Consuelo grimpe furieusement les marches de l'escalier menant au grenier, l'exaspération se lisant sur son visage. Les mots de colère et de frustration se bousculent dans sa tête, et elle les laisse échapper, ignorant si quelqu'un peut l'entendre. La trappe se referme bruyamment derrière elle, isolant le tumulte de sa fureur dans le grenier poussiéreux.

Sa plus jolie robe, un chef-d'œuvre de soie et de dentelle ayant eu raison de ses économies, prêtée par pure bonté de cœur à Laura, qui, Dieu ne sait comment, s'est faite invitée pour aller à un bal ; détruite. Consuelo avait accepté de lui prêter sa robe, espérant secrètement que Laura trouverait un homme au bal et qu'elle pourrait enfin se débarrasser de cette présence encombrante. Cependant, son plan prit une tournure inattendue.

La colère bout en elle alors qu'elle se remémore les dégâts. Laura, négligente, s'était approchée trop près d'une cheminée, et le bas de la robe avait pris feu, laissant derrière elle un amas de tissu brûlé et de dentelle détruite. Consuelo peste dans le vide, maudissant le destin qui semble se liguer contre elle. Elle aurait souhaité que la robe brûle avec Laura elle-même, libérant ainsi son existence de cette personne particulièrement irritante.

Les planches grincent sous ses pas précipités, tandis qu'elle cherche un exutoire pour libérer sa colère. Sans réfléchir, elle se met à pousser des boîtes, à renverser des objets, libérant son désarroi sur les reliques du passé. Soudain, la vision de Laura brûlant avec la robe dans les flammes de la cheminée hante l'esprit de Consuelo. Elle aurait souhaité que ce fantasme devienne réalité, que la chaleur dévorante de la colère engloutisse tout, laissant derrière elle un sentiment de satisfaction. La pensée même de voir Laura brûler avec la robe semble apaiser momentanément le tourbillon de fureur qui la consume.

Lorsque l'énergie de sa rage atteint sa fin, Consuelo se retrouve au centre d'un champ de bataille dans le grenier, entourée de boîtes renversées, de jouets éparpillés et de poussière tourbillonnante. Elle s'arrête, épuisée, le souffle court, les yeux embrumés par la colère refoulée.

C'est alors qu'elle remarque quelque chose qui contraste avec le chaos qu'elle a créé. Une couverture soigneusement disposée sur une forme recroquevillée. Intriguée, la fureur de Consuelo cède la place à la curiosité. Elle s'approche avec prudence, se demandant ce qui peut bien se cacher sous cet abri improvisé. Un animal peut-être ?

Sans réfléchir, elle saisit le premier objet contondant à portée de main : un maillet de croquet fabriqué par Nono lorsqu'elle était gamine. La vision des Rosenbach s'amusant à ce jeu d'anglais dans leur jardin parfaitement entretenu, portant de beaux vêtements sans taches ni trous, avait toujours fasciné Consuelo. Nono avait réussi à leur fabriquer, pour elles et ses sœurs, des maillet en bois simples, faisant le bonheur des fillettes pour bien des soirées à jouer dans la poussière devant la maison.

C’est donc maillet en main que Consuelo s'approche avec précaution de la silhouette endormie sous la couverture. Son regard passe de la tête aux pieds de l'intrus, cherchant tout signe de menace.

« ¿Quién eres tú? », murmure-t-elle avec méfiance, son maillet prêt à se transformer en arme de défense. Cependant, au lieu d'une menace, elle découvre une jeune femme vulnérable, aux cheveux argentés, qui semble avoir trouvé refuge dans l'ombre du grenier.

Elle pousse un petit cri de surprise, et place le maillet entre la jeune fille et sa personne.

« Who are you and why are you here… how did you…? ».

La jeune femme sous la couverture a l'air frêle et vulnérable, loin de l'image menaçante qu'elle projette d'abord. Consuelo baisse lentement le maillet de croquet, réalisant que peut-être cette inconnue n'est pas une menace directe. Cependant, la méfiance persiste. Après tout, elle est une intruse dans sa propre maison.
« Par la fenêtre, je m'appelle White », murmure-t-elle.

Consuelo ne sait que faire de cette information. Qui est cette fille et pourquoi se cache-t-elle dans son grenier ? Est-elle une fugitive ? Une vagabonde ? Les pensées tourbillonnent dans sa tête, mais elle doit rester calme et posée. La dernière chose dont elle a besoin est d'aggraver une situation déjà tendue.

« White... D'accord », répond-elle d'une voix hésitante. « Mais que fais-tu ici ? Pourquoi te caches-tu dans mon grenier ? »

Elle essaie de contrôler ses propres émotions, bien qu'une part d'elle-même soit toujours en proie à la colère qui l'a poussée à déchaîner sa frustration sur les objets du grenier. Consuelo n'est pas certaine de ce qu'elle attend en posant ces questions. Peut-être espère-t-elle une explication raisonnable qui dissiperait ses soupçons et apaiserait ses craintes.

Me ramenez pas à lui !, à dit la jeune fille.

L'urgence dans ses mots ne laisse aucun doute sur le fait qu'elle fuit quelque chose ou quelqu'un de redoutable.

« Je ne te ramènerai à personne, White », déclare-t-elle doucement, laissant planer le silence quelques instant. « Mais je dois comprendre ce qui se passe. Pourquoi es-tu en fuite ? Qui cherches-tu à fuir ? ».

Ses propres paroles résonnent dans sa tête alors qu'elle attend fébrilement la réponse de White.