chemins. Comme vous êtes fiancés maintenant j’ai décidé de vous faire un cadeau. Vous ne pouvez que l’accepter de toutes manières. » avais-je déclaré.
Au moins Bally ne faisait pas de bruit. Peut-être qu’il dormait suite à cette fête. Il est vrai que les bébés ça dort tôt contrairement aux adultes.
« J’ai décoré la boîte. Bon, il est vrai que Frank a fait les petits trous. Mais ce qu’il y a à l’intérieur c’est de moi. » disais-je en montrant la boîte.
Je crois qu’ils sont plutôt étonnés. Ils sont sûrement impressionnés de voir ce que je peux faire à mon âge, ce doit être cela. Ils ne devaient pas être aussi dégourdis que cela.
« Ou plutôt surtout pour toi Sally. Promis, tu vas aimer. Tu peux ouvrir mais il faut le faire doucement, c’est fragile. » conseillais-je vivement.
L’excitation monte. Je suis trop contente. Je serre mes lèvres, j’ai envie de crier ma joie, ma fierté d’avoir gardé ce secret aussi longtemps et aussi bien caché à la vue de tous !
« Voici votre chien. Bon j’ai commencé son éducation. Je l’ai surnommé Bally mais vous pourrez en changer comme il est encore petit. Je lui ai appris à s’asseoir et à se coucher par terre. Je le nourris un peu avec tout. Au moins votre animal ne sera pas difficile. Et puis j’ai pensé que ça pouvait être un bon chien de garde ! Je vais vous laisser sur ce. Bonne fête à vous. » concluais-je avec un grand sourire.
Je pars sans demander mon reste. J’ai accompli ma mission, je suis sereine. J’ai été une bonne petite maman pour ce chiot. Je m’assois à ma place. Maman vient me voir un instant pour me parler et me caresser les cheveux. Elle me fait même un baiser sur mon front.
Enfin, après un moment, Bartel avait décidé d’aller plus loin avec sa dame. Les fiançailles je n’ai jamais compris à quoi ça servait. Je crois que ça servait surtout de prétexte à Bartel pour fêter la réussite de l’entreprise familiale et également montrer au monde entier son bonheur. Lui qui avait toujours semblé si secret et silencieux, c’était assez surprenant.
Il avait tout de même l’air tout de même assez heureux. Les regards entre les futurs mariés avaient l’air assez sincères. Ce n’est pas le regard que maman posait sur papa. Non, c’était un regard qui possédait une signification particulière. C’est cette main qui cherche l’autre. C’est un toucher particulier entre ces deux êtres. C’est ces rires, ces sourires qu’on peut observer. C’est peut-être ça l’amour comme ils le décrivent dans les livres.
Dans cette fête, il y a quelques enfants, assez pour faire participer les plus jeunes aux parties de cache-cache. Lilac semble plus proche de mon âge que les autres. Les uns sont soit plus jeunes ou alors plus âgés et même plus prétentieux. Il ont un de ces airs de ceux qui semblent avoir tout vu alors qu’ils ne sont qu’à la fleur de l’âge. Ils m’énervent avec leurs discussions avec pour seul but de se montrer. Je les hésite un maximum, je les trouve inintéressant. Moi je, moi je. Oui oui c’est cela. Tu as tout fait, tout vu, merci bien.
Le dîner est bon, long et l’alcool coule à flot. Je tente de boire quelques gouttes mais maman a l’œil. Un léger geste de sa part me fait comprendre que je dois renoncer à ce projet. C’est assez fou de ne pouvoir goûter aux propres produits conçus par sa famille. Ses yeux perçants sont tout de même assez dissuasifs pour que je veuille tenter le diable.
Pour faire passer cette envie, je joue ; lors des moments de pauses ; avec certains enfants. D’autres fois, j’épie les conversations des adultes. Je converse avec certains d’entre eux. Je quitte la conversation lorsqu’on s’attarde un peu trop sur mon cas. J’aime parler de ma personne mais je connais la chanson. Ils m’interrogent sur mon éducation, découvrent que je sais faire de nombreuses choses ainsi que parler plusieurs langues. On m’adresse de nombreux conseils ; souvent ceux qu’ils n’ont jamais suivis pour eux-mêmes ; me corrigent sur des erreurs assez mineures. Enfin, on tente de découvrir mon âge ou l’existence d’un éventuel un amoureux.
Dans certains cas, l’interrogatoire est plus court et les sujets d’actualité font face. Je ne comprends pas encore tout ce dont on parle ni les répercutions. Je crois même que certains d’entre eux parlent pour ne rien dire. Bartel a probablement raison, il vaut mieux se taire lorsqu’on a rien à dire. Mais c’est si dur de se taire alors que j’aime tant parler. Je crois que j’aime surtout parler à mes proches ou aux gens de ma famille. Ou même faire des confidences à mes amies du pensionnat.
Il y a même un toast. Mon frère est assez concis dans ses propos. Ce n’est pas le genre à s’étendre beaucoup. Sa future femme a l’air touchée. On dirait presque que les larmes lui montent aux yeux. Maman dirait que c’est le bonheur. Frank dirait certainement qu’elle se rend enfin compte de la véritable nature de Bartel et qu’elle regrette de s’engager avec lui. Moi je dirai qu’elle prend enfin conscience de chaque mot prononcé par mon frère. Son silence est connu de tous mais ses paroles sont comme de l’or, rares et précieuses.
La soirée se termine, les personnes partent ou vont dehors continuer leurs longues discussions où ils refont le monde, un bien meilleur selon eux ; surtout s’ils étaient aux commandes. Les enfants se couchent un peu partout. Les adolescents et jeunes adultes se décident à faire une promenade afin de lier des alliances pour la vie. Ou d’échanger des promesses qu’ils ne tiendront pas.
Et les verres, sont pour certains toujours disposés à être bu. D’autres ont laissé quelques filets d’ivresse dans leur verre. Je ne m’attarde pas aux contenants des invités, je ne connais point leur hygiène de vie. En revanche, je connais bien celles de mes frères. Je sais qu’eux au moins ils se lavent tout leur corps. Et même leur barbe ! Ce qui est, assez exceptionnel m’a-t-on dit.
Je m’attarde à chercher maman du regard. Elle finit une conversation avec un invité puis prend papa. Je crois qu’elle va le coucher.
Tous mes frères sont partis faire leurs petites affaires. Bartel a dû partir avec sa fiancée. Certainement pour « s’éclipser » dans un coin sombre, plus intime pour les amoureux souhaitant se faire des confidences. On sait très bien comment cela se termine. Je n’irai pas les déranger, je le ferrai un autre jour.
Je profite de ce moment où personne n’a l’œil fourré partout pour me surveiller pour approcher les place où se trouvaient les membres de ma famille. J’observe une dernière fois les alentours. Je regarde même le plafond, des fois que Dieu m’observerait quelque part. Et hop, j’avale d’une traite le premier verre.
C’est tellement fort. Et ils aiment ça ? Je me pose mille questions. Comment font-ils donc ?
Pour en avoir le cœur net je finis tous les verres de mes frères. J’enfile également ceux des fiancés, femmes de mes frères. Certains ont des goûts différents.
Un bruit. Je me cache rapidement sous la table avec le verre en main, comme une voleuse. Je l’engloutis. Ce n’est pas quelqu’un que je connais au vu des gloussements. Je me baisse pour voir en-dessous de la nappe. C’est visiblement un groupe d’amis, ils ne passent qu’en coup de vent, prendre un verre ou deux. Leurs chaussures sont joliment assortis pour l’occasion. L’un d’entre eux a l’air plus maladroit que les autres, traînant les pieds, manquant de tomber mais se rattrapant à l’un de ses amis. Ils parlent fort, se vantent de mille choses. Enfin, ils partent, les dames prenant leurs bras.
Dès leur départ, je prends une bouteille déjà ouverte et me sers dans le verre de je ne sais plus qui. Je goûte, je bois. Hop, je passe à une autre bouteille.
Je suis Erin Murphy mais aujourd’hui je suis la reine de l’alcool en illimité. Ce temps semble s’allonger au fur et à mesure que je goûte;en grande quantité ; aux liquides à ma disposition. Finalement, je sors de la table et prend la bouteille qui me plaît le plus. Je tombe de tout mon soûl dès lors que je sors de ma cachette. Mais mon trésor est sain et sauf, fort heureusement. Tant pis pour la robe si celle-ci est un peu déchirée ou même pour la coiffure si elle n’est plus si parfaite. Tant qu’il y a de la vie, tout va. Ou de l’alcool, j’sais plus. C’est le soir, il est tard, c’est normal que je confonde un peu.
Je titube en sortant par une des portes, la bouteille à la main. Je sens l’air frais, me rafraîchir de cette si chaude journée de ce mois d’août. C’est définitivement une bonne saison pour fêter un évènement. Je bois, je mets un pied, je bois à nouveau, je mets un autre pied. J’avance, du moins je le crois. Je ne suis plus très sûre des distances. Seule la lune permet de m’éclairer. A croire que la pleine lune n’a plus toutes ses capacités. Le monde tangue. Ou c’est mon corps qui semble se tordre dans tous les sens, comme balancé. Je ne suis plus Erin, je suis un bateau qui vogue de vague en vague. Je m’appellerai Mor.1, je suis une grande étendue et j’inspire à tous la peur. Bouuuuuh. Ou glouglou ?
Je vois l’un des grands arbres, près de ce point d’eau. Je ne m’approche au grand jamais de l’eau. Maman m’a fermement et formellement interdit d’approcher une quelconque étendue d’eau. Maman a perdu son père qui était marin, puis sa mère s’est noyée peu de temps après ; bien qu’elle sache nager. Quant à moi ; j’ai toujours veillé à être le plus éloignée possible de ces endroits que j’ai en horreur. Une très mauvaise expérience étant petite m’a à jamais rendu folle de ces lieux.
Toutefois, ce soir, l’arbre me semblait bien loin de cet énoooorme trou rempli d’eau. Certes, les branches semblaient faire de grands allers-retours entre le ciel et la terre. C’était pas comme d’habitude. Même le tronc semblait tournoyer dans les airs. L’illusion semblait parfaite jusqu’à ce que je tombe dans ses bras remplis de feuilles. Rien ne bougeait.
Les ténèbres sont bien blagueuses aujourd’hui. Je fais un câlin à l’arbre. Il en a bien besoin. Dans ma grande bonté, je me permets de lui donner quelques bisous. Je secoue ma tête, j’ai comme des fourmis qui me parcourent. J’entends des bruits de partout. Ces sons indiquent la présence de nombreuses espèces, des animaux nocturnes qui travaillent.
L’idée me vint maintenant d’escalader cet arbre. Je n’ai peut-être pas la tenue appropriée. Je me défais alors des vêtements pouvant empêcher ma montée. Je me retrouve dans une tenue plus légère, plus confortable pour le défi que je m’apprête à affronter. Pour me donner du courage, comme les bonhommes, je bois encore une gorgée. Le goût semble beaucoup plus supportable, plus doux peut-être.
Je m’arme de courage mais je ne souhaite pas abandonner mon magnum pour autant. Alors je finis le tout d’une traite. Quasiment. Il me faut plusieurs gorgées. Je manque même de m’étouffer. Heureusement que j’ai enlevé ma toilette. Qu’aurait donc dit maman sinon ? Mon prénom, pour sûr !
Oh et puis elle aurait été fière. J’ai pensé à éviter à ma tenue des terribles choses qui pouvaient causer du tort à la tenue. Oui, à la robe. Ainsi, je suis tout de même une héroïne. Je ne sauve peut-être pas la veuve et l’orphelin mais je prends soin des tissus qui recouvrent mon corps. Non ! Qui recouvraient.
Je tapote mon tronc préféré. Je touche celui-ci pour voir où je vais pouvoir mettre mes petites mains. Enfin, je commence à grimper. Mes sens sont aiguisés. J’entends même l’arbre gémir.
« Pardon, mais c’est trop bon. » lui murmurais-je tout en lui faisant une petite caresse.
Je crois même qu’il me répond. Je ne vois pas où il veut en venir. Il doit certainement parler aux herbes ou à l’étang. Moi je ne pratique pas l’arbrais, l’arbron ou encore l’arbrin2. Je me balance de branche en branche, insouciante, prenant de grandes respirations.
J’ose même m’aventurer plus haut et plus loin sur les branches. Je me sens tellement libre. J’ouvre mes bras bien grands tout en prenant un grand bol d’air. Je fais même une accolade à la brise qui décide de me rendre en quelque sorte la pareille.
Je m’avance au plus près de la branche. C’est très difficile d’être debout. Je me tiens à une branche au-dessus de ma tête. Celle-ci est fine, encore plus que celle sur laquelle mes pieds se tiennent. Je tente même un pas de danse fredonnant le petit air survenu dans la soirée.
Finalement, je m’assois sur cette branche. Mes jambes semblent flotter dans les airs. Je penche le haut de mon corps vers la branche. Je vois l’eau. L’image qu’il me renvoie est celle d’une jeune fille d’une douzaine d’années dont la coiffure est volée en éclat. De nombreuses mèches se sont échappées de la coiffure. C’est un beau désordre. Les vêtements, assez diffus sont blancs. Qui cela peut-il bien être ? J’arrive pas trop à reconnaître. Je lève la tête aux cieux et réalise l’évidence. L’eau c’est un miroir. Ce doit être les ondulations de l’eau qui ont dû m’induire en erreur.
C’est assez drôle au final. Dans cet étang, je vois toute la beauté du soir étinceler de mille feux. Dieu fait bien les choses pour ceux qui ne pourraient pas regarder en haut.
Soudainement, un bruit, un
« crack » retentit, je tombe l’instant d’après d’assez haut dans l’eau.
Le second bruit me fit horreur le
« PLOUF » ainsi que toute cette matière sur ma personne m’effrayait au plus au point. La seconde chose qui arrêta mon petit cœur fut de découvrir ce qui semblait être un étang sans fond. Mes bras sont engourdis et je tente d’animer mes membres vers la surface du haut. J’ai l’impression de faire plus que du surplace. Finalement quelques doigts arrivent à toucher de l’air. J’ai du mal à hisser ma tête hors de l’eau. Je m’affole. Je crie, dans l’eau forcément, ce qui ne sert strictement à rien. Je ne parle pas le poisson. J’ai beau gigoter dans tous les sens, je n’arrive pas à remonter à la surface complètement. Mes bras s’emmêlent et c’est un peu pareil pour les membres du bras. Je ne nage pas, je coule.
Mon dieu, je commence à prendre une première gorgée d’eau, je m’étouffe.
Les poissons qui étaient certainement restés assez loin doivent bien se moquer de moi. Ils attendent ma dernière heure arriver. Je ne veux pas ! Je ne veux pas qu’ils tentent de me manger après m’être noyée ! Au secours !