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Guns & WhiskyFORUM WESTERN · NOUS SOMME EN ÉTÉ

1889. À la lisière de l'Etat de New Hanover, la petite ville forestière d'Imogen compte un peu plus de 500 habitants. Plus connue pour ses ranchs que pour ses pépites, elle est l’exacte représentation des espoirs et des échecs de tous ceux qui ont pu croire au rêve américain. Son seul lien avec la civilisation est le chemin de terre creusé par le passage des diligences, droit vers la station de gare de l'autre côté de la frontière qui mène vers l'Etat de West Esperanza. Cette route est connue pour ses braquages incessants, causés par le gang des O’Reilly. En plus de terroriser la population - leurs méfaits sont racontés dans tous les journaux de la région ; ils rendent périlleux les voyages vers la grande ville : Silverstone. Cité minière dirigée par la respectable famille des Rosenbach, prospère et moderne ; on pourrait presque croire que c’est un lieu où il fait bon vivre. Mais, derrière la bonhomie de son shérif, les sourires de ses prostituées et les façades fraîchement repeintes, l'influence criminelle du Silver Gang grandit de jour en jour. Lire la suite

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Clyde King est la fondatrice du forum ! Elle se genre au féminin et ses autres comptes sont : Isaac, Mila, Amitola et Cole. PROFIL + MP
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On ne cherche pas de nouveau Shérif pour l'instant, mais qui sait, un jour tu feras peut-être régner l'ordre et la lois sur ce forum ?
FAIT DIVERSDepuis l'attaque de la banque, Mr le maire, Henry Rosenbach, invite les citoyens à redoubler de prudence - il craint que cet acte n'inspire d'autres scélérats, et met en garde ses concitoyens quant au danger qui rôde dans les grandes plaines. Ainsi, il préconnise les voitures de poste, ou encore le train pour se déplacer.
BONNES AFFAIRESN'oubliez pas de passez par le quartier commerçant de Silverstone pour faire vos emplettes dans l'épicerie des Rinaldi ! Vous y trouverez moultes boîtes de conserve, ainsi que quelques plats tout chaud, tout droit sortis de la cuisine et parfois même servi par la petite fille des propriétaires.
RUMEURUn prisonnier se serait échappé du Fort de Silverstone. Les rumeurs les plus folles circulent : certains s'imaginent qu'il s'agit encore d'un coup des bandits qui ont attaqué la banque, d'autres, un peu moins terre-à-terre, parlent d'une attaque d'anciens confédérés. La justice, quant à elle, ne commente aucune e ces hypothèses.
PETITE ANNONCEDepuis la fonte des neiges, le village d'Imogen est fière d'annoncer la réouverture de son marché agricole ! Chaque mercredi, les producteurs de New Hanover sont invités à monter leur stand dans la rue principale et faire commerce de leur légumes, viandes, poules et autres peaux ! Troc autorisé.
RUMEURDes histoires de Dame Blanche circulent dans la région de West Esperanza : certains habitants de Silverstone et des alentours jurent avoir apperçu un fantôme ! Les plus jeunes s'amusent même à invoquer l'ectoplasme dans un nouveau jeu ridicule - mais qui passera bientôt de mode : celui du ouija. Le temple prie pour leur salut.
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La morte e don' la porta | ft. Dino Ricci
Filippa Rinaldi
Filippa Rinaldi
Since : 30/11/2020
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La morte e don' la porta | ft. Dino Ricci Boeq
Age : 29 ans
Statut : La revanche a fait d'elle son épouse, personne ne sait qui des deux deviendra veuve
Job : Cuisinière officiellement | Nouvelle comptable des Hennessy en compagnie de Wyatt Smith | Réalise des petits boulots illégaux avec un groupe d'italiens de Silverstone | Ancienne contaiuola de la famille Rinaldi
Habitation : Petit étage en piteux état au-dessus de l'épicerie de ses grands-parents, Silverstone
Disponibilité : Dispo [1/3]
Mar 28 Déc - 0:15


La morte e don' la porta

@Dino Ricci

Le chantage était une bien vilaine chose. « Et pourtant, il peut parfois se montrer plus efficace que la corruption. » La voix roulée de tabac de zio Andrea enfumait encore les pensées de Filippa. Un brin de culpabilité, un soupçon d’obligation et surtout, une bonne cuillerée de peur suffisait à parfaire la recette idéale. Combien de fois l’avait-elle vu faire grimacer les bouches, cette recette ? Et faire briller les yeux ? La sensation était douce pour qui y trempait les lèvres pour la première fois. La puissance que l’on ressentait lorsque l’on toisait celui qui nous obéirait désormais au doigt et à l’oeil. La supériorité qui nous faisait alors baigner dans la condescendance. Pour l’ancienne mafieuse, néanmoins, un tel acte était monnaie courante. Aussi, elle n’avait jamais pris de cruel plaisir à asseoir son autorité sur autrui. La chose était si naturelle pour elle que cela ne lui avait jamais fait ni chaud, ni froid.
Et comme toute chose dans la vie - et dans une bonne logique judéo-chrétienne -, il fallait bien, un jour, que ses méfaits se retournent contre elle pour qu’elle puisse, elle aussi, goûter à sa propre médecine.

Ses doigts pianotèrent à côté du faire-part de mariage.

La lettre avait été griffonnée rapidement, sans toutefois se passer de soin. Elle était signée Nadie, mais Filippa reconnaissait sans mal l’écriture du père de la Fuente. La native s’était contentée de signer d’une croix appuyée si fortement que l’encre avait manquée de peu de transpercer le papier.

Pourquoi l’ancienne domestique de l’Open Purse l’avait-elle désignée comme témoin à son mariage demeurait un mystère. Pourquoi le père de la Fuente épousait-il une autochtone sans le sous en était encore un plus grand. Néanmoins, ce dernier la tracassait moins que le premier.
Qu’irait-elle donc faire à un mariage protestant dont elle ne connaissait de la mariée que son prénom et son précédent emploi ? Le religieux avait dû songer à la même chose puisqu’il avait précisé, dans son dernier paragraphe, son impatience à administrer la prochaine messe.

« Oh-oh-oh, Padre Benicio, » ricana-t-elle en se renversant sur son siège. « Très malin. »

Sa voix encore enrouée de la nuit mourut dans le silence de l’épicerie.
Il y avait longtemps que le petit facteur était parti, mais le tintement de la clochette résonnait encore dans l’air. Le soleil n’était pas encore levé, mais déjà le ciel pâlissait au-dessus des toits, tuant les dernières étoiles attardées. Bientôt, la rue du quartier se noierait de jour et de gens. En été, les courses se faisaient plus tôt pour fuir la chaleur de la journée.

Le Père Benicio savait que les italiens tenaient à leur messe du dimanche comme un chien à son os. Par valeur pour certains, par habitude pour d’autres et enfin par nostalgie de leur ancienne vie pour tous. Ils ne pouvaient s’en passer et, de fait, avait besoin de leur bon père, monstruosité hybride alternant catholicisme et paganisme.

« Je suis battue. »

Elle replia la missive soigneusement.

« Du courrier ? » demanda nonno en passant une tête par-dessus son épaule pour embrasser sa joue.

Sa moustache lui chatouilla la tempe.

« Le Père Benicio, » annonça-t-elle en secouant la lettre. « Il nous invite à son mariage. »

Il y eut un bruit de casserole qui tombe dans l’arrière-boutique.

« Quoi ?! » s’écria nonna en ne passant pas par la case bonjour. « Il se marie ? Comment ça ? Et avec qui ? Tu la connais ? Elle est bien ? Fais voir ! »

Apparue à une vitesse étonnante pour son grand âge, la grand-mère joua des coudes pour éloigner nonno qui faisait de la résistance pour le simple plaisir de l’embêter. Elle râla plus que nécessaire et finit par attraper le papier qui dépassait de la poche du tablier de sa petite-fille. Ses yeux parcoururent la lettre, mais une longue plainte s’échappa de ses lèvres.

« Je n’y comprends rien, moi ! » se lamenta-t-elle comme si elle avait oublié qu’elle ne parlait pas anglais. « Traduis, allez, allez. »

Filippa soupira.

« Ça raconte ce que dirait une invitation normale. Le mariage aura lieu à Imogen et la mariée s’appelle Nadie. »

Nonna fronça les sourcils.

« Nadie comment ? »

« Ce n’est pas précisé. Le mariage a lieu dans moins d’une semaine. »

Une expression horrifiée passa sur le visage de l’aïeule, autant pour la date rapprochée que par la découverte de l’absence de patronyme de la future mariée.

« Mais enfin… Ce ne sont pas des idées, ça, d’annoncer le mariage et de se marier dans la foulée ! Comment va-t-on se préparer et - ouille ouille ouille… Mon dos ! »

Elle se tint les reins et Filippa se dépêcha de lui laisser sa place. Avec les serviettes oubliées sur le comptoir, elle lui confectionna un coussin de fortune.

« C’est ce matelas, » se justifia-t-elle en grimaçant. « Autant dormir par terre, je vous le dis ! »

Nonno attrapa sa petite patte ridée dont il massa le dos du pouce. D’ordinaire, nonna l’aurait repoussée avec véhémence, toujours pudique après des décennies de mariage devant les gestes tendres de son époux en public. Mais la douleur lui barrait le front d’un vilain trait profond alors, elle ne dit rien et se laissa faire.

« Si tu as trop mal, ça ne sert à rien de se mettre la rate au court-bouillon, » admit Filippa, bien contente de cette décale divine. « Père Benicio comprendra, j’en suis sûre. »

« Ah non non non non non ! » s’exclama la grand-mère. La ferveur soudain revenue, elle repoussa nonno qui s’acharnait en riant. « Tu vas y aller, je te le dis ! Ne crois pas que je suis idiote en plus, j’ai bien compris que la mariée te voulait comme témoin. Alors, tu vas mettre une jolie robe et tu vas y aller ! Et avec le sourire ! »

Avec le papier, elle frappa Filippa sur le front. Cette dernière fit mine de souffrir en se tenant la tête et nonna, agacée, sauta du siège en clopinant jusqu’à la cuisine. Par-dessus son épaule, l’épicière roula des yeux à l’intention de son grand-père avant de tirer la langue. Les yeux de nonno pétillèrent et son épouse se tourna vivement pour trouver la dernière survivante du clan Rinaldi à arranger les torchons.

« Mouai, mouai, » maugréa la vieille dame en attrapant la casserole.

Malgré la comédie de la situation, Filippa n’avait guère envie de rire. Elle n’avait pas une envie folle d’assister au mariage, en particulier si elle se savait seule.
Puis elle pensa à Nadie et au père Benicio. Au fait que le mariage était un chantage mutuel élevé au rang d’amour. Au fait que la date si rapproché du mariage était, en effet, étrange.

Puis, la première cloche de la journée sonna.


*


La journée s’effilochait. Le soleil se couchait sur son bûcher incendié, éclaboussant d’or et de sang l’horizon. Petit à petit, les fenêtres se mirent à étoiler la rue avant que la nuit ne se picote de lumière. La ville se vidait et on se pressa à rentrer chez soi pour échapper à l’obscurité qui tombait par flocons, comme une neige sombre.
Autrefois, le regard furtif jeté à l'extérieur rencontrait les vitraux des églises, illuminés par quelque lampe solitaire, rayonnant doucement d'éclats mystiques. On pouvait aussi apercevoir les ombres fugitives qui se glisseraient dans les rues napolitaines en quête de musiques plus vagues que des souffles. Les rires, la mer, l'atmosphère ardente. Ici, rien d'autre que les notes désaccordées d'un lointain piano et les voix braillardes de quelques alcooliques notoires.  

À son tour, Filippa éclaira sa lampe à huile. La flammèche subite jeta de grandes ombres sur les murs. Les asperges et les aubergines devenaient monstrueuses ainsi peintes de noires sur les murs. Elle rapprocha son carnet de compte au plus près de la source de lumière. Sa deuxième journée commençait. Et aux bénéfices de l’épicerie s’ajoutaient les emprunts remboursés par le poing des Ackermann. Et avec intérêts. Des braves types que ces autrichiens.

Un peu avant minuit, alors que le parquet se mettait à craquer, elle éteignit précautionneusement la lampe et avança à tâtons, carnets sous le bras, jusqu’aux escaliers. Ce ne fut qu’arrivée à mi-chemin qu’elle entendit gratter à la porte.
Elle cligna des yeux bien qu’elle n’y vit pas mieux. Une pointe d’adrénaline firent frémir ses doigts, mais elle contrôla sa respiration. « Du calme, » s’intima-t-elle.

On gratta à nouveau, avec plus d’empressement cette fois.

Elle déposa ses documents sur une marche et redescendit silencieusement jusqu’au comptoir où elle attrapa le hachoir à viande.

La petite arrière-boutique sentait la sauce tomate et la farine. Elle se colla contre le mur pour regarder par la petite fenêtre. Elle reconnut sans mal la silhouette de Dino sous la lune. Un (nouveau) soupir et elle planta le hachoir dans le bois de la table.

Elle ouvrit la porte, bras croisés devant sa poitrine, doigts pianotant sur son bras gauche.

Ce ne fut qu’après qu’elle aperçut la charrette arrêtée devant l’arrière-cour. Et le bras qui sortait de la bâche. Elle sourcilla et reporta son attention sur l’ouvrier.

« Mort ou bientôt mort ? » demanda-t-elle doucement.



Filippa Rinaldi
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Dino Ricci
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Jeu 6 Jan - 21:34


La morte e don' la porta


La baraque qu’habitait Val Weldon était excentrée de l’avenue principale et avoisinait le quartier que les Italiens avaient pris d’assaut il y avait plusieurs années de cela. Ce qui signifiait que Val Weldon n’était personne pour la ville de Silverstone : pas assez important pour que le maire de la ville ne le salue, mais encore trop blanc et protestant pour véritablement être regardé d’un mauvais œil lorsqu’il déambulait sur Main Street. C’était un homme sans histoire à qui son père n’avait rien légué : il n’avait qu’à se construire seul, comme ses ancêtres avant lui ! Mais Val peinait à se faire, que ce soit seul ou avec sa femme qui subissait les emplois saisonniers qu’enchaînaient son époux. Pourtant, il n’était pas mauvais payeur. Il avait toujours réussi à rembourser ses dettes en temps et en heure, par la force de la volonté et d’un travail laborieux à la solde du Silver Gang. C’était une qualité qu’on ne pouvait que saluer et qui avait suffi pour lui forger une réputation suffisamment bonne pour apporter quelques avantages quand venait l’heure de payer les prêts. Avec la famille qui c’était tout fraîchement agrandit, la banque s’était montrée plus souple.

Ce soir, ce n’était pas pour ses prêts que Dino avait frappé à la porte de la demeure des Weldon. Si Val ne s’en tirait pas trop mal avec ses finances lorsqu’elles concernaient un autre compte en banque que le sien, l’alcool en revanche était un problème plus important. Enfin Dino en avait conclu que c’était l’alcool qui avait rendu cet homme relativement discret plus violent que de raison. Non pas que ça le secouait particulièrement, son taf restait le même peu importe les mélodrames qui ponctuaient la vie de ses bouc-émissaires.

Pour une histoire aussi bête, Dino n’avait pas pris la peine de s’armer. Il avait salué toute la petite famille quand on l’avait invité à entrer, en baissant la voix pour ne pas réveiller la petite qui dormait dans la seconde et dernière pièce qu’était la chambre à coucher. Les Weldon étaient pauvres et les Américains incapables de construire des lieux de vie convenables. Pourtant, Dino avait retenu un quelconque commentaire déplacé lorsqu’on l’avait invité à s’assoir afin de prendre un verre. Comme à son habitude, il avait plaisanté sur le temps terrible et sec de la région et lancé quelques compliments à Emmy (qui, c’était faux, n’était pas de plus en plus radieuse avec le temps car sa grossesse récente l’avait terriblement enlaidie).

Ella Fiels avait maintenant la gestion du lupanar de la ville dans son entièreté, sans personne pour fouiner dans ses affaires et prétendre à sa place de reine mère. Mais le marché passé avec le Silver Gang était toujours d’actualité. En réalité, le décès de Fraser avait poussé la petite mafia locale à renforcer son étreinte et ses engagements sur le bordel. Alors quand Ella était venu se plaindre du comportement de Weldon vis-à-vis de ses petites protégées, c’était Dino qu’on envoyait pour rappeler les règles. Et que ça file droit. On ne casse pas les putains, surtout pas celles qui rapportent bien. Birdie l’intouchable avait désormais la gueule toute de travers et ne couterait plus aussi cher pendant un bon moment. Elle qui aimait tant se vanter de sa cote élevée… Pauvre gosse. Ça lui apprendrait peut-être à fermer sa trop grande gueule.

Il ne s’agissait donc que d’un rappel à l’ordre. Probablement que cela ne changerait pas grand-chose et que le rappel à l’ordre se ferait plus frappant la prochaine fois. Les avertissements quand ils n’amochaient pas étaient rarement utiles ni écoutés.

De toute façon Dino n’eut même pas le temps d’expliquer les faits. Il avait à peine pu prendre son air grave afin de faire comprendre qu’on passait aux choses sérieuses qu’au lieu d’un verre de mauvais whisky, c'est un couteau de cuisine qu’on lui planta dans la main.

Certainement un bête quiproquo avec ces histoires de dettes. On ne plante pas un collègue pour une histoire de pute.

Weldon était bon payeur, mais mauvais à la bagarre. Ou alors la panique l’avait rendu plus crétin qu’il ne l’était déjà. L’américain avait laissé l’italien planté à la table de bois par la main et c’était élancé pour rejoindre sa femme qui avait déjà récupéré le bébé dont les hurlements se mêlaient à ceux de Dino.

Finalement le bébé n’avait pas hurlé bien longtemps. Le rital avait réussi à se libérer sans trop de difficulté (contrairement à la souffrance qui était bien présente, elle) et en voulant viser Weldon qui s’apprêtait à fuir, il avait défiguré le nourrisson et promis la fin de ses jours (sa nuit) de façon lente et douloureuse. Une bonne partie de son visage et de son crâne s’était détaché du reste en même temps que le couteau avait terminé sa trajectoire contre le mur pour y rebondir mollement. La cacophonie était absolue entre les quatre murs, entre les hurlements, les insultes, les pleurs et les gargouillements (facilement recouverts, ces derniers).

Bien évidemment, il n’était pas question de laisser les choses comme cela. Sous le coup de la fureur autant que l’adrénaline, et puisqu'il n’y avait pas d’autres réponses possibles, Dino s’était jeté sur le père qui de toute façon ne l’avait pas rejoint pour de chaleureuses embrassades. Pour l’envoyer voler d’un coup d’épaule bien ajusté contre la seule armoire de la pièce. Avec une main en moins, Dino n’avait pas l’intention de se lancer dans la bagarre sans une arme. Et il y en avait une juste à portée.


***


« Tu es certaine que ça ira toute seule ? Je peux demander à quelqu'un de t’aider... » Dino regarda sa main bandée maladroitement mais fermement. Il avait arrêté de faire point de pression sur la blessure pour s’allumer une cigarette qu’il jugeait bien méritée.

Consuelo rejeta ses deux longues nattes derrière ses épaules, l’une après l’autre. Elle secoua la tête et remonta sa jupe en coinçant des plis dans sa ceinture. Elle n’avait pas l’intention de la salir plus qu’elle ne l’était déjà, car le sang, c'était difficile à rattraper. « Ça ira, ne t’en fais pas. » Les mains sur les hanches, elle examina la scène de crime maintenant débarrassée de trois cadavres. Elle soupira tout de même profondément, d’une inspiration qui venait du cœur et du fin fond des poumons jusqu’à en soulever l’estomac et les épaules. La jeune fille se tourna de trois quarts, pour être sûr que sa moue malheureuse ne passe pas non plus complètement inaperçue.

« Quoi. Qu’est-ce qu’il y a ? » Dino n’avait pas manqué de rouler des yeux, et si Consuelo l’avait vu elle s'était bien gardée de dire quoi que ce soit.

« Rien, rien … » Voyant qu’il n’insisterait pas, elle reprit. « C’est juste que si j’ai une nuit très courte et bien je vais avoir des cernes… » elle laissait traîner ses fins de phrases comme si elle espérait provoquer une révélation chez son tout petit auditoire. Malgré tout son cinéma, après avoir remonté ses manches, Consuelo c’était mise au travail.

« Tu es tombé dans la mauvaise famille si tu ne voulais pas de cernes, ma pauvre fille. » Ricana Dino, la clope coincée entre les lèvres. Il tentait de plier et déplier les doigts de sa main meurtrie, mais s’arrêta bien vite. « Fallait te présenter chez les Rosenbach quand la place s’est libérée. » Consuelo pouffa en même temps que Dino. « Peut-être que je devrais libérer définitivement la place moi-même. Je pourrais, tu sais ! »

« Bien sûr, oui. En attendant dépêche-toi si tu ne veux pas avoir des cernes qui raclent le plancher. » Dino se leva et il eut l’impression d’avoir pris dix ans. Sa grimace manqua de lui faire échapper la cigarette. « Tu es bien certaine que Laura n’était pas à la maison ? » Il avait l'air et le ton plus grave.

« Sííííííí… » Ce n’était que la cinquième fois en moins de deux heures qu’il lui posait la question. Après avoir plongé des draps dans le bac d’eau qu’elle se trimballait, Consuelo se redressa pleinement. Elle aussi était devenu plus sérieuse. « Elle est juste passée pour manger et elle est repartie aussi vite, sans à peine nous adresser un mot ; que puta. Ne t’en fais pas. Elle doit être avec un client qu’elle s’est déniché à l’Open Purse. » Le nom du bordel avait été lâché du bout des lèvres, avec tout le dédain que Consuelo était capable de retenir dans son corps, comme un enfant recracherait un bonbon trop amer. Et considérant le peu d’amour avec lequel elle parlait de Laura, c’était un exploit qu’elle puisse montrer encore plus de condescendance à quoi que ce soit d’autre. « Tu devrais plutôt te préoccuper de tes propres problèmes avant qu’il ne fasse jour. Je m’occupe d’elle, c’est bon. »

Pas franchement satisfait, mais convaincu malgré lui car ses arguments étaient très entendables (il était impératif qu’il se préoccupe des trois corps), Dino daigna enfin bouger non sans avoir cendré par terre. « Surveille l’heure à laquelle elle rentre. Et si tu as besoin d’aide avec tout ça, va réveiller ta sœur. » Il n’avait pas besoin de voir son visage pour savoir que l’adolescente roulait des yeux en même temps qu’elle s’acharnait à récurer le sol à la brosse. « C’est ça. Aller, à tout à l’heure. Et dit bonsoir à Filippa de ma part. »


***


« Mort ou bientôt mort ? »

« Qu’est-ce que ça change ? De toute façon, il va quand même finir sous terre. » Peut-être moins de six pieds s’ils trouvaient un endroit suffisamment isolé et désert pour que ça n’attire pas l’attention des marshals fouineurs du coin. Dino avait déjà peu de respect et de patience pour les vivants, alors pour les morts n’en parlons pas.

Sans attendre qu’elle ne l’invite à entrer, Dino poussa la porte pour se frayer un chemin à l’intérieur entre elle et l’épicière. Sans se soucier des bonnes manières, il était de trop mauvaise humeur pour faire semblant ce soir, il chercha de suite un remontant. Maintenant que l’adrénaline était retombée comme un soufflet, Dino tremblait. « Il y en a trois. » Le Napolitain marqua une très courte pause. « Deux et demi. » Rectifia-t-il. « Le père n’est peut-être pas encore tout à fait mort, mais il n’est pas en mesure de se plaindre non plus. » Val Weldon n’était plus en mesure de grand-chose, c’était un fait.

« Cet abruti, je te jure ! » Spontanément Dino baissa d’un ton. Il s’agissait de ne pas réveiller toute la maisonnée. « Ce con. » Du coup il parlait à mi-voix. « Je venais juste pour lui dire de faire attention à bien se comporter avec les putes de l’autre imbécile- » ce soir personne ne serait épargné. « Et il a essayé de me planter ! » Dino agita sa main au pansement franchement précaire et déjà sanguinolent sous le nez de Filippa. Il avait plutôt bien réussi à le planter et avait même réussit à échanger de sacrés coups de pogne comme en témoignait le visage tuméfié du dernier des rescapés. « Un abruti ! »

Dino secoua la tête et dégagea son visage en sueur d’une mèche de cheveux qui lui retombait sur les yeux. « Ah, au fait, Consuelo te passe le bonjour. »
Dino Ricci
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Filippa Rinaldi
Filippa Rinaldi
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Disponibilité : Dispo [1/3]
Sam 8 Jan - 16:00


La morte e don' la porta

@Dino Ricci

Dino charria avec lui l’extérieur tandis qu’il pénétrait dans l’épicerie des Rinaldi. Dans son sillage, la tiédeur suffocante de la nuit et la fébrilité d’un corps nerveux. Lorsqu’il la bouscula pour s’arracher à la vulnérabilité de la rue, sa chemise poissée froissa son visage. Son odeur lui agrippa le nez ; de la sueur et du sang. « Super, » soupira-t-elle intérieurement.

Le calme de l’arrière-boutique se trouvait soudainement rempli de lui. Il agitait l’espace au rythme de sa respiration hachée, de ses mains retournant les bouteilles de verre pour lire les étiquettes, de ses bras agacés qui accompagnaient sa voix sifflante. L’obscurité, rentrée insidieusement par la porte ouverte, noyait Dino d’effluves d’une colère où se mêlait de la frustration. Il tremblait.
Après un dernier regard vers la cour noire et le bras diaphane jaillissant dans la pénombre comme une étoile filante statique, elle referma soigneusement la porte en prenant garde d’étouffer le cliquetis du loquet. La maison soupira sans se réveiller.

« Sous terre, ah oui ? Je me demande bien qui va t’aider à creuser, » lâcha-t-elle d’un ton délibérément pincé.

Bien sûr qu’elle savait qu’elle avait été désignée pour réaliser la besogne. Mais elle ne s’attendait certainement pas à voir sa soirée être interrompue de la sorte.

Un demi-tour pour faire face à l’italien et déjà, il lui présentait sa main sanguinolente en jurant. Surprise par sa proximité, Filippa loucha sur la bande de gaze mal attachée qui flottait dans le vent comme une guenille. La lampe à huile éclairait faiblement son visage d’une lumière vacillante, creusant l’os de ses pommettes et les plis que ses sourcils froncés faisaient apparaître entre ses yeux et sur son front. Elle remarqua alors qu’un coup lui gonflait déjà la paupière droite. Son nez aussi avait pris un poing - le bout était enflé - mais il n’était pas cassé.

Puis, Dino se déroba pour pester un peu plus loin, sa silhouette brodée d’ombres.
La napolitaine le connaissait assez pour savoir qu’il valait mieux le laisser déverser son fiel avant de l’interrompre - elle était pareille -. Lui dire de se calmer était également une mauvaise idée. Il était italien, après tout.  

L’ouvrier essuya son visage crispé d’une main fiévreuse avant de s’adosser au comptoir, ses ongles plantés dans le bois. Sa voix perdait en vélocité.
L’italienne sortit un paquet de cigarettes caché par son grand-père dans un tiroir à vieux torchons - nonna n’aimait pas quand il fumait - et en présenta une au napolitain avant de lui servir un fond de grappa dans un verre qu’elle avait utilisé dans la soirée. « Ça devrait le calmer, » songea-t-elle en rangeant la bouteille, ennuyée par tant de grabuge. Elle se trouvait souvent gênée face aux personnes qui perdaient leur sang-froid. Les mots rassurants ne lui venaient jamais naturellement. Ne lui venaient jamais tout court, en réalité. Autrefois, elle n’en aurait même pas vu l’utilité - au contraire, on se congratulait d’une corvée bien exécutée -. Elle ne savait donc pas si ce manque lui venait d’un manque d’habitude ou bien de sa nature. Dans les deux cas, elle ne s’estimait pas devoir changer. Pourtant, aujourd’hui, les choses étaient différentes.

Tuer était facile. C’était la suite qui était difficile. Pas à Naples, non, où les conséquences de leurs actes s’échouaient généralement sur la plage en même temps que le cadavre. Ici, en revanche, le marshall était sur leurs côtes et ne cessait de les épier en plissant des yeux, suspicieux (parfois elle craignait d’apercevoir sa truffe écrasée contre la fenêtre de leur appartement au milieu de la nuit). Suspicieux de quoi, Filippa n’aurait su le dire jusqu’à aujourd’hui - après tout personne n’avait jamais fait signé de maladresse qui risquerait d’attirer l’attention de ce fouineur -, mais l’ouvrier venait de changer la donne.
La cuisinière s’adossa contre la table bancale, en face de lui. Le mouvement fit vaciller la flammèche de la lampe. Les ombres tremblèrent contre les murs.

« Un bonsoir à Consuelo de ma part également, mais… Il va falloir m’expliquer, d’accord ? Est-ce qu’elle a besoin d’aide de son côté ? On peut envoyer Alessio ou Vitale. »

Si les victimes du crime profitaient actuellement de l’air pesant de la nuit dans son jardin (entre les épluchures de concombres et les crottins de la mule), elle s’imaginait sans trop de mal qu’il y avait un lieu du crime et que Dino n’avait pas laissé la chambre rouge ouverte aux quatre vents.

« J’imagine que Laura n’est pas au courant ? »

Ses yeux noirs se plantèrent dans ceux tout aussi noirs de Dino. Il comprendrait la question sans qu’elle ait besoin de développer.
Elle se méfiait de cette petite balance qui ne rêvait que d’une chose : gratter à la porte de Murphy pour réclamer sa pitance. Le beau cadeau qu’il leur avait fait, l’ancien shérif. Une espionne ingrate. Pour elle, le meurtre de trois - deux et demi - imbéciles par Dino serait du pain béni. Si elle savait quoique ce soit, il faudrait s’occuper de sa bien bavarde petite bouche avant d’abandonner le trio dans le désert pour les vautours. Et peut-être que le trio accepterait un quatrième membre.

De sa main valide, Dino tenait son autre poignet. Elle craignait que le sang ne tache le parquet.
Toujours dans le tiroir des vieux torchons, elle en choisit un - les restes d’un vieux pantalon de nonno - qu’elle découpa en plusieurs bandelettes avec son ciseau de cuisine.

« Allez, fais moi voir ça, » chuchota-t-elle en attrapant un peu brusquement les doigts de Ricci.

Filippa n’était ni bonne pour rassurer, ni bonne pour soigner. Elle manquait de douceur et de compassion. Malheureusement pour Dino, il n’avait qu’elle sous la main. Elle le traina au-dessus de la bassine d’eau pour éviter que ce carnage ne goutte partout. L’odeur de fer lui fit froncer le nez.

« Je n’ai pas envie de remuer le désert toute seule, » lui expliqua-t-elle en resserrant son emprise sur sa main alors qu’elle retirait le pansement.

Le tissu enroulé à la va-vite était déjà gorgé de sang. Elle rapprocha la lampe à huile pour voir ce qu’elle faisait. Les fibres s’accrochaient à l’entaille. Un frisson glissa dans sa nuque. Elle planta un peu plus fort ses ongles dans sa chair pour qu’un réflexe ne le fasse pas retirer sa paume. Puis, elle laissa tomber le bandage dans la bassine.

« Il t’a pas loupé, » commenta-t-elle en haussant les sourcils sans cacher son admiration.

S’ils n’avaient pas fait voeu de silence pour la nuit, elle aurait lâché un sifflet.
Le coup de couteau avait traversé sa main de part en part. Comme un papillon que l’on aurait épinglé sur un tableau de mousse. Il ne fallut que quelques seconde avant que ses propres mains ne soient poissées de sang.

« Il va falloir recoudre, tu penses ? » lui demanda-t-elle en l’abandonnant au-dessus de la bassine pour aller chercher l’alcool pur - qu’on utilisait pour faire la grappa -. « Putain, c’est toujours quand on cherche quelque chose… »

Elle jura un peu mieux en farfouillant dans les bouteilles qui s’entrechoquaient au passage de ses mains. Dans son dos, le sang de Dino gouttait dans la bassine. Plic. Plic. Plic.

« Mais où est-ce qu’il l’a caché, c’est pas possible ça, sérieusem - ah, le voilà. »

Elle versa allègrement l’alcool sur la blessure. À l’eau et au sang de la bassine se mêla l’alcool translucide. Le bandage mouillé avait coulé au fond.
Maladroitement, elle recouvrit la paume de Dino à grand renfort d’une multitude de bandelettes et de noeuds alambiqués. Une fois la besogne finie, elle prit un peu de recul pour admirer son oeuvre.

« C’est de la merde, » avoua-t-elle. « Ça ressemble à rien. »

Elle sortit quelques autres vieux torchons qu’elle fourra dans la ceinture de son tablier.

« Au moins c’est propre. On changera en route si tu continues à pisser le sang. »

Elle tira le col de sa robe pour aérer sa nuque dégoulinante de sueur. On étouffait dans ce cagibis fermé.

« Bon allez, on traine pas, » décida-t-elle en attachant un foulard sur ses cheveux moites. « Une minute de plus et c’est Murphy qu’on va mystérieusement trouver dans le jardin à fureter comme une belette. Je serais même pas étonnée qu’il soit déjà dans la carriole. »

Elle ouvrit doucement la porte et fit signe à Dino de sortir de l’épicerie. Puis, elle souffla sur la flamme de la lampe après avoir attrapé la bassine pleine d’eau souillée.

Dehors, il lui semblait que l’air était plus vif. Elle se décrassa les poumons de l’atmosphère de l’arrière-boutique. La lune éclairait de son cadavre d’argent une Silverstone endormie. Au loin, un chien aboya et un vague brouhaha leur informa que le saloon poursuivait son ascension nocturne.
Méfiante, elle s’assura de ne distinguer aucune silhouette moustachue entre les bâtiments.
Elle vida la bassine, récupéra le bandage et attrapa deux pelles que nonno utilisait pour entretenir les plans de tomates rachitiques.

« Bon, qui est-ce ? Que je le raye de ma liste de comptes. »

En rangeant le bras mou et tiède sous la bâche, elle jeta un oeil aux trois visages éclaboussés de sang, le masque pour toujours figé en un cri muet. Quoique. Elle n’aurait su trop dire quelle était l’expression du bébé comme il lui manquait la moitié de la tête.
La mort avait fait tomber leurs paupières sur leurs yeux mi-clos en une grimace grotesque. Le père, si Dino n’était pas sûr de son trépas à son arrivée, semblait cette fois bel et bien mort. Une bulle de sang éclata sur ses lèvres cramoisies par les coups échangés avec l’italien.

Abattue, la napolitaine attrapa son visage en appuyant son index et son majeur entre ses sourcils.

« Val Weldon ?! » se lamenta-t-elle en reconnaissant la victime. « Mais il faisait partie des seuls bons payeurs ! »

Elle leva les yeux au ciel et se mordit la joue. Sa profonde expiration mourut dans la nuit. Il remboursait toujours les intérêts…

« Ça n’aurait pas pu être Leclerc, cette saleté de français, ah ça non, il a fallu que ce soit Weldon ! » siffla-t-elle en grimpant sur la carriole couverte. « Quel abruti. »

Qu’est-ce qu’elle s’en fichait, des prostituées de l’Open Purse et de leurs petits soucis. Elles lui avait coûté un de ses meilleurs payeurs.

L’italienne activa le cheval le plus silencieusement possible. Les roues se mirent à crisser dans la poussière et comme chaque chose que l’on souhaitait faire discrètement dans la nuit, cela avait des allures de fanfare un jour de carnaval. Il ne manquait plus que les trombones et les vénitiens se pavanant en costumes à plumes.
Elle serra les dents en priant pour ne croiser personne. Quinconce poserait le regard sur eux les trouverait louches. Deux italiens au beau milieu de la nuit perchés sur une charrette et dont l’un d’entre eux donnait l’impression d’être passé sous un train. Il aurait vraiment fallu être un lapin de trois semaines pour les laisser filer à bon compte.  
Cette histoire avait au moins le mérite de reléguer cette histoire de mariage à Imogen au second plan.

Filippa glissa un regard vers le visage de Dino. Son oeil boursouflait comme un chou-fleur.

« Tu as vraiment une sale gueule, » se moqua-t-elle. « On va passer devant le bouge d’Alessio dans deux minutes. Dis moi si Consuelo a besoin d’aide. »

Au-dessus de leurs têtes, les étoiles piquaient le drap de la nuit d’une multitude d’épingles blanches. Le mouvement du charriot froissait un peu d’air sur leurs visages.

C’était une belle nuit pour enterrer des cadavres.  



Filippa Rinaldi
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Dino Ricci
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Jeu 24 Mar - 17:32


La morte e don' la porta


Filippa avait toujours les mots justes : le silence était la réponse idéale à la complainte agitée et nerveuse de Dino, une cigarette et un remontant étaient les présents parfaits. Il les accepta sans rechigner, presque soulagé. La tension qui s'était accumulée dans les muscles de ses épaules se relâcha quelque peu. Dino se pencha en avant pour allumer la cigarette. Il souffla un long nuage de fumée, présentant son nez au plafond alors qu’il se laissait choir contre le comptoir. Les lourdes vapeurs enveloppèrent leur tête sans s’élever bien haut. Le plafond était bas.

« Mh-mh » Dino la coupa presque lorsque Filippa proposa d’envoyer de l’aide à la jeune fille (il était bien incapable de la considérer comme le bout de femme qu’elle était). Il agita la main pour lui signifier de ne pas ajouter un mot de plus. Pour être plus en mesure d’exprimer son point de vue, il retira la cigarette qu’il avait coincée entre ses lèvres un peu plus tôt « Je ne veux pas voir Alessio traîner autour de Consuelo, tu m’entends ? Elle devient complètement bête quand il est là. » Ce n’était pas vraiment Alessio qu’il fallait retenir, première victime des coups de cœur frivoles de la Mexicaine. « Peut-être Vitale, si tu veux. » Et encore. « Mais je suis sûr qu’Alessio a des choses plus importantes à faire, va. » Que de rendre impeccable une scène de crime ? Certainement.

« Laura, hein ? Elle passe plus de temps avec les Américains que les siens. » Quoi qu'ils étaient peu à la considérer comme l'une des leur par-ici. Pauvre petite sans famille.
En soufflant par le nez pour montrer son amusement, Dino laissa échapper de la fumée par à-coup. Personne n’avait beaucoup d’estime pour la gamine dans le quartier. L’ouvrier se montrait plus à l’aise qu’il ne l’avait été moins d’une heure plus tôt, ses inquiétudes moins palpables maintenant qu'il était loin de la scène du meurtre épouvantable. Ou le grappa faisait son travail. « Consuelo m’a affirmé qu’elle était au bordel, ou je ne sais où. » Dino haussa les épaules. Il n’avait plus envie d’essayer avec cette petite ingrate qui abusait de la bonté (ou la pitié) d’autrui. « Un jour, il faudra qu'on s'en débarrasse » Il aurait parlé d’un oubli dans ses courses qu’il en aurait mis plus d’émotions. « Elle va nous apporter des problèmes. » Elle en apportait déjà, Dino n’arrivait pas à être pleinement serein quand elle était là. La petite pie du Marshal, qui se croyait plus maline qu’elle ne l’était.

Le sang qui s’écoulait lentement de sa main glissait le long de son poignet. La manche de sa chemise se tintait d’un rouge profond. Quelques gouttes s’écrasèrent au sol en se bousculant. Dino n’y faisait pas attention. Il était plus calme à présent.

Dino s’étrangla dans un rire pour cacher un râle de douleur. Ce n’était pas un secret que Filippa manquait de douceur. Il ne fut que peu ébranlé par ses gentilles intentions présentées avec la délicatesse d’un gorille. Le Napolitain garda la mâchoire serrée alors qu’elle finissait de lui taillader la main à coups d’ongles. Rien ne lui serait épargné ce soir. Il en profita pour regarder à son tour la plaie dont les bords étaient nets et symétriques. C’était toujours moins impressionnant sur les autres que sur soi-même.

« Je ne sais pas. Nonna pourrait s’en occuper, non ? Elle reprise bien tes vêtements. » Étonnamment, l’image de l’ancêtre occupée à refermer une blessure à coup d’aiguille et de fil ne s'avérait pas si amusante qu’il l’aurait crû. Avec le recul, Dino n’aurait pas été surpris qu’elle soit chirurgienne à ses heures perdues. Malgré son âge et sa vue défaillante, la grand-mère était d’une terrible précision jusque dans les détails.


***


Il n’y avait pas de bonne position dans une carriole, surtout quand on ne conduisait pas. Dino se dandinait de temps en temps sur le banc inconfortable dans l’espoir que comme ci ou comme ça il ait moins mal aux fesses. Bof. Il regardait pensivement sa main aussi, plus enrubannée que la plus ancienne des momies. C’était vraiment de la merde, oui. Mais bon, au moins Filippa avait essayé et c’était déjà bien gentil de sa part. Dino avait arrêté de comprimer sa paume, las, et il espérait que c’était suffisant. Il lui semblait que ça ne saignait plus, mais c’était sans aucun doute sa flemme et sa douleur qui lui donnait cette impression. Largement suffisant alors. L’Italien était épuisé et le froid de la nuit n’aidait pas à rehausser son humeur. Il préférait éviter de se projeter dans les prochaines heures pour l’instant et se contentait d’écouter les crissements des cailloux que les roues envoyaient valdinguer contre les baraques de mauvaise qualité. Plus loin, on entendait le saloon vivre.

« Ça va aller pour elle, va. » Dino se redressa enfin. Ses vieux os protestèrent, comme si du givre les enrobaient en plus de la fatigue. « Il n’a qu’à surveiller le retour de Laura. Il ne manquerait plus qu’elle rôde par ici au milieu de la nuit. » Connaissant l’animal, il n’y aurait rien de trop surprenant là-dedans. Le comportement étrange de l’adolescente orpheline en laissait beaucoup dubitatifs. Ils étaient nombreux à faire preuve de sympathie où se mêlait la pitié depuis que Dino l’avait récupéré chez lui. Consuelo en rajoutait probablement une couche dans les gossip pour ne pas aider la réputation déjà fragile de la gamine.


***


Dino frappa la terre dure comme de la pierre avec le tranchant du godet. « Putain, c’est plus dur que de la glace. » Forcément, aussi loin dans les plaines désertiques, il n’y avait pas beaucoup de terre meuble. Encore une des multiples plaies de ce pays. Quitte à devoir enterrer les maladresses autant ne pas rendre ça plus compliqué. Dino continua à tâter la terre du bout de son outil. Il était peu convaincu de trouver un meilleur endroit ou creuser, mais sa fainéantise le motivait. « On aurait dû prendre du café. » Quels imbéciles ils faisaient.

Les premiers coups de pelle étaient les plus difficiles. Avec sa main blessée qui peinait à tenir fermement le manche, Dino y mettait plus de bonne volonté que d’efficacité. Le godet butait contre les cailloux dans un crissement désagréable. « On devrait juste les balancer en haut d’une falaise. » Pour l’instant, c'était une idée lancée sur le ton de la plaisanterie, mais d’ici une heure, Dino espérait très sincèrement que Filippa soit de son avis. Moins d’une heure, dans l’idéal. « De toute façon, ils ne font que s’entretuer. » Il appuya son pied sur la pelle, espérant l’enfoncer plus profondément dans la terre à l'aide de son poids. Malheureusement ce ne fut pas très probant. « Puis le Marshal nous suspecte déjà de je ne sais quoi sans que l’on ait rien fait, alors… ». Sa main gauche chauffait de plus en plus. Dino n’avait pas besoin d’y jeter un coup d’œil pour savoir que la plaie s'était réouverte sous l’effort, et que le pansement que Filippa avait mis tant de cœur (lol) à appliquer se tâcherait de sang sous peu. Il préféra l’ignorer.

« Je ne serais même pas étonné que la strega nous ait suivis jusque ici, tu sais. Agrippée sous la carriole, les cheveux traînant dans la poussière. Avec son regard fou. » L’idée amusa plus Dino qu’elle ne le terrifia. Mais quand même, il glissa un œil sous leur véhicule de fortune. Pas de Laura accrochée en dessous. Juste une grande bâche qui recouvrait encore leur nouveau secret. C’était une bénédiction que les nuits soient si fraîches dans le désert. L’odeur ne les incommodaient encore pas trop. « Ça serait bien son genre, non ? »
Dino Ricci
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Dim 27 Mar - 20:03


La morte e don' la porta

@Dino Ricci

La garçonnière insalubre d’Alessio suintait le vice et les pieds mal lavés. On fronçait le nez dès que l’on s’approchait à moins de vingt mètres. Véritable phare au milieu du quartier des immigrés - ici, on venait tous du même endroit : ailleurs - la bicoque était percée de lumière, comme autant d’yeux guettant la rue poussiéreuse. Les lucioles - âmes ivres et perdues - se laissaient joyeusement prendre au piège, troquant un peu de désespoir et de pauvreté contre des rires gras et l’illusion de tendresses féminines au rabais. Sur le pas de la porte, les rêves oubliés de grandeur et de terre promise. Et Alessio, également.

La porte battante - la poignée n’avait jamais été réparée (ou bien était-elle cassée depuis le début) - claquait encore dans le vent alors que le sicilien riait à plat ventre dans la terre en crachotant du sable et de la bave. Filippa soupira.

« Oh bah tiens ! » s’exclama l’italien en voyant s’approcher la charrette. « Les grands esprits ! »

Il tenta de se remettre debout, mais trébucha de deux pas en avant avant de tomber à genoux. La comptable eut une moue désespérée tandis que Dino continuait de remuer à l’avant en serrant sa main blessée.

Un autre homme - Filippa reconnu Angelo Capelli - fut traîné par les aisselles et jeté à la porte. Le vieux cheval des Rinaldi manqua d’être son bourreau. L’animal fit un brusque écart sur le côté pour éviter le client. À la différence d’Alessio, celui-là avait l’alcool méchant. Il jura dans sa barbe en se remettant debout, tout aussi chancelant que son compagnon de beuverie. Son crâne luisant et dégarni luisait comme une belle coquille d’oeuf.

« Et voilà toutes les raclures de Silverstone ! Un vrai cirque ! » maugréa un autre locataire - celui qui avait mis Alessio et Angelo dehors - « ils rappliquent tous avec leurs petits mains crochues de voleurs ! »

Il cracha dans la poussière - des vieilles glaires noires de tabac - avant de se détourner du triste spectacle qu’était l’ébriété des deux italiens qui se gaussaient entre deux crises d’énervement. Typique.

« Alessio, » l’appela-t-elle. « Nonna te fait passer de la sauce, tu veux bien aller la prendre à l’arrière ? »

Le jeune homme cligna des yeux, éberlué. Un instant de lucidité au fond de ses yeux noirs. Qu’est-ce que foutaient Dino et Filippa au beau milieu de la nuit sur la charrette ? Ils livraient des sauces à domicile maintenant ? On diversifiait l’affaire ? Est-ce que ça voulait dire qu’il allait jouer au livreur, maintenant ? Encore un travail mal payé aux horaires pas possibles… Il était pas venu dans le fin fond de ce trou à rats pour -

Puis, son regard se brouilla. L’alcool ayant reprit le dessus, il haussa les épaules, comme si la scène était parfaitement normale.

« Et moi ? » grogna Angelo en époussettent son pantalon rapiécé. « J’en ai ? De la sauce ? »

« Demain, » trancha la cuisinière en posant sa main - au cas où - sur la crosse de son pistolet (il était bien brave Angelo, cela serait une triste perte).

Il rouspéta, mais finit par faire demi tour, le pas trainant, jusqu’à disparaître dans la lumière moite de la maison en lambeaux.

« Merci pour la sauce, c’est chouette. Salut Dino. Belle soirée, hein ? »

Alessio tapota le cul de verre du pot contre le bois d’assise de la charrette.

Filippa le toisa en haussant les sourcils.

« C’est tout ? »

« Bah oui. Qu’est-ce que tu veux d’autre hein ? Que je me roule par terre en implorant ta grande miséricorde ? C’est dingue ça. »

La napolitaine observa un instant ses cheveux maculés de poussière et son visage mat rougi par la bière. Il avait encore un peu de salive à la commissure de ses lèvres. Dans ses yeux, l’innocence crasse de ceux qui - nés dans le crime - n’avaient jamais rien à se reprocher.

Il n’avait pas vu les corps. Incroyable.

« Laisse tomber. Regarde juste si Laura rentre chez Dino. Apparemment elle est au bordel. Retiens-là juste le plus longtemps possible à l’extérieur, loin de la maison. »

Une expression de pur désespoir déforma ses traits encore juvéniles.

« Noooooon, » se plaignit-il. « Pas Laura, s’il te plaît ! Elle est zinzin ! Elle me fait peur ! »

Alors, quelque chose de très rare se produisit. Filippa compatit.

« Je sais, je sais… Elle nous fait tous peur. Mais je te le demande. »

Il continua de rechigner.

« Elle a des yeux de timbrée ! » s’écria-t-il en écarquillant ses yeux avec ses pouces et ses index. « Des fois, elle regarde dans le vide comme ça, » il fit mine de fixer un point invisible au-dessus de l’épaule de Dino, « et il y a rien ! Que dalle ! J’ai essayé d’être sympa, des petites blagues, tu me connais ! Eh bah, non seulement elle rigole pas, mais en plus elle me regarde de haut ! Pire que toi, franchement c’est pas peu dire ! Et pourquoi je dois la surveiller d’abord ? »

Filippa s’éclaircit la gorge, en quête d’un mensonge.

« Consuelo a ses règles. Elle a mis du sang partout. Elle a pas besoin de Laura dans ses pattes. »

De désespoir, le visage d’Alessio se mua en une expression de pur dégoût.

« Ewwwww ! Non, m’en dis pas plus ! Dégueu ! D’accord, d’accord, je m’en occupe… »

Il tendit sa pogne sous le nez de la cuisinière. Il y eut une seconde de silence. Puis, il agita ses doigts.

« À vot’ bon coeur, m’sieurs dames… »

Regard insistant.

Filippa finit par battre en retraite. Elle glissa dans sa paume de quoi s’acheter une pinte. Alessio referma bien vite sa main sur son trésor et fit volte-face avant que la napolitaine ne change d’avis.

« Aller, salut ! » lança-t-il en s’éloignant. « La dingo s’approchera pas de la maison ! »

L’épicière siffla le double-poney pour qu’il se remette en marche. Il s’ébroua, ce qui fit claquer les rennes, avant de lentement tirer le chariot en avant.

« Tu me rembourseras, » ordonna-t-elle à Dino sans un regard.

Il valait mieux qu’Alessio ne sache rien, finalement. Il était digne de confiance, la plupart du temps. Mais saoul, il suffisait d’un rien pour qu’il donne sa langue au chat. Ou bien ou marshall.


*


Les trois cadavres cahotaient dans la carriole à mesure qu’ils s’aventuraient sur les routes accidentées du désert noyant Silverstone. Leurs membres mous tapaient contre le bois à chaque caillou déviant leurs roue. « J’espère que ça ne va pas souiller le bois… » Comme pour le sang de Dino dans la cuisine, Filippa avait des préoccupations très terre à terre. Car des carrioles, ils n’en avaient qu’une et elle tenait à la garder en bon état. « Le sang, ça tache, » lui avait un jour dit son cousin Andrea dans le nuage de fumée de son cigare. À l’époque, encore vierge de tout crime, elle s’était persuadée de la deuxième lecture d’une telle phrase. Ça tache l’esprit. Une fois que l’on a tué, on change. On fond. On joue à être Dieu. Et comme tous ses jeunes cousins et cousines, elle attendait ce rite initiatique avec autant de crainte que de respect. Elle avait hâte d’être adulte. De jouer dans la cour des grands.
Aujourd’hui, elle savait qu’Andrea était tout aussi cartésien qu’elle. Et ses intentions étaient beaucoup moins philosophiques que ce qu’ils avaient tous pensé à l’époque. La sang tachait, en effet, et il ne suffisait pas d’huile de coude pour s’en dépatouiller. Combien de chemises d’elle-même ou bien de ses frères avait-elle jeté au fil des années ?

Le souffle tiède du désert agitait les maigres arbustes rendus secs par l’été. Les feuilles frémissaient comme du papier. Tout autour d’eux, il n’y avait rien de plus qu’un paysage désolé dévoré par les ombres. Comment choisissait-on l’endroit idéal au milieu de nulle part ?

Finalement, ils arrivèrent au milieu d’un lopin de terre à côté d’un lac asséché depuis des décennies. Au milieu de ce cratère vide, la terre était striée de craquelures comme autant de vergetures sur les cuisses d’une femme après la puberté.

Ils sautèrent de la carriole brinquebalante et se mirent au travail.

Après quelques longues minutes de galère, le choc sec des pelles contre la terre se répercutant à l’infini dans ces plaines nues, Filippa prit un peu de distance pour observer le tableau dans son ensemble. Elle s’était déjà plusieurs fois posée la question, mais cette dernière revenait sans cesse.

Comment diable en était-elle arrivée là ?

Elle jeta un coup d’oeil autour d’elle. Dino qui râlait en s’acharnant sur sa pelle, l’horizon noir, les cactus qui s’obstinait à pousser au milieu de rien, la charrette pleine de cadavres.

« Bonne idée, » lança-t-elle en réponse à la proposition de Dino. « On trouve une crevasse et on les fiche dedans. »

Les falaises d’ici était le port de Naples. Quand les seconds étaient grignotés par les poissons, les premiers étaient ravagés par des vautours et des coyotes. La finalité était la même.

« Même si on les retrouve au fond du trou, Murphy a aucune raison de nous suspecter… » Elle croisa ses mains ampoulées sur le manche de pelle pour y poser son menton.

Sa propre remarque la fit sourire dans le noir. Ses dents luisaient comme des osselets sous la lune. Elle secoua la tête.

« Enfin, c’est sûrement comme Laura. Il a sûrement une petite voix qui lui murmure des trucs. Je vois que ça pour qu’il nous colle toujours le train. Il devrait faire copain-copain avec les diseurs de bonne aventure, tu sais ceux qui se sont installés dans le bog ? Un foulard sur les cheveux, une jupe à grelots et on y est. »

La blague de Dino la fit ricaner. L’image était parlante. Un peu trop, d’ailleurs.

« Non, » balaya-t-elle de la main. « On l’aurait entendu marmonner ses prières en latin sur la route. Ou bien ses lettres d’amour au marshall. »

Elle eut un frisson. Elle se redressa et jeta sa pelle sous la toile. Elle dut percuter un bras ou une jambe car elle ne fit presque aucun bruit contre le bois.

« Donne-moi ta pelle, » demanda-t-elle à Dino en tendant la main. « Tu avais raison, tout à l’heure. Elle va nous apporter des problèmes. Elle nous en apporte déjà, d’ailleurs. Regarde ce qu’on est obligés de faire avec Alessio… Nourrie, blanchie et elle fait des manières. Oui, tu as raison, il faudra s’en débarrasser. Rapidement. »

Elle grimpa à l’avant avec Dino et ils laissèrent derrière eux le cimetière de leur tentative avortée : deux entailles dans le sable qu’un renard en quête d’insecte aurait pu creuser.

La lanterne en-devant, elle guettait avec attention le sol pour ne pas qu’ils finissent tous ensemble au fond d’un fossé.

« Demain midi… Enfin, ce midi, nonna fait un osso bucco avec du risotto. Il mijote depuis cet après-midi. Enfin, hier après-midi. Tu viens manger ? Amène les filles aussi. On mettra la table dans le jardin. Ce qu’il en reste du moins. Ah bah tiens, la voilà notre falaise. »

Sa langue claqua contre son palais et elle tira sur les rennes pour que la mule freine des quatre fers. Elle s’avança sur le rebord, lanterne en main. Il faisait si sombre qu’il était impossible d’en discerner le fond.

« Ça m’a l’air bien. »

Elle posa sa lampe par terre pour soulever la bâche et tirer le premier corps par les pieds : celui de la femme Weldon, visiblement. Et elle n’était pas grasse de lécher les murs.

« Mazette, » siffla-t-elle. « Elle est énorme ! Viens m’aider. »



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