ft. Michelle Chubb
trigger warning : les faits mentionnés concernant l'école résidentielle sont tirés de faits réels trouvés dans des témoignages de personnes ayant réellement vécu ces horreurs.
« Birth and miracle. » Amitola nait sein d’une tribu de Nêhiyawak, fille d’un guerrier et de sa très jeune première compagne. Sa naissance est difficile, et l’enfant nécessite des soins particuliers dès sa première minute sur terre. En effet, née avec de que la médecine moderne nommera « Fente labiale », mais qui était d’avantage connu à l’époque comme « bec-de-lièvre », Amitola aura du mal à se nourrir, à entendre et à respirer pendant les premiers mois de sa vie. Petite fille maudite, le chaman qui ne peut se résoudre à ignorer le malheur de la jeune mère, demande l’aide d’une femme médecin blanche - connue de la communauté Cris depuis plusieurs années. Par chance, celle-ci soigne le bébé qui reprendra rapidement des forces, et ira même jusqu’à prendre sa revanche en devenant une grande et forte petite fille.
« Nimis » Car en effet, Amitola devient grande. Dépassant d’une tête les garçons de son âge, elle ne tient en rien du physique frêle et féminin de sa douce mère. Portrait craché de son père, elle s’acquitte autant des taches attribuées aux filles que celles des garçons, aimant s’occuper du repas autant que de chasser ce dernier, appréciant monter à cheval et tisser avec sa grand-mère – ce qui lui vaut parfois quelques réprimandes, ayant du mal à trouver sa place. Bagarreuse et têtue, la jeune fille a du caractère et n’aime pas se faire marcher sur les pieds ; pourtant, elle sait faire preuve d’une extrême douceur avec les animaux, et passe son temps à essayer de soigner toute petite bête qu’elle peut trouver blessée, du renardeau au vers de terre. Par chance, la femme de science qui lui a sauvé la vie (qu’elle surnomme affectueusement « Nimis ») vient régulièrement la voir et lui enseigne son
« savoir », pour le plus grand bonheur de la jeune fille qui se prends à rêver d'exercer la même profession.
« Off flew Rainbow Crow. » Amitola a douze ans lorsque Nimis lui parle d’un pensionnat réservé aux enfants des Premières Nations, où elle pourrait apprendre à lire et écrire comme les petits
settlers. La jeune fille s’imagine déja pouvoir accomplir de grandes choses, allant même jusqu’à rêver de devenir médecin. Elle tente alors de convaincre ses parents de la laisser se rendre à cette école, persuadée que c’est un privilège pour une « native » comme elle. Appuyée par la recommandation de Nimis, qui a déjà prouvé sa valeur en sauvant Amitola, ils laissent partir leur fille.
« Kill the Indian, Save the Man. » L’école résidentielle ne fera qu’une bouchée de cette petite fille pourtant solide. Pour celle qui ne connait que la vie en tipi et l’éducation par l’erreur, la vie au sein de l’école résidentielle relève de l’enfer. Déshabillée de force dès son arrivée, elle se retrouve nue face à des femmes qui lui hurle dessus dans une langue qu’elle ne comprend que peu. On lui coupe ses longues nattes, très prés du crane, si court qu’elle se demande si sa mère n’est pas morte (la tradition étant chez les Cris de couper ses cheveux lors de la perte d'un proche, et plus le lien est fort, plus la coupe est courte). Un nouveau nom lui est attribué : Beth, et un numéro : 9. Elle demande rapidement à rentrer chez elle mais déchante vite en comprenant que cette école relève plus de la prison que du temple de connaissance que lui a promis Nimis.
« The only good Indian is a dead one. » Amitola, renommée Beth, passera six ans au sein de l’école résidentielle. Elle apprendra certes à lire, écrire, compter, et prier comme les visages-pâle, mais elle gardera également des séquelles physiques et mentales des années « d’apprentissage ». Punie dès qu’elle utilise sa langue natale ; ce qui commence par des claques sur la bouche devient rapidement du châtiment corporel répétitif et d’une violence exacerbée. Et l’esprit de contradiction de la jeune Amitola n’aide en rien : Insolente, cette dernière décide rapidement de ne plus pleurer après avoir été battue, pour ne pas laisser aux religieuses la satisfaction de la voir souffrir. Évidemment, cela ne fait qu’accroître le nombre d’horreurs qu’on lui inflige, si tant est que le drame ne tarde pas à se produire : une religieuse finie par la pousser dans les escaliers. Amitola ne s’en relèvera pas, et restera assommée pendant plus d’une semaine, avec plusieurs côtes fêlées. À son réveil, elle se jure de retourner chez elle avec le scalpe de son bourreau.
« No longer was he Rainbow Crow, but just a plain black Crow. Alas, Crow is what he has been called ever since. » Âgée de dix-sept ans, Amitola passe à l’acte. Armée d’un couteau volé dans les cuisines, elle met à exécution sa promesse et tue deux religieuses dans leur sommeil, emportant leur scalpes lors de sa fuite. Derrière elle, la fugitive laisse grande ouverte la porte de l’établissement, espérant que d’autres puissent tenter leur chance hors de ce mouroir. Elle partira dans la nuit sombre sans se retourner, les mains ensanglantées mais le cœur apaisé.
« The Call of the Wild » Sa fuite dure environ huit ans. Si elle cherche dans un premier temps à retourner auprès des siens, elle abandonne rapidement cette idée, incapable de retourner à sa vie d’avant après toutes ces années de colonisation. Perdue dans les plaines et les forets de l'ouest, Amitola se retrouve livrée à elle-même. Retour a la vie sauvage des plus inattendus, la jeune femme réapprends à chasser, a pêcher, à différentier les plantes comestibles de celles dangereuses. Elle survit tant bien que mal, se retrouve plusieurs fois en très mauvais état, mais elle ne peut ni se résoudre à retourner auprès des siens, ni à laisser gagner les blancs en allant vivre en société avec eux. Elle s'accommode alors des cabanes abandonnées, des ermites et des vagabonds, traitant avec les trappeurs et marchandant avec les parias. C'est nouvelle vie dans la nature est une renaissance pour la jeune Cris. Elle y trouve sa place, n'attendant rien d'autre du monde que d'y survivre. Amitola renoue avec la terre, les animaux et l'essence même de la vie.
« Wawetseka » C'est par nécessitée qu'elle atterrira à Silverstone. Faible, maigre et en mauvaise santé après avoir mangé des plantes toxiques, elle se retrouvera à errer dans les rues de la ville avec de la fièvre, buvant dans les abreuvoirs et fouillant dans les poubelles tel un nuisible. Par chance, la Wawetseka (Nadie) des histoires de son enfance viendra a son secours, la prenant sous son aile.
« Apothecary » Après plusieurs semaines de soin et de rétablissement, Nadie trouve du travail à Amitola. En effet, l'apothicaire de la ville est de plus en plus aveugle, et cherche en conséquence une paire de mains pour l'aider, faire la cueillette et tout un tas d'autres tâches qui requièrent une certaine connaissance des plantes. La jeune Cris est donc parfaite pour le poste, et est rapidement embauchée pour un maigre salaire.
« Business woman » Dealeuse, la rumeur c'est vite répandue que le vieil apothicaire vendrait soudain des plantes aux effets les plus... agréables. Les acheteurs, visages pales en tous genres, passent directement par l'arrière boutique, et marchandent avec la jeune femme qui fait son beurre en rêvant d'une vie meilleure. Si elle parle couramment Anglais - apprentissage forcé par son séjour en école résidentielle - son articulation est entravée par la déformation de sa lèvre supérieure. Certaines syllabes sont alors moins claires que d’autres, donnant l’impression qu’elle maîtrise mal la langue des
settlers... ce qu'elle utilise a son avantage, n'hésitant pas à se montrer plus bête qu'elle l'est pour vendre à ses "clients" ce qu'elle a bien envie de leur vendre.
« Ghost in town » Amitola ne se mêle pas à la population de Silverstone. Étrange fantôme qui hante les rues sales de la ville minière, vous pourrez uniquement l’apercevoir à l’aube, lorsqu’elle revient de sa cueillette du jour et rapporte son butin au vieux, et tard dans la nuit, lorsqu’elle quitte l’arrière boutique de l’apothicaire. Les habitants lui importent peu, et éviter leurs regards toujours trop curieux lui est des plus agréables. Elle a beau parler leur langue et connaître leur habitudes, elle ne sera jamais comme eux, et ne le désire pas.