L'aventure appelle l'aventure. Tout comme l'a fait son frère avant elle, Margot s'est dérobée à son devoir marital pour vivre une vie plus palpitante. Mais on ne laisse pas une femme partir comme ça ; à Silverstone, sous le chaperon discret de son frère jumeau, elle tente de se faire une nouvelle place, une nouvelle vie. Il n'y a pas grand-chose à faire par ici, mais au moins elle a l'impression de mieux respirer.

Margot était une enfant tranquille, intelligente... Et follement jalouse. De voir tout ce à quoi son frère avait droit et ce à quoi on la cantonnait la faisait fulminer, tant et si bien que pour tarir ses ardeurs aventurières, on l'a mariée de force en 1882 au général d'infanterie De Saint-Vincent, à Paris, où elle fut forcée de faire son devoir. En surface, la tentative de Père pour la calmer semblait marcher. Mais après avoir donné deux enfants dont elle ne s'occupait peu ou pas, Margot est devenue ce qu'on appellera plus tard dépressive. Seule la mélancolie semblait la comprendre, et seulement les tisanes de l'herboriste du quartier semblaient apaiser un tant soi peu ses peines, tant et si bien qu'elle en finissait groggy. Les livres n'avaient plus aucun intérêt, l'extérieur lui semblait fade, et les retrouvailles entre amies n'avaient rien de joyeuses pour elle, presque forcée d'y participer. La seule chose qui la motivait assez pour se lever, et lui faisait descendre les escaliers quatre à quatre, était l'arrivée du facteur. Parfois, il n'avait que des lettres adressées à Monsieur, mais d'autres fois, c'étaient celles de son frère pour elle, arrivées tout droit d'Amérique. Il racontait sommairement ses aventures, envoyait parfois une photo, un bijou, ou même une pierre précieuse dont elle se contrefichait : c'était l'odeur du papier, c'était ce qu'elle imaginait de ses brèves descriptions, qui la passionnaient. Elle aussi voulait cette vie.
Alors, ni vu ni connu, elle a organisé son départ. Sa fuite. Sa fugue. Son aventure. Elle a pris une valise, des effets personnels importants, toutes les lettres de son frère, puis s'est enfuie, laissant mari et enfants, vie plate et morose, derrière elle. L'aventure l'appelait, c'est ça qu'elle voulait, alors elle a prévenu son frère d'une simple lettre : " J'en ai marre. J'arrive. "

☆ @Donald Chevalier - Un frère jumeau qu'elle a toujours jalousé, autant qu'aimé. Tous deux sont en de nombreux points différents, et pourtant très similaires : leur soif d'aventure et de liberté, leur passion respective pour un seul sujet en particulier, et leur incroyable capacité à mentir. Donnie, lui, est plus tranquille, plus réservé, elle, plus vindicative. Il n'ont pas grandi tant que ça ensemble, séparés par leur éducation respective ; éducation que jalousait, et jalouse encore, Margot, piégée dans les carcans féminins de son époque. Mais leurs chemins sont miroirs, et voués à se croiser : lorsqu'elle a débarqué à la porte de chez son frère, c'est pour faire exactement comme ce qu'il a fait. Époux et enfants abandonnés en France, voilà les deux cadets de la fratrie réuni dans leur secret commun. Donnie lui offre logis, sans hésiter. Mais une difficulté persiste : il est ordinaire qu'un homme se dérobe à la famille une fois son rôle accomplit. Une femme ? Père est ulcéré par cette fugue, et avec la cadette viennent les problèmes pour Donnie. Si elle se fait discrète dans les parages, ça risque de rapidement se savoir que la jumelle est par ici.

☆ @"Aloïs" - Le jeune apprenti de son frère, celui qui a un radieux coup de foudre pour elle, et dont elle se joue bien. Il faut dire que Louis a pour lui d'être divertissant, beau garçon, intelligent, et plus anxieux encore que Père. Voilà de quoi l'amuser. Margot ne rend pas au pauvre Louis ses sentiments, mais n'hésite pas à s'afficher avec, à le tourmenter d'allusions, et semer le doute dans son esprit enivré. Qui aurait cru qu'elle s'amuserait autant avec un français.

On ne peut pas dire que c'est par choix qu'Aloïs soit géochimiste. Lui qui s'intéressait plus à la science du vivant, c'est son oncle, très puritain, qui a fait jurer à la défunte famille du garçon d'en faire un type bien. Mission accomplie, il n'y a pas de doutes là-dessus, Louis est tout ce qu'il y a de plus courtois ; mais il y a une sacrée ombre au tableau.

De très bonne famille française, Louis est le benjamin d'une fratrie de trois garçons. Les parents décèdent pourtant tôt dans leur vie, et voilà les enfants confiés à un oncle. Fini la Provence, direction le Nord, à Paris, dans une Maison de Maître en centre-ville. Les deux autres garçons s'amusent de leur situation, mais Aloïs, lui, est parfaitement anxieux. Le moindre crissement le fait sursauter, la moindre mouche le fait fuir en courant ; bref, c'est un magnifique trouillard. Socialement au ras des pâquerettes et plus empoté que n'importe qui, le jeune homme se voit engagé dans l'armée pour "se forger une personnalité". Armée qui finira par le renvoyer chez lui avant même qu'il n'ait pu aller au front. La cause : frousse improbable qui le mouille la nuit et nervosité contagieuse. Aloïs s'en faisait saigner les doigts à force de les ronger. Dépité, l'oncle tente plusieurs choses pour lui permettre de trouver sa voie. Il s'avère que le jeune homme est passionné d'étude du vivant et de l'anatomie, des fonctionnements mécaniques du corps et autres, en témoignent les croquis dans son carnet. Mais l'oncle est trop croyant pour ces blasphèmes, et refuse d'aider son jeune neveu à poursuivre dans cette voie : la science, oui, mais pas celle qui profane les morts. S'en suivent alors les études de géologie, tandis que les deux autres frères reprennent l'entreprise paternelle. Isolé des siens retournés en Provence, l'anxiété d'Aloïs ne fait que croître. Par chance, elle n'a d'égale que ça gentillesse et sa politesse, ce qui plaît grandement à un géologue anglais qui lui recommande un certain Chevalier, ancien disciple, dont le tempérament est très similaire au sien. Ainsi, Aloïs finit par voyager (non sans peine) jusqu'en Amérique pour y faire la rencontre, sur le quai de la gare, de son nouveau mentor.

☆ @Donald Chevalier - Louis et Donnie partageaient le même mentor ; celui-ci vieillissant de trop, il a envoyé son jeune apprenti dans les pattes de Chevalier, en Amérique, il y a quelques mois de cela, prévenant son ancien disciple d'un simple courrier, et d'une sommation : lui forger un caractère. On ne peut pas dire que ça soit l'amour fou entre Donald et Aloïs : l'un, très expérimenté et passionné, pète les noix de l'autre, pour être poli. Le naturel anxieux et méticuleux de Louis s'oppose vigoureusement à l'entêtement et la légèreté de Donnie, au point de lui causer des maux de ventre en fin de journée. De son côté, le géologue n'en a que faire, et entraîne son disciple dans toutes les situations possibles et imaginables. À croire qu'il souhaite s'en débarrasser.

☆ @"Maisie Chevalier" - Pour tout avouer, il a eu un béguin fulgurant pour la dame. À son arrivée, son cœur a complètement chaviré, au point d'en oublier parfois qu'elle est la jumelle de son nouveau mentor. Aussi qu'elle est plus âgée. Et qu'elle est normalement mariée. Avec des enfants. En cavale, de surcroît. Pour un anxieux comme Louis, rien n'est bon dans cette histoire ; mais impossible de la chasser de ses pensées. Il balbutie bêtement chaque fois qu'il faut lui parler, et pour être honnête, ça fait bien rire Margot qui s'amuse de la situation. Pauvre Louis.