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Guns & WhiskyFORUM WESTERN · NOUS SOMME EN ÉTÉ

1889. À la lisière de l'Etat de New Hanover, la petite ville forestière d'Imogen compte un peu plus de 500 habitants. Plus connue pour ses ranchs que pour ses pépites, elle est l’exacte représentation des espoirs et des échecs de tous ceux qui ont pu croire au rêve américain. Son seul lien avec la civilisation est le chemin de terre creusé par le passage des diligences, droit vers la station de gare de l'autre côté de la frontière qui mène vers l'Etat de West Esperanza. Cette route est connue pour ses braquages incessants, causés par le gang des O’Reilly. En plus de terroriser la population - leurs méfaits sont racontés dans tous les journaux de la région ; ils rendent périlleux les voyages vers la grande ville : Silverstone. Cité minière dirigée par la respectable famille des Rosenbach, prospère et moderne ; on pourrait presque croire que c’est un lieu où il fait bon vivre. Mais, derrière la bonhomie de son shérif, les sourires de ses prostituées et les façades fraîchement repeintes, l'influence criminelle du Silver Gang grandit de jour en jour. Lire la suite

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RUMEURDes histoires de Dame Blanche circulent dans la région de West Esperanza : certains habitants de Silverstone et des alentours jurent avoir apperçu un fantôme ! Les plus jeunes s'amusent même à invoquer l'ectoplasme dans un nouveau jeu ridicule - mais qui passera bientôt de mode : celui du ouija. Le temple prie pour leur salut.
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Kindred Spirits - Hannah x Clyde
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Ven 2 Avr - 13:39

Kindred Spirits - mars 1867



Le ranch était paisible depuis trois jours. Les Baxter étaient tous partis pour différentes raisons. Elizabeth rendait visite à monsieur King, pour affaires, apparemment. Alexander avait été appelé en urgence, afin de soigner les victimes d’un braquage qui avait mal tourné. Jacob et George avaient eux aussi des choses à régler concernant la fin de la guerre. Il ne restait plus que Hannah et Percy. Ce dernier était trop occupé à se perdre dans les jupons et le corset d'une femme certainement mariée. Hannah en profitait pour s'occuper du ranch avec les hommes de main de son père, tout en ponctuant une poutre réparée ou un fer à cheval installé, par une séance de tire. La guerre avait considérablement défiguré la propriété des Baxter et les bêtes n’étaient plus aussi nombreuses, mais petit à petit le tout reprenait forme. Ils avaient comblé les trous causés par les tirs ennemis, réparé les barrières qui s’étaient écroulées et le fossé béant d’une dynamite malencontreusement lancée dans un des champs avait été aplani. Alexander y avait fait une sorte de cimetière pour ceux qui n’avaient pour seule famille les Baxter. Peut-être pour eux, plus tard. On y avait planté des fleurs qui ne passeraient pas l’hiver, ainsi qu’un arbre qui apporterait une ombre dramatique sur le tout. Ils embellissaient le chaos pour guérir, semble-t-il.

Hannah Baxter était entrée dans sa quatorzième année. Elle avait fêté son anniversaire trois mois auparavant, ce qui ne lui déplaisait pas. Après tout, plus elle vieillirait, moins elle aurait de comptes à rendre à sa mère. Elizabeth avait pris conscience que rien n’était à faire pour sauver sa fille. Trop rebelle. Trop garçonne. Puis qui voudrait d'une femme sachant tirer et surtout sachant viser. Elle persistait tout de même, mais d’autres occupations lui prenaient plus de temps. La famille King était devenue son exutoire. Hannah sentait que quelque chose était étrange dans cette amitié-là, mais quoi ? Peu importe, tant que ça lui permettait de rester un peu seule chez elle.

La journée était bientôt terminée et Hannah avait décidé de s’accorder quelques tires sur les bouteilles bues ce midi et la veille. Elle les avait installées derrière la grange, sur un vieux tronc bientôt entièrement pourri. Cinq des hommes des Baxter étaient installés dans l'herbe et ils buvaient une bouteille de whisky qu'ils se faisaient passer de main en main. Leur occupation ? Parier sur les tirs d’Hannah. L’ambiance était bonne dans cette fin d’après-midi agréable. La jeune Baxter s’apprêtait à tirer une rafale de balles sur plusieurs cadavres d’alcools en tout genre quand une voix s’éleva parmi la petite assemblée. « Y a quelqu’un, miss. » Hannah releva son bandeau qui était posé sur ses yeux pour pimenter les paris et regarda en direction de ses camarades. Elle suivit leurs yeux qui désignaient tous une ombre dans le soleil. Il s’agissait de quelqu’un à cheval. La silhouette fit arquer un sourcil à Hannah qui ne voyait pourtant pas très bien malgré sa main qui lui cachait légèrement la lumière rasante. « Clyde ? » Elle l’aurait reconnu en pleine nuit. Son meilleur ami s’avançait vers elle, mais il n’était pas bien droit sur son cheval et à contre-jour. Le cœur de la gamine se serra comme à chaque fois qu’elle le voyait. Qu’est-ce qu’elle était heureuse à chacune de ses visites. Il était si important pour elle et cela même si leur jeu préféré consistait en une forme de chamaillerie fraternelle. La fraternité, elle n’en avait que le nom, car petit à petit la belle se rendait compte des sentiments naissants qu’elle éprouvait pour le garçon. Mais ça, elle ne pouvait pas lui dire. C’était son petit secret bien gardé, car elle pensait qu’elle aurait tout son temps pour le lui avouer. Après tout, ils avaient la vie devant eux.

Le sourire sincère d’Hannah s’effaça pourtant quand elle put enfin voir le visage de son ami. « Clyde ! »


Kindred Spirits - 1862
.
« Mais pourquoi… Vous m’aviez dit… » la gifle lui coupa la parole. Le visage d'Hannah avait à peine bougé et elle regardait dans le vide en serrant les poings. Le feu lui monta aux joues, mais elle ne protesta pas. Il ne fallait pas que sa mère ait la satisfaction de la voir pleurer, car même si c'était des larmes de rage qui ne demandaient qu’à sortir, cela aurait été un aveu de faiblesse.

« Tu vas m'écouter, jeune fille. Ici, on ne parle pas comme ça. Tu vas calmer ces vilaines rougeurs et nous rejoindre. Si tu ne sors pas ton plus beau sourire à nos invités, je te promets… » les dents serrées, la fin de la phrase avait sifflé entre les lèvres de madame Baxter. Elle s'était figée en voyant sa fille la regarder droit dans les yeux, pleine de défi et prête à faire tout le contraire de ce qu'on lui imposait. « Si tu es désagréable ou que tu te comportes comme… » Elle désigna la brune, insinuant trop explicitement « comme d'habitude ». « Comme une petite mal élevée, tu pourras oublier l'entraînement aux tires avec ton grand-père. » Elle leva un doigt pour couper court à toute forme de protestation. « Pas de « mais » Hannah Rose Margaret Baxter. » À ces mots, Elizabeth quitta la chambre de sa fille en remontant ses jupons. La porte claqua derrière elle. « Ah et ça c'est des manières de lady peut-être… » Marmonna Hannah, les joues soudainement noyées de larmes. Sa bottine vint se heurter sur le pied de son lit et elle s'installa au bord, la mine boudeuse. Ses jupons formèrent une petite boule sur laquelle elle appuya rageusement.

Quelle frustration d'être une femme. Tous les hommes de la famille étaient partis à la chasse et elle, elle devait rester là à s'occuper d'un gamin pour je ne sais quelle raison. Comme si avoir deux frères n'était pas assez, il fallait qu'elle sociabilise avec les garçons d'autres familles. De plus, elle avait été dans l'obligation d'enfiler une robe froufroutante et son reflet lui avait donné la nausée. Le petit panier, pourtant soutenu par un croissant, lui lacerait les hanches. En l’enlevant, elle aurait des bleus et Dieu seul sait qu'Hannah préférait arborer un bleu durement gagné lors d'une bagarre victorieuse plutôt que ceux qui venaient de la coquetterie d'une ancienne lady anglaise. Elle se sentait comme une poupée incapable de bouger, au bord de l'évanouissement. Pour couronner le tout, de petits nœuds et de la dentelle la rendaient ridicule. Heureusement que sa mère avait des goûts de luxe et qu'elle avait choisi un joli bleu nuit. Le rose, le poudré, le rouge ou le violet, ça, Hannah ne l'aurait pas toléré. De toute manière, tout ce qu’elle portait commençait à dater de la mode passée, car la guerre n’aidait en rien à l’exportation de jolies choses inutiles et hors de prix. Hannah trouait soigneusement ses robes pour pouvoir porter de simples jupes, le temps que sa mère recouse sa garde-robe - car elle ne laissait pas à sa fille cette tâche-là, car celle-ci était bien trop nulle pour toucher de la soie et du velours. La jeune fille se décida à se lever en entendant des voix dans le salon. Elle se regarda dans la glace. Son visage était moins rouge de colère et seules ses joues gardaient les marques du pincement prodigué par Elizabeth. Heureusement que cette dernière lui avait laissé porter son habituelle tresse. Les cheveux relevés auraient eu raison de sa santé.

Hannah grimaça, inspira et sortit de la pièce. Une petite acclamation de joie sortit de la bouche de sa mère en voyant sa fille. « Aaah ma fille. Je vous présente ma petite dernière : Hannah Rose Margaret Baxter. Dis bonjour, ma chérie. » Ces prénoms viendraient à disparaître au même titre que sa famille. Comment cette femme arrivait-elle à changer de visage aussi facilement. Hannah en était incapable et elle peina à sourire, mais les colts de son grand-père lui étaient trop précieux pour ne pas essayer. Elle attrapa ses jupons et plia les genoux, afin de faire une révérence exagérée, narguant au passage sa mère sur son propre terrain. « Messieurs. » Leurs invités avaient tous les deux un drôle d’air. Hannah n’avait jamais vu des yeux pareils. Ils la saluèrent et Elizabeth fit un léger mouvement de tête pour signifier à sa fille qu’il était temps d’honorer ses engagements. Hannah manqua de lever les yeux au ciel et se contenta de lancer un regard en direction du plus petit des deux hommes : le gamin indésirable. « Voulez-vous venir prendre l’air en ma compagnie. » Ah que ces mots et ce ton lui brûlaient la bouche.

Une fois dehors, elle contourna la maison sans regarder le garçon et s’installa sur un tronc d’arbre qui se trouvait derrière la grange. Son panier la gênait, mais elle aplatissait ses jupons du plat de la main comme si de rien n'était. À cette heure de la matinée, les employés des Baxter s’affairaient un peu partout. En début de guerre, le ranch était toujours aussi resplendissant et intact. Les bêtes étaient nombreuses, bien grasses, en bonne santé. Les chevaux devaient être les plus robustes et élancés de la région. Les Baxter portaient en eux une belle réussite profitable à tous. Cela ne durerait malheureusement pas : on attaquerait et pillerait ces terres jusqu’à ce qu’ils se décident enfin à répliquer. La passivité de la famille d’Hannah face à la guerre la laissait interdite. Ça manquait de courage.

La jeune fille regarda le jeune garçon. Elle le détaillait de haut en bas, tout en battant des pieds contre l’écorce qui se brisait petit à petit. Son visage n’était plus souriant, mais trop sérieux pour une jeune fille. « Tu sais pas tirer, hein ? T’es qu’un bébé, non ? » Demanda-t-elle à son futur meilleur ennemi. Son ton de lady avait disparu pour laisser place à ce qu’elle était vraiment. Pas besoin de faire semblant avec un bébé, non ?
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Clyde King
Clyde King
Since : 19/11/2019
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Name : Maëlle.
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Kindred Spirits - Hannah x Clyde 992e1b28aeabc748c0bb49537f71ac0b5102de06
Age : 36 ans.
Statut : Le cœur noyé dans le fond d'une bouteille de Gin.
Job : Homme de main pour les O'Reilly, gunslinger.
Habitation : Campement des O'Reilly, Moonstone Pond.
Disponibilité : 3/3
Dim 11 Avr - 22:13


Mars 1867



Clyde détestait l’école.

Mais il détestait encore plus les petites teignes d’Imogen fréquentant cette dernière. Il n’avait donc pas hésité longtemps avant d’envoyer son poing dans le nez de ce fils de pute de Billy Davis, qui avait eu la mauvaise idée de parler en mal de la famille Baxter. Le gamin en question, avait clamé haut et fort que si cette famille survivait aussi bien à la guerre, c’est parce qu’ils n’avaient pas participé à celle-ci, hormis pour défendre leurs terres. Il s’était empressé d’ajouter une réflexion sur la petite sauvage qui leur servait de fille, et Clyde n’avait pas eut besoin d’en entendre plus pour se retourner et coller une raclée à son camarade de rang. Et ce, même s’il pensait sincèrement que Billy était trop con pour avoir pensé ça par lui-même, ses mots venant très certainement de sa commère de génitrice.

Il laissait souvent couler les moqueries, qu’elles concernent les autres, ou bien lui-même – on le critiquait souvent pour son accent à couper au couteau, que le maître s’efforçait d’atténuer à grands coup de lectures à voix haute, là où l’écossais s’appliquait à ne faire strictement aucun effort. Mais parler de ceux chez qui il passait tout le plus clair de son temps, et surtout mentionner sa meilleure amie en ces termes… c’était trop pour l’enfant bagarreur et orgueilleux qu’il était.

Mais Billy Boy savait se défendre. Chaque coup que Clyde lui donnait, il le lui rendait. Les deux garçons roulèrent sur le plancher en bois de l’unique salle de classe d’Imogen, encouragés par les autres adolescents prenant les paris sans même essayer de les arrêter. L’écossais lui donnait des coups comme son père le lui avait appris, serrant les abdos et faisant attention à la position de ses doigts. Ils se battaient comme des chiffonniers, visant les yeux, les côtes, le nez – celui de Clyde prit un coup si violent qu’il fit craquer ce dernier, lui arrachant un hurlement de douleur. Billy quant à lui, n’arrivait plus à ouvrir l’œil gauche lorsque l’écossais l’attrapa par le col pour se venger.

Ils finirent par être séparés par le professeur, qui s’empressa de fourrer du coton dans le nez de King pour en arrêter les saignements, avant de renvoyer les garnements chez eux en précisant qu’il allait en toucher un mot à leurs parents. L’écossais pesta, insultant à la fois l’instituteur et son camarade en gaëlique, avant d’attraper ses affaires et de filer sans demander son reste.

Le jeune homme ne vivait pas en ville, leur maison étant un peu écartée du bourg, alors il avait de temps à autre le droit de venir à l’école à cheval. Surtout s’il avait des courses à faire en sortant de l’école, pour l’aider à porter les affaires. Par chance, ce jour en faisait partie, et il accrocha son ardoise fêlée (il s’en était servi comme arme) et ses livres à sa selle, avant de s’élancer vers la direction opposée à sa maison. Il n’avait pas envie d’apparaitre devant son père comme ça, qu’il savait en compagnie de Mrs. Baxter pour l’après-midi. Sa mère rendait visite à une amie malade dans les alentours de Silverstone, et Lisandra allait le dénoncer dès qu’elle le verrait.

Il chevaucha directement vers le Ranch des Baxter.

Il espérait tomber sur Hannah avant de croiser Percy, qui se serait certainement empressé de se moquer de lui. Par chance, c’est en effet cette dernière qui vint à sa rencontre en premier lorsqu’il entra sur leurs terres, le corps vouté et douloureux. Clyde était légèrement jaloux qu’elle ait la chance de ne pas avoir à aller à l’école – elle n’avait pas à supporter tous les débiles profonds qui s’y rendaient. Après être descendu de cheval plus ou moins gracieusement, l’écossais s’empressa d’expliquer la situation à la jeune fille : « J’ai besoin que tu me caches l’temps qu’ta mère rentre… mon père ne doit pas m’voir comme ça. » Entre son fort accent, et le coton dans son nez, ses paroles n’étaient pas très claires, mais il savait qu’Hannah allait comprendre. Son père était difficile, sévère sans être violent, mais il allait tout de même lui passer un savon. Après avoir jeté un coup d’œil aux travailleurs qui les épiaient, il attacha son cheval à une barrière et se dirigea vers la maison. « Viens… », lui intima-t-il en lui adressant un regard trahissant son état.

L’écossais entra dans la demeure comme s’il était chez lui, marchant droit vers la cuisine. « T’as du froid ? », demanda-t-il sans ménagement. En effet, il sentait son œil gonfler et son nez lui faisait extrêmement mal ; il espérait donc sincèrement que son amie avait de la glace pour lui. Car s’il faisait de son mieux pour donner l’impression de ne rien sentir devant la jeune fille, le brun avait envie de geindre.

S’arrêtant au niveau de la table, il retira sa veste pour la poser sur le bois, et essaya de toucher son nez pour voir l’ampleur des dégâts. Immédiatement, la douleur lui fit monter les larmes aux yeux, et Clyde insulta le monde entier en anglais et en gaëlique, serrant la mâchoire pour se retenir de gémir.





1862




Clyde portait ses beaux habits du dimanche. Sa mère avait coiffé ses cheveux avec un peu de pommade, lui donnant un air idiot de premier de la classe. C’était rare qu’il rendre visite à des gens en compagnie de son père. C’était plus le genre de sa mère, les après-midis interminables à jouer avec les enfants de ses amies, ou à surveiller sa petite sœur pendant qu’elle bavassait pendant des heures autour d’une tasse de thé. Mais son père ? Non, il allait au saloon voire ses amis, et il ne l’emmenait pas.

Mais avec le début de la guerre, il aidait dans un ranch voisin. Son job à la Pinkerton n’était pas clair pour le petit, mais il avait compris que pour une raison obscure à ses yeux, il ne serait pas mobilisé toute suite pour porter l’uniforme bleu - seulement pour des missions ponctuelles. En attendant, il donnait un coup de main pour se faire quelques billets de plus. « On ne sait jamais », disait-il, « Si la Guerre m’emporte, cet argent vous sera utile », comme pour justifier les longues journées qu’il passait loin de la maison, au grand désespoir de la matriarche King qui ne voulait pas envisager cette issue.

Clyde se retrouvait donc chez les Baxter pour la première fois de sa vie, cet après-midi là. Il observa le ranch sans un mot, se contenant de parler que lorsque les adultes s’adressaient à lui : « Bonjour, merci, oui, non ». Peu bavard, il préférait regarder le monde autour de lui et essayer de comprendre à quelle sauce il allait être mangé aujourd’hui. Son père lui avait parlé d’une petite fille avec qui il pourrait jouer, et il avait soupiré : les filles, c’était nul, ça jouait à la maman et jamais aux hors-la-loi.

La gamine en question n’était pas exactement comme il se l’était imaginée : il se retrouva face à une drôle de poupée, visiblement engoncée dans sa tenue. Cette dernière leur fit une révérence. Elle portait une robe qui fit grimacer Clyde. Le gamin pencha la tête sur le côté comme un chien pour essayer de comprendre comment tout cet enchevêtrement de froufrous et de rubans pouvait être porté volontairement. La gosse au prénom trop long l’invita à aller dehors avec un vocabulaire qui fit à nouveau grimacer le jeune garçon, et celui-ci fut poussé dehors par son père pour qu’il la suivre.

Il se retrouva alors à faire le tour de la maison, à la suite de l’étrange poupée. Lorsque celle-ci alla s’assoir sur un tronc d’arbre, Clyde se retrouva planté là comme un idiot, à attendre la suite. Celle-ci vint sans tarder, Hannah le traitant de bébé et l’accusant de ne pas savoir tirer - d’entrée de jeu. Si la seconde remarque était vraie, Clyde n’apprécia pas la première. Ses petits yeux clairs se plissèrent, devenant perçants pour lui adresser un regard mauvais. Cette fille commençait mal avec lui.

« T’es qu’une meringue, non ? Les filles ça tire pas... », s’empressa-t-il de dire dans un anglais fortement teinté de l’accent de ses parents.

Clyde King
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Dim 25 Avr - 22:09

Kindred Spirits - 1866



Clyde descendit de son cheval sans aucune grâce, mais Hannah ne bougea pas, les bras croisés et les sourcils froncés. L’envie de l’aider ne manquait pas, mais elle attendait des explications et vite. En voyant son visage, elle avait grimacé. Une trace sombre commençait à apparaître, traversant le nez du jeune homme, soulignant ainsi ses beaux yeux bleus. Son arcade aussi venait surligner ce regard déformé. Du coton avait été enfoncé dans ses narines, ce qui n’avait pas totalement empêché le sang de couler.

Si Hannah n’était pas si inquiète et en colère, elle aurait explosé de rire au moment même où il ouvrit la bouche. Avec le temps, elle comprenait parfaitement les paroles de son ami, mais le nez bouché rendait le tout comique - presque inintelligible. « T’as fait quoi ? » Demanda-t-elle tout simplement sans bouger, mais Clyde prit les devants et attacha son canasson avant de lui ordonner de venir. Elle le suivit en jetant un dernier regard vers l’ardoise brisée de son ami. Immédiatement, elle se rappela qu’elle en avait une en trop qui pourrait faire l’affaire. Mais comment faisait-il pour casser toutes ses affaires ? La jeune fille était très précautionneuse avec les siennes et ne comprenait pas qu’on puisse ne pas l’être.

Clyde entra chez les Baxter sans se laisser prier, comme s’il était chez lui. Mais il l’était, chez lui. Depuis le premier jour peut-être. Hannah s’arrêta devant l’entrée pour faire signe à ses camarades de tire. « M’attendez pas. Je laisse ma place à Tim. » Les gars protestèrent, mais elle ne les écouta pas et entra à la suite de Clyde. Ce dernier était agité, froid et plutôt mal en point. « S’il te plaît ? » Renchérit Hannah qui n’était habituellement pas à cheval sur la politesse, mais qui n’aimait pas rester dans l’ignorance. Elle souffla et s’avança vers lui tandis qu’il insultait le monde entier dans un mélange de sa langue maternelle et d’anglais. Il avait l’air d’avoir mal et l’inquiétude prit l’ascendant sur la colère. C’était terrible de le voir comme ça. Elle agita les mains devant le visage du jeune homme pour qu’il prête attention à elle. « Touche pas. » Attrapant son menton sans trop de ménagement, Hannah l’immobilisa pour mieux voir ce qu’il s’était fait. Les yeux plissés, elle souffla du nez et le lâcha, avant de se diriger vers la niche à lait située dans le coin de la cuisine. En se baissant, elle sortit une bouteille en verre qui était encore pleine et la lui tendit. « J’ai que ça de froid ici. Attends-moi. » S’il désirait mal lui parler, elle n’allait pas s’en priver non plus.

Hannah sortit et se dirigea directement vers la chambre de ses parents pour y récupérer une boîte. Celle-ci se trouvait au-dessus de leur armoire et elle dut tirer le rocking-chair pour pouvoir grimper dessus. Ce n’était pas stable, mais elle n’avait pas envie d’aller chercher une chaise. Manquant de tomber, elle se rattrapa au mur et finit par atteindre ce qu’elle voulait. La boîte de secours était hors de portée depuis qu’Hannah et Clyde avaient joué aux docteurs, des années auparavant. Sa mère avait gardé ce vieux réflexe qui n’avait plus aucun sens.

En revenant dans la cuisine, la jeune fille déposa bruyamment la boîte en fer sur la table en bois. Elle l’ouvrit, s’assit et tira sèchement la chaise de Clyde pour le caser entre ses jambes. Ses mollets vinrent enserrer les siens, afin qu’il ne bouge pas trop. Son regard était sévère tandis qu’elle fouillait pour trouver de l’alcool. Quand elle tomba sur le flacon plein d’un liquide transparent, elle en imprégna un chiffon et s’arrêta pour regarder son ami. « Qui t’a fait ça ? » Ces mots, ce ton et ce regard ne laissaient aucun doute sur le sentiment d’Hannah. Il était évident que si quelqu’un avait touché à Clyde, elle voudrait le lui faire payer au centuple. Ne pas pouvoir aller en ville avec lui était frustrant et injuste et quelque part, la jeune fille lui en voulait de ne pas la laisser venir. Avait-il honte d’elle ? Après tout, jamais, jamais, jamais il ne voudrait se marier avec elle, alors peut-être que jamais, jamais, jamais il ne voudrait se montrer avec elle ? Comme pour tous les autres, serait-elle la fille étrange du ranch Baxter ?
À cette pensée, elle avança le tissu imbibé vers la plaie qui striait son arcade. Il fallait désinfecter ça. Du moins, c’est ce que sa mère aurait fait. « T’es défiguré c’est malin. » Lança-t-elle en commençant à tapoter.


Kindred Spirits - 1862
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L’accent du petit étonna Hannah qui fit une grimace. Elle comprenait à peu près ce que Clyde disait, mais ne pouvait pas s’empêcher de tiquer sur chaque mot. Comment osait-il lui parler comme ça ? Elle ? Ne pas savoir tirer ? Absurdité que seul un bébé pouvait sortir. Les yeux de ce garçon lui donnaient un drôle de sentiment. « Plisse pas tes yeux comme ça, tu vas voir flou. Ils sont super clairs. » Hannah sauta de son tronc faisant voler au passage un peu de boue qui tacha sa robe. Elle s’approcha du gamin et pencha la tête sur le côté pour mieux l’observer. La proximité ne la gênait pas, car elle été intriguée par ce qu’elle voyait, comme un enfant face à un petit chien bizarre croisé dans la rue. « Les filles, ça tire plus que les bébés. Et c’est toi la merink. » Elle ne savait pas ce qu’était une meringue et n’osa pas l’avouer, mais dans la bouche de ce petit Écossais, cela sonnait comme une insulte. « Tu viens d’où ? » Demanda Hannah en avançant sur le côté de la maison. Elle se plaqua contre la grange telle une espionne et jeta un œil en direction de l’entrée pour être sûre qu’il n’y ait personne. Les hommes étaient occupés plus loin et ne semblaient pas prêter attention à leur cachette.

Si ce petit bout d’homme voulait avoir affaire à elle, ce n’était pas pour lui déplaire. « Ouais ouais. Moi j’suis américaine. » Son accent n’allait pas dans ce sens, un peu trop imprégné par celui de ses parents. Elle n’allait tout de même pas avouer qu’en réalité elle avait plus de sang anglais qu’américain. Pour elle, déjà à cet âge, c’était une fille de cette terre et de nulle part ailleurs. « Si tu veux jouer à la dinette, tu peux rester là. Moi, je suis une hors-la-loi. » Lança-t-elle, un petit sourire malicieux au coin des lèvres. Elle disparut à l’angle de la grange dans laquelle elle entra après avoir légèrement ouvert la grande porte. Hannah avait laissé Clyde à sa place, mais elle espérait qu’il la suive, car elle voulait lui montrer que ce n’était pas une merink. Ni une fille.

La grange sentait le foin, ce qui ne faisait plus tousser Hannah depuis bien longtemps. La lumière y était diffuse et quelques bêtes qui ne paîtraient pas dehors somnolaient en mâchant de l’avoine séchée. Le bruit de leurs dents qui grinçaient sur les céréales brisait le silence de ce lieu. On pouvait entendre les hommes qui travaillaient dehors et le vent qui caressait le toit. Hannah attrapa une échelle trop lourde pour elle qui avait été placée contre un mur et la tira de toutes ses forces en grognant. Quand le haut décolla de la paroi, elle fit basculer le tout, afin qu’il vienne cogner contre l’étage supérieur. Se frottant les mains, les cheveux pleins de pailles, elle regarda la cime de son château. Très vite, elle monta au sommet, s’embronchant de temps en temps dans ses jupons. « Arg… Mince… Aaah… » Un petit crac sonore signifia qu’elle se ferait gronder à son retour auprès de sa mère. Une fois en haut, elle disparut dans une nuée de poussière et de chaume.

Le calme revint, ne laissant plus que les bêtes et les hommes dehors, jusqu’à ce qu’Hannah repasse la tête par-dessus le vide - car il n’y avait aucune barrière. « Beh alors ? Tu viens pas ? » Elle marqua une pause symbolique, souriant maintenant très franchement. « T’as. Peuuuur ? » La gamine le défiait avec une espièglerie certainement très agaçante.
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Lun 24 Mai - 19:55


Mars 1867



Hannah lui ordonna un peu tard de ne pas toucher à son nez, car le gosse sentait déjà la douleur lancinante lui donner envie d'hurler. Mais il n’en fit rien, préférant avoir l’air d’un homme, d’un vrai, face à son amie qui venait soudain attraper son menton imberbe. Il ne manquerait plus qu’il se laisse aller à gémir comme un bébé, et elle se moquerait de lui pour les années à venir. Hannah lui soupira presque dessus, avant de le lâcher et de s’éloigner vers la niche à lait – pour en sortir une bouteille. Elle lui indiqua alors qu’elle n’avait rien d’autre de frais. « J’m’en contenterais, merci », marmonna le jeune garçon en la suivant des yeux, tandis qu’elle s’éloignait. Plaçant le verre contre l’arête de son nez, il s’autorisa à grimacer maintenant son amie hors de sa vue, articulant un silencieux « fucking hell », et serrant de toutes ses forces le coin de la table dans sa paume.

Clyde crut entendre du vacarme venir de la chambre des parents d’Hannah, comme si un objet venait de tomber, et il demanda : « …tout vas-bien ? ». Il s’avança pour aller l’aider, le cul de la bouteille toujours collé contre son nez, mais déjà la jeune fille réapparue, déposant bruyamment une boîte en fer sur la table. Clyde reconnu cette boite et ne put s’empêcher de sourire, s’autorisant un trait d’humour : « Tu crois que c’est l’bon moment pour jouer au docteur ? ».

La gamine s’assit, et Clyde fit de même, posant à regret la bouteille sur la table. La gosse tira sa chaise pour le rapprocher d’elle, le bloquant avec ses jambes pour qu’il cesse de gigoter. Mais le jeune King était calme. Il observait Hannah fouiller dans la boite, en sortir un flacon et attraper un torchon, tout en se demandant si elle continuerait à faire ça pour lui : à le soigner, mais surtout à être présente pour lui, peu importe ce qu’il ose lui demander. Car après tout, si on en croit les adultes, Baxter deviendra King, non ? C’est l’ordre des choses, n’est-ce pas ? Ou est-ce ce que les grands ont envie de croire ?

Hannah coupa le fil de ses pensées en lui demandant qui était responsable pour ça. Ses yeux appelaient à la revanche, et un sourire en coin presque malicieux s’étira sur le visage du petit brun. C’était l’expression qu’il préférait sur le visage de la jeune fille. Doucement, elle commença à nettoyer l’arcade de Clyde - qui grimaça légèrement sous la brûlure de l’alcool ; en l’accusant d’être défiguré.

« J’suis toujours aussi beau, c’est rien… », plaisanta-t’il en haussant les sourcils avec un air faussement séducteur, réveillant la douleur sur sa tempe, ce qui le fit grimacer à nouveau. L’écossais ne se considérait pas comme particulièrement charmant, au contraire, il avait tellement entendu les autres enfants désigner ses yeux comme « étranges » ou « trop clairs », qu’il s’imaginait avoir une drôle d’allure. Au-delà de ça, son propre physique l’intéressait bien peu.

Quant à la première question d’Hannah, il se contenta de répondre avec une nonchalance feinte : « …un gars d’l’école. Mais il l’a bien cherché. » Presque immédiatement, il regretta ce qu’il venait d’insinuer : qu’il avait commencé la bagarre. Alors, il entreprit de se rattraper : « Si tu avais vu sa tronche à lui ! J’lui ai éclaté mon ardoise sur le nez, ah ça, il ne l’a pas vu venir ! C’était pas beau à voir… ». Il en faisait trop. Déjà, il parlait trop pour son quota habituel de mots, et c’était surtout pour qu’elle évite de lui demander le « pourquoi » derrière cette bagarre. S’il lui donnait assez de détails croustillants, elle oublierait peut-être ce qu’il venait de dire ? « J’pourrais te montrer, si tu veux. Dès que mon nez arrête de saigner », ajouta-t'il en lui lançant un regard de défi.






1862




La meringue lui indiqua qu’il ne devait pas plisser ses yeux s’il ne voulait pas voir flou, mais Clyde ignora sa remarque. Cependant, lorsqu’elle commenta sur leur couleur, il retroqua : « Je sais. »

La laissant faire alors qu’elle s’approchait vivement, le petit Clyde resta stoïque, expression qui deviendra bien des années plus tard sa marque de fabrique. Lorsqu’elle précisa que les filles tiraient plus que les bébés, il plissa à nouveau ses yeux, mais cette fois en y ajoutant un léger, presque imperceptible, sourire. Il osa même la reprendre, faisant preuve d’une insolence nouvelle : « On dit merinGUE ». Mais déjà, elle continuait son interrogatoire en s’éloignant. Clyde commença à la suivre sans même y penser, tout en répondant : « Ecosse, Inverness. » Le gosse économisait ses mots, comme toujours. Hannah lui assura être américaine, ce à quoi le petit ne plus s’empêcher de répondre tout bas, avec un dédain faussement exagéré : « …ça s’voit ».

Tandis qu’elle contournait la grange, elle lui indiqua être une hors-la-loi, et sans laisser au petit garçon le temps de poser des questions, elle disparut. Par chance, c’était le jeu préféré du jeune Clyde, qui se précipita en courant à sa suite. Toussant à cause du foin, il observa les bêtes, quelque peu impressionné, avant d’observer Hannah qui avait presque atteint le haut de l’échelle. D’ici, il pouvait voir sous ses jupons, et après avoir honteusement écarquillé les yeux, il baissa ces derniers jusqu’à entendre qu’elle était finalement arrivée en haut. Il n’avait vu qu’un enchevêtrement de dentelle et de coton, mais c’était déjà beaucoup pour un enfant de son âge à qui on indiquait bien trop souvent que les filles n’étaient pas comme les garçons.

Hannah l’interpella en lui demandant s’il avait peur, et Clyde releva la tête. « Jamais ! », s’écria t’il en attrapant à deux mains les barreaux, grimpant avec plus d’agilité qu’elle sans encombrantes couches de tissus.  Arrivé en haut, il évita soigneusement de regarder vers le bas, peu à son aise en hauteur. Mais il se garda bien de la dire à la jeune fille. A la place, il regarda autour de lui, et faisant mine d’être déçu, il dit : « C’est tout ? C’est ça d’être une hors-la-loi ? ». De ce que son père lui racontait parfois, ça avait l’air bien plus dangereux et palpitant. « J’croyais qu’on allait tirer », ajouta-t’il avec une malice qu’il ne dévoilait que maintenant. Oh, il pouvait être particulièrement inconscient à cet âge, et Hannah venait de réveiller chez lui une curiosité sans limites.



Clyde King
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Mar 13 Juil - 19:50


Mars 1867



Ne connaissant que très peu les garçons de son âge, Hannah avait toujours donné à King la primauté de la beauté à ses yeux. Son regard, sa mâchoire, ses expressions. Il avait quelque chose de différent. C’était également son esprit de contradiction qui s’exprimait, car si beaucoup se moquaient de ses yeux trop bleus, elle, elle ne faisait que s’y perdre. Alors, quand il répondit à sa mauvaise blague, elle ne put empêcher sa lèvre de s’étirer légèrement dans un sourire dissimulé sous la moquerie. « Tu m’en diras tant. »

Elle fronça les sourcils face à l’explication bancale qu’il lui servait. Elle ne comprenait pas l’origine de ces chamailleries qui coûtaient cher à son ami. En réalité, cela avait l’air follement excitant et elle aurait aimé se trouver à ses côtés pour vivre ces aventures hors du ranch. De sa main libre, elle vint tirer sur le front du jeune homme, afin qu’il lève un peu le menton. « Tt-ts. Tu bouges trop. » Alors qu’elle comptait lui demander plus d’explications, une information lui intima de s’engouffrer dans la brèche. « Tu vas me montrer quoi ? Comment tu lui as démoli l’ardoise sur la tête ? Ou le garçon en question ? » Hannah faisait mine d’être concentrée sur son travail et quand la plaie fut assez nettoyée, elle attrapa le menton de Clyde et fit tourner de droite à gauche son visage, afin d’être certaine qu’il ne soit pas blessé ailleurs. « Parce que pour l’ardoise, tu sais très bien que je vais te manger tout cru. » Son sourire et son regard étaient un appel au défi. « Pour le garçon… Moi j’attends toujours que tu me montres là-bas. » Elle hésita un instant, tandis qu’elle plaçait un pansement sur le nez du garçon. « T’as peur que je fasse plus peur que toi ?… Ou t’as honte devant tes amis ? »

La question n’était pas anodine et Hannah eut soudain peur de sa réponse. Voyant que le pansement était bien positionné, elle laissa le courage à d’autres et enroula ses jambes autour de la taille du jeune homme. Après avoir lancé à son ami un sourire de victoire, elle le fit tomber de sa chaise et le bloqua au sol d’un mouvement fluide qui n’avait laissé aucune chance à Clyde. C’était sa réponse face à la panique. Le déni serait plus simple qu’une véritable conversation.

Là, au-dessus de lui, alors qu’elle tenait ses bras, Hannah se mit à rire. Le jeune homme ne devait pas s’attendre à cela et elle non plus en réalité. Elle avait veillé à ce qu’il ne se blesse pas davantage, mais après tout ils étaient déjà tombés de bien plus haut ensemble. « Va falloir qu’on revoie ta défense, King. » Se dégageant, elle s’installa contre le pied de la table et tira sur la chaussette de son ami. « Dis, qu’est-ce qu’il a fait ce chien pour que tu lui montres tes muscles ? »

Elle plongea ses yeux dans ceux de Clyde et se mit à prier pour un tas de raisons. Elle ne voulait pas qu’il lui dise qu’il avait honte d’elle. Elle refusait d’entendre que cela aurait pu être pour une fille et surtout, elle pria très fort pour qu’il ne lui soit jamais arraché. À force de se battre, qu’est-ce qui aurait empêché son père de l’amener loin d’elle pour le recadrer ? Hannah savait pertinemment que l’école n’était pas sa tasse de thé et elle lui en voulait de ne pas travailler. S’il se faisait un jour renvoyer, son père pourrait l’amener à la mine et il n’aurait plus jamais le temps de venir la voir.

Elle prit la décision silencieuse que si un jour Clyde devait trouver un travail, elle ferait tout pour qu’il vienne au ranch avec elle. Hannah était la seule à aimer leurs bêtes et ses frères lui laisseraient volontiers l’entreprise familiale pour vaquer à la vie sauvage des plaines ou retourner en Angleterre. Ainsi, Baxter et King pourraient diriger le ranch côte à côte. Ils n’auraient plus de problème d’école ou de travail et encore moins de parents. Et si le père de Clyde refusait, Hannah et lui s’enfuiraient.





1862


Hannah fut agréablement surprise de la témérité du garçon. Les bêtes commençaient à s’agiter en contrebas, tandis que Clyde grimpait plus facilement que la princesse des lieux. Vexée, cette dernière croisa les bras en attendant qu’il daigne la rejoindre. Au milieu de la paille, elle ressemblait à un gros œuf de Pâques qu’on a installé dans un panier beaucoup trop grand.

Cet endroit était son préféré de toute la ferme. Il renfermait tous ses secrets et personne ne la trouvait jamais là-haut. Ses frères avaient trop peur d’y monter et son père était assez respectueux pour ne pas révéler son secret lorsqu’il venait installer les bottes de paille pour les bêtes. Hannah s’y cachait quand Elizabeth pestait pour que sa fille vienne broder, quand Percy l’avait tapé si fort qu’elle devait cacher ses larmes et étouffer ses pleurs ou quand George l’avait une nouvelle fois humiliée devant ses copains. Le toit de la grange avait vu ses larmes un bon nombre de fois, mais aussi sa colère, ses rêveries et ses bêtises. Elle était venue y panser des bobos, dissimuler un livre abîmé ou ses vêtements tachés.

En venant dans sa cachette, elle n’avait aucune idée des jeux qu’ils auraient pu inventer. Elle pensait même que le garçon n’aurait pas osé la suivre et se trouva bien démuni.
Elle le regarda en fronçant les sourcils et souleva le menton comme une lady vexée, ou un chat à qui on a donné la mauvaise pâtée. « Il faut le mériter pour être un hors-la-loi. » Elle s’éloigna à quatre pattes vers un coin de l’étage et attrapa une petite boîte. En l’ouvrant, elle eut le visage lumineux de celle qui a trouvé un grand trésor. Elle effleura ses objets du bout des doigts, hésitant sur la marche à suivre jusqu’à tomber sur une aiguille. Certaine de son idée, elle revint auprès de Clyde. « Donne ta main. » Hannah ne savait pas y faire avec les autres enfants, mais elle avait vu ses frères faire un bon nombre de fois et un pacte semblait être une bonne idée.

Elle tendit la main et piqua un de ses doigts en veillant à ne pas tressaillir, pour paraître forte. Une petite bille de sang apparut rapidement et elle fit signe à Clyde d’avancer sa main. « C’est comme ça qu’on devient un vrai hors-la-loi. C’est Levi Boone Helm en personne qui me l’a dit. Faut piquer et après on se fait une poignée de main et après… » Ses yeux pétillants ne disaient rien de bon quant à la suite des opérations. « Après je te prête le colt de mon papi. » Bien sûr, elle ne connaissait pas de Levi Boone Helm, mais il faisait partie des noms figurant dans les textes interdits par sa mère. Un cannibale, apparemment.
Sans attendre, elle piqua le doigt de son nouvel ami et quand la goutte de sang apparut, elle serra sa main contre la sienne. La paume du garçon était chaude et moite. « Clyde c’est bien comme nom de hors-la-loi. Ça sera bien sûr les affiches. »

En se déplaçant sur les genoux, écorchant ses bas, elle retourna à sa boîte et sortit un colt bordé d’ivoire. Des arabesques parcouraient la poignée et le canon était gravé au nom de Jacob Baxter. Cette pièce de collection avait disparu de la chambre du grand-père quelques mois plus tôt. Hannah n’était pas une voleuse - à cette époque - mais quand il partait, elle se retrouvait seule avec elle-même et les poupées, ça ne tire pas.

« T’as déjà tiré ? » Demanda-t-elle en plissant les yeux pour observer s’il mentait. Elle pointa du doigt l’ouverture ovale dans le mur, en face d’eux. « T’arriverais à tirer là ? » Elle désigna finalement un poupon en porcelaine posé sur le sol, qui avait déjà côtoyé le colt d’un peu trop prêt. Il avait été transpercé d’une balle en plein dans la joue et le reste du visage était fissuré. Il observait les deux enfants de son unique œil, prêt à le perdre lui aussi.

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