La route entre Silverstone et le campement des Borden était considérablement plus longue depuis qu’ils avaient fui les conséquences de l’attaque de la banque locale. Le périple ne l’était pourtant encore pas assez au goût de la seconde des Borden. En effet, malgré les longs moments de chevauchée, il lui semblait toujours porter les stigmates de sa vie d’emprunt lorsqu’elle rejoignait les siens. Les effluves de parfums charmants, pas nécessairement siens, mais souvent capturés par la présence des interlocuteurs les plus soignés à ses côtés. Un estomac bien rempli alors que les membres du clan, bien que nourris à leur faim, n’étaient aucunement en position de festoyer chaque soir. Un sommeil précieux, dans des draps élégants et sous un toit protecteur, bien loin de la vie en roulotte, voire à la belle étoile, qu’elle avait connu jusqu’à présent. Tant de signes qui lui paraissaient lui coller à la peau et hurler à chaque visage familier qu’elle pouvait croiser qu’elle agissait de moins en moins comme l’une des leurs. L’arnaqueuse avait la sensation de s’empâter dans cette existence bourgeoise et elle en serait presque arrivée à souhaiter que Cole requière ses services pour un bon vieil empoisonnement, afin de se sortir de cette transe de confort et de privilège. 

Le meneur des Borden avait tout naturellement était sa première visite à son arrivée dans le territoire du gang, il l’était toujours. Les jeunes gens avaient conversé des progrès de la brune dans sa mission sous couverture au sein de la bonne société de Silverstone, ou plutôt de l’absence de ces derniers. Encore une raison pour laquelle Leonora avait la douloureuse impression de délaisser les siens. Le gitan l’avait conseillée sur les prochaines étapes de sa démarche et elle repartait avec de nouveaux horizons à poursuivre. En réalité, l’empoisonneuse aurait pu quitter les lieux à peine cet entretien terminé. C’était le seul dont elle avait besoin pour mener à bien ses tâches. Néanmoins, elle avait pris le temps de prolonger sa visite, désireuse de garder un œil dans les affaires internes du clan. Toute espionne qu’elle était, l’américaine d’adoption avait évidemment ses informateurs privilégiés. Toutefois, l’époque où rien ne se passait parmi les membres sans qu’elle ne l’ignore, où elle connaissait toutes leurs forces et leurs aspirations, pour déterminer au mieux comment ils pouvaient rendre service au collectif datait de plusieurs mois déjà. D’avant son départ pour Silverstone, pour être exact.

Penelope faisait partie des visites que le Serpent s’était imposée à elle-même. Sa relation avec la blonde avait en effet toujours été un sujet de défi et depuis que la protection du clan avait fait défaut à celle-ci, Leonora avait le sentiment d’avoir une dette à éponger à son égard. Après quelques coups contre la porte de la roulotte, celle-ci s’ouvrit, laissant paraître Olga que la seconde salua avec un sourire fin et un hochement de tête. « Is it a bad time ? » Interrogea-t-elle devant la stupeur évidente de son hôte. Elle ne pénétra dans l’antre que sous invitation de sa propriétaire, ses doigts s’enroulant autour du verre offert avec un remerciement, sans le porter jusqu’à ses lèvres pour autant. « It’s good to be around. » Soucieuse de ne pas isoler la française, la jeune femme se déposa avec ses bonnes manières nouvellement acquises sur une chaise qui faisait face à son interlocutrice. Le liquide ambré tourna machinalement entre ses doigts, toujours privé de l’accomplissement de son office original. « How have you been doing Penelope ? » Le questionnement était lourd aux vues des circonstances de l’ancienne bourgeoise. La réponse ne pouvait pas possiblement être positive et la brune ne l’ignorait en rien. Sa formule était emplie de maladresse, mais elle ignorait comme s’inquiéter de l’état et du bien-être de la blonde autrement que par cette voie. Malgré une présence d’à peine quelques heures au sein du camp, l’arnaqueuse avait déjà obtenu nombre d’informations à propos de la demoiselle. Son état de santé était stable, bien qu’irrémédiablement amoindri par ses mésaventures après le casse. Il semblerait qu’elle ait façonné une partie de la culpabilité de Cole et des Borden à son égard en une estime et des responsabilités nouvelles. Comme de coutume, le Serpent avait une opinion à ce sujet, mais elle savait la garder pour elle-même.