#1. Juan María Sandoval Padilla est né en 1830 au Tejas quand celui-ci était encore une structure fédérale du Mexique. Il est né d’un père aux racines espagnoles et d’une mère castiza. La famille est rattachée à l’hacendado Menchaca depuis seulement deux générations, bien que cela soit largement suffisant pour être considéré comme faisant partie des meubles et posséder un petit lopin de terre.
La vie dans l’hacienda et la bourgade qui s’y est créée autour reste paisible, la première génération d’anglos à avoir immigrée dans l’état s’est facilement et rapidement intégrée aux tejanos. Si la révolution texane bat son plein, entre les raids mexicains et les révoltes régionales, Juan s’épanouit sereinement sans réaliser l’ampleur des tensions. Dès ses premiers mois, il accompagnera sa mère dans les terrains agricoles, bien attaché sur son dos à faire la sieste sous le soleil pendant qu’elle se plie en deux pour les récoltes.
Ce sont les raids Comanche incessants qui rythment réellement l’organisation interne des haciendas. Le père de Juan et ses frères les plus âgés ont fait partie des nombreux volontaires civils recrutés par les exploitations pour y faire face. Ainsi les vaqueros des différentes familles s’allient pour repousser les indios, faisant plus souvent la chasse à l’homme que la promenade de bétail lors de leurs expéditions brèves et rapides.
La crise agricole des États-Unis pousse de nouveaux migrants anglo-saxon à passer les frontières, chaleureusement invité par les dirigeants désireux de voir les immenses étendues de terres désertes (puisque les indios ne comptent pas) occupées. Loin de s’embarrasser des convenances imposées à leurs prédécesseurs, la nouvelle génération importe en plus de leur protestantisme, l’esclavagisme. L’état d’esprit est tournée vers l’expansionnisme protestant et puritain et cause davantage de problème au sein même des révolutionnaires texans. L’agressivité du Mexique à mater la révolte pousse à la marginalisation des tejanos par les immigrants, puisqu'ils ne sont que des Mexicains.
Juan est à peine âgé de six ans lorsqu’il perd son père et son frère aîné, capturés à la bataille de Coleto Creek et exécutés à Goliad. Mais il n’y a pas le temps de pleurer. Le banditisme croissant et les hostilités incessantes obligent les petits propriétaires à faire preuve de vigilance pour protéger leurs terres et l’hacienda. Deux autres de ses frères se font tuer à la bordure de San Antonio par des volontaires anglos motivés à casser du mexicain. Les raids des volontaires civils anglo-saxon dans les petits villages tejanos n’ont rien à envier à ceux des indios et de l’armée mexicaine. Même la grande puissance que sont les États-Unis doit bien le reconnaître et le cacher.
Face à la législation texane, calquée sur celle des États-Unis, les haciendas ne peuvent pas protéger les familles qui complètent leurs terres. Incapable de prouver les droits de propriété, les Sandoval s’embourbent dans des procès faussés par l’absence de documents valides. Les frais juridiques sont exorbitants et ils se retrouvent ruinés, à l’instar de nombreux propriétaires terriens. La confiscation des terres se fait au profit des nouveaux arrivants et les accusations de trahison envers l’indépendance, en plus de dettes accumulées, pousse les Sandoval à fuir au Mexique en 1842. La date coïncide avec les premières rumeurs de l’arrivée du général Vazquez sur San Antonio.
#2. Soledad Calderón est née en 1835 d’une famille de pécheurs. Quand ses grands-parents s’installent à Mazatlán ce n’est encore qu’un minuscule village, composé de huttes, en bord de mer et très largement autochtone. Il connaît une expansion gargantuesque lorsqu’un banquier philippin établit des relations commerciales entre les plus grands ports d’Amérique du Sud, des Etats-Unis, d’Europe et même d’Asie. Soledad voit le jour dans une ville en plein développement qui a gagné plusieurs milliers d’habitants en la moitié d’une décennie. Les autochtones se retrouvent noyés dans cette nouvelle population ou de nombreuses ethnies se croisent. D’abord vu comme une véritable aubaine, l’urbanisation titanesque du port met rapidement les petits pécheurs en difficulté.
L’Allemagne, la France et l’Espagne flirtent allégrement dans le port qui sent bon l’argent des mines voisines, véritable succès commercial. La ville est un étrange et charmant monstre de frankenstein européen dans ses bâtiments qui ne ressemblent pas à ce qui se voit ailleurs. Soledad accompagne sa mère sur la place du marché, dans les petits hostales et les cantinas où les amis font les clients les plus fidèles. Là-bas elle apprend quelques mots d’allemands et de français, souvent la petite fille confond les salutations et les insultes. Ça fait rire les étrangers et balaie la timidité de la gamine qui aime faire la belle et le clown devant un auditoire.
La diversité culturelle de la ville ne la protège toutefois pas du désire d’unité du gouvernement mexicain fortement soutenue par l’église catholique. José María Luis Mora et Valentín Gómez Farías lancent une première tentative d'effacer la culture des peuples amérindiens du Mexique en l’ignorant tout simplement : ce qui n’a pas de nom n’existe pas. Ils souhaitent éviter de renforcer l’isolement des communautés au risque de fragiliser l’unité nationale déjà mis à mal par les différentes guerres internes.
La première école de Mazatlán arrive tardivement et c’est un événement formidable pour les enfants (la sévérité des maîtres d’école en fera changer d’avis certains). Le pays est heureux : il va pouvoir mettre un terme à l’isolement des autochtones du port de Sinaloa des autres mexicains.
Soledad se rend une fois par semaine en cours, une journée entière. Elle y apprend à lire, à compter et à écrire et améliore considérablement son espagnol. On lui apprend même l’allemand (elle sera sévèrement puni par le prêtre pour avoir lancé à la volée quelques insultes qu’elle connaît bien). Ses frères ont droit à deux jours de cours par semaine. Pour des raisons pratiques et économiques ; il est important que la main d’œuvre se mêle à la récente formule citoyenne afin de renforcer la nouvelle identité du pays qui doit se présenter comme fort face aux autres puissances. Il est essentiel de gommer les différences culturelles pour s’intégrer au mieux.
#3. Mazatlán est un choix de prédilection pour des tejanos en pleine fuite de la guerre civile et des accusations de trahison d’un camps comme de l’autre. Une ville portuaire en expansion est la promesse d’un travail. Sa position géographique, loin des frontières, est aussi un atout de choix, là-bas leur drôle d’accent ne sera pas vu d’un mauvais œil. Il est plus facile de se fondre dans une ville qui regorge d’étrangers. Les Sandoval s’arrêtent après moins de trois mois de voyage, les plus petits étant un ralentissement considérable.
Les mines d’argent, d’or et de cuivre de Sinaloa qui appartiennent aux grandes familles Spaniardes créoles et qui entourent Mazatlán sont une partie intégrante de l’économie de la ville et plus spécifiquement du port. Une majorité de la population mexicaine et autochtone de la ville et ses alentours y sert de main d’œuvre. La famille Sandoval y trouve rapidement du travail ; il suffit d’avoir une paire de bras, on ne demande rien de plus. La petite stature lié au jeune âge de Juan ainsi que de sa sœur en font des ouvriers particulièrement intéressants. Ils peuvent s’aventurer plus profondément dans les mines et se faufiler dans les cavités les plus dangereuses. Les femmes et les enfants y sont nombreux. Ils sont évidemment les premières victimes lors des nombreux incidents.
La première église rassemble toute la population de la ville plus pour la curiosité que pour la grande foi que tous partage. Amen. Soledad a sept ans lorsqu’elle assiste à sa première messe a-pro-pia-da-mente. L’excitation de la nouveauté finit par s’effilocher pour laisser place aux regrets après la troisième messe à laquelle elle assiste. Soledad n’est pas la seule à penser avec nostalgie aux grandes fêtes du samedi où elle accompagnait son père et ses frères. Elles débutaient le soir et duraient toute la nuit, pour qu’à l’aube la messe puisse être célébrée dans le même patios. Peu importe la maison de qui, il fallait seulement qu’elle possède un patio intérieur ! Soledad s’endormait toujours avant minuit, malgré ses piètres tentatives à rester éveillée, et elle était toujours la première debout pour manger quelques coricos avant les prières. Quand le prêtre n’arrivait pas à se réveiller, la messe commençait plus tard.
Soledad ne sait pas que pour Juan, c’est une façon tout à fait appropriée de célébrer la messe. Il est toujours installé au même endroit, près de l’autel. Enfin plus prêt qu’elle alors elle est jalouse. Mais comme c’est une bonne fille, elle ne se plaint pas.
Au Tejas, dans la petite chapelle de l’hacienda, Juan avait l’habitude d’être tout devant. Les églises lui font un peu peur depuis que le prêtre de la propriété qui célébrait la messe là-bas s’est fait piétiné par un cheval. Il est mort parce qu’un sabot lui a fendu le crâne. Mais ce n’était pas le plus grave ; le plus grave c’est que les anglos ont traîné le crucifix dans la poussière, attaché à un cheval. Juan n’a pas osé se confesser, dans son cœur d’enfant il a été plus marqué par l’image du prêtre agonisant dans son propre sang. Les anglos ont subit un lynchage en bonne et due forme une fois attrapé. A Mazatlán les messes sont plus calmes.
Juan et Soledad ne se rapprochent vraiment que des années plus tard, en 1848 à la fin de la guerre opposant le Mexique à l’Amérique, après l’occupation de quatre mois du port de Mazatlán par les américains. Après des années à s’échanger des politesses, Soledad se moque plus franchement des bras abimés de ce garçon mal grandit aux souliers usés. Il est plus âgé qu’elle, mais ça ne la dérange pas. Soledad n’a pas la langue dans sa poche et pour montrer son affection elle chahute. Ensemble ils voient passer les chercheurs d’or qui ont traversé les frontières et le continent pour rejoindre le port qui les mènera à San Francisco. Juan lui raconte à son tour son périple et celui de sa famille.
Quand Soledad est assez grande, elle l’invite à aller danser sur la plaza. Elle s’invite dans les cantinas pour boire avec Juan et les hommes, et quand il doit la ramener chez elle, il se fait toujours disputer par ses parents. Ce n’est pas le seul garçon avec qui Soledad va danser, mais c’est le seul avec qui elle va se promener sur la Plaza Machado le dimanche après-midi. Elle lui apprend à nager et à préparer le poisson sur le bord de la plage. Quand un jour l’une de ses amies se montre un peu trop entreprenante envers lui, elle la gifle et lui tire les cheveux jusqu’à en garder des mèches entre les doigts. Pourtant Soledad repousse les avances de Juan une première fois, puis une seconde et une troisième. Quand il s’entiche d’une petite paroissienne française aux jupons trop courts et au maquillage de puta, elle arrête de lui parler pendant quelques semaines pour mieux lui retomber dans les bras au mariage de son amie (celle qu’elle a tenté de scalper quelques années plus tôt).
Soledad ne s’inquiète de la question du mariage que lorsqu’elle comprend qu’elle est enceinte. Elle ordonne à Juan de lui demander de l’épouser et il si plie bien volontié.
#4. Margarita est née douze minutes avant son frère Héctor (une différence qui aura son importance dès les premières disputes où ils seront capable de converser convenablement) en janvier 1858. Soledad et Juan ont tous les deux gagnés leur paris : c’est une fille et c’est un garçon. A cette époque-ci, cela fait déjà plusieurs mois que le père de famille a quitté le travail des mines contre un emploi d’ouvrier dans la construction. Ça ne paie pas mieux mais le simple fait d’être dans la ville même de Mazatlán suffit à le rassurer.
Comme la tradition le veux, puisque le concept de famille nucléaire est bien loin d’être la norme, Juan s’est installé chez Soledad, ses parents et ses grands-parents. A revenu modeste, patio modeste. Chacun y met du sien pour que la vie en communauté serré-collé soit supportable et agréable. C’est abuela qui veille sur les deux petits et les emmènent voir la mer avant qu’ils ne sachent tenir leur tête ; Soledad retourne faire la tournée des commerces et du marché dès qu’elle est en mesure de tenir debout. Une deuxième bouche à nourrir fait une différence considérable dans les comptes de la famille précaire. Heureusement les amies déjà mères depuis quelques années se séparent joyeusement des chaussures et des vêtements devenus bien trop petits pour leur propre rejetons. La célébration pour les baptêmes sont tout de même extravagantes ; la fête dure toute la nuit et le prêtre manque de se noyer en cherchant à danser dans la fontaine pourtant peu profonde de la plaza.
Malgré tout ce ne sont pas les difficultés économiques qui effraient le jeune couple : moins d’un an plus tard c’est un gros bébé qui portera le nom d’Óscar qui voit le jour. Moins dégourdit que ses aînés, il marque les jeunes parents par son calme. Le petit pleure rarement, il râle quand il a faim et reste silencieux quand ses langes sont pleines. Heureusement María et Héctor y remédieront bien vite en allant l’enquiquiner dès que l’occasion se présentera. Alors âgés de 10 mois, ils sont vifs à se traîner sur leurs quatre pattes pour aller baver sur le petit frère et procéder à des échanges de tutos dans la plus grande des cacophonies.
Aussi régulière qu’une horloge, Soledad accouche de Luís au mois de février de l’année 1860. Pour la petite Margarita qui a fêté ses deux ans, c'est un cadeau tombé du ciel. Elle délaisse sa poupée qu'elle aime tant pour venir jouer les petites mamans (bien que le développement moteur de la demoiselle ne soit pas encore parfaitement au point) auprès de son frère chéri. Óscar qui n'en manque pas une pour l'imiter s'obstine à la suivre, ce qui la ravie. L'enfant est plus qu'heureuse de pouvoir montrer à son cadet comment on s'occupe d'un petit bébé (selon ses observations et ses interprétations de toute petite fille). Ses tantes, quand elles ne travaillent pas, gardent un œil sur elle. Sinon c'est abuela qui rôde autour des petits comme une oie protectrice. Héctor est bien obligé de s'intéresser au dernier des marmots pour pouvoir espérer attraper l'attention de son frère et de sa sœur plus âgés vers des jeux d'enfants plus intéressants.
Benito est un petit garçon vif et bruyant qui arrive au foyer familial en décembre 1863. Très colérique aussi. C’est étrange de voir un nouveau-né colérique, et un peu rigolo aussi. Sa grande sœur tant dévouée ne se lasse pas de calmer ses gros chagrins à coup de bisous claquants déposés sur le front avec toute la délicatesse dont elle est capable pour une enfant de cinq ans. Évidemment ça n’arrange pas ses sauts d’humeur. Il est difficile d’approcher le petit tant María est dévouée à sa cause et refuse de l’abandonner trop longtemps. D’un caractère partageur, elle n’hésite pas à faire pleuvoir mille conseils lorsqu’il faut passer la main.
Les jumeaux accompagnent tôt soit leur mère au grand marché, soit leur père sur les chantiers. Ils ne sont pas très utiles mais ce sont des petites têtes en moins à surveiller pour les grands-parents. Et il est bien de les plonger tôt dans le monde des affaires : c’est qu’il va falloir s’habituer rapidement à mettre la main à la patte. Soledad qui est en avance sur son temps à des idées d’indépendance. Elle veut s’échapper avec Juan, dans leur cocon rien qu’à eux, suffisamment grand pour qu’ils ne se piétinent pas autant. Parce que des gamins, ils en veulent d’autre mais la cohabitation va se faire de plus en plus délicate. Entre les cousins, les cousines et les frangins, María ne risque pas de s’ennuyer c’est certain.
Puis il y a l’attaque du port. Encore une.
Le 28 mars 1964 La Cordelière, un vaisseau amiral français sous les ordres de l’Empereur Napoléon III, entre dans le port de Mazatlán, amenant avec elle de nombreux navires prêts à débarquer troupes et artilleries sur les terres de Sinaloa. Les troupes mexicaines ne se laissent bien évidemment pas faire et le chant des fusils deviendra régulier pour les habitants de la ville ; pourtant ils ne s’y habituent pas. Les bateaux marchands sont arrêtés et pillés afin d’affaiblir la ville. On connait la faim.
Il se dit que les raisons de cette attaque sont un peu politiques, un peu religieuses et surtout très économiques. Le port brasse entre quatre et cinq millions de dollars par an, de quoi attiser la curiosité des plus grandes dents, ça raye le parquet tiens. La capitale portuaire de l’état de Sinaloa est une porte ouverte vers les mines d’argent de la région, en faisant une cible plus qu’appétissante.
Au petit matin du 31 mars 1864 La Cordelière lance une bombe de 55 kilos sur Mazatlán. Ce n’est pas tant l’artillerie mexicaine qui est visée que la ville, bien que les français soutiendront le contraire. De nombreux civils sont touchés. Juan ne manquera pas de travail à partir de ce jour.
La guerre pour la prise de Mazatlán s’étend sur plusieurs mois et en vient à provoquer des conflits internes pour le contrôle suprême de la ville. Les assauts terrestres et maritimes sont réguliers entre les trois partis, empêchant la ville de prospérer. Les agressions sur les citoyens sont légions bien que passées sous silence. Les autochtones sont les premières victimes des violences militaires et la ségrégation se fait plus écrasante. Le blocus naval qui s’étend laisse la population affaiblie.
Les négociations entre les français et les mexicains débutent le 12 novembre 1964, et le 14 novembre la ville est bombardée. Les Sandoval et les Calderón font parti des nombreuses familles à fuir le littoral pour se réfugier plus en sécurité en amont de la ville. Dans la cohue María est séparée de sa mère. Pris en charge par des amis de la famille, elle retrouvera ses parents le surlendemain ; après que les troupes françaises se soient emparées de la ville. María restera marquée par cette expérience qui a tout d'anecdotique au vu des circonstances.
La vie doit bien reprendre son cours et au final, quand les tirs des fusils ou des bombes ne claquent plus, les choses ne semblent pas si différentes que cela pour María. Son père a beaucoup de travail, avec tous les bâtiments à reconstruire. Il devient rapidement contremaître sur les chantiers. Il n'est pas rare qu'il travaille avec des américains puisqu'il baragouine suffisamment bien en anglais pour échanger avec eux. Eux aussi ont de l’argent. Son frère aide son père, et elle va prêter main forte à sa mère sur le port des pêcheurs le matin, et dans le marché l’après-midi. La famille peut s’installer dans un patio plus grand, plus éloigné de la côte. Là-bas il y a suffisamment de place pour toute la famille et pour d’autres petits, promet Soledad.
Les projets d’agrandissement de famille ne sont peut-être pas les plus judicieux. En effet, les batailles terrestres et maritime pour la prise du port et de la ville reprennent. Les forces mexicaines et françaises sont de nouveau en guerre en en 1866.
Pourtant Felipe et Mateo voient le jour en mars 1867, durant une période d’accalmie (qui sera brève). María, alors âgée de neuf ans, s’occupe avec dévotion des petits. Quand les cris des batailles retentissent jusqu’au patio familial, elle se cache avec ses petits frères au fond du garde-manger, derrière les sacs de farine.
La ville est bombardée en 1868 et cela règle le conflit entre les troupes françaises, mexicaines et britanniques (venues ajouter leur grain de sel). La promesse de travail pour des architectes en herbe. La guerre profite d’une certaine façon à la famille. María ne s’en rend de toute façon pas compte. Le confort reste minime, l’argent éparpillé dans le coût que représente autant d’enfants (et si peu en âge de travailler pour l’instant). Le train de vie reste modeste. María à la chance de recevoir une jolie robe chaque année, reprisée par ses tantes pour être plus au goût du jour par la suite. La fillette n’a pas le temps de s’enquérir des modes européennes de toute façon. La robe est portée tous les dimanche, puis retouchée quand elle lui serre trop la taille et les bras.
Lupe naît en août 1871, alors que Mazatlán appartient bel et bien au Mexique depuis quelques années maintenant et que le calme est revenu en ville et sur les flots. La vie est plus confortable, on se fait rapidement au calme en temps de paix. Juan Sandoval Calderón est un travailleur acharné qui sait comment obtenir ce qu'il veut. Pas moins de quatre de ses garçons travaillent avec lui et il espère leur transmettre de son ambition. María garde avec elle les jumeaux encore trop jeunes, accompagnant sa mère partout qui porte le petit dernier sur son dos quand elle doit travailler. La famille tend vers une vie prospère.
#5. Il est très fréquent de voir María sur les chantiers que surveille son père, accompagné par ses amies. Là-bas il y a du beau monde qu’il est facile de tenter avec des fruits frais ou du poisson tout juste cuisiné sur le port commercial. Les filles savent bien qu’il n'est pas difficile de s’y faire de l’argent, avec eux, il faut juste savoir vendre le produit. Elles aussi font leur marché, jouant à «
Coger, casar o matar » et gloussant entre elles. María qui en plus d’être une jolie fille à la chance d’être la jolie fille d’un
contremaître se fait toujours courtiser timidement, discrètement. Avec ses frères pour la protéger l’adolescente ne risque pas grand-chose, elle le sait. Elle en profite pour flirter avec les garçons qu’elle trouve jolis, pour s’amuser à leur faire tourner la tête et à montrer ses chevilles.
C’est de cette façon que la petite princesse de la famille Sandoval fait la rencontre des frères Kalawai’a. Ce sont des voyageurs étrangers comme il y en a beaucoup ici. Des polynésiens qui ont les mers de saphir et les forêts d’émeraude dans leur accent. María pouvait écouter des heures Kalani parler de la barrière de corail et des volcans endormis, des esprits des îles malicieux ou protecteurs. Il raconte très bien et c’était tout à fait charmant. María l’invite aux fêtes de la ville et à la pêche aux crabes dans les rochers. Jacob était toujours là et elle s’entiche alors du petit frère avec sa gueule bien faite et son air un peu imbécile. Il parle moins bien mais elle le trouve attachant avec ses grands yeux noirs qui ne sont pas tout à fait comme ceux d’ici. Quand il sourit ses joues creusent ses yeux qui pétillent et ça fait chavirer le cœur de María.
Les sorties régulières avec les frères Kalawai’a deviennent petit à petit les sorties avec le benjamin des Kalawai’a. María ne se lasse pas des promenades le long des plages difficiles d’accès, ou se trouve les vestiges de baraques détruites par la guerre. Elle raconte à Jacob les histoires de pirates qui ont dissimulés des trésors ici et qui seraient encore accessibles à qui serait assez malin pour les retrouver. Il y a aussi les contes sur les cerfs, qui régnaient en maître sur les terres bien avant l’arrivée de ses ancêtres. La jeune fille aime entraîner son ami sur la Plazuela Machado et flâner sur el paseo de las Naranjas. Sur les chantiers elle vient parfois l'aider, mettant la main à la patte et n'hésitant pas à salir sa vieille robe déjà abimée pour porter les sacs de gravier et de terre. Elle piaille plus qu'elle ne travaille, c'est vrai, mais la volonté est là. Et même si le travail est difficile elle trouve à s'amuser, à faire passer le temps en racontant des histoires de ses ancêtres qu'elle invente sur le tas.
Elle s’affiche au bras de Jacob à tout va, et quand elle réalise qu’elle est amoureuse de lui, un peu tard peut-être et sûrement après tout le monde, elle ne se sent pas trop embarrassée. Au contraire, elle est fière. Jacob est un beau garçon qui a les yeux et le sourire doux. Il est sans le sous mais il est gentil et María, qui est encore naïve, pense que c’est plus important. Elle est très amoureuse et le sentiment l'a fait se sentir encore plus jolie et légère. Elle veut se pavaner à son bras jusqu’à mourir du vieil âge, à prétendre que le monde n’existe pas autour d’eux.
Quand la vieille Bruja qui traîne toujours au marché en fin de semaine la met en garde des secrets gardés par le nid de couleuvres, María la chasse hors de sa vue sous les insultes et les menaces.
#6. María se retrouve mariée à Jacob durant l’année 1874, à son plus grand bonheur. Son ventre arrondi et lourd est facilement dissimulé sous sa robe de mariée traditionnelle, caché par un poncho épais tissé avec du fil maguey et brodé à la main. Son père et ses frères ont réussis à se montrer très convaincants auprès de Jacob, précipitant cet union pourtant vu d’un bien mauvais œil. C’est qu’il s’agit de sauver María et la réputation de la famille.
Et quand la petite Isla naît quelques mois après le mariage (qui a duré presque une semaine !), personne ne semble s’émouvoir de son arrivée précoce. María est une mère comblée, déjà bien entraînée par les frères dont elle a dû apprendre à s’occuper très tôt. Elle est ravie d’avoir une petite poupée à habiller de ses vieux vêtements reprisés. La jeune maman ne s’aventure plus sur les chantiers avec son petit trésor qu’elle ne parvient pas à laisser à sa grand-mère. Elle la porte sur son dos jusqu’au marché où elle vend des tartes avec les fruits ramassés dans les vergers. María supporte plus facilement l’éloignement avec son époux, qui croule sous le travail physique (il faut bien subvenir aux besoins de la petite), lorsqu’elle est occupée avec sa fille. Sa maternité l’éloigne de ses amies qui en sont encore à faire tourner la tête des garçons.
Deux ans plus tard, les jumeaux Mía et Gael viennent considérablement agrandir les rangs de la famille. L’animosité des hommes de la famille de María vis-à-vis de Jacob s’adoucie avec l’arrivée des petits enfants / neveux. C’est que ce sont de beaux bébés au regard intelligent (
Peu de chance qu’elles tiennent ça de leur père…). María est fière de ses gosses qu’elle chérie à longueur de journée. Elle se pavane en ville accompagnée de ses trésors, les abuela de la place l’arrêtent toujours pour offrir quelques gâteaux à l’aînée et échanger des paroles gentilles.
Les absences de Jacob ne passent pas inaperçues. Difficile que les choses se passent autrement quand on a peu d’intimité à vivre chez sa belle-famille. Peu après la naissance de Lucia en 1877, la décision est prise de quitter le nid familial : le couple souhaite prendre son indépendance. L’idée semble un peu (beaucoup) absurde à María, habituée à vivre les uns sur les autres depuis tellement longtemps maintenant, mais elle se plie à la volonté de son époux. Elle préfère éviter les histoires et entend bien diriger sa maisonnée comme elle l’entend à présent. Une idée qui à de quoi l’intriguée et lui faire envie. Elle espère aussi que l’éloignement avec sa famille lui permettra de moins se soucier de Jacob qui rentre parfois tard, parfois pas du tout. Elle espère aussi que les éclipses de son époux ne sont dues qu’à la pression exercée par sa famille, que cette intimité toute nouvelle le fera revenir le soir dans le lit conjugal. La maison qu’ils occupent est nettement plus petite que celle qu’ils ont quittés, mais il y a moitié moins de monde. Chacun y trouve sa place.
En 1880, Mazatlán connaît une nouvelle guerre civile et un nouveau bombardement. Cette attaque fait de nombreuses victimes chez les civils en touchant les maisons voisines. María se montre soudainement plus agressive envers Jacob, lui reprochant avec véhémence (et des coups de cuillère en bois à l’occasion) ses escapades nocturnes. Les échanges se font rarement dans le calme et tout le voisinage peut en profiter.
#7. Le Mexique est voué à une grande période de prospérité en cette année 1880. Un gargantuesque projet est lancé par un ingénieur américain, applaudit par le politicien -et militaire- Porfirio Díaz : une voie ferrée qui reliera le désert du nord du Mexique aux terres tropicales qui bordent le Pacifique. La ligne « El Chepe » est la promesse d’un emploi stable pour les années à venir et bien entendu d’enrichissement. Juan Sandoval Padilla est l’un des nombreux contremaîtres à se retrouver sur le projet, ayant flairé la belle opportunité il y a quelques années. Ils sont nombreux à le suivre jusqu’à l’État de Chihuahua et les frères Kalawai’a ne font pas exception.
María espère que ce changement d’air apaisera son mariage houleux. Elle abandonne la mer et cette ville qu’elle aime tant pour suivre sa famille dans les terres, un peu plus au nord de Mazatlán. Chaque jour, elle retrouve les femmes des ouvriers et leurs enfants pour travailler sur le gigantesque chantier. Le plus souvent, ils doivent s’enfoncer dans les mines voisines pour y récupérer le minerai essentiel à la construction des rails. Parfois il faut transporter quelques sacs de matériaux à l’autre bout du chantier ou encore simplement nourrir les ouvriers affamés. C’est un travail physique et laborieux, les petits sont souvent malade et María n’a pas l’occasion de s’en occuper aussi convenablement qu’elle le souhaiterait. Elle ne rate pas une opportunité pour se disputer avec toute forme d’autorité, crachant menaces et insultes quand les choses ne filent pas à sa manière. Protégée par son père et ses frères, on la laisse souvent faire sans trop de conséquence. María s’est rapidement forgée une réputation d’intraitable sur le terrain. Il n’est pas question que la paie arrive avec un jour de retard ou un billet en moins.
L’arrivée d’Isabela en 1882 n’apaise qu’un temps les dissensions entre Jacob et María. Il est de plus en plus difficile de dissimuler la tension croissante entre les deux qui bouffe le couple de l’intérieur. María explose lors de ses excès de colère et sa voix posée se superpose sans difficulté aux hurlements des enfants. Elle fait payer à Jacob sa peur et les rumeurs qui courent sur son dos lorsqu’elle passe dans le chantier, les regards mauvais des harpies qui gloussent sur son chemin et des ouvriers qui lui donnent des sobriquets peu reluisants. María avait d’abord –
fut un temps- défendu son époux puis finalement son propre honneur. Il fallait se rendre à l’évidence, elle était sotte et naïve de le croire honnête. La belle histoire d’amour s’effiloche et il est de plus en plus difficile de garder la face.
#8. Il ne faut pas grand-chose pour que Kalani avoue tout à María : Jacob est déjà père et époux, là-bas, dans son île natale. Iolani et ses trois enfants qui ne doivent plus l’attendre à présent. Il n’en faut pas plus pour que María se sente honteuse comme si la faute lui revenait. Humiliée, elle se terre d’abord dans le silence de la coupable. Puis la colère engloutie la honte. Une colère aveugle envers cette puta car elle est plus facile à détester, de son île perdue dans le pacifique.
Finalement Jacob se retrouve victime de la rage sourde de la mère outragée. Elle lui fait payer ces années d’infidélité vis-à-vis d’elle, vis-à-vis de cette première femme sans visage de laquelle elle se sent bizarrement proche sans l’avoir jamais rencontrée. Elle trouve un fautif à la honte qui la ronge.
María laisse Jacob à la porte plus d’une fois, lui interdisant le repos dans sa propre maison après ses journées épuisantes sur le chantier du chemin de fer.
Après s'être bourré la gueule avec d'autres ouvriers et les putes qui traînent autour, oui. Le verrou est poussé et les fenêtres bien fermées. Elle refuse de lui adresser que ce soit la parole ou un regard en publique. Lorsqu’elle se retrouve obliger de le confronter, la jeune femme ne laisse pas à Jacob l’occasion de plaider sa cause, elle l’insulte, le gifle, lui crache au visage et le griffe s’il tente de la toucher. Elle prend Dieu à témoin pour tout et pour rien, pour le mal qu’il lui fait, qu’il fait à ses enfants. Pourtant elle ne se sent pas mieux, elle se sent toujours aussi sale, aussi idiote. María pleurs beaucoup. Elle n'a jamais été connue pour avoir la larme facile.
Benito a toujours été un garçon qui aboie plus qu'il ne mord. Il n'est pas spécialement bagarreur. Un grand gaillard qu'on a souvent prit pour un crétin tant il parle peu et mal. Personne n’a le temps d’être étonné quand des ouvriers le traînent à la maison, la panique a soufflé tout autre sentiment. Benito à le visage baigné de sang et il faut bien quelques secondes à chacun pour le reconnaître. C’est María qui lui rince le visage en tremblant comme une feuille, persuadé qu'il est mort ou bientôt. Elle a pourtant l’habitude de soigner les étourderies ensanglantées de ses frères et de ses filles. Benito a les yeux si enflés qu’on ne les voit plus, le nez cassé et la mâchoire de travers qui pend comme celle d’un pantin inanimé. Son souffle est rauque et irrégulier. Sa poitrine se soulève à peine lorsqu’il respire. Les ouvriers racontent qu’ils se sont battu, lui et le « petit chinois », le hargneux. Pour la nuit, María et ses petites se réfugient chez son père et sa mère, entourée de ses belles-sœurs. Les femmes de la maison veillent sur Benito, posant mille questions au médecin qui a été appelé. Elles le pressent et le harcèlent, l’inquiétude les rendant agressives. Pendant ce temps les hommes partent à la chasse.
Les Kalawai'a sont introuvables. La vengeance attendra.
#9. Peut de temps après la disparition de Jacob et son frère, María choisi de rentrer à Mazatlán malgré l’avis défavorable de ses parents. Elle explique qu’elle n’en peut plus du chemin de fer, que la mer lui manque, que sa maison lui manque. De toute façon elle ne demande pas la permission, ça fait longtemps qu’elle ne fait plus ce genre de chose. Benito rentre avec elle et ses enfants. Il n’est plus aussi utile qu’avant sur le chantier, les coups qu’il a prit l’ont rendu crétin. Benito a du mal à parler et à réfléchir aussi. Ça se voit dans son regard que tout ne tourne plus comme avant là-haut. Il est difficile pour les autres ouvriers de ne pas perdre patience autour de lui. Alors mieux vaut qu’il soit plus loin. Au moins il est doux avec ses nièces et son neveu.
L’épouse au mari introuvable trouve refuge chez une cousine que la guerre à rendue veuve. La raison de sa fuite devient de plus en plus difficile à cacher. Cette grossesse là est plus difficile que les autres. María à l’impression d’être plus malade que d’habitude, que l’enfant ne veut pas d’elle. C’est peut-être elle qui ne veut pas de l’enfant et il le ressent. Mateo ne tarde pas à rejoindre sa sœur et sa cousine, il s’occupe des petits comme il le peut et a du mal à retenir sa colère pour un enfant pas encore né dont personne ne veut.
Le petit, Iakopa (
parce que c’est comme ça qu’il aurait voulu l’appeler), naît à la fin de l’année 1886, avec plusieurs mois d’avance. Comme s’il était pressé de sortir de là. Ses sœurs aînées s’occupent beaucoup de lui car María n’y arrive pas beaucoup ; pas bien plutôt. Felipe, qui n’est pas capable de rester loin de son frère trop longtemps, insiste pour que la maman passe plus de temps avec son petit. C’est comme ça qu’elle arrivera à l’aimer comme les autres, c’est sûr. Chacun y va de son conseil. En dehors des murs María craint que la ville entière ne parle d’elle et de sa bêtise. Les nouvelles vont vite dans une ville si jeune ou les vieilles familles se connaissent. Jacob ne peut pas être seul coupable, c’était couru d’avance qu’un étranger pareil serait source d’ennuis. Il n’avait pas l’air bien net au fond, pas un gars à qui faire confiance. C’est ça de se donner au premier venu.
Iakopa meurt alors qu’il n’a que quelques mois. C’est Isla qui retrouve son petit frère (
tout petit) dans le berceau qui a été celui de sa mère et de ses oncles, il y a longtemps, puis le sien, il y a douze ans. Iakopa a le visage violet, les veines se dessinent tout le long de son crane poilu de quelques touffes de cheveux. L’aînée prévient ses oncles, pour que le petit corps disparaisse avant que les autres enfants n’aient le temps de l’apercevoir. María jure en se noyant dans ses larmes qu’elle n’a rien fait. Il est mort dans son sommeil, en silence. Elle n’a pas fait attention. Il s’est mal endormi.
De mauvaise fille, elle devient une mauvaise mère et par esprit de déduction une mauvaise épouse.
#10. Mazatlán est secouée d’une vague de violence quand le héro (ou bandito, tout n’est qu’une question de point de vue) Heraclio Bernal vient s’y refugier pour continuer sa politique musclée, durant l’année 1887. Les rues ne sont plus aussi sûres qu’avant, il n’est pas rare que des échanges de balles explosent subitement et sans raison apparente.
Entourée de trois de ses frères et de tous ses enfants, María se décide à quitter la ville. En fait il a été décidé qu’ils quitteront le Mexique. Jacob se trouve dans une petite ville à l’Ouest des Etats-Unis d’Amérique du Nord, il y a un poste confortable. La vie est douce pour lui. Elle veut lui crever les yeux. C’est Héctor qui l’a soufflé à sa sœur et qui a préféré garder sa source secrète. Bien évidemment ce n’est pas pour plaire à María, mais interroger quelqu’un par courrier surtout quand on ne sait ni lire ni écrire (ou si peu), ce n’est pas bien facile. A la place elle lui fait confiance. Il parait qu’il y a du travail à Silverstone (la source n’était peut-être pas tout à fait exacte dans ses informations).
La traversé des Etats qui séparent Mazatlán à Silverstone est pénible. Les convois de diligences ne sont pas réputés pour être ni rapides, ni confortables et les attentes entre deux passages peuvent être long. C’est l’affaire de plusieurs mois avant d’arriver à destination. Sur le chemin, les étrangers ont le temps d’apprendre à baragouiner quelques mots en anglais. Bonjour, merci, au revoir. Pour ses frères qui ont travaillés avec des anglophones à quelques occasions, c’est un peu plus facile (
à peine). Il est trop tard pour s’inquiéter des soucis d’adaptation auxquels ils font déjà face de toute façon. Si des Américains ont réussi à s’intégrer sur leurs territoires jusqu’à ce les approprier, nul doute que l’exercice doit être à la portée de n’importe qui.
Toutefois le voyage ne s’arrête pas à Silverstone. Jacob ne s’y trouve pas, mais il est connu dans la petite ville. Mateo n’a pas de difficulté à entendre parler de l’adjoint au shérif (il ne retiendra que shérif) d’Imogen. En même temps ça ne court pas les bleds paumés les shérifs qui ne sont pas blancs. On en a de drôles d’idées dans la montagne…
La dernière semaine de voyage est la pire. Parce que la fin du calvaire est proche. Aussi parce que María se demande ce qu’elle fait là. Heureusement les questionnements ne sont pas du genre à la tenir éveillée la nuit et elle se dit que tout lui reviendra en revoyant la sale face de rat de Jacob. A force de se le répéter elle finira bien par se convaincre.
Felipe et Mateo sont restés à Silverstone, pour travailler dans la mine. A Imogen on lui a dit qu’il y avait aussi du travail, dans la grande scierie qui emploie une bonne partie des âmes du coin.