Première prise.
@White Gardner Je venais à peine de m’installer à Imogen que j’avais déjà un premier contrat. Pas des plus brillant, j’avoue que si c’était à refaire j’aurais fait les choses différemment. Tout a commencé une semaine après mon arrivée, je dormais dans une chambre que je louais à la journée, je devais avouer que ce retour au grand air dans une contrée moins chaude me faisait le plus grand bien, je respirais, j’étais heureux. J’avais sincèrement l’impression de rajeunir chaque jour, j’avais le sentiment d’être sur un petit nuage. Ce premier contrat est arrivé sous forme de coups sur ma porte un matin tandis que je me rasais.
“Entrez.” N’ayant pas encore eu le temps de me faire des ennemis dans la région je sentait que je pouvais laisser entrer qui le voulait sans avoir la rassurante présence d’un colt à côté de moi. Le propriétaire du petit logis, un homme particulièrement laid avec des boutons sur le visage me regardait comme s’il avait vu une étrangeté. Je crois que l’hygiène n’était pas une préoccupation habituelle localement. C’est à l’armée que j’avais appris l’importance d’un corps en bonne santé, mon rasage se faisait au savon et à l’eau chaude, comme dans les grandes villes.
“Un mot pour vous.”
“Très bien, laissez-le là, sur le meuble.” Le gaillard restait interdit, les bras le long du corps, immobile à me dévisager bizarrement. Suis-je bête, il attendait un pourboire. “Deux cents ?”
“Pour ?”
“Pour… Qu’est-ce que vous attendez ?”
“Z’êtes bien Monsieur Todd ?”
“Oui, comme je vous l’ai dit lorsque j’ai emménagé.”
“Z’êtes chasseur de primes, hein ?”
“Il se trouve que oui, si l’on peut résumer succinctement ma profession.”
“Mh. Y’a pas d’mots comme ça, c’est moi qui transmet le message.”
“Ah oui, faites alors, je suis à votre écoute.”
“Mh.” Il me regardait de plus en plus sévèrement. “Un patron de cirque, le… euh… J’ai oublié le nom. Il fait dire qu’il aurait besoin de vos services pour retrouver quelqu’un.”
Allons donc, j’avais l’habitude de demandes plus formelles, généralement émises par des émissaires de la justice mais parfois il arrive que des particuliers aient besoin de privés. Et il fallait bien que je commence à travailler. Je faisais mes affaires, je devais rencontrer le patron de ce cirque aux abords de Silverstone, de l’autre côté de la frontière. Dans mon métier, on voyage toujours beaucoup mais j’étais quelque peu déçu que cela n’ai rien à voir avec les activités locales d’Imogen, après tout si j’étais parti de Californie ce n’était pas pour retraverser la frontière une semaine après. Néanmoins, le travail, c’est le travail. Et Dieu sait que cette chambre n’allait pas se payer toute seule.
Je prenais la route de Silverstone l’après-midi même, sur Francis, on me prédisait plusieurs jours de voyages une aventure bien contraignante que je consentais avec l’espoir d’une belle récompense. Après un voyage sans encombre, à dormir à la belle étoile pour me mettre dans le bain j’atteignais la ville de Silverstone, bien plus grande qu’Imogen j’en profiterais pour faire refaire mes semelles. A peine arrivé je ne trouvais pas le cirque, je souhaitais éviter le plus possible une quelconque perte de temps. Hélas pour moi aucune trace de caravanes là où on me les avait indiquées. Seule une sorte de vieux type, la gueule pleine de poussière, traînait là.
“Parti.”
“Comment ça parti ? Vous vous foutez de ma gueule ?”
“Le cirque est parti, hier soir. On avait déjà tout vu d’toute façon…”
“Mais bordel de merde il fait venir un chasseur pour rien ce con ?”
“Aaaaah ! M’sieur Todd ?!”
“Todd, oui ?”
“Alors, d’vez r’trouvez une certaine White, de la tribu des Albinos.”
“De la tribu des albinos, vous vous foutez vraiment de ma gueule en fait ?”
“Hein ? Non, l’a dit qu’c’étaient des gens à la peau neige.”
“Attendez, les gens tout pâlot là, dans les cirques, c’est une tribu ?”
“J’en sais foutre rien M’sieur Todd.”
“Todd. Mais vous venez de le dire !”
“Mais j’en sais rien ! D’toutes façons le cirque n’a qu’une journée d’avance sur vous, si z’êtes un bon chasseur, vous l’r’trouvrez.”
Je n’aimais pas les méthodes de ce patron de cirque, toujours est-il que je comptais réussir ce premier contrat pour la simple raison qu’il s’agissait de mon premier contrat, attraper la fille et l’amener au directeur du cirque. On dit que les freaks sont des gens étranges, parfois dangereux. Je comprenais parfaitement l’utilisation de mes services. Je partais à l’instant même pour glaner des services. Et quand on cherche des informations, il faut commencer soit au saloon, soit repérer les trainards. Malin comme un renard, je faisais les deux.
“Pss gamin ! Viens là ! Tu veux gagner quelques cents ?”
“Oui ‘sieur.”
“Une fille, White, toute blanche, ça te dit quelque chose ?”
“La dame blanche !”
“La dame blanche ? C’est quoi encore cette foutue histoire ?”
“Un fantôme, y’a t’y des gars d’l’a vallée qui l’ont vu ! Tout’blanche !”
“Où ça ?”
Le gamin ne répondait plus, il attendait patiemment ses quelques cents que je lui collais dans ses petites mains graisseuses. Je cherchais une fille blanche de la tribu des Albinos et des gens du coin avaient vu une dame blanche qu’ils avaient pris pour un fantôme. Je ne croyais pas aux fantômes, notre Seigneur Jésus Christ ne laissait pas les âmes sur terre, elles vont soit au ciel, soit en enfer. Le reste, ce sont des histoires de catholiques du Vieux Continent et des fumisteries d’indiens. Deuxième partie de ma recherche, le saloon. Je prenais une bière avec un air entendu, le lieu était suffisamment vivant. Je laissais mes oreilles dérivés et je portais attention aux discussions de comptoir. Finalement, le sujet ne venant pas au bout d’une heure je le lançais par moi-même.
“Hé, c’est vrai cette histoire de … fantôme dans le coin ?”
On me regardait bizarrement. “J’adore les trucs qui font peur, je serais prêt à payer pour le voir, ce fantôme.” Je voyais une petite lueur s’installer dans quelques paires d’yeux. Le patron de cirque avait intérêt à me payer correctement.
“Mais attention, pas de conneries hein ! La Dame Blanche, je veux la voir POUR DE VRAI !”
Un gars qui n’en était pas à son premier verre venait à mon niveau. Il était sale et venait certainement dépenser ici son salaire du jour.
“Moi, j’sais.”
“Montre moi et je te jure que je te paierai bien.”
“T’as… du… pognon ?”
“Evidemment. Je ne suis pas un menteur.” Il me faisait signe de le suivre, j’obtempérais. Nous sortions du saloon, arrivés à l’arrière du bâtiment, il sortais maladroitement un vieux couteau de son pantalon, d’un air moyennement sur de lui il s’approchait de moi.
“Ton fric.” Je dévoilais l’un de mes revolver à la ceinture, parfaitement bien rangé dans son holster. Le type partait en trébuchant et je poussais un soupir d’énervement. “Mais bordel de merde.”
“Cherchez le fantôme ?” Une voix plus jeune, sûre d'elle, venait de l’autre côté de la ruelle. Le type venait d’arriver et avait vraisemblablement manqué la scène. Dans le doute, je gardais la main sur mon arme. “Si c’est encore pour espérer me baiser sache que je vais d’abord te baiser et bien fort.” Le type devenait blême.
“Euh non non ! On m’a dit euh, un gamin, cherchiez le fantôme !” Je sortais mon revolver de son étuis, toujours pointé vers le sol. “Et bien parle petite merde, parle moi de ce putain de fantôme, t’as raté le moment où ton copain s’est enfui ?”
“NON ! Non ! C’pas un fantôme c’t’une fille du cirque !” L’appât avait pris. “Et comment tu sais ça toi ?” Je rangeais mon arme.
“L’a vu ! L’était au pestacle ! Toute blanche ! Oui, oui. Combien pour l’info ?” Il était passé de l’effroi à la convoitise en une vitesse record. J’avais vu des chiens avec une meilleure mémoire. “Où et je te paie, tu me la trouve et tu auras… Dix cents.” Ses yeux commençaient à briller. “Trente cents !” Je restais impassible à sa demande. “S’par là.” Je suivais le gamin sur la place principale. "Dernière fois qu’on l’a vu s’cachais dans la grange de Meredith, au bout après la boutique verte.”
“C’était quand la dernière fois ?”
“C’matin.” Je donnais vingt cents au gamin et je partait à la recherche de la fameuse boutique verte. Après cinq minutes de marche et quelques questions, j'arrivais à bon port. Sur le côté, une grange. J’entrais par ce qui devait servir d'entrée pour les bêtes.
“White ? Ici le révérend Thomas, je viens seulement t’apporter à manger !”