Il se passait quelque chose d’étrange. Depuis quelque temps, une étrange activité se déroulait dans sa petite écurie sans que Meredith ne puisse se l’expliquer. Chaque jour, cette dernière était un peu plus nettoyée, un peu plus propre, mais il ne savait pas qui en était responsable. Une fée aurait-elle décidé d’établir son nid dans cet endroit ? Est-ce qu’une brownie, venue de la lointaine Europe, avait jeté son dévolu sur l’écurie et avait décidé de s’en occuper, et de son occupante aussi ? Parce qu’il avait aussi remarqué que Ys aussi profitait des mains qui soignait son logis. Quoiqu’il en était, Meredith avait parcouru une bonne partie du monde, il avait été témoins de ses mystères et il avait préféré se prémunir de tout préjudice en laissant quelques offrandes sur le rebord de la fenêtre de l’écurie, en général un bol de porridge sucré au miel et une part de gâteau ou de pâtisserie. Des offrandes qu’il était heureux de voir disparues le lendemain.

Il y avait peu de chance qu’il s’agisse véritablement d’un représentant du monde des faes mais le mystère restait entier, et l’amusait quelque part. Il en était aussi très reconnaissant. Meredith avait été extrêmement occupé ces derniers temps. Il avait dû se rendre à Imogen et plus loin encore, utilisant Ys plus qu’à l’accoutumée, sans avoir le loisir de la soigner correctement, rentrant de ses courses simplement pour s’installer devant sa machine à couture pour s’occuper des commandes qui occupaient son carnet. Il savait que l’aide de Nancy lui était précieuse et il se rendait maintenant compte à quel point elle lui était indispensable mais il se refusait à lui demander plus que ce qu’elle faisait déjà. Elle n’était pas encore tout à fait remise de ce qui lui était arrivée et de toute façon, il préférait qu’elle se concentre sur l’apprentissage des nombres et de la lecture ainsi que sur la broderie.

Avec tout ça, il n’avait plus eu le temps pour Ys et pour son écurie qui avait une bien triste mine. Il s’était promis d’offrir à sa jument le meilleur lorsqu’il serait moins débordé et d’engager quelqu’un pour réparer et remettre l’écurie à un état plus décent. Cette aide invisible était donc la bienvenue même s’il aurait voulu savoir d’où elle lui venait afin de remercier comme il se devait la personne qui en était responsable. Ou la créature. Tant qu’il n’aurait pas à manger de sa nourriture ou de la suivre dans le Sidh bien entendu.

Heureusement, le mystère allait bientôt être levé.

Ce matin-là, Meredith s’était réveillé un peu après l’aube après une nuit de sommeil bien méritée, prêt à en découdre avec le brocard qui l’attendait. Mais d’abord, il devait aller voir comment se portait Ys. Il avait cru entendre sa jument dans la nuit, un faible hennissement et des bruits de sabots mais il avait été trop épuisé pour se lever, croyant à un rêve dans son état semi-conscient. Mais à présent, il était éveillé et il était temps d’aller voir sa jolie jument isabelle.

Il saisit une carotte et une pomme au passage, elle l’avait bien mérité, et se rendit dans l’abri où Ys l’accueillit affectueusement en tapotant sa tête contre la sienne, lâchant un soupir dans ses cheveux en bataille, le souffle chaud jouant dans ses mèches ébènes. Elle n’était pas rancunière malgré la négligence qu’elle avait subit et Meredith se sentit heureux de l’avoir. Il lui offrit les friandises qu’elle accueillit goulûment tandis qu’il lui flattait l’encolure. Une fois finie, elle se mit à le pousser doucement jusqu’à ce qu’il comprenne qu’elle lui désignait un tas de foin dans un coin où une étrange forme blanche était étendue.

S’approchant doucement, il découvrit bientôt une toute jeune fille endormie. Elle était si étrange, entièrement blanche, qu’il cru d’abord qu’il s’agissait d’un fantôme ou, véritablement, de cette élusive fée. Une impression qui s’effaça lorsqu’elle bougea, marmonnant quelques mots bien qu’encore prise par le sommeil.

Ne souhaitant pas l’effrayer, Meredith s’abstint de la toucher, essayant de la réveiller en l’appelant doucement. En vain, elle se retourna et se rendormit, le laissant seul sans savoir quoi faire, surtout lorsqu’il découvrit sa cheville blessée. Il ne pouvait pas la laisser partir comme ça et il ne pouvait pas la laisser dormir ici alors qu’elle était souffrante. Mais il ne voulait pas la toucher sans qu’elle soit réveillée. Il ne la connaissait pas et il ne savait pas ce qu’elle avait pu vivre mais ce genre de vagabond était rarement épargné par la vie. Nancy en était la preuve la plus fragrante et la dernière chose qu’il souhaitait, c’était d'effrayer cette demoiselle qui semblait n’être à peine plus qu’une enfant.

Prenant une décision, il revint dans le bâtiment puis chez lui où trouva sa trousse de secours, qui s’était étoffée depuis la venue de Nancy dans sa vie, ainsi qu’une tasse de café au lait sucrée, deux généreuses tartines de pain avec beurre et confiture et une pomme. Rien de bien folichon mais qui, il l’espérait, suffirait à l’amadouer pour qu’elle se laisse soigner. Prenant soin de ne pas réveiller son amie endormie dans la chambre qui était devenu la sienne, il revint dans l’écurie où Ys montait toujours la garde et où son invitée impromptue dormait toujours.

Il s’agenouilla près d’elle de façon à ne pas paraître menaçant en la surplombant de toute sa taille, modeste pour un homme certes mais quand même, posa l’assiette près de lui et entreprit ensuite de passer la tasse remplie de liquide chaud et odorant sous son nez pour la réveiller en douceur. Quand elle ouvrit les yeux, il lui sourit gentiment.

-Bonjour Mademoiselle*. Seriez-vous la fée du logis qui s’occupe de cet endroit depuis quelques temps ?