Consuelo rentre de la mine, le visage noirci et les ongles sales.

La fatigue pèse lourd sur les épaules de l’adolescente à peine sortie de l’enfance. Alors qu'elle traverse le seuil de la modeste maisonnée, elle récite mécaniquement le même discourt que tout les soirs : « ¡ Holà ! », suivi de, « ¡  Estoy de vuelta ! ».

Dino est parti faire une course (de ce qu’il lui a dit) et à emmené Araceli avec lui - la nouvelle manie de la petite est de suivre partout l’Italien ; et il ne reste que la jeune rescapée à la maison.

La maison - les épaules de la jeune fille se soulèvent rien qu’en appelant la batisse ainsi. Elle avait perdu espoir depuis longtemps d’avoir a nouveau un foyer, et remerciait tous les jours le dieu des blancs et les orishas pour leur bonté.

Grimpant quatre à quatre les petits escaliers qui mènent à la chambre improvisée de leur nouvelle invitée, elle passe une tête dans l’encadrement de la porte pour s’assurer que celle-ci n’est ni morte, ni disparue. « Bonsoir ! » , s’exclame-t-elle en armant ses traits d’un sourire, avant de filer se débarbouiller.

Quelques minutes plus tard, les ongles brossés à s’en faire saigner les culticules pour éliminer tout reste de crasse, le visage lavé et habillée de vêtements relativement propres, elle remonte avec un plateau contenant une tasse d’eau chaude et une assiette fumante.

«J’ai prié pour toi. Dieu, mais aussi les orishas… », commence Consuelo en s’approchant avec lenteur, tenant fermement le petit plateau entre ses doigts. « …ils veillent à ce que chacun accomplissent leur destin. Elegguá est l'orisha du destin…» . Delicatement, elle pose l’assiète sur le lit, pour que la jeune femme se serve si elle le désire. « C’est du pozole - sans l’avocat, la tortilla, la coriande, les radis…», elle fronce le nez en grimaçant, « …ouais c’est de la viande, du chou et des oignons quoi. Mais déja j’ai eu de la chance de pouvoir prendre du piment à l’épicerie. Tu dira merci à Nonno, il m’a a la bonne.»

Avec une lenteur mesurée, comme si elle avait un animal sauvage face à elle, Consuelo se recule, et vient coller son dos au mur pour laisser la jeune femme respirer. Elle dévisage doucement cette dernière. Elle serait belle si elle n’avait pas l’air si terrifiée, pense-t-elle. Consuelo espérait être aussi jolie en grandissant.

« C’est plus vraiment mexicain sans épices… mais Celi mangeait que ça quand elle était malade, et maintenant elle va mieux. », ajoute-t-elle comme si leur invitée allait s’échapper elle s’arrêtait de parler ne serais-ce qu’une seconde. « Tu sais d’où ca vient, le pozole ? Chez moi, au mexique, mais dans l’ancien temps, y avait des sacrifices rituels où le cœur de la victime était offert aux divinités. » Elle hoche vivement la tête, comme pour incister sur la véracité de son histoire. « Le reste du corps était cuit avec du maïs et distribué à tous les participants. D’après les frères de Sergio, l’humain, ça a goût de cochon.» A nouveau, elle grimace et baisse les yeux pour aller observer ses mains, répugnée par l’idée que ces grands benets puissent en savoir quelque chose.

Passant l’ongle de son pouce sous ses ongles pour chasser des saltées imaginaires, elle s’essuie les mains sur son tablier rapiécé avant de prendre conscience de ses mots. Elle relève alors vivement la tête : « J’ai mis les restes du ragoût de la semaine dernière, t’en fait pas, y pas d’humain dans le ragoût Sonofabitch ! », précise la petite en lui offrant un clin d’oeil avant d’hausser les épaules.