“S’okey Lili, come heeeere!”

La blondinette pousse gentiment sa copine à l'intérieur de la boutique, persuadée, comme toujours, que rien de tel que de s’amuser un peu pour redonner le sourire après une mauvaise journée.

Nancy et Allison, c’est le mélange improbable de l’huile et de l’eau qui arrive à un liquide miraculeusement homogène. Nancy n’éprouvait de l’ire pour peu de personnes, mais la sage-femme avait eu son affection immédiate. Comme un besoin viscéral d’être à ses côtés et de lui jeter son amitié à ses pieds. La brune avait toute la maturité et la présence d’esprit que Nancy ne pouvait espérer atteindre, et qu’elle ne souhaitait pas véritablement connaitre pour être parfaitement honnête. La jeune femme semblait porter bien trop de choses sur ses épaules -et c’était visiblement de famille. Qu'à cela ne tienne, Nancy lui offrait volontiers pour quelques minutes l’espace nébulaire entre ses deux oreilles, histoire qu’elle oublie les quelques ennuis qui pouvaient peupler sa vie.

Sauf que ses ennuis, elle les connaît bien, pour une raison étrange, elle les partage aussi. C’est peut-être une des raisons pour lesquelles les deux jeunes femmes s’entendent aussi bien. Une espèce de sororité dans la morosité et la cruauté du Far West. Nancy, elle, compte les gens qui l'apprécient sur les doigts d’une main, et donnerait ses deux pour eux. Alors quand il s’agit de la traîner à Fanfreluches après la fermeture, après avoir trouvé Allison épuisée et d’une humeur mi figue mi raisin, elle ne réfléchit pas longtemps.

“Meemom is the best tailor in the west, I told ye!” Pépie Nancy en tournant la pancarte derrière elles sur “close” une fois la porte fermée. ‘Meemom’ Parce que Meredith est trop compliqué à prononcer pour une irlandaise comme elle. C’était une gentille pique au début, trouvant que le français avait cette attitude bizarre de la couver comme une poule avec ses œufs. Mais le tailleur n’y avait jamais fait peu de cas, alors la blonde n’y avait pas songé a deux fois, et avait finalement gardé le surnom ridicule.
“Got all the pretty dresses by himself, he even dress the feckin’ Rosenbach, can ye imagine ?!” Nancy, bien que toujours excité pour pas grand chose, montrait une passion peu commune de sa part pour des histoires de chiffons, montrant avec une fierté toute neuve les moults modèles soigneusement organisés autour d’eux.

“So ! What do ye want ?! Pretty sure I could get ye a discount ! Meemom likes me for now!” Mais une robe neuve, ça reste un luxe extrêmement coûteux dans ces terres, mais pour la petite irlandaise, c'est du pareil au même. Une pomme, une écharpe, un château, une ferme, tout est inaccessible quand on n'a jamais rien possédé.

I feel pretty, oh so pretty !

“Eh?” Fit la blondinette en posant son menton sur l’épaule de la jeune femme qui observait les robes avec attention. “Aw. am sure we can find something.”

Something ? Qu’est-ce que “Something” ? Nancy ne sait pas vraiment, mais elle a apprit malgré elle que quand il s’agit d’argent, tout a une solution. Évidemment elle ne sous entend pas de se mettre à voler son propre patron, surtout pas Meredith, mais si c’est une question d’argent, ça veut dire qu’elle peut négocier. Nancy ne voyait pas le problème à travailler quelques nuits d'affilée pour offrir une réduction à Allison. A vrai dire elle ne savait meme pas combien elle était payée. Le français, perplexe de la voir sans connaissance financière et prête a dilapidé tout son argent en bonbons pour Wyatt, s’était proposé de lui garder son argent pour elle. Nancy avait accepté pour deux raisons : si elle se baladait avec des billets, ce qu’elle ne dépense pas sera volé par le premier mec qui veut lui passer dessus. Et ensuite : elle faisait confiance à Meredith. Comme elle n’a jamais fait confiance à personne. Elle donnerait ses organes pour Clyde et Allison, mais Meredith était un rocher qui semblait inébranlable. Une figure faite en marbre. Nancy avait essayé de lui expliquer qu’elle n’était pas digne de la soupe qu’il lui sert quand elle a trop mal a la mâchoire pour mâcher. Mais rien n’y fait. Il n’y avait que cette étrange impression que jamais, jamais, il ne ferait quoique ce soit pour lui faire du mal. Que si le monde entier s'effondre, Fanfreluches sera là à l’attendre, une tasse de café à son nom sur la table.
Comme un foyer.

“I’ll help ye!” Acheve dont-elle en tapotant l’épaule de son amie. Apres tout, c’est elle qui l’a amené ici, quelle amie serait-elle à lui montrer toutes ses jolies robes en la laissant se débrouiller pour s’en offrir une ?

Mais c’est la dernière réflexion qui l’attire, lui faisant doucement cligner des yeux alors qu’elle retire son menton pour se décaler et la regarder. “Eh ? Really ?” Nancy sourit, pas sûre de comprendre ce que cela signifie. Du moins elle comprend un peu, mais n'ose pas vraiment s’aventurer sur ce terrain. On offre pas une robe pareille à quelqu'un juste… parce que. Mise a part les parents de riches soucieux d’offrir à leurs filles tout le confort et la beauté digne de leur rang, et de celui de leurs prétendants, il y avait beaucoup de mari qui voulaient gâter leurs dames, leur maîtresses, ou s’excuser platement d’une grosse bêtise avec un tas de tissu très cher.
Mais jamais une amie qui offre à une autre amie.

“Who is she ?” Demande Nancy en sautillant un peu sur ses pieds pour cacher son impatience, son sourire qui illumine son visage, avec l’impression qu’elle était beaucoup plus contente qu’elle ne devrait l’être normalement.

“Ah ! But am being a cun- impolite, com’er, i’ll fetch ye some tea - Meemom have a lot of ‘em.” Fit-elle en tournant vers la petite cuisine de l'arrière boutique pour lui offrir une thé. Étrangement ravie de pouvoir faire ce geste parfaitement anodin de quelqu’un qui a quelque chose à offrir.

I feel pretty, oh so pretty !

La petite blonde écoute l’histoire en versant l’eau de la grosse casserole en fonte préalablement chauffée sur l’épaisse chaudière qui permettait à la boutique de tenir pour le reste de l’hiver. Nancy n'interrompt jamais personne, et elle n’aurait pas pu dissimuler ses grands yeux pétillants alors qu’Allison raconte sa terrible aventure.

“Eh !” Se permettait-elle même de répondre quand son amie lui raconte par le menu l’aspect immonde de la pitance. “Awww, that’s so sweet of ye!” Se permet-elle néanmoins de glisser quand Allison eut finit de décrire la raison de vouloir acheter une nouvelle robe à la pauvre jeune femme qui eut sa toilette totalement ruinée par un rustre personnage.

Remuant une verveine dans sa théière, la petite voleuse fit une moue réfléchie. “Louisa…. Louiiisaaa…” Et soudain son visage s’illumine, au même instant où son cerveau semble faire tilt. “SWEET BABY JESUS!!” S’emporte Nancy qui fait quelques bonds excités dans l’arrière boutique, les yeux brillants et l’air d’une enfant à Noël.  “Ye mean Louisa Rosenbach ? M’am Mila Rosenbach daughter ?! Golden hair, pouty cute face and big green eyes ?! Aye I know her !” Elle se calme un instant et précise rapidement a coup de moulinets de poignets : “Eeeeh… don’t really know her and she never look at meself, but aye ! She always here ! Like twice a week. Her mum's the boss’ best customer, we always do dresses for ‘em, and even Louisa’s twin !”

N’y tenant plus, Nancy prend le bras d’Allison pour l'entraîner dans l’atelier immédiatement. “C’me, lemme show ye !”

Une poignée de secondes plus tard, Nancy désigne avec fierté les deux robes à moitié terminées trônant sur des mannequins usés et ré-usés par le processus de couture. “That’s her sisters’, and this one’s hers!” Précise l’irlandaise en montrant une pièce méticuleusement réalisée, en taffetas importée d’europe. Probablement prévue pour un gala de charité quelconque, ou un truc de riche du genre. “She’s pretty stubborn aye ? Knows what she wants, that’s for sure!” Fit Nancy qui ne voyait pas de défaut à ça. Mais avant d’avoir une réponse, elle continue : “This one’s paid already. But… what if the next one, less expensive, ye pay it ? Meebe with a nice letter ? That’s a nice surprise, eh ?!” Propose Nancy qui adore l’ingénuité de son plan. Elle ne doutait pas que Meredith serait parfaitement d’accord pour un petit subterfuge du genre, lui qui semblait vivre pour les petits potins qui animait la vie citadine.

- i feel pretty, oh so pretty -