Rosario s’emmerdait comme un rat mort. Et encore, même un rat mort devait plus s’amuser à sentir les asticots s'agiter sous sa peau. Enfin, autant un truc mort pouvait s’amuser. Cette pensée le fit rire pour lui-même avant qu’il reprenne son sérieux, s’ennuyant toujours autant. C’est qu’elle était loin, sa vie trépidante en Italie où, quand il se levait le matin il ne savait jamais s’il serait encore en vie le soir suivant. Rien de tel que la constante présence de la Grande Mietitrice pour fouetter les sangs et faire battre le cœur. Mais bon, il n’avait pas eu le choix de mettre cette vie derrière lui à cause de cette truie de Giuseppina. Questa stronza ! Il espérait de tout son coeur qu’elle est attrapé une quelconque maladie vénérienne qui lui dessèche le con et qui la démange sans interruption, jour et nuit. C’était le moins qu’elle méritait.

En attendant, il était là, à son poste à la gare de Silverstone et il ne se passait absolument rien. Il avait reçu une cargaison de colis et de courrier la veille mais il avait déjà fini de les trier et de les diriger vers leur futur destination, attendant la venue du postier pour se débarrasser du reste. Et évidemment, il avait déjà fait son choix parmi les arrivages : quelques bouteilles d’alcool qui avait été déclarées comme casser durant le voyage, un beau rouleau de tissus qui avait été endommagé par lesdites bouteilles d’alcool, du tabac et d’autres petites babioles qui avaient fait son bonheur et ferait celui des autres italiens quand ils auraient été écoulés quelque part.

Rosario avait donc abandonné son poste derrière le guichet et se contenter de tailler un morceau de bois avec son couteau, assis non loin, ses longues jambes croisées sur une autre chaise en face de lui. Son chapeau était enfoncé un peu plus sur son front pour se protéger les yeux et il se consacrait à son activité, sans se préoccuper des quelques vieux qui traînaient toujours dans le coin. Il était concentré sur la croupe du cheval en bois qui prenait forme sous ses doigts quand la sonnette du guichet retentit deux fois, suivit par une voix frêle et féminine.

Rosario poussa un profond soupir, se leva lentement de son siège en s’étirant et s’en alla tranquillement prendre place à son poste, rencontrant le visage d’une vieille dame blonde qui avait dû être très belle dans sa jeunesse, une beauté encore visible malgré son corps sec et maigre comme un coucou. L’italien se passa nonchalamment une main dans ses cheveux pour les remettre en place après s’être débarrassé de son chapeau. Il lui offrit le sourire affable et faux des gens de service.

-Bonjour, bienvenue à la gare. En quoi puis-je vous aider ?

Elle lui avait déjà dit mais c’était un de ses petits plaisirs de la vie que de faire tourner les gens en bourrique, on verrait si cette femme était du genre amusante ou non. Et puis, il était bien curieux de savoir quel genre de bagage elle avait perdu. Il laissa son regard couler sur elle. Elle n’avait vraiment pas l’air du genre de personne à recevoir quoique ce soit par le train.