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Guns & WhiskyFORUM WESTERN · NOUS SOMME EN ÉTÉ

1889. À la lisière de l'Etat de New Hanover, la petite ville forestière d'Imogen compte un peu plus de 500 habitants. Plus connue pour ses ranchs que pour ses pépites, elle est l’exacte représentation des espoirs et des échecs de tous ceux qui ont pu croire au rêve américain. Son seul lien avec la civilisation est le chemin de terre creusé par le passage des diligences, droit vers la station de gare de l'autre côté de la frontière qui mène vers l'Etat de West Esperanza. Cette route est connue pour ses braquages incessants, causés par le gang des O’Reilly. En plus de terroriser la population - leurs méfaits sont racontés dans tous les journaux de la région ; ils rendent périlleux les voyages vers la grande ville : Silverstone. Cité minière dirigée par la respectable famille des Rosenbach, prospère et moderne ; on pourrait presque croire que c’est un lieu où il fait bon vivre. Mais, derrière la bonhomie de son shérif, les sourires de ses prostituées et les façades fraîchement repeintes, l'influence criminelle du Silver Gang grandit de jour en jour. Lire la suite

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Clyde King est la fondatrice du forum ! Elle se genre au féminin et ses autres comptes sont : Isaac, Mila, Amitola et Cole. PROFIL + MP
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On ne cherche pas de nouveau Shérif pour l'instant, mais qui sait, un jour tu feras peut-être régner l'ordre et la lois sur ce forum ?
FAIT DIVERSDepuis l'attaque de la banque, Mr le maire, Henry Rosenbach, invite les citoyens à redoubler de prudence - il craint que cet acte n'inspire d'autres scélérats, et met en garde ses concitoyens quant au danger qui rôde dans les grandes plaines. Ainsi, il préconnise les voitures de poste, ou encore le train pour se déplacer.
BONNES AFFAIRESN'oubliez pas de passez par le quartier commerçant de Silverstone pour faire vos emplettes dans l'épicerie des Rinaldi ! Vous y trouverez moultes boîtes de conserve, ainsi que quelques plats tout chaud, tout droit sortis de la cuisine et parfois même servi par la petite fille des propriétaires.
RUMEURUn prisonnier se serait échappé du Fort de Silverstone. Les rumeurs les plus folles circulent : certains s'imaginent qu'il s'agit encore d'un coup des bandits qui ont attaqué la banque, d'autres, un peu moins terre-à-terre, parlent d'une attaque d'anciens confédérés. La justice, quant à elle, ne commente aucune e ces hypothèses.
PETITE ANNONCEDepuis la fonte des neiges, le village d'Imogen est fière d'annoncer la réouverture de son marché agricole ! Chaque mercredi, les producteurs de New Hanover sont invités à monter leur stand dans la rue principale et faire commerce de leur légumes, viandes, poules et autres peaux ! Troc autorisé.
RUMEURDes histoires de Dame Blanche circulent dans la région de West Esperanza : certains habitants de Silverstone et des alentours jurent avoir apperçu un fantôme ! Les plus jeunes s'amusent même à invoquer l'ectoplasme dans un nouveau jeu ridicule - mais qui passera bientôt de mode : celui du ouija. Le temple prie pour leur salut.
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A caval donato non si guarda in bocca | ft. Dino Ricci
Filippa Rinaldi
Filippa Rinaldi
Since : 30/11/2020
Messages : 318
Name : Cendre
Faceclaim : Oona Chaplin
Crédits : I-rain (gifs) | Wanderlust (avatar)
DC : Irina | Blair
A caval donato non si guarda in bocca | ft. Dino Ricci Boeq
Age : 29 ans
Statut : La revanche a fait d'elle son épouse, personne ne sait qui des deux deviendra veuve
Job : Cuisinière officiellement | Nouvelle comptable des Hennessy en compagnie de Wyatt Smith | Réalise des petits boulots illégaux avec un groupe d'italiens de Silverstone | Ancienne contaiuola de la famille Rinaldi
Habitation : Petit étage en piteux état au-dessus de l'épicerie de ses grands-parents, Silverstone
Disponibilité : Dispo [1/3]
Sam 3 Avr - 10:53

A caval donato non si guarda in bocca
@Dino Ricci  &  Filippa Rinaldi
Alors que la nuit tombait, la brume bleue du jour se soulevait pour révéler les étoiles. Bientôt, elles remplirent le ciel comme des grains de maïs pâles tombés sur un sol fraîchement retourné. L’apparition d’une lune chétive, blafarde, comme une entaille douloureuse dans ce drap de soie sombre était la promesse de l’obscurité. Dans son sillage, naturellement, les doigts hivernaux vinrent chatouiller les corps emmitouflés dans les sacs de couchage, enlacer les épaules à même le sol et caresser les lèvres pour faire claquer les dents. Des bouches ensommeillées et entrouvertes s’échappait la chaleur des corps en volutes grisâtres qui mourraient avant d’atteindre la canopée étoilée. La mélodie de leurs soupirs profonds était avalée par la fumée du feu de camp. Les têtes alourdies étaient bercées par les craquements réconfortants des bûches grignotées par les flammes.
Les quatre voyageurs s’y étaient agglutinés comme des moustiques autour d’une lampe à huile, faisant fi des cendres qui s’accrochaient à leurs cils et dans leurs cheveux et des fumerolles capiteuses qui venaient leur piquer les yeux. De toute façon, les paupières s’étaient fermées à peine le soleil disparu derrière l’horizon blême. La route était longue et les corps, las.

Filippa, elle, ne dormait pas. Elle était éreintée, pourtant, moulue de courbatures et secouée de frissons de fièvre. Glisser sereinement vers le sommeil aurait été le plus aisé des exercices si chacune de ses tentatives d’assoupissement n’était pas brutalement interrompue par une quinte de toux semblable au crachotement d’une locomotive. Si elle avait plus fumé, elle ne doutait pas que des nuages charbonnés s’échapperaient de derrière ses dents serrées. Pour ne pas réveiller les autres, elle essayait parfois dans les contenir dans sa poitrine et dans sa gorge. S’en suivait alors un étranglement qui la bousculait jusque dans ses entrailles et qui tirait des larmes de ses yeux et une friction de ses mâchoires. Et peut-être faisait-elle même plus de bruit ainsi, en tentant de se contenir.

Roulée sur le dos, une jambe sortie de son sac de couchage (elle ne savait pas vraiment si elle avait chaud ou froid) et la tête reposant sur les chevilles de Vitale, elle écoutait la nuit.
Des hululements lointains bruissaient parfois, parfaitement invisible dans cette mer d’ombres. La tranche de lune était trop mince pour éclairer quoique ce soit et Filippa éprouvait le même sentiment dérangeant qu’elle avait éprouvé sur le bateau qui les avait emmenés, ses grands-parents et elle, jusqu’ici il y avait cinq ans. Noyée de ce néant, elle avait l’impression d’être aveugle tout en s’imaginant qu’au contraire, elle était visible à des kilomètres à la ronde, le feu de camp faisant office de phare dans la pénombre. Ils étaient des cibles faciles, là, perdus dans l’immensité plate. Elle aurait pu s’échouer au milieu du ciel que les choses n’auraient guère été différentes. Sans repère, elle se sentait vulnérable et le fait d’être malade n’arrangeait rien. Cette nature hostile l’oppressait et une fois n’était pas coutume, elle avait hâte de revoir les contours rassurants et définis de Silverstone.
Elle était heureuse d’écouter les respirations endormies des autres. De ne pas être seule. Et puis -

Une nouvelle toux remua ses poumons et coupa court au fil de ses pensées. Elle se recroquevilla sur le côté, face au feu, en attendant que l’orage passe.
Puis, une fois calmée, elle resta ainsi, pantelante. C’était comme lorsqu’elle tombée de cheval pour la première fois. Affalée sur le dos, les quatre fer en l’air et les yeux exorbités, elle avait tout simplement oublié comment respirer alors que l’air avait brutalement été chassé de ses poumons.
D’une main tremblante, elle essuya la fine pellicule de sueur qui collait son front.

« Ça va ? »

La voix pâteuse de Vitale s’éleva dans la quiétude nocturne. Sorti subitement d’un rêve ou bien d’un cauchemar, il n’avait pas pris la peine de murmurer et s’était redressé sur ses coudes dans un bruissement de tissu.
Alessio grogna en gigotant, mais ne se réveilla pas. Laura, elle, était immobile et leur présentait son dos.

Filippa hocha la tête en toussotant. Vitale retomba sur le dos et étouffa en bâillement dans son coude. À travers ses cils, elle l’observa scruter des constellations qu’elle même ne savait pas lire. Les yeux bleus du jeune homme, brièvement éclairés par les flammes dansantes s’étaient creusé d’un petit supplément d’âme qu’elle-même n’avait pas. Lui trouvait de la beauté dans ce spectacle. Elle, s’angoissait de cet espace infini.

« Qu’est-ce que qu’on va faire d’elle demain ? » demanda-t-il d’une voix dont la gravité trahissait la tentative de chuchotement.

Elle reporta son attention sur l’adolescente endormie. Dans sa besace, calée contre son ventre, elle s’imaginait la somme gagnée d’il y avait deux jours : sa propre part et celle que le shérif - dans sa grande générosité - lui avait confiée pour prendre soin de cette gamine tombée du ciel et dont il s’était soudainement et irrésistiblement pris d’affection, se déclarant son parrain et son bienfaiteur comme s’il eut adopté un chiot. « Va savoir, » songea-t-elle.

« On pourrait la laisser au bordel. J’ai entendu dire que la gérante prenait n’importe quoi. »

Il dardait sur elle un regard désabusé qui la fit sourire.

« Tu fais la fine bouche. Je plaisante, ça va, ça va. »

Ses rares tentatives de blagues se soldaient bien souvent par des échecs et tombaient à ses pieds, décolorées et sans saveur. D'ailleurs, elle n'était pas vraiment certaine qu'il s'agisse d'humour ; l'idée ne lui semblait pas si mauvaise après tout.

Le silence nocturne s’étira avant qu’elle n’hausse brièvement les épaules.

« Encore une ? » soupira-t-il en comprenant son regard. « Tu penses qu’il a assez de place ? »

Elle haussa à nouveau les épaules. Elle n’avait, de toute façon, pas mieux à proposer.

Un coyote (un chacal ou un loup, qu’en savait-elle) hurla à une distance qu’elle estima être trop proche. Dans un geste purement inutile, elle sera son sac contre sa poitrine.



*



L’aube festonnait d’une lumière blanche les contours des habitations de Silverstone. Il était encore trop tôt pour que de la fumée ne s’échappe des cheminées et en dehors des quelques derniers ivrognes titubants, les rues étaient désertes.
Le petit chariot cahotait silencieusement sans que les vieux chevaux n’aient besoin d’être guidés ; ils connaissaient le chemin.

Perchée à l’arrière avec Laura, les choux dans le dos et les pieds dans le vide, Filippa avait une mine épouvantable. De lourds cernes violacés pendaient sous ses grosses paupières bombées d’italienne et son teint avait été drainé de soleil en dehors des contours de son nez, rougis d’avoir été mouchés et de ses lèvres gercées d’avoir été mordues par le froid pendant trois jours. La nuit n’avait pas été clémente, mais enfin, il lui semblait qu’elle toussait un peu moins.

« Dites, où est-ce qu’on va ? » chuchota Laura en serrant ses mains l’une contre l’autre.

Elle avait à peine parlé de tout le voyage et la napolitaine avait totalement oublié le son de sa voix.

« Au bordel, bien sûr, » lâcha Filippa sans sourire.

L’adolescente blêmit.

« Bah tiens, ça alors ! Elle a retrouvé sa langue la dulcinée du shérif ? C’est que j’ai cru qu’il te l’avait mangée, moi, » lança Alessio par-dessus son épaule. « Bon en même temps, il te prend, il te jette, ça doit faire mal. Mais t’inquiète pas, nous, on est plus sympas, on va te garder ! »

Loin de la rassurer, la nouvelle l’épouvanta. Ses yeux écarquillés tombèrent sur ses doigts emmêlés dans sa jupe abimée.

« Bienvenue dans la famille, » ironisa Filippa, armée d’un sourire qui n’en était pas vraiment un.

Laura lui répondit par un rictus contrit qui tenait plus de la grimace qu’autre chose.

« Ah, tu demandais où on allait, eh ben on y est ! Allez tout le monde descend ! » s’anima Alessio sans ralentir la cadence.

« Attends, attends ! » toussota-t-elle alors que Laura sautait déjà à terre. « Je prends deux choux. Dites à mes grands-parents que je ne tarde pas. »

Les légumes sous le coude - on ne s’invitait jamais chez quelqu’un les mains vides, et en l’occurence, elle doutait que Dino soit ravi de la voir débarquer flanquée d’une nouvelle gamine - elle toqua à la porte de la petite maison du napolitain. Elle aussi semblait, elle aussi, engourdie de sommeil avec ses volets de bois fermés et la quiétude qui s’en dégageait.

« Dino ? » l’appela-t-elle. « J’ai des choux pour toi. Et une livraison de la part du shérif, aussi. »

Laura fronça les sourcils d’être passée après les choux et anxieuse de ne pas savoir à quelle sauce elle allait être mangée.

« J’espère qu’il y a du café, » marmotta Filippa en tapant des pieds pour se débarrasser de la neige qui poissait ses bottines.




________________

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Dino Ricci
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Sam 3 Avr - 17:31




A caval donato non si guarda in bocca

@Filippa Rinaldi | Dino Ricci

« Consuelo, je t’ai dit une toilette de chat. Lâche ce miroir et va aider Celi à s’habiller. Maintenant. » Dino tambourina sur la porte ouverte qui donnait sur la pièce aménagée en une salle de bain trop modeste pour réellement y ressembler. Une jeune fille qui ne tarderait pas à sortir de l’adolescence était occupée à se peigner et à admirer son reflet d’un air soucieux. « Je ne veux pas que tu traînes, tu vas voir Bianchi tout de suite. Et tu ne perds pas ton temps à écouter ses lamentations… » « Parce qu’elle me paiera pas plus pour autant. Je sais, je sais. » Souffla Consuelo qui lâcha un instant son miroir pour se tourner vers Dino. Des trois filles elle avait l’accent de son pays (d’Amérique du Sud peut-être, peu importait) le plus prononcé et avait eu le plus de difficulté à s’accommoder à l’italien. « Mes cheveux sont comment ? Ça va ? » Elle passa une main le long de sa tresse pour la faire revenir sur son épaule en papillonnant des cils. Dino lui accorda deux secondes pour la jauger, le temps qu’il fallait pour qu’elle ne chouine pas qu’il s’en fichait complètement. « C’est très bien. Il faudra juste que tu m’expliques pourquoi tu perds autant de temps à te faire aussi jolie pour la Bianchi. Non-Sors d’ici ! » Elle avait soufflé du nez et c’était tourné de nouveau vers son reflet pour inspecter ses yeux cette fois. « Consuelo, je ne veux pas apprendre que tu as encore traîné près du cimetière. Après avoir reprisé le linge tu files chez madame Hennessy. Elle pourrait avoir besoin de toi pour le repas. » Une visite des filles chez Pearl Hennessy était surtout la promesse de quelques pâtisseries à dévorer sur place ou à ramener la maison. « Et si tu veux tourner autour de quelqu’un va plutôt espionner le fils Rosenbach que le croquemort ! Il a plus d’argent ! » Cria Dino, moqueur, qui s’était éloigné pour aller réchauffer le café de la veille. Malheureusement on ne pouvait plus se permettre de gâcher par bon goût. « Je traîne pas autour du croquemort ! » fut la seule réponse stridente qu’il obtenu. Et cela sembla suffisant pour qu’elle cesse son pêché de vanité et retourne dans la pièce qui servait de chambre aux trois gamines.  

Elizabeth était assise à table et piquait du nez dans son bol de lait. Le bout de ses pieds frôlaient le parquet au même rythme du balancement de ses jambes. La moitié de sa tête disparaissait sous un plaid hideux confectionné avec soin par Consuelo plusieurs années plus tôt. Dino lui tapota la tête en passant à côté d’elle. « Reste avec nous, stellina. Debout. » La fillette qui avait tout juste treize ans se redressa d’un bond et cligna des yeux plusieurs fois avant de les frotter avec vigueur. « Je ne dormais pas. Je réfléchissais. » Dino tira une chaise pour s’assoir à ses côtés. Il ramena une de ses mèches de cheveux derrière son oreille avant qu’elle ne glisse dans son bol. Au moins Elizabeth perdait peu de temps à se faire jolie, ne semblant pas encore y voir beaucoup d’intérêt pour l’instant. « Et à quoi tu pouvais bien réfléchir de si bon matin ? » La petite resta dubitative quelques secondes, fixant son lait de ses grands yeux noirs. Dans sa caboche on pouvait voir les rouages tourner. « A beaucoup de choses. » Quelques secondes de silence flottèrent entre les deux. « Ah, je vois ! » Dino sortit une cigarette de son étui et se leva pour récupérer des allumettes qui ne devaient pas traîner bien loin. « Je veux que tu accompagnes Consuelo aujourd’hui. Que tu la surveilles un peu, pour être sûr qu’elle travaille bien.» La gamine acquiesça et retrouva un semblant d’intérêt pour son maigre petit déjeuner.

Lorsque trois coups furent frappés à la porte, Dino et Elizabeth relevèrent la tête comme un seul homme. Ce fut Consuelo qui reconnut la voix étouffée (et presque monstrueuse, il fallait le dire) de Filippa et sortit en trombe de leur chambre pour aller ouvrir en affichant un large sourire. « Filippa ! Tu m’as manqué ! » Pour elle, elle essayait de camoufler son accent et de faire honneur au peu qu’elle connaissait de l’Italie. Elle lui ouvrit en grand la porte et la salua d’un mouvement de jupons. « Est-ce que tu aimes ma nouvelle robe ! » Une nouvelle robe qui avait vu de meilleurs jours et qui avait appartenu à la fille des Hennessy. Consuelo l’avait reprisée pour essayer de la remettre au goût du jour. Celle-ci s’empressa de débarrasser Filippa des choux qui encombraient ses mains à force de grandes exclamations qui cessèrent subitement quand elle découvrit la petite silhouette frêle qui se cachait derrière la jolie napolitaine. « Qu’est-ce que c’est que ça ? » Elle détailla l’adolescente avec une moue qui, selon elle, la rendait très mignonne mais surtout lui donnait des airs de peste. Elle adressa quelques mots à Elizabeth en espagnol avant de faire demi-tour pour déposer son butin plus loin (mais pas à sa place). Elizabeth et Dino scrutaient le drôle de duo qui entrait. La petite salua timidement Filippa avant de finir d’une traite son bol de lait devenu froid pour disparaître de la pièce principale.

«Filippa, je ne pensais plus te voir ! » Il ne savait plus combien de temps était supposé durer son séjour au-delà de Silverstone, et avait eut d’autres chats à fouetter pour trop se poser de question. Dino daigna se lever pour lui faire signe de s’avancer et de s’installer. « Qu’est-ce que tu amènes ? On dirait un petit lapin terrifié. Qu’est-ce que tu as fait à cette pauvre fille.» Il rit en même temps qu’il changeait les choux de place. « Tu t’appelles comment ? Tu viens d’où ? Tu as perdu ta langue ? Tu ne sais pas parler ? » Avec un sourire malicieux Consuelo lui montra sa langue, posant deux tasses sur la table. « Je parle anglais, espagnol et italien si tu veux. » Consuelo insista bien sur chacune des langues qu’elle parlait. Après avoir rempli les tasses et posé une assiette de gâteaux et un pot de confiture sur la table (elle n’était pas sûr jusqu’à quel point le petit déjeuner devait être copieux, à voir la tête de Filippa, pas tant que ça) elle daigna sortir une troisième tasse. « Bon, je dois partir, j’ai du travail. J’essaierai de passer à l’épicerie dans la journée ! » Elle s’éclipsa à son tour non sans un regard appuyé vers la gamine effarouchée (et après s’être assuré que personne ne regardait elle lui tira la langue).

Dino souffla doucement par le nez, se frottant le bout du nez d’un air absent. « Tu as une sale tête, carina. C’est un médecin que tu devrais voir, pas moi.» Il sourit et se débarrassa de la cendre de sa cigarette qui avait eut le temps de se consumer dans une tasse qui servait de cendrier improvisé. Encore une fois, dans un ouragan de froufrous et de claquements sec de chaussures vernies, Consuelo traversa la pièce. Elle mettait un point d’honneur à ne pas passer inaperçue quand quiconque était dans son champs de vision. A sa main, Elizabeth tentait de se dissimuler dans son manteau trop grand et y arrivait admirablement bien. « A tout à l’heure, bonne journée ! A bientôt ! » Au moins la présence de Filippa la rendait particulièrement agréable. Dino la salua pour répondre aux baisers qu’elle envoyait du bout des doigts. Quand elle sortit, la maison sembla se rendormir. Ce fut de courte duré, elle tapa aux carreaux de la fenêtre pour les saluer une nouvelle fois alors qu’elle ouvrait les volets. Dino lui fit signe de déguerpir. « Bon. Alors, c’est quoi ça ? » Il désigna la petite d’un signe de tête. « Je ne savais pas qu’il y avait des gamines dans votre livraison… Il faut le dire si vous manquez de main d’œuvre à l’épicerie. »
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Dino Ricci
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Filippa Rinaldi
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Dim 4 Avr - 22:39

A caval donato non si guarda in bocca
@Dino Ricci  &  Filippa Rinaldi
Filippa s’était trompée. À peine ses phalanges eurent-elles glissé le long de la porte que de grandes exclamations joyeuses lui répondirent à l’intérieur de la maison. D’ailleurs, le charivari battait si bien les murs qu’à ne pas en douter, les voisins profitaient également du réveil matinal de la demeure Ricci et peut-être tentaient-ils de s’en préserver, oreiller et couverture comme boucliers en maugréant dans leurs draps. Car il n’y avait que cela à faire ; si plaintes il y avait eues, elles n’avaient visiblement eu aucun effet. Ici, dans ces masures de bois agglutinées les unes sur les autres, on vivait comme au pays. L’effervescence et le bruit faisaient parti du quotidien et si le chaos ne pouvait être dompté, les italiens avaient su l’accepter et l’apprivoiser.

Elle n’eut pas besoin de la voir pour reconnaître la voix de Consuelo ainsi que le claquement de ses talons contre le parquet. L’adolescente ouvrit la porte à la volée. Sa bouche s’étira en un sourire allant d’une oreille à l’autre, éclairant ses yeux noirs et pétillant de malice et dévoilant une rangée de dents blanches. Elle virevolta comme une petite ballerine, tenant sa robe d’un vert prairie dans la main droite comme si elle eut été présentée à un bal. Elle scintillait d’une énergie beaucoup trop débordante pour l’heure. Le simple fait de l’observer, vivace et haute en couleurs, fatigua derechef la napolitaine. À côté de Consuelo, Filippa semblait plus morte que vive. Par dessus son épaule, dans la pénombre encore matinale (elle cligna un peu de yeux pour s’y habituer), elle distingua les silhouettes attablées de Dino et d’Elizabeth et leur adressa un regard amusé rehaussé d’un bref haussement de sourcils.
Elle trouva tout de même la force de lui accorder une risette fantomatique (qui fit douloureusement craquer ses lèvres gercées) et un hochement de tête. Elle ouvrit la bouche pour parler, mais aucun son ne sortit (si ce n’était un grognement qui tenait plus du miaulement de chat blessé). Elle se racla la gorge dans son poing serré.

« Quelle entrée en matière dis-moi, » reprit-elle d’une voix trop grave et rocailleuse. « Très jolie robe, c’est du bon travail. »

Nouveau regard appuyé vers Dino. Tout en se pâmant comme un paon qui ferait la roue, Consuelo remarqua pour la première fois la silhouette transie de Laura. Ses paupières se plissèrent tandis qu’elle l’observait de pied en cap. Sa bouche boudeuse se pinça. Son menton fier se leva imperceptiblement comme l’aurait fait une princesse capricieuse et impertinente, qui s’apprêtait à autoriser (ou non) à une gueuse de pénétrer dans son royaume.
Ce qu’elle vit ne dût pas lui plaire puisqu’elle tourna les talons avec un « humpf » et lança quelques mots incompréhensibles à sa soeur adoptive après avoir déchargé Filippa de ses choux. Elle les posa au petit bonheur la chance, là où il y avait de la place et au gré de son bon vouloir. Les pupilles étant encore trop gorgées de la lumière blanche de l’extérieur ne distinguaient pas nettement le fond de la pièce de vie, mais elle entendit le concerto de casseroles que l’on déplaçaient à la va-vite.

D’un mouvement de tête, l’italienne invita Laura à la suivre.

Comme d’habitude, la maisonnette baignait dans une joyeuse cacophonie et un désordre qui se voulait organisé. Les restes du petit-déjeuner étaient répartis entre l’unique table où Elizabeth terminait encore son bol et le plan de travail où s’empilaient les quelques assiettes sales et la casserole encore blanchie de lait. Des couteaux couverts de confiture et de beurre étaient abandonnés à même la table, entre les miettes, puisqu’ils avaient glissé des rebords des pots contre lesquels ils avaient autrefois reposés. Les affaires de couture de Consuelo débordaient de leur boîte ronde et usée, laissée sur le petit meuble branlant qui servait de vaisselier. Une odeur capiteuse de tabac froid, de parfum et de lait chaud baignait la pièce de senteurs familières. Par l’unique fenêtre, au fond de la pièce, un rayon de soleil timide frappait la table centrale en une tâche dorée. Dans la lumière, la poussière valsait tantôt molle, tantôt affolée lorsque la silhouette pressée de Consuelo la troublait en la traversant. Invisible (probablement dans la petite salle de bain), Celi marmonnait un air inconnu.
Tout était à sa place et au centre de la pièce, en chef d’orchestre, Dino les accueillit avec une chaleur qui, toujours, parvenait à donner du sens à cet intérieur confus et vivant.

Alors, naturellement, Filippa s’y sentit parfaitement à l’aise. Elle était ravie de retrouver un toit au-dessus de sa tête après ces longues journées d’errance étouffante au milieu de la vacuité des paysage désertique. Elle était ravie de se retrouver dans un environnement connu à l’atmosphère réconfortante et aux visages familiers. Et surtout, elle était ravie car elle était chez un ami.

« Je vous embrasserais bien, mais… » commença-t-elle lorsqu’Elizabeth lui adressa un salut bouffi de réserve alors qu’elle s’enfonçait sous son plaid.

Sa phrase resta en suspens alors qu’elle désignait sa mine de déterrée d’un petit geste de la main sous son menton.

« Je ne voudrais pas qu’on puisse, » elle s’interrompit pour tousser. « Nous pointer du doigt parce que nous sommes aussi un foyer épidémique. »

Les américains étaient bien trop heureux de rejeter sur les minorités tous les maux de l’univers et vraiment, elle ne souhaitait pas leur faire le plaisir de rajouter une ligne à leur liste déjà longue comme le bras.

« Ce que j’ai fait ? » croassa-t-elle en s’installant à table. « C’est plutôt au shérif que tu devrais demander ça. Moi, je n’y suis pour rien. »

Elle tira une chaise à côté d’elle et fit signe à son poisson pilote de s’asseoir. Elle la mettait mal à l’aise à rester debout derrière elle, plantée comme un piquet de clôture.

Consuelo, en parfaite fée du logis hyperactive, déposa deux tasse sur la table qu’elle s’empressa de remplir de café. Laura se rembrunit d’avoir été délibérément oubliée et se ferma d’autant plus sous l’avalanche de questions de l’adolescente.

« Tu ne parles pas italien. Tu baragouines, c’est tout, » maugréa-t-elle si bas que Filippa fut la seule à l’entendre.

Consuelo la gratifia tout de même d’une tasse vide et lui lança un regard provocateur, l’air de dire « donnes-leur ça et ils te mangent tout le bras ». Puis, elle disparut à la suite d’Elizabeth dans la salle de bain (à combien étaient-elles capables de rentrer, d’ailleurs ? Il semblait que la pièce n’avait pas de fond tant elles étaient capables de s’y entasser).

À Purgatory et durant leur voyage, la napolitaine s’étaient rendue compte que la protégée du shérif avait une tendance à marmotter pour elle-même ce qu’elle n’osait exprimer tout haut. Des habitudes de grands-mères esseulées.

« Dino a posé une question. Allez, présente-toi, » lança-t-elle à Laura.

L’adolescente posa uniquement ses doigts sur la table tandis que, de nervosité, ses pouces grattaient le bois du dessous.

« Je m’appelle Laura Volpato, » lâcha-t-elle comme si on venait de lui soutirer l’information après deux heures de torture.

« Tu verras, » renifla Filippa. « Elle n’est bavarde que quand elle se parle à elle-même. »

Elle soupira d’aise lorsque ses doigts frigorifiée s’enroulèrent autour de la tasse tiède de café. Elle avait l’agréable impression de tenir un petit soleil entre ses paumes et laissait avec bonheur ses rayons lui tiédir la peau. La boisson était noire comme les flancs du Vésuve et, elle l’espérait, aurait un goût beaucoup moins terreux.

« Un médecin ? Tss, » siffla-t-elle en faisant non de la tête. « Je mangerai bien ce soir, voilà. Du minestrina. Et demain, ça sera de l’histoire ancienne. »

Car c’était bien connu, il n’y avait aucun mal que la nourriture ne pouvait pas guérir, en particulier lorsque la nourriture était italienne.
Plus d’une fois, elle avait entendu des anglais (ou bien des écossais ou bien des irlandais, il n’y avait pas tellement de différence après tout) marteler qu’il fallait affamer la maladie. Jamais elle n’avait entendu pareille absurdité. En cas de fièvre, en Italie, mourir de faim n’était jamais une option. D’ailleurs, tout bon italien était capable d’indiquer ce qu’il fallait manger ou non en fonction de son trouble. Il existait des protocoles détaillés (bien loin des américains qui se cachaient au fond de leur lit, boudaient la nourriture et se précipitaient en larmoyant chez le médecin). Et un italien qui ne mangerait pas de minestrina (ou de brodo à l’ail et au piment) en cas de rhume ou de pesce azzurro à l’huile d’olive en cas de grippe était vu comme déviant. Alors jeûner, Filippa n’osait même pas y penser.
Le seul médecin dont elle avait besoin était un grand bol de pattes brûlant.

Consuelo repassa comme une petite tornade colorée, Elizabeth sur les talons, le salut à la main comme une princesse se retirant de sa cour.

« Tu diras à la Bianchi que nous avons livré les choux et que nous lui en mettons quatre de côté. Qu’elle passe les prendre quand elle aura deux minutes. Travaille bien, » lui lança Filippa. « Et merci pour le café. »

Ce faisant, elle le porta à ses lèvres et dissimula une grimace. Son goût râpeux lui tapissa les joues et le palais comme un mauvais crépis. Elle manqua de sursauter lorsque Consuelo tapota au carreau pour leur dire (une dernière fois) au revoir et le nez toujours dans sa tasse, elle lui rendit son salut en faisant sourire ses yeux (la seule chose que l’adolescente pouvait discerner).
Puis, une fois certaine qu’elle ne ferait pas demi-tour, elle reposa la boisson en riant.

« C’est affreux, Dino, » toussa-t-elle dans sa manche. « Regarde où nous en sommes. À boire du café réchauffé et à ramasser toute la misère du monde. »

Lorsque sa quinte de toux se fut calmée (et que la déglutition s’accompagna d’une grimace), elle hocha la tête.

« Il faut que je te raconte… » Elle jeta un coup d’oeil au café et jugea qu’il en restait assez. « Tu veux la version longue ou courte ? Bon, je te la fais courte, j’ai trop mal à la gorge. Tu me poseras des questions. »

Comme pour confirmer ses dires, sa voix dérailla sur la fin. Elle reprit une gorgée de café pour essayer de colmater sa trachée qui ressemblait à un tuyau percé.

« Le shérif Murphy… ou bien le Marshall, je m’y perds un peu avec leurs histoires, a trouvé Laura et je crois qu’ils sont instantanément tombés amoureux puisqu’il s’est déclaré être son parrain, qu’il voulait la prendre sous son aile et la protéger contre tous les malheurs du monde. Et moi, j’ai juste été au mauvais endroit au mauvais moment. Et voilà. Ou alors, il pense peut-être que nous sommes l’Arche de Noé. »

Elle sortit de sa sacoche la petit portefeuille de cuir craquelé qu’elle posa sur la table.

« Il m’a même donné ça. Attention, il y en a un tiers qui est à moi, l’autre pour l’éducation de la petite. »

Elle sourit et eut un mouvement de sourcils moqueurs vers Dino. Laura retira ses mains de la table avant de croiser ses bras devant sa poitrine en murmura des propos inaudibles, foncièrement mécontente des allusions que Filippa ne prenait même plus la peine de voiler.

« J’ai déjà dit que ce n’était pas comme ça ! » s’irrita-t-elle.

La napolitaine l’ignora en terminant son café.

« Oui, oui, Laura. Je sais, Dino, ce que je te raconte est un peu décousu, mais comme toute cette histoire en somme. »




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Lun 12 Avr - 16:37


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Dino regardait curieusement cette partie de la misère du monde qui répondait au nom de Laura, timide ou impolie, il était encore trop tôt pour le dire. Son sourire s’agrandit sous les lamentations de Filippa pour mieux dissimuler le pincement au cœur et à l’estomac que provoquait cette vérité. En cinq ans la situation n’avait pas évoluée, les promesses jetées en l’air ou sur le papier restaient sans suite. Et Silverstone continuait de lui inspirer un dégoût qui ne faisait que croître. Parfois il se laissait charmer, pour mieux se rappeler tout ce que l’Amérique lui volait.

La petite voix de Celi se tût. Puis elle reprit, un autre air qui leur parvenait toujours aussi étouffé. Dino s’empara de la cafetière pour servir la petite invitée puisqu’elle semblait trop craintive pour le faire spontanément. Avec trois filles chez lui, il n’avait plus l’habitude qu’on s’embarrasse de politesses inutiles. Il poussa vers elle la tasse et l’assiette ou reposaient des gâteaux qui, si les filles n’avaient pas daigné les dévorer, devaient être trop rances à leur goût. Le petit ragondin s’en accommoderait. Dino s’intéressa à sa propre tasse, écoutant le récit sans queue ni tête de Filippa sans oser l’interrompre. Son regard alla de l’une à l’autre et à défaut de rire avec sa gorge, ses yeux le faisaient amplement. Il tira vers lui le portefeuille et l’ouvrit. Pour se donner une contenance dont il n’avait pas forcément besoin, cracha vers le plafond un nuage de fumée. Dino fit défiler quelques billets et finalement il releva les yeux vers Filippa. Il resta interdit.

Il était tôt. Filippa venait chez lui avec des choux et une fillette sous les bras pour lui raconter des histoires de Shérif et d’éducation. Et lui agiter de l’argent sous le nez. Ça, il n’y était pas complètement insensible. « Qu’est-ce qu’elle fait ici si le shérif la prend sous son aile ? Ce n’est pas son bureau. » Il ne savait même pas par où commencer. « Ni une école, d’ailleurs. » Une éducation pour une gamine comme elle ? Il ferait bien de lui acheter une robe au tissu plus épais et de meilleures chaussures. En croisant le visage de son amie il ne put s’empêcher de ricaner malgré l’absurde de la situation. Qu’est-ce qu’elle lui chantait. « Si je ne te connaissais pas je dirai que c’est la fièvre qui parle. »

Une fillette qui n’avait pas plus de huit ans fit son apparition, toute apprêtée dans une robe reprisée et colorée. « Bonjour. » A petits pas de sourie timide, la gamine vint rejoindre la table où tout orbitait. Elle s’arrêta devant l’inconnue, l’observa silencieusement dans une expression difficile à déchiffrer. En réalité elle était assise à sa place et cela semblait perturber son programme. Qu’à cela ne tienne, elle s’adapta. La petite tira la chaise de libre vers Dino dans un bruit qui n’avait rien de très agréable avant de s’y installer. Ses pieds ne touchaient pas le plancher. Elle lui tendit sa brosse pour lui présenter sa crinière brune qu’elle avait tenté de coiffer. Le résultat ne lui convenait pas. Avant qu’elle n’ouvre la bouche, Dino prit la parole. Il avait échangé la cigarette contre la brosse et s’occupait de défaire les nattes inégales. « Araceli, voici Laura. Elle va… manger avec nous ce matin. » Il ne pouvait pas en dire plus. La situation était encore très floue. Celi sourit à l’adolescente, curieuse mais pas suffisamment pour poser des questions. Elle s’empara plutôt de la tasse abandonnée par Dino pour y tremper ses lèvres et observer de ses yeux en amandes l’intrue derrière son maigre rempart.

« Volpato… Ce n’était pas comme ça qu’il s’appelait le vieux qui avait une verrerie ? De père en fils. Mais il n’avait pas de fils. Ni de fille, d’ailleurs. Que des dettes plus larges que lui. Il me semble que c’était ça… Je ne sais plus. Laura, mange. Sert toi. N’attends pas que le café soit encore plus froid, ça va être imbuvable. » Celi prenait soin de rester immobile alors qu’il passait la brosse dans ses cheveux noirs. Malgré ses joues encore rebondies de petite fille, elle ressemblait à sa sœur, Consuelo. En plus du physique, elle était également coquette. La ressemblance s’arrêtait là pour l’instant. « Comment est-ce que tu es arrivé ici, alors ? » Ici, dans sa maison, à sa table. A Silverstone. Comment Filippa Rinaldi avait-elle put se laisser embarrasser par un tel colis. « C’est la moustache qui t’a impressionné plus que l’étoile, non ? Il doit être très populaire auprès des femmes. Je comprends pourquoi tu l’aimes bien, le shérif. » Dino échangea un regard avec Filippa. Le même sourire de bienheureux restait accroché à son visage.

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Sam 17 Avr - 15:38


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L’heure était matinale. Le visage de Filippa se défroissait encore de la nuit, chassant les miettes de sommeil à grand renfort de café si amer qu’on aurait pu croire qu’il avait été parfumé aux câpres. Sa langue se hérissait autant que ses souvenirs à son contact, lui laissant le regret des espressos napolitains au coin des lèvres. L’arôme du café donnait la cadence de la journée, une routine apaisante qui habillait les premières heures du rythme de la normalité et de la prédictibilité. Il lui fallait bien cela pour chasser cette nuit passée à Purgatory, puis ces trois jours à errer au grand air à cracher ses poumons brûlants. Et la chaleur dégagée par la boisson trouvait un écho chez Dino dont la présence ne faisait que renforcer ce sentiment de familiarité réconfortant dont elle ne s’était pas rendue compte qu’elle était assoiffée.

L’italienne avait hérité de sa mère et de son grand-père cette réserve froide qui entravait souvent sa langue dans l’expression de ses sentiments. Le piège n’avait fait que se refermer autour de sa bouche et de son coeur depuis la mort de ses siens, s’assurant que chacune des dents métalliques s’enfonçaient avec méthode dans sa chair pour la condamner au silence. Cependant, elle trouvait dans ces moments simples - comme le fait de partager un petit-déjeuner avec un ami - les instants salvateurs d’une vie oubliée. Parfois, une part d’elle se plaignait de ne pas avoir rencontré Ricci auparavant. Il se serait merveilleusement bien entendu avec ses oncles et elle ne doutait pas que, tout comme eux, il aurait pris un malin plaisir à l’asticoter lors des repas dominicaux - ce qu’il faisait déjà, en réalité -. Elle était simplement trop fière pour l’avouer à Dino.

À la lisière de la tasse, les yeux de l’ouvrier brillaient de malice. Dans ces miroirs noirs, le reflet de son café dansait, luisant sous le soleil matinal. Son espièglerie naturelle se dessinait en rides de rire qui s’étiraient du coin de ses paupières jusqu’à ses tempes. Elle lui répondit par le même air, se gaussant autant de la situation absurde que de son patchwork de phrases sans queue ni tête. Laura, quant à elle, ne partageait pas leur amusement et se renfrognait toujours plus, les bras fermement croisés devant elle. Qu’on la traite comme une marchandise ne semblait guère lui faire plaisir. « Elle s’habituera, va, » songea Filippa en trempant ses lèvres dans la boisson pour étouffer une nouvelle toux qui rampait le long de sa gorge.

« Quoi ? Ce n’est pas le bureau du shérif ? » fit-elle mine de s’étonner. « Zut alors, je me suis trompée… C’est vraiment la fièvre qui parle finalement. »

La toux mêlée d’un ricanement finit par gagner et elle s’étrangla dans sa tasse.

Celi choisit se moment précis pour faire son entrée. Tout aussi colorée que sa soeur Consuelo, elle était pourtant beaucoup moins bavarde. Comme un chaton observateur, elle prit le temps de toiser l’intruse en sa demeure avec plus de curiosité et moins de dédain que son aînée.
Filippa s’étonnait de la vitesse avec laquelle les enfants grandissaient. Autrefois, elle-même avait été insupportée lorsque la grande-tante Zabetha et les grands-oncles Melo et Gigi s’émerveillaient de sa ressemblance avec sa mère ou la gratifiaient des fameux « mais qu’est-ce que tu as grandi ! La dernière fois que je t’ai vue, tu étais haute comme ça ! ». Et ils exagéraient toujours en plaçant leurs paumes vers leurs genoux. Grandir était normal et elle ne comprenait pas pourquoi tout le monde en faisait toujours toute une histoire. Elle avait toujours détesté qu’on la considère comme une ragazzina. Elle avait très tôt commencé à travailler avec son oncle Andrea après avoir oeuvré avec ses cousins sur les champs de courses. Alors vraiment, ils n’avaient pas besoin de lui parler avec leurs voix trop aiguës comme ils se seraient adressés à un chaton. En pensant ainsi, elle se trompait bien sûr. Mais c’était une enfant, on ne pouvait pas lui en vouloir.
Petite fille, elle n’aimait pas non plus qu’on la compare à sa mère parce qu’elle n’aimait tout simplement pas le petit air attendri de sa génitrice qui jurait franchement avec son visage habituellement fermé et froid. « Oh, tu as entendu Pippa ? Alors comme ça, tu me ressembles ? » Elle jouait les surprises comme si le commentaire avait été prononcé pour la première fois alors que Filippa l’avait plus entendu que son propre prénom. Souvent, on se trompait même ; elle devenait Maria dans les bouches familiales, ce qui l’agaçait d’autant plus. Comment pouvait-on les confondre, vraiment ? Et puis un jour, des années plus tard, elle était tombée sur une photo de sa mère dans sa jeunesse et elle avait compris.
Aujourd’hui, elle regrettait la grande-tante Zabetha, les grands-oncles Melo et Gigi et son coeur se serrait lorsque la langue de nonna ripait et qu’elle l’appelait Maria. Elle ne prenait même plus la peine de la corriger car cela leur causait de la peine à toutes les deux.

« Qu’est-ce que tu grandit vite, Celi, » lui dit-elle alors, incapable de couper à la tradition familiale. « Bientôt, Dino ne pourra plus te faire tes nattes tant il devra lever les bras. »

Mais à la différence de la grandes-tantes et des grands-oncles, la voix de l’italienne n’était pas aiguë et un peu maladroite, comme celle des mauvais acteurs.

Avec le même soin dont la signora Rinaldi faisait preuve lorsqu’elle coiffait Filippa, le napolitain tressa les cheveux noirs de la petite fille comme un artisan consciencieux aurait tissé une longue trame de passementerie. Ce n’était pas un geste masculin puisque d’ordinaire, c’était aux mères que le nattage de cheveux incombait. De s’imaginer être coiffée par son grand-père arracha une risette à l’italienne. Avec ses doigts épais et ses mains larges comme des briques, elle ne donnerait pas cher de ses mèches. Dino, en revanche, s’y attela sans sourciller, ses gestes teintés d’habitude.

La remarque sur les Volpato la fit froncer des sourcils.

« Via San Gregorio Armeno ? » compléta-t-elle en reposant sa tasse désormais vide. « C’était les Volpe, non ? Ah, non, tu parles d’ici ? Enfin, dans tous les cas ils ne sont plus là, maintenant. Ni l’un, ni l’autre. »

Sa gorge pleine de graviers, elle avala tout de même les gâteaux offerts par Consuelo. Ils croquaient sous la dent, un peu comme des cantuccini. Quant au goût, Filippa n’aurait su le définir, mais ce n’était certainement pas de l’amande.

Les réactions face aux nouveaux sous-entendus ne se firent pas attendre. Là où l’ancienne mafieuse rendit à son ami son rictus moqueur, Laura s’empourpra à nouveau. Ses lèvres se pincèrent en une fine ligne courroucée. Ses yeux lancèrent des éclairs. L’espace d’un instant, son corps se tendit en avant, comme pour s’échapper de cette maison où on la traitait avec si peu d’égards. Mais elle dût se rendre compte qu’elle n’avait nulle part où aller. Alors, elle resta vissée à sa chaise, toujours aussi furieuse et toujours aussi muette pour ceux qui n’était pas elle-même. Car pour maugréer dans sa barbe, là, il y avait du monde.

« C’est peut-être sa fille au shérif, finalement. Le même sens de l’humour, » commenta Filippa en se resservant une tasse. « Dino ? »

Elle agita la casserole encore à moitié pleine devant lui. Laura quant à elle y avait à peine goûté et continuait de marmotter.

« Bon, tu arrêtes maintenant, » ordonna la napolitaine dont la voix s’était dénudée de chaleur (elle avait supporté ses petites manies pendant trois jours et sa patience commençait à être férocement entamée). « Lorsque Dino te parle, tu lui réponds. C’est compris ? C’est la dernière fois que je le répète. »

L’adolescente darda sur le trio un mauvais oeil et Filippa se demanda alors pourquoi elle ne l’avait pas laissée dans la brousse. La fièvre, sûrement, lui aura momentanément retirée un peu de jugeote.

« Mes parents sont morts, » finit-elle par avouer d’une petite voix. « Tués il y a trois semaines dans notre ferme par des bandits. Alors, j’ai pris ce que les voleurs ont laissé et je suis montée dans le train pour Silverstone pour trouver du travail. On s’est retrouvés bloqués par la neige à Purgatory et voilà, c’est tout ! »

Elle se mordit l’intérieur de la joue et se renfonça au fond de son siège.

« Maintenant, va savoir pourquoi le shérif me l’a mise dans les pattes. Parce qu’on est italiens, nous aussi ? Le beau raccourci. Enfin… »

Elle se racla la gorge pour empêcher à sa voix de s’enrouer.

« Je l’ai ramenée jusqu’ici et je ne sais pas quoi en faire… Une adolescente, une liste de réclamations longue comme le bras, quelques dollars parce que tout de même et bon courage. Il faudra peut-être lui dire que nous ne sommes pas un pensionnat privé, qu’est-ce que tu en dis ? »

Elle soupira.

« Et apparemment, il passera souvent lui rendre visite pour s’assurer qu’on fait bien notre travail. »

Laura lui faisait penser à ces jolis chiens que l’on offrait aux enfants fortunés capricieux. Ils s’en occupaient trois jours avant de s’en désintéresser. Alors l’animal devenait le fardeau des parents trop généreux qui se chargeaient de le nourrir, de le promener et de ramasser ses déjections.

Elle eut un nouveau haussement de sourcils complice avec Dino avant de se replonger dans son café tiède qu’elle avala en grimaçant.

« Cette nuit à Purgatory, je t’assure Dino, je m’en serai bien passée. »

De l’autre côté de la table, Araceli grignotait en silence ses biscuits rances.

« En plus de l’école, le shérif veut qu’elle parle anglais. Tu te rends compte ? Anglais. Tu n’as peut-être pas très envie de parler anglais Laura ? Et tu as peut-être déjà un parrain, non ? Le shérif est monté sur ses grands chevaux, mais peut-être que tu vas très bien en réalité. »

Elle détacha chaque syllabe en retenant le rire qui tambourinait à l’intérieur de ses joues.


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Sam 15 Mai - 0:32


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« C’est vrai. Ils ont le même sourire. »

Portant une main sur le petit torse de Celi pour la maintenir contre lui et éviter qu’elle ne glisse de ses genoux (elle avait finalement abandonnée sa chaise qui ne devait pas lui tenir assez chaud en cette matinée relativement fraîche), Dino attrapa la tasse qu’elle tenait encore entre ses petites mains pour la faire glisser vers Filippa. La gamine la suivie des yeux avant de les lever vers l’intruse. Elle lui offrit un semblant de sourire qui continua de flotter sur ses lèvres bien qu’il ne reçu jamais de retour. Il était évident que si elle ne disait pas un mot, elle n’en pensait pas moins. Derrière ses grands yeux noirs s’imprimait chaque soubresauts de paupières de Laura. Ce soir, quand elle retrouverait sa sœur et Eli, tout serait répété et amplifié. Toutefois, le sourire de Celi sembla s’étirer pour devenir plus narquois quand elle nota les signes d’inconfort qui se dessinait chez sa camarade muette.  

Alors que Dino portait la tasse à ses lèvres, la gamine leva les bras pour accompagner l'ascension de l'objet convoité et le récupérer une fois qu’il eut pris une gorgée. Elle secoua la tête, ordonnant silencieusement qu’il continue de s’occuper de ses cheveux. Dino s’exécuta machinalement, portant plus d’intérêt au récit tragique de la jeune fille qui ne l’ébranla que peu. Tout le monde ici avait une histoire terrible à traîner avec lui, on finissait par ne plus trop s’émouvoir des drames des inconnus. Mais parce qu’il fallait savoir faire preuve de savoir vivre, il opina légèrement du menton, l’air grave. Dino prenait grand soin de ne pas regarder Filippa. On était jamais à l’abris d’un fou rire nerveux dans la pire des situations. Ce n’était pas le moment et il pouvait bien faire preuve d’un peu d’empathie pour la demoiselle. Mais ce n’était pas sa faute si tout ceci ressemblait à une commedia dell'arte.

L’indifférence aussi tranchante que la lame du hachoir de l’épicerie dont faisait preuve Filippa manqua de le faire rire franchement. A la place il secoua la tête, lèvres pincées et le nez baissé vers la crinière maintenant domptée de Celi. Il y en avait peut être une qui était un peu plus émue que les autres par cette histoire. Elle garda malgré tout un silence de convenance, mais son expression s’adoucit considérablement. Pas suffisamment pour qu’elle ne laisse l’assiette de biscuits sous le nez de Laura. Elle alla s’avachir à moitié sur la petite table pour tirer vers elle son bien et se servir. Dino en profita pour l’attraper sous les aisselles et la réinstaller correctement sur sa propre chaise. Il reprit aussi sa tasse de café enfin libre pour se cacher dedans. Mais l’inévitable arriva, il finit par croiser le regard de Filippa et fut incapable de retenir un gloussement. Dino manqua de s’étouffer et Celi hésita entre l’indignation et le rire. Elle grimaça donc principalement.

« Voilà ! Ça me revient ! Vincenze Volpato ! Tu te souviens ? Il c’était installé dans l’avenue principale. Et c’est… Tomazo je crois, qui avait des problèmes avec lui. Il a essayé de mettre le feu à sa boutique avec son copain corse. Et au final c’est Mathieu qui s’est brûlé gravement. C’est bon, ça me revient ! » Dino en était particulièrement fier. Au moins ce n’était pas quelque chose qui le tarauderait jusqu’au fond de son lit cette nuit. « Il vivait avec Letizia, elle avait un défaut de prononciation, tu te souviens ? C’est dommage ce qui leur est arrivé. Du gâchis… » Il fronça le nez un instant, perdu dans ses pensées. « C’était y’a quoi ? Trois ou quatre ans. Il était sympa, Vincenze. Je l'aimais bien. »

Finalement Dino se redressa, fermant cette page sur le passé. Il resta impassible face à Laura, la toisant silencieusement. Il était encore quelques années en arrière, certainement. Seulement pour un court instant cette fois-ci. « Moi je veux bien lui parler, au shérif. Mais pour lui dire quoi ? Ça ne me dérange pas de m’occuper d’elle mais pas sous ses conditions. Il ne sait pas ce que c’est de s’occuper d’une gamine. » Il ne savait pas combien ça coutait en tout cas. Et s'il y avait une chose que Dino savait bien c'est que si Filippa ne savait pas quoi en faire de ce chargement là, elle savait où l’amener. « Puis tu as raison, ça ne se fait pas non plus. Mais bon. Ça les arrange bien de jouer les bons samaritains mais il ne faudrait pas trop se mouiller non plus. Je suis sûr qu'il voulait faire bien devant toi. Il t'aime bien. » il agita la main, toujours son éternel sourire gravé sur le visage, puis s’adressa à Laura cette fois. « Tu dis que tu veux travailler ici, tu connais du monde ? Des clients de tes parents, peut-être ? » Cette fois ce fut vers Filippa qu’il leva les yeux. « Il est gentil le shérif, mais elle sait peut-être ce qu’elle fait. » Et vu à quel point elle était taiseuse, cela pouvait très bien être le cas. « Si tu as besoin de travail je connais quelqu’un qui pourrait avoir besoin d’une paire de bras supplémentaire. »

Dino reprit sa cigarette à moitié entamée et la ralluma. Il tira une longue latte et observa la fumée se dispersée au-dessus d’eux. « Si j’en parle avec Ella Fiels, peut-être qu’elle acceptera. Qu’est-ce que tu en penses, Filippa ? A l’épicerie vous êtes déjà tellement nombreux que vous manquez de vous marcher dessus. » Et il savait bien que Filippa perdrait vite patience avec une enfant aussi agréable qu’une porte de prison. Pas étonnant qu’elle se soit entichée du shérif, celle-là.
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Dim 6 Juin - 11:50


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Ce qui devait arriver arriva. Le rire que Filippa s’était évertuée à contenir jusqu’alors (pourquoi d’ailleurs ? C’était vrai ça, maintenant qu’elle y pensait… Enfin, ce n’était certainement pas pour un quelconque respect envers Laura) glissa entre ses dents comme une rivière s’écoulerait dans son lit.
Malheureusement, il fut beaucoup moins mélodieux que le gargouillis joyeux et paisible d’un cours d’eau. Il gicla bruyamment, se bloqua dans sa gorge sèche et siffla comme une vieille locomotive besogneuse, raclant au passage l’intérieur de ses poumons à la pierre ponce. Alors, bien sûr, elle s’étrangla, les larmes aux yeux, et enfouit son visage rouge de fièvre et de rire dans le creux de son coude. Son manteau rapiécé qui sentait encore le feu de bois et les cendres n’arrangea pas le triste état de l’italienne.
Mais heureusement, il était difficile de démêler le gloussement de la toux, aussi put-elle habilement mettre son hilarité sur le dos de sa vilaine grippe.
Les mots de Dino le firent encore hoqueter quelques secondes. Après tout, il avait raison. Le shérif et la gracieuse Laura avait leur incroyable sourire en commun. Aussi rare qu’une éclipse. Aussi effrayant aussi (pour Murphy, cela se passait d’explications, pour Laura elle ne souriait que lorsqu’elle se murmurait des mots doux à elle-même, ce qui avait de quoi susciter l’inquiétude). Et il ne faisait aucun doute que si l’on osait admirer le phénomène sans protection, c’était la cécité qui attendait au bout du chemin.

L’oeil amusé de Dino accrocha celui humide de Filippa. Il se gaussa à son tour dans sa tasse. Le ricanement qui rebondissait contre la porcelaine ébréchée avait des allures d’éclat dans une cathédrale ; l’écho y était similaire et parfaitement inapproprié.
Peut-être (sûrement), Laura s’était-elle attendue à autre chose en dévoilant le triste récit de sa courte vie. Un peu de compassion. Une paume que l’on viendrait presser sur sa petite épaule tremblotante. Un air concerné peint sur le visage. Quelques mots d’encouragements. La promesse que tout irait bien, maintenant. De l’indifférence, au moins. Certainement pas un fou rire d’élèves de fond de la classe. Mais le destin l’avait malencontreusement placée sur la route des napolitains dont les oreilles étaient déjà pleines d’histoires à faire pleurer dans les chaumières. Et parfois en étaient-ils les auteurs, parfois les victimes (il ne fallait pas se leurrer, ils en étaient presque toujours les auteurs). Alors, vraiment, des histoires de familles décimées, ils avaient l’habitude. L’apitoiement et l’attendrissement glissaient sur eux comme les vagues sur les écailles des saumons. Il n’y avait que Celi pour grimacer, plus de gêne devant la réaction des deux italiens que par réelle affection envers Laura.

Pour enfoncer d’un dernier coup le clou de leur indifférence, Dino ne prit même pas le temps de revenir sur les déclarations de la vénitienne. À cela, il préféra revenir sur l’histoire des Volpato dont la fin tragique lui importait plus que son invitée. Filippa partageait le sentiment.

« Quatre ans, je crois, » compléta-t-elle de sa voix encore grippée de toux et de rire.

Elle acquiesça, accoudée à la table et l’index et le majeur appuyés sur sa tempe moite. Maintenant que Ricci déroulait ses souvenirs, tout lui revenait.

« Ce n’était pas faute de leur avoir dit de ne pas faire confiance au corse. Ni à Lucia, d’ailleurs. Il n’y a qu’à voir ce que Massima et elle leur ont fait… Je me demande bien comment elle a fini Lucia. Plus bête que méchante. Mais bête quand même. »

Laura assista à l’échange lunaire entre les deux amis sans piper mot. Un peu hébétée, elle les observait avec l’oeil à la fois gêné et excédé d’une spectatrice de pièce de théâtre dont les acteurs parleraient une langue qu’elle ne comprenait pas. Évidemment, elle n’avait aucune des références présentées par les napolitains qui, eux, ne faisaient aucun effort pour expliquer quoique ce soit. Il fallait y être, voilà tout. Si certains bavards auraient pu faire mine de rire lorsqu’il fallait rire ou de prendre un air sérieux lorsque les voix devenaient plus grave, le caractère taciturne de Laura la coupait définitivement du binôme. Enfoncé au fond de son siège, le menton presque posé sur sa poitrine, elle boudait ostensiblement en pensant à ses pauvres parents qui ne suscitaient définitivement aucun émoi.

La tranche de rire passée et le passé rassoupit, Dino et Filippa chassèrent les derniers plis de rire de leurs visages mats. D’un même mouvement, leurs lèvres se cornèrent, comme tirées vers le pas par l’hameçon d’un pêcheur. La bonne humeur s’était évaporée comme les nuages après un orage d’été. Comme seul reliquat, les échos distants qui s’échappaient pour la fenêtre entrouverte de la cuisine, comme des perles de pluie sur des fougères.
Dans son coin, Araceli grignotait toujours les gâteaux secs, ses dents mordillant avec application les petits cailloux à peine sucrés avec la méthode d’un castor travaillant une souche.

L’italienne profita de la tirade de Dino pour essuyer son nez dans le mouchoir que Vitale lui avait donné. Lui aussi sentait la cendre, le grand air et la terre. Elle plissa des yeux derrière le bout de tissu lorsqu’il évoqua à nouveau Murphy. Elle chassa ses paroles de mouvements de la main comme si elle eut cherché à se débarrasser d’une mouche enquiquinante.

« S’il croit que nous refiler une enfant perdue c’est faire bien devant moi, alors il ne me connait pas du tout, » railla-t-elle en rangeant son mouchoir.

Si cela n’avait été que d’elle, elle aurait laissé Laura là où elle l’avait trouvée. Elle semblait très bien se débrouiller toute seule, après tout. Mais comme d’habitude, le shérif avait mis son nez dans des affaires qui ne le regardaient pas. « D’abord l’irlandais qui voulait tuer Alessio, maintenant ça… Jamais deux sans trois, hein, » songea-t-elle avec lassitude. « Qu’est-ce que ça sera la prochaine fois ? » Dino avait raison. L’homme de loi était un peu trop sur son dos dernièrement. Il ne fallait pas que ça devienne un problème.

« S’il m’aime tant, il n’a qu’à m’épouser, » lâcha-t-elle, moqueuse, en haussant les épaules. « Tu serais son témoin Dino. Et toi Laura, tu pourrais nous jeter du riz en sortant de l’église. »

La vision d’un tel événement lui paru tellement absurde qu’elle rit à nouveau (à moins qu’il ne s’agisse d’une toux ?). Laura la toisa avec de grands yeux écarquillés.

« Ne t’en fait pas, je ne vais pas te le voler, » la rassura-t-elle. « Les moustaches épaisses comme ça, ce n’est pas pour moi. »

Le soleil qui s’engouffrait à travers les carreaux avait presque des allures de printemps tant il chauffait l’épaule de Filippa. Enfin, cela aurait pu être la fièvre qui la reprenait. Elle retira le foulard puant la sueur d’Alessio et le posa sur ses genoux.

L’adolescente secoua la tête aux questions de l’ouvrier de la Hennessy Company.

« Non, » maugréa-t-elle. « Non, je ne connais personne… Je me suis juste dit… Je me suis dit que j’aurais plus de chance de trouver quelque chose en ville. »

Filippa pressa Dino de finir sa phrase en agitant les doigts. Il préféra ménager son effet en allumant une cigarette.

La mention d’Ella Fiels fit lever les yeux de l’italienne vers lui. Ses iris noires étaient brouillées derrière un nuage de fumée. Filippa n’avait jamais eu d’affection particulière pour les lupanars, bien au contraire. Mais elle ne rechignerait pas à y envoyer Laura. Elle était ici, maintenant, et comme tout le monde, elle devrait gagner sa croûte et participer à l’effort pour soutenir la communauté.

« Bah voilà, » sourit-elle comme si l’affaire était conclue. « Tu vas y aller finalement, au bordel. Ça me semble être une très bonne idée. »

Elle tapota l’épaule de l’adolescente. Son expression passa de renfrognée à abasourdie. Comme d’habitude, lorsqu’elle ne rechignait pas, elle oscillait entre terreur et surprise. Sa face ressemblait alors à celle d’un hibou en pleine nuit, les yeux exorbités et le plumage ébouriffé. Les trois jours passés en sa compagnie avaient fini de convaincre Filippa qu’elle n’avait que ces deux expressions dans son répertoire. En dépit de son histoire digne d’une pièce, elle ferait, de fait, une piètre comédienne.

« Et si quelqu’un doit nous marcher dessus à l’épicerie, » reprit-elle à l’intention de Dino, « c’est bien la Bianchi. Je parie qu’elle va encore essayer de négocier les prix des choux. »

Filippa fronça les sourcils à l’idée d’avoir, une fois encore, la jambe tenue par l’ancêtre. Cette histoire de légumes crucifères l’inquiétait plus que d’envoyer une jeune fille dans une maison close.

« Tu lui en parles bientôt ? En attendant, je vais la ramener chez nous, » proposa-t-elle. « Histoire qu’elle se fasse un brin de toilette. Je te donnerai une de mes vieilles robes, d’accord ? Nonna sera contente de voir une nouvelle tête. »


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Dim 12 Sep - 23:57


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« En attendant tu devrais continuer à minauder avec lui. » Evidemment pas une seule seconde Dino ne pensait Filippa capable de minauder avec quoi ou qui que ce soit. L’image en elle-même était terrifiante, mais il n’eut pas le temps de se poser pour se l’imaginer. Elle aurait l’idée. « Continue de bien paraître pour qu’il ne s’arrête pas tout de suite de te courir après. C’est une excellente chose que tu ai le Marshall qui te mange dans le creux de la main. » Il lui présenta sa propre main avec un sourire entendu. « C’est bon pour les affaires de l’épicerie. » Et surtout c’était drôle. Mais ça, bien sûr, Dino n’allait pas le lui dire tout de suite. Il souffla un nouveau nuage de fumée. Déjà il se disait qu’il faudrait bien trouver une façon de le remercier, ce bon Marshal, pour tout ce qu’il avait fait pour la belle italienne en détresse.

La gamine n’était plus outrée des plaisanteries des adultes à son égard. Elle avait troqué son expression et abordait maintenant des allures d’oisillon tombé du nid qui voyait arriver un gros chat prêt à la croquer. L’agitation en moins, il fallait lui concéder qu’elle n’avait pas l’air de ceux à s’épuiser pour rien. Laura était avare en tout, du moindre geste jusqu’au mot de trop. Encore une fois Dino rit de sa peur et Celi se hâta de l’imiter. Elle n’avait pas une idée suffisamment précise des bordels pour connaître l’enjeu principal de la situation, à savoir la grande vertu de la petite ingénue, c’était par simple soucis de faire comme les adultes à table.

« Voyons, ne fais pas cette tête petite. Tu iras là-bas pour faire le ménage et les repas. Rien de plus. De toute façon, Ella préférera sûrement te cacher à l’arrière. Avec ta tête antipathique tu vas faire fuir les clients. » A défaut de la rassurer, Laura sembla profondément outré que son malheur continue à être synonyme de plaisanterie. Une fois n’étant pas coutume, ses états d’âme et sa petite personne furent vite balayé alors que Dino et Filippa reprenaient leur discussion de grandes personnes.

« J’essayerai de passer la voir dans l’après-midi. Je dois passer à l’usine voir le chef, d’abord. » Des soucis de mauvais payeurs qui ne pouvaient toujours pas payer. Mais il n’y avait pas de problème, que des solutions. Dino était certain de les avoir suffisamment secoués pour qu’ils trouvent vite vite de quoi rembourser Fraser et les Hennessy. Il ne fallait pas emprunter quand on ne pouvait pas payer. « Et si je peux je la présente demain, il faudra qu’elle soit présentable. » Dino se leva de table pour rassembler les tasses vides et l’assiette de gâteaux. Celi se déplia pour en attraper un avant que tout ne disparaisse plus loin (ici le rangement consistait beaucoup à simplement déplacer les choses).

« Avant d’aller à l’Open je viendrai te prendre une bouteille. Ça devrait suffire à radoucir Ella, tu sais comment est cette harpie. Tu me sortira ton meilleur vin français. » Il avait le même sourire narquois et moqueur que lorsqu’il parlait du Marshall et de son rire. Évidemment jamais un seul bon vin n’était entré dans le lupanar jusqu’à présent et cela n’allait pas s’arrêter de sitôt. La maquerelle était aussi difficile en affaire qu’elle si connaissait en grand cru.

« Et toi. » Il pointa Laura du doigt puis écrasa son mégot dans le cendrier improvisé. Dino ne s’était pas rassit, sentant que les aurevoirs étaient de toute façon pour bientôt’ « Tu as intérêt à être un peu plus souriante et compliante que maintenant. Si tu ne réussi pas à te faire embaucher, tu retournes immédiatement avec ton grand copain Murphy. C’est compris ? Comme ça plus d'histoire pour nous et ton cas est réglé. » Dino se redressa et épousseta sa chemise. « Qu’est-ce que tu crois que les gens vont dire, une gamine comme toi sans argent et sans parent qui traîne avec un type comme lui ? Le bordel tu y retourneras mais pas pour faire la vaisselle, cette fois. » Dino croisa les bras pour observer la gosse quelques secondes. Il tourna finalement la tête vers Filippa. « Il bite pas un mot d’italien en plus le Marshal, non ? »

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Mer 20 Oct - 23:30


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« Alors, vous venez ici souvent ? » Ses techniques pour attirer le chaland se limitaient à cette seule phrase qu’elle avait lue, un jour, dans une petite histoire humoristique du Corriere. Cela avait beaucoup fait rire l’acheteur devant elle, alors elle s'en était souvenue. Normal, alors, qu’au cours de sa courte vie, elle ait rencontré plus de réussite à draguer le fond de la baie de Naples en quête de cadavres qu’à draguer les jeunes italiens roublards.
À la fois gênée et agacée par la remarque de Dino, elle papillonna de ses cils trop courts et dissimula son embarras derrière l’ironie d’un regard qu’elle voulait cabotin. Lorsque l’on considérait le tableau dans son ensemble, le résultat était affligeant : le teint blême, les yeux cernés, les cheveux hirsutes, les lèvres gercés et le front suant. Elle ressemblait à s’y méprendre à la cousine anémique et affligée d’une maladie rare de l’héroïne romantique d’un roman français. Cela ne l’empêchait pas d’y mettre du sien.
Malheureusement, comme spécifié plus haut, Filippa n’avait pas cela dans le sang et l’univers le lui rappela bien vite par un énième éternuement qui la secoua toute entière. Elle ne dû son salut qu’au mouchoir infect de Vitale qui fit office de bouclier entre son nez et la table. Elle essuya sa goutte en toussotant.

« Je pense que je vais m’arrêter là… » croassa-t-elle, le rouge aux joues.

Elle n’était pas drôle, elle se demandait encore pourquoi elle s’escrimait à faire des tentatives.

L’italienne n’était pas certaine qu’avoir l’attention du shérif était une bonne chose (d’ailleurs, elle devait bien l’admettre, cela l’horripilait passablement). Elle ne se sentait plus libre de ses mouvements. Il ne cessait de se trouver sur sa route à épier le moindre de ses gestes (et probablement pas que pour des raisons policières) et elle ne serait pas étonnée de le deviner dans un angle sombre de son appartement, au beau milieu de la nuit, alors qu’elle se lèverait pour aller se soulager dans la cahute à l’extérieur. Et clairement, le marshal n’était pas de ceux qu’elle aimerait croiser par surprise au clair de lune (en particulier la vessie pleine). Elle avait compris la vitesse avec laquelle il perdait son sang-froid. Il suffisait d’un regard mal placé et le voilà qui tirait le malheureux au strabisme trop prononcé comme un lapin en haranguant le fait qu’il lui manquait de respect. « Aussi fou que le zio Piero. »
Le zio Piero était le cousin au second degré de la Morue. Un matin, il s’était cogné contre le linteau de sa porte et il n’avait plus jamais été le même. Calme pendant des jours, il se prenait soudainement à hurler, à grimper sur le toit et à uriner sur les pigeons. « Ils se sont bien trouvés avec Laura. Aussi bizarres l’un que l’autre, » pensa-t-elle en glissant un regard vers l’adolescente renfrognée.

Quant aux affaires de l’épicerie, elle était toute aussi dubitative. Mais enfin, elle était trop épuisée pour avoir quelque chose à redire aux paroles de Dino et se contenta de masser le point entre ses sourcils (l’origine de nombreux maux de tête) avec son index.

Enfin, comme toutes les choses, cela passerait et Murphy ne tarderait pas à hameçonner une autre pauvre âme pour la sonder du regard comme un diseur de bonne aventure.

L’ancienne mafieuse souffla par le nez (enfin essaya puisqu’il était bouché) à la nouvelle remarque de son ami. En effet, Laura n’était pas de celle que la maquerelle sortirait dans la rue pour appâter le client. Peut-être aurait-elle pu être jolie, mais son visage froissé de dédain creusait ses joues de lignes grossières. Et comment nier l’évidence, il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond chez la vénitienne, avec ses messes-basses et ses rictus qui venaient de nulle part. N’importe qui de sensé pouvait sentir cela chez elle. Il ne faisait aucun doute que Fiels la remiserait avec les balais.

Les tasses ébréchées et tapissées d’un mince film brun furent emportées par Dino tandis que Filippa acquiesçait, les yeux dans le vague. Nonna s’occuperait de la rendre présentable. Elle serait bien trop ravie d’avoir à dorloter (maltraiter) une nouvelle venue. Si elle le lui demandait, sa petite-fille l’aiderait, bien entendu. Mais sinon, elle s’en tiendrait éloignée. Elle n’avait pas de temps à perdre avec elle.

« Mon meilleur vin français ? » répéta la napolitaine, moqueuse. « Où as-tu cru qu’on était ? À Paris ? Je te donnerai le moins terrible, ça sera déjà ça. »

Les étales des Rinaldi ne jouissaient plus du vaste choix d’autrefois et leurs palais ne se hérissaient plus que de l’amertume de leur passé et de leur vin aussi âpre que des câpres. Il n’y avait que leur limoncello pour tenir la route et celui-là, elle ne le partagerait pas avec Ella. En particulier si cela devait la convaincre de récupérer une enfant perdue dont elle n’avait que faire.

La leçon de l’ouvrier faite, Filippa se redressa à son tour en grimaçant. Elle ne rêvait que d’une chose : rentrer chez elle, enlever ses chaussures et se glisser sous sa couverture humide.

« Va savoir… » lança-t-elle en nouant le foulard d’Alessio autour de son cou. « Les types comme lui, ça sait parler quinze langues et jongler sur un tricycle. Enfin, je ne crois pas que l’italien fasse partie de sa petite panoplie de shérif de bourgade perdue. Mais il aura sûrement appris d’ici notre prochaine rencontre. »

Son sarcasme lui arracha une nouvelle toux à lui écorcher l’oesophage.

« Allez, viens Beau Sourire, » ordonna-t-elle à Laura qui restait clouée à son siège.

L’adolescente se leva à contrecoeur, son regard fusillant ses souliers abimés. Elle passa entre les deux amis, fulminante, avant de sortir dans la rue poussiéreuse. Son départ précipité fit rentrer une grande goulée d’air froid dans la cuisine tiédie par leurs radotages. Un long frisson griffa sa colonne vertébrale et Filippa resserra les pans de son manteau rapiécé. En vain, puisque ses os étaient gelés.

« Merci Dino de m’aider avec ça, » finit-elle par dire. « Sans toi, je pense que je l’aurais laissée en pleine nature. Non pas que ça me préoccupe, mais bon… »

Mais bon quoi, personne n’en savait rien et Filippa non plus d’ailleurs.

Chaque remerciement avait des allures de langue étrangère lorsqu’elle s’escrimait à cet art subtil et cela avait l’effet d’autant de coups qu’elle se donnait à elle-même. Ou plutôt à la Filippa d’avant, celle qui s’imaginait que tout lui était dû. Encore aujourd’hui, elle peinait à se faire à l’idée que parfois, on lui faisait des faveurs et que le monde entier n’était pas à ses ordres.

« À tout à l’heure, alors, » le salua-t-elle en tournant les talons. « Je sentirai moins mauvais, promis. »

Un grincement de porte et elle était à nouveau frissonnante dehors, flanquée d’une Laura plus glauque que jamais qui pestait dans sa barbe. Filippa roula des yeux. « De pire en pire, » se lamenta-t-elle.


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