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Guns & WhiskyFORUM WESTERN · NOUS SOMME EN ÉTÉ

1889. À la lisière de l'Etat de New Hanover, la petite ville forestière d'Imogen compte un peu plus de 500 habitants. Plus connue pour ses ranchs que pour ses pépites, elle est l’exacte représentation des espoirs et des échecs de tous ceux qui ont pu croire au rêve américain. Son seul lien avec la civilisation est le chemin de terre creusé par le passage des diligences, droit vers la station de gare de l'autre côté de la frontière qui mène vers l'Etat de West Esperanza. Cette route est connue pour ses braquages incessants, causés par le gang des O’Reilly. En plus de terroriser la population - leurs méfaits sont racontés dans tous les journaux de la région ; ils rendent périlleux les voyages vers la grande ville : Silverstone. Cité minière dirigée par la respectable famille des Rosenbach, prospère et moderne ; on pourrait presque croire que c’est un lieu où il fait bon vivre. Mais, derrière la bonhomie de son shérif, les sourires de ses prostituées et les façades fraîchement repeintes, l'influence criminelle du Silver Gang grandit de jour en jour. Lire la suite

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Clyde King est la fondatrice du forum ! Elle se genre au féminin et ses autres comptes sont : Isaac, Mila, Amitola et Cole. PROFIL + MP
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Makoyepuk est modératrice du forum ! Elle se genre au féminin et ses autres comptes sont : Kilian, Ichabod, Amelia, Benicio et Howard. PROFIL + MP
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On ne cherche pas de nouveau Shérif pour l'instant, mais qui sait, un jour tu feras peut-être régner l'ordre et la lois sur ce forum ?
FAIT DIVERSDepuis l'attaque de la banque, Mr le maire, Henry Rosenbach, invite les citoyens à redoubler de prudence - il craint que cet acte n'inspire d'autres scélérats, et met en garde ses concitoyens quant au danger qui rôde dans les grandes plaines. Ainsi, il préconnise les voitures de poste, ou encore le train pour se déplacer.
BONNES AFFAIRESN'oubliez pas de passez par le quartier commerçant de Silverstone pour faire vos emplettes dans l'épicerie des Rinaldi ! Vous y trouverez moultes boîtes de conserve, ainsi que quelques plats tout chaud, tout droit sortis de la cuisine et parfois même servi par la petite fille des propriétaires.
RUMEURUn prisonnier se serait échappé du Fort de Silverstone. Les rumeurs les plus folles circulent : certains s'imaginent qu'il s'agit encore d'un coup des bandits qui ont attaqué la banque, d'autres, un peu moins terre-à-terre, parlent d'une attaque d'anciens confédérés. La justice, quant à elle, ne commente aucune e ces hypothèses.
PETITE ANNONCEDepuis la fonte des neiges, le village d'Imogen est fière d'annoncer la réouverture de son marché agricole ! Chaque mercredi, les producteurs de New Hanover sont invités à monter leur stand dans la rue principale et faire commerce de leur légumes, viandes, poules et autres peaux ! Troc autorisé.
RUMEURDes histoires de Dame Blanche circulent dans la région de West Esperanza : certains habitants de Silverstone et des alentours jurent avoir apperçu un fantôme ! Les plus jeunes s'amusent même à invoquer l'ectoplasme dans un nouveau jeu ridicule - mais qui passera bientôt de mode : celui du ouija. Le temple prie pour leur salut.
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i lost something in the hills | clyde x hannah
Clyde King
Clyde King
Since : 19/11/2019
Messages : 617
Name : Maëlle.
Faceclaim : Cillian fucking murphy.
Crédits : gifs signature par sparkling-lux.
DC : mila + cole + isaac + amitola
i lost something in the hills | clyde x hannah 992e1b28aeabc748c0bb49537f71ac0b5102de06
Age : 36 ans.
Statut : Le cœur noyé dans le fond d'une bouteille de Gin.
Job : Homme de main pour les O'Reilly, gunslinger.
Habitation : Campement des O'Reilly, Moonstone Pond.
Disponibilité : 3/3
Jeu 19 Nov - 17:53
Le jour était tombé depuis moins d’une heure sur Moonstone Pond, mais le scintillement des étoiles se reflétait déjà dans l’eau du lac.

Clyde s’y observait, regardant avec peine l’homme qu’il était devenu. Les contours de son visage étaient éclairés par la faible lueur de sa cigarette, lui donnant des allures fantomatiques. Il ne trouvait aucune fierté dans l’état de dépravation qu’il cultivait jour après jour. Pourtant, il ne pouvait pas s’en empêcher. En échos à ses pensées, il attrapa la bouteille de Gin posée à ses côtés, et bu quelques gorgées directement au goulot. La boisson était mauvaise et de piètre qualité, mais ça faisait longtemps qu’il ne s’intéressait plus au goût lorsqu’il choisissait son alcool. Fatigué, il envoya sa fin de cigarette dans l’eau, troublant le miroir que lui offrait le lac.

Se relevant avec peine, il s’avança vers le campement pour faire un crochet par sa tente avant de se mettre en selle. Les autres membres de la bande étaient regroupées autour du feu, chantant des chansons paillardes ou jouant aux cartes. Le brun n’avait aucune envie de les rejoindre. Leur gaité lui donnait la nausée. Portant à nouveau la bouteille à sa bouche, il renversa un peu du liquide sur sa chemise et s’énerva contre lui-même, sa voix se perdant dans la nuit. Mae Matthews tourna soudain vers lui, et le brun crut apercevoir de la pitié dans les prunelles brunes de la lieutenante. Cette vision l’agaça tant qu’il s’empressa de récupérer ce dont il avait besoin, et se mit à cheval sans même prendre le temps de seller son canasson. Monter à cru n’était pas dans ses habitudes, mais cette soirée n’avait d’habituel que sa consommation d’alcool. Sa fidèle casquette était restée dans sa tente, et de ses précieux colts, un seul pendait à sa ceinture.

Il dépassa rapidement le lac par West River. Une fois loin du campement, il fit galoper sa bête. En quête d’adrénaline, il la poussa autant qu’il le pouvait. La vitesse était grisante, comme le râle de l’animal qui se mêlait au sien. L’air frais de la nuit venait mordre la peau de l’écossais, s’engouffrant sous sa mince chemise, apaisant la chaleur de sa rage.

Il fit ralentir son cheval en apercevant les lumières de sa destination. Tapotant l’encolure de sa monture, il observa le Ranch Baxter qui se découpait au loin. Le brun n’avait pas mis les pieds sur ces terres depuis presque vingt-ans. Il n’était pas sûr de lui, ni de la raison qui le poussait à se rendre en ces lieux ce soir. Tout ce dont il était certain, c’est que ça ne pouvait pas être pire que la dernière fois.

Il y était presque, il n’allait pas faire demi-tour maintenant.














Clyde entra sans frapper.

Il tourna simplement la poignée, comme il l’avait fait des centaines de fois étant enfant. Il avait vu de la lumière, et se contentait de cette information. Balançant sur le premier meuble face à lui une liasse de billets froissés, il dit simplement : « T’aurais dû m’tuer, tu sais. Ça m’aurait évité bien des ennuis. »

La dernière fois qu’ils s’étaient vus ici, ils étaient encore des enfants. Innocents mômes malmenés par la vie, ils partageaient quelque chose que le temps avait détruit, que la mort avait entaché, et dont il ne restait que de vagues souvenirs poussiéreux.

Pourtant, Clyde avait l’impression d’être le même.
(c) AMIANTE

Clyde King
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Jeu 19 Nov - 22:34
Le soir, quand Hannah ne s’occupait pas des chevaux, elle aimait s’installer devant un feu, avec une bouteille de whisky. Son goût pour la lecture était très limité et elle préférait la profondeur de son imagination et de ses pensées, aux écrits ennuyeux.
Dans le ranch Baxter, une étonnante chaleur parcourait les pièces. Hannah avait allumé des bougies dans le salon et la cuisine, mais également dans sa chambre. Elle n’aimait pas être dans le noir, ici. Cela lui rappelait de mauvais souvenirs. Les flammes vacillantes avaient transformé le ranch en théâtre des ombres. Le crépitement du feu de cheminée venait perfectionner cette atmosphère chaleureuse.
Hannah se sentait bien, sous son plaide usé jusqu’à la corde. Elle porta son verre à ses lèvres et sentit la chaleur du whisky lui couler dans la gorge. Elle n’avait jamais réellement arrêté de boire, même si ce n’était plus son alcoolisme d’adolescence. Elle ne buvait que de temps en temps, sans se vomir dessus en oubliant tout de ses journées. Elle pensa à cette période et un frisson lui parcourut les avant-bras. Hannah s’enfonça dans son fauteuil et soupira. La journée avait été dure et elle n’avait pas pris le temps de souper ou d’enlever son corset. Elle portait encore sa jupe en laine et une chemine en lin, dans des tons sombres. Tout en se penchant en avant, Hannah se resservit un verre de whisky, les yeux plongés dans les flammes. Alors qu’elle savourait ce moment paisiblement, un bruit l’alerta. Il y avait quelque chose autour du ranch. La brune attrapa sa winchester posée contre un mur, mais n’eut pas le temps de la lever que la porte s’ouvrit, laissant apparaître un homme. Hannah écarquilla les yeux et un frisson lui chatouilla le crâne. Elle était surprise, mais pas dans le bon sens du terme. Elle leva son arme, car face à elle : un fantôme. Il venait de poser une liasse de billets sur son buffet, comme s’il habitait ici. Avec elle.
L’homme en face d’elle, c’était Clyde. Clyde King. Elle n’avait pas été surprise de le voir pendant le braquage, mais elle ne s’était jamais dit qu’il pourrait encore fouler le pas de cette porte. Il lui avait brisé le coeur, sans le savoir. Clyde, c’était l’ami qu’elle avait eu dans son autre vie. Dans sa vie de légèreté et de bonheur. Avant de tomber dans la longue nuit qui la tiraillait depuis maintenant plus de vingt ans. Il ne lui avait pas brisé le coeur en la laissant seule, car c’est ce qu’elle avait voulu à cette époque. Il l’avait trahi en devenant l’homme qu’il était aujourd’hui. Aussi abîmé qu’elle. Elle se voyait dans ses yeux et ça la terrifiait. Ils n’avaient pas grandi ensemble, mais il lui semblait qu’ils faisaient les mêmes erreurs. C’est son amour d’enfant qui désirait qu’il s’en sorte, ce qui n’était pas arrivé. Peut-être la culpabilité de l’avoir repoussé, quand ils en avaient le plus besoin.
Seulement, ils étaient devenus des inconnus et ce n’était pas un geste de preux chevalier qui allait tout effacer. Elle ne savait pas qui il était et elle ne voulait peut-être pas le savoir. Clyde, c’était le bain d’eau glacée, avant une tornade de flammes. Il la ramenait des années en arrière, ravivant l’espoir de ne plus être seule.
À cette pensée, Hannah visa la tête de Clyde, le regard crispé. Il n’avait pas le droit d’entrer ici.

« T’aurais dû m’tuer, tu sais. Ça m’aurait évité bien des ennuis. »

Il parlait du braquage et Hannah comprit qu’il cherchait simplement un moyen de la voir. Du moins, c’est ce qu’elle croyait comprendre. Il faisait un pas vers elle, mais un pas bien trop violent.

« Qu’est-ce que tu fous chez moi ? » murmura Hannah entre ses dents. Sur ces paroles, elle tira sur le chien de son fusil et se crispa un peu plus.

« On a plus douze ans, Clyde. Tu rentres pas ici comme si t’étais chez toi. Tu veux quoi ? C’est quoi ce fric Clyde ? »

Elle répétait ce nom, comme pour se convaincre.
Se convaincre qu’il ne fallait pas tirer, que ce n’était pas un fantôme, mais qu’il n’était plus non plus l’enfant qu’elle avait connu. Elle le reconnaissait à peine. Son visage était maintenant marqué et ses pommettes saillantes. Ses yeux, pourtant, n’avaient pas changé. Peut-être un peu… Car un voile de douleur les recouvrait. Mais c’était ses yeux.
Elle réenclencha le chien de sa winchester et la baissa. Sans pour autant la poser.

« Tu veux que j’te butes Clyde ? » Elle lui sourit. Un sourire de défi. « Pour ça, j’n’aurais qu’à te proposer une goutte d’alcool. Apparemment, il te faut pas plus. »

Hannah le regarda de haut en bas et elle soupira. Ce n’était pas de la pitié dans ses yeux, mais de la colère.
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Sam 12 Déc - 21:06
Hannah lui demanda ce qu’il foutait là, mais le brun ne broncha pas. Il ne savait pas vraiment, pour être honnête. Il avait simplement suivi son instinct, chose qu’il faisait de plus en plus ces derniers temps.

Elle n’avait pas changé à ses yeux. Si son corps avait mûri, vieilli, grandi, elle avait toujours quatorze ans pour Clyde. Toujours cette enfant sauvage qu’il avait réussi, malgré lui, à apprivoiser. De la même façon, l’écossais avait à nouveau douze ans. Turbulent et immature, il n’était pas certain d’avoir dépassé cette phase, ni d’avoir réellement évolué depuis. Il était toujours inconscient et agité, mais au-delà de ça, il restait le même. Juste un peu plus de sang sur les mains et de fantômes dans ses songes.

Elle continua son interrogatoire, enclenchant le chien de son fusil, en lui demandant ce qu’il voulait, et ce qu’était le fric.

« Ta part… », se contenta-t-il de répondre, fixant le canon de la winchester pointé sur lui, en venant glisser ses mains dans ses poches. Patient, il clignait à peine des yeux, attendant de voir si elle allait ou non lui tirer dessus. Il n’avait pas peur. Qu’elle tire, lui disait la petite voix dans sa tête. Si quelqu’un doit nettoyer tes restes, que ce soit elle. Hannah n’aura pas de pitié, il n’y aura pas de cérémonie stupide. Elle enverra p’t’être même tes restes nourrir les cochons, conclu sa conscience.

Évidemment, le brun ne s’était pas servi dans la caisse du clan pour ramener la liasse. Il avait pioché dans ses économies, se trouvant une excuse pour aller la voir. C’était de l’argent en moins à dépenser en clopes et en alcool, grand bien lui fasse. Sa raison voyait ça comme un investissement pour sa santé, son âme, une bonne excuse pour retrouver un peu d’humanité.

Clyde observa son amie d’enfance réenclencher le chien de son arme et la baisser. Elle ne la lâchait pas pour autant. Lorsque la brune lui demanda s’il voulait qu’elle l’achève, King se contenta d’hausser les épaules. C’était peut-être pour ça que son instinct l’avait conduit là. Pour qu’elle signe sa fin sans joie, ni remords. Hannah fit une remarque sur la quantité d’alcool dont il était imprégné, létale selon elle, et l’écossais regarda autour de lui avant de dire : « Sers-moi un verre, alors. »

S’approchant d’un pas, il tourna la tête vers la liasse de billets, la pointant nonchalamment du doigt, en ajoutant : « 200 dollars en petites coupures. Et si après m’avoir servi ce verre, tu me ramènes au shérif du coin, tu peux ajouter au moins 1000 dollars… ». Calme, sérieux, il n’était pas vraiment sûr de plaisanter. Se tournant à nouveau pour observer les lieux, il eut la sensation amer d’être de retour 20 ans en arrière. C’était une sensation étrange et désagréable, que King s’empressa de refouler. Il aperçut un verre contenant un liquide ambré posé près de la cheminée, et lança alors un coup d’œil à la maîtresse des lieux : « Si tu veux m’achever Hannah, fait le au moins avec ton meilleur whisky… prends ça pour ma dernière volonté. »


(c) AMIANTE

Clyde King
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Mer 16 Déc - 22:38


« Sers-moi un verre, alors. »

Hannah regardait l’animal blessé dans son salon. Il avait l’air las, d’une tristesse sans nom. Comment tu peux hausser les épaules Clyde ? T’as vraiment pas d’cervelle ? Elle sentait sa gorge se serrer. Un tourbillon de sentiments passait dans son âme si peu pieuse. Revoir un fantôme était déjà une chose si déstabilisante, mais le voir ici pour mourir, c’était d’une tragédie terrible. Elle avait envie de le faire boire jusqu’à ce qu’il tombe à terre avant de l’enfermer pour qu’il vide son corps de toute trace d’alcool. Ce qui l’effrayait le plus, dans ce visage macabre, c’était qu’elle le connaissait déjà.

La brune accepta qu’il s’approche, sa main crispée. Il faut toujours se méfier d’un chien blessé. Elle tourna la tête vers les billets, le visage fermé. Pourtant, à la mention de la prime, un sourire se dessina sur le coin de ses lèvres. Seulement, il s’évanouit immédiatement dans un sentiment de haine, quand Hannah comprit qu’il observait la pièce. Dans la flamme des bougies dansaient des âmes qu’elle n’avait plus vues depuis des années. Elle se rappela de Jacob, qui appréciait tout particulièrement le petit King. Il espérait beaucoup d’un mariage d’amour entre les deux êtres, car il savait qu’Hannah ne trouverait jamais quelqu’un qui pourrait l’apprivoiser. « C’est un bon p’tit, ce Clyde. Tu l’boufferas pas lui ma p’tite Hann. » La brune sentit une main invisible caresser sa joue et elle ferma les yeux.

La présence de cet homme lui faisait même regretter ses parents, ses frères et toute une vie qui ne lui correspondait plus. P’tin King. Casse-toi. Il faisait remonter tant de choses. C’était pour ça qu’elle avait fui quand ils étaient jeunes. Elle ne voulait pas être CETTE Hannah. Celle qui pouvait ressentir réellement autre chose que de la colère, car c’était ces autres sentiments qui la faisaient souffrir et l’affaiblissaient. Mais elle n’avait pas le choix.

La voix de Clyde vint bousculer Hannah qui était restée silencieuse. Pour qui il se prend ? Elle ouvrit les yeux et se tourna immédiatement. Elle lui montrait son dos. Elle préférait qu’il la tue, plutôt qu’il devine ce qu’elle pouvait ressentir. Égo mal placé.

Hannah posa sa winchester contre le mur, attrapa un autre verre sur l’étagère d’un vaisselier et s’empara de la bouteille qu’elle avait entamée. La fille Baxter observa le liquide et sans un mot, elle reposa le whisky à sa place. Sa démarche était calme, pourtant ses sentiments ne s’étaient pas apaisés. Ils étaient prêts à exploser. Elle ressortit d’une armoire aux portes branlante une bouteille de whisky poussiéreuse. On aurait pu croire qu’il s’agissait d’un grand cru, bien vieux et à point. Sauf qu’en réalité, c’était une vieille bouteille que personne ne buvait, car elle n’était clairement pas bonne.

Elle fit signe à Clyde de s’asseoir à la table proche de la cheminée. Hannah n’avait pas envie de parler. Pas tout de suite. Sa gorge était serrée et elle n’aurait pas réussi à prononcer un seul petit mot. Minutieusement, elle déposa les deux verres sur la table, ainsi que la bouteille, avant de se diriger vers son fauteuil, afin de récupérer un colt glissé à l’intérieur. Elle en profita pour soulever une des lattes du plancher et en sortit une autre bouteille. Un whisky qu’elle se gardait pour les grandes occasions : un braquage exceptionnel, la découverte du secret des Baxter ou sa mort imminente. Elle plaça l’arme sur la table, dans la direction de Clyde et remplie son verre du liquide hors de prix, avant de verser la piquette dans celui de son ami d’enfance.

Son rituel s’arrêta, quand elle plongea ses yeux bruns dans ceux de Clyde. Il n’avait pas peur d’elle, s’il était venu chercher la mort. Alors, elle attrapa sa mâchoire et tandis que la pulpe de ses doigts s’enfonçait dans la peau dure de King, elle l’observa. Tout d’abord, elle tourna ce visage de droite à gauche, regardant chaque trait de ce qui n’était plus un fantôme. Le contact de leurs peaux avait fait remonter un frisson de sa main jusqu’à sa nuque.

L’analysant comme on analyse un animal blessé pour décider de la façon dont il va mourir, Hannah replaça ce visage trop familier face à elle. Ils étaient proches, mais cette limite qu’elle avait franchie ne la dérangeait pas.

Elle n’avait pas ouvert la bouche. Elle ne le pouvait pas. Elle était tiraillée entre l’idée de le gifler et l’envie de l’embrasser. Sa mâchoire à elle était serrée à s’en faire mal. Elle n’avait jamais aimé tuer un chien dont elle était finalement attachée. Sa main droite intensifia son emprise, quand elle approcha sa main gauche de la table, comme pour attraper le whisky, ou l’arme. En réalité, elle ne savait pas ce qu’elle allait prendre. Elle s’arrêta.

« Tu sais ce que je vois ? » Demanda-t-elle, en essayant de contrôler les mouvements de sa voix. « J’me vois moi, y a une vingtaine d’années. » Son souffle était presque coupé. Elle suffoquait. « J’avais envie d’crever moi aussi. J’faisais tout pour. » Ses phrases étaient courtes, car elle sentait que sa gorge pouvait refuser de laisser sortir ces mots d’une seconde à l’autre. « Sauf que j’me suis rendu compte que j’pleurais pas que par manque. J’voulais crever par peur. Quand ils sont partis, ils m’ont libéré. J’aurais pas pu survivre en Angleterre. Alors j’ai eu honte de pouvoir vivre et pas eux. » Sa main glissa sur le colt. « Toi t’as quel âge ? Trente-deux ? T’as honte de quoi ? T’as perdu un truc ? »

La main d’Hannah vint porter vers Clyde le verre qu’elle avait servi. Ses doigts glissèrent sur la peau de l’homme, dans une caresse bien loin de la gifle qu’elle aurait aimé lui asséner.
« C’est quoi qui t’rend assez faible pour venir ici et me donner le droit de te tuer ? Moi, le Clyde que j’ai connu, il aurait donné ce droit à personne. Même pas à moi… » La brune posa ses doigts frais contre la joue de Clyde, le visage toujours fermé, mais les yeux qui laissaient entrevoir les tourbillons de son esprit. Cette caresse, elle n’aurait jamais osé l’offrir quand ils étaient jeunes et pourtant elle en avait bien plus envie que maintenant. La peau blanche de Clyde glissa difficilement sous ses doigts et elle dessina les contours de son visage. Elle le voyait comme pour la première fois. Entre la haine et le pardon, elle avait fait un choix. Rien à foutre qu’tu sois mourant pensa-t-elle, demande à qui tu veux, mais pas à moi. J’peux pas te faire ça. Depuis le massacre, Hannah n’avait jamais réussi à se débarrasser de ses bêtes, hormis pour abréger leurs souffrances. Et même dans ces cas-là, le coup de feu ne partait qu’avec un torrent de larmes. C’était sa dernière sensibilité. Les êtres qu’elle aimait, elle ne pouvait plus s’en séparer.

La main pâle d’Hannah caressa les lèvres de Clyde, puis passa dans ses cheveux, avant de se détacher de ce visage qu’elle avait tant aimé. La brune posa le verre dans la main de King et s’assit en face de lui, levant son propre verre. Elle ferma les yeux et tenta de calmer son coeur.

« À ta mort. Ou la mienne. » Ses yeux bruns se dévoilèrent, humides, s’éloignant de cette tornade qui l’avait animé. Quand elle avala une gorgée du liquide brulant, Hannah comprit qu’elle ne rêvait plus et qu’en face d’elle, c’était son passé à l’agonie qui la ranimait.
(c) AMIANTE

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Clyde King
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Lun 1 Fév - 23:12



Il est connu qu’un animal sauvage cherche à se cacher pour mourir. À l’abri des prédateurs, il se terre, persuadé qu’il aura ainsi plus de chances de survivre, ou convaincu que l’heure de sa fin sera plus douce. Et lorsque la mort l’emporte, son corps s’éteint dans la solitude de sa funeste cachette, et finit par se décomposer, oublié à la vitesse nécessaire aux vers pour effacer ce qui a un jour vécu. Si Clyde ferrait volontiers croire le contraire, il tient plus du chien errant que du loup ce soir-là, cherchant désespérément de l’aide auprès d’un humain pour ne pas mourir seul, animal qui fut une fois apprivoisé et qui ne peut se résoudre à l’oublier.

C’est ainsi qu’odieux, il se permet de débarquer chez Hannah après être sagement resté à l’écart pendant des années. Rongé par des maux qu’il s’inflige presque volontairement, il lui crache au visage son mal-être et ses pensées suicidaires dans l’espoir contradictoire qu’elle lui tende la main ou qu’elle abrège ses souffrances. Égoïste, il ne comprend pas pourquoi elle se tourne lorsqu’il réclame un verre. Il l’observe alors poser sa winchester et s’affairer auprès de son vaisselier. Las, il se retient de soupirer, ravalant les autres horreurs qui ne demandent qu’à franchir ses lèvres.

Il obéit lorsqu’elle lui fait signe de s’asseoir, et se laisse nonchalamment tomber dans un fauteuil. Les jambes écartées, le haut du corps affalé contre le dossier du siège, il penche doucement la tête en la regardant déposer des verres sur la table, puis une bouteille et enfin un colt. Il fixe ce dernier quelques secondes, y cherchant ce qu’il est venu trouver. Mais rien ne se passe. Son pouls ne s’emballe pas, et aucun frisson ne vient parcourir sa peau. La vue de l’arme le laisse de marbre, et il ne sait pas s’il doit s’en réjouir ou s’en inquiéter. Alors, il déglutit et s’apprête à sortir son étui à cigarettes de sa poche, lorsqu’Hannah plonge ses yeux bruns dans les siens. Il soutient son regard avec plus de difficulté qu’il ne l’aurait cru, la suppliant silencieusement d’en finir avec lui, ne sachant dire si c’est l’homme en face d’elle ou l’enfant qu’elle a connu qui en fait la demande.

Il se laisse également faire lorsqu’elle attrape son visage d’une main. Il serre simplement la mâchoire, le contact de sa peau froide contre la sienne le surprenant bien plus qu’il ne veut l’admettre. Concentré sur la sensation de ses ongles sur ses joues pourtant creuses, il cherche ensuite à lire dans le regard de la jeune femme ce qu’elle peut bien penser. Hélas, il en est incapable, à force d’embrumer ses sens dans l’alcool, il y laisse sa capacité à comprendre les autres humains, à voir clairement ce qui se présente devant ses yeux.

Il a envie qu’elle lui parle, même si c’est pour l’insulter. Il accepterait même qu’elle le gifle, si cela pouvait lui permettre de ressentir quelque chose. Mais Hannah se contente de l’étudier, resserrant sa poigne sur sa mâchoire, l’air concentrée. Du coin de l’œil il voit bouger la main gauche de la jeune femme, et rester suspendue dans l’air, comme hésitante. Clyde ne détache pas pour autant son regard des yeux bruns de celle qui fut un jour son amie, s’apprêtant à prendre la parole lorsqu’elle le devance.

Ses mots sont durs, tant par leur sens que par la difficulté qu’elle semble avoir à les prononcer. Paroles épreintes d’une douleur que Clyde ne peut que soupçonner, il l’écoute attentivement lui dévoiler ce qu’il a attendu qu’elle lui dise pendant plusieurs années. Il a patienté inlassablement qu’elle vienne le trouver, à défaut de ne pas pouvoir lui imposer sa présence, jusqu'au jour où il fut clair qu'elle ne viendrait jamais. Il comprenait maintenant qu’elle avait parfaitement idée de ce qui lui arrivait ce soir, et il était plutôt misérable de sa part étaler ses problèmes comme si elle ne pouvait rien ressentir, rien comprendre, ne pas être touchée.

Lorsqu’Hannah le questionna sur ce qui pouvait bien le pousser à se comporter de la sorte, il ne put s’empêcher de sentir pathétique. Il était là, à enchaîner les gueules de bois, même plus assez lucide pour se rendre compte de la tristesse de son geste. Il avait peut-être l’impression d’être au fond du trou, mais se retrouver à quémander qu’on l’achève comme un clébard en fin de vie relevait du tragique. Pourtant, il n’y renonçait pas non plus, lamentablement têtu.

Tandis qu’il restait immobile, Hannah fit glisser un verre vers lui, caressant au passage sa peau, réveillant la sensibilité de cette dernière. Elle lui adressa avec les mots justes, une question qui eut pour effet de le sortir de son stoïcisme renfrogné. « C’est quoi qui t’rend assez faible pour venir ici et me donner le droit de te tuer ? Moi, le Clyde que j’ai connu, il aurait donné ce droit à personne. Même pas à moi… ». Ses mots résonnent comme le tonnerre après une chaude journée d’été, éclatant dans la lourdeur de l’atmosphère. Clyde n’était plus le gamin insolent qu’elle avait connu. Il n’était même plus l’ombre de lui-même, de l’adulte rancunier et bagarreur qu’il était devenu. Il n’était qu’un corps las, qui n’avait que pour seul objectif d'épancher sa soif et d’y noyer ses démons.

Là où Hannah semblait avoir pris sa revanche sur la vie, il avait laissé cette dernière avoir le dernier mot sans même se battre.

Puis, alors qu’il s’apprêtait à se renfermer un peu plus sur lui-même, Hannah vint doucement frôler sa joue, du bout des doigts. Le frisson qui parcourut sa peau à ce moment-là fut presque dérangeant tant il était inattendu. Clyde entrouvrit alors la bouche inconsciemment, entre la surprise et la supplique, incapable de dire s’il voulait qu’elle s’arrête ou qu’elle continue. « Baxter… », souffla-t-il, légèrement désemparé. Mais elle ne lui demanda pas son avis, et sa main vint caresser le reste de son visage, de la courbe de ses pommettes à l’angle de sa mâchoire. Si Clyde tenait dans sa main droite le verre qu’elle lui avait tendu un peu plus tôt, sa main gauche s’accrochait fermement au bord de l’accoudoir.

Là où la brune passait ses doigts, il en observait le reflet chez elle, suivant alors les contours de son visage, s’attardant sur ses taches de rousseur, et ses traits à la fois si familiers et inconnus. Si Hannah ne le laissait pas indifférent lorsqu’il était enfant, c’était maintenant avec des yeux d’adulte qu’il l’observait.

La main froide d’Hannah caressa ensuite les lèvres de Clyde, geste qui le troubla profondément, assez pour qu’il ferme les yeux, sourcils froncés... Il les réouvrit seulement lorsqu’il la sentit se reculer, et il découvrit alors qu’elle avait à son tour les paupières closes. Baissant les yeux vers son verre, il passa sa main libre sur son visage pour y faire fuir les traînées brûlantes laissés par la brune, tandis que cette dernière lèvait son propre verre devant elle, lâchant quelques mots dans l’air comme des balles tirées vers le ciel.

« À ta mort. Ou la mienne. »

Clyde releva alors les yeux vers son bourreau du soir, mais il se retrouva incapable de faire face à son regard lorsqu’il qu’il aperçu que ce dernier était humide. Lâche dans ce genre de situation, il s’empressa de boire d’une traite son verre, non sans grimacer. Ca fait bien longtemps qu’il ne se questionne plus sur la qualité de qui coule dans sa gorge, mais il sait reconnaître un mauvais whisky quand on lui en sert un.  

En écho aux paroles d’Hannah, son regard revient alors au colt pointé dans sa direction. Lui qui était venu ici, désespéré de ressentir quelque chose, que ça soit la douleur d’une balle tirée entre ses deux yeux ou une gifle bien méritée, n’avait eu besoin que de quelques caresses pour se rendre compte qu’il était bel et bien terriblement seul, et que c'était là la plus insupportable des douleurs.



Alors il se relève et s’approche d’elle. Essuyant ses mains pourtant propres sur le revers de son pantalon, il vient s’accroupir à ses côtés, s’asseyant sur le bord de la table qui jusque-là faisait barrière entre eux. Son visage maintenant plus proche que jamais de celui de la brune, il se plonge ses prunelles claires dans les siennes, de la même manière qu’elle l’a fait pour le jauger un peu plus tôt. Avec toute la sincérité dont il est capable, il dit : « J’suis désolé, Baxter. J’aurais pas dû venir. » J’suis qu’un con, oublie-t-il de dire, mais il sait très bien qu’elle le sait déjà. La voir avec les yeux humides juste à cause de sa présence et de son manque de jugement, même sans larmes, le fait culpabiliser suffisamment pour qu’il retire le masque d’insolence et de confiance en soi qu’il aime balancer à tort et à travers a la face des autres. Se retournant pour attraper le petit colt, il le prend entre ses mains étonnement précises pour un ivrogne, et le manipule sans même le regarder, reportant son regard sur Hannah.

« T’as demandé ce qui me rendait assez faible pour te donner l’droit me tuer… », commence-t-il d’un ton froid. Alternant les allers et retours entre son visage et l’arme, Clyde appuie sur le bouton-poussoir et fait basculer le barillet qui contient les balles du revolver. Il vide les chambres de ces dernières, et les pose délicatement sur la table, une à une, formant une rangée bien alignée de petits projectiles.

« J’en ai pas », reprend-il, cette fois en baissant les yeux. Il attrape ensuite une des balles, la plus brillante d’entre toutes, et la place au hasard dans le cylindre. Calme, il prend une profonde inspiration et s’humecte les lèvres avant d’ajouter : « J’ai plus aucune faiblesse, car y'a plus rien qui compte suffisamment pour que je m’y accroche. » Il referme alors le barillet qui bascule rapidement vers la droite, jusqu'à ce qu'un petit clic métallique ne résonne, confirmant que l’arme est bien fermée et prête à l’emploi. « J’suis un putain d’alcoolique qui ne manquera à personne, parce que la seule qui s’inquiète encore pour lui serait soulagée de ne plus avoir à le faire. » Il n’a pas besoin de préciser qu’il parle de sa sœur, il sait qu’Hannah comprendra. Clyde fait alors rapidement tourner le barillet, assez pour qu’on ne puisse plus savoir où se trouve l’unique balle qu’il contient.

Relevant son visage, puis son regard vers Baxter, il garde l’arme dans sa main gauche, et vient placer sa paume libre sur la joue de la jeune femme. Si elle était délicate en le touchant, Clyde l’est moins. Plus rustre, il caresse du bout du pouce la promettre saillante de la jeune femme sans rien dire, avant de doucement venir lui prendre des mains son verre. Il boit au passage une gorgée du liquide ambré, et ne peut s’empêcher de sourire, dévoilant ses fossettes : « J’me disait bien qu’il était sacrément dégueulasse ton whisky, Baxter. »

Il pose alors le verre sur la table, qui vient rejoindre celui vide, la bouteille, et les balles sagement alignées. De sa main libre, il attrape celle d’Hannah, et lui tend le colt, sans la forcer à le prendre. Le mouvement est alors suspendu, hésitant, et il finit par lui demander : « Tu vas m’aider ou pas ? ».

Il l’avait tant aimé, même s’il avait encore du mal à se l’admettre. Il ne voulait pas lui faire du mal, bien qu’il eût maintenant conscience que c’était trop tard. Il voulait partir avec un peu d’amour, tel la créature errante qui fut, un jour, domestiquée. C'était là sa faiblesse.


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Clyde King
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Dim 7 Fév - 1:14



Il y a des instants qu’on aimerait oublier. Il y a des événements qu’on aimerait surmonter d’un battement de cils. Se réveiller, loin de l’angoisse et de la peine. Cependant, à défaut de pouvoir tout traverser avec douceur, on regarde les choses se mouvoir, sans trop y croire.

Quand Clyde se leva, Hannah resta immobile. Elle le regardait, se demandant quelle serait sa prochaine folie. Il aurait pu prendre son arme et se tuer. Il aurait pu prendre son arme et la tuer. Il aurait pu hurler. Pleurer. Rire. Il aurait pu tout faire, mais voilà que Clyde King approcha son visage de celui d’Hannah, comme une vengeance gratuite. Un frisson parcourut sa peau et elle attendit qu’il bouge. Qu’il la frappe peut-être. Pourquoi pas ? Elle avait été à sa place et elle avait fait bien pire. Seulement, il s’excusa et elle fronça le nez, incrédule. Il avait vu ses larmes. Bien pire que la mort, Hannah eut l’impression qu’il avait pitié. Où était-elle cette muraille qu’elle avait tenté d’ériger autour d’elle ? Pourquoi la démolir si vite pour un alcoolique qui n’aurait rien mérité de mieux qu’une balle entre les deux yeux ?

Le cliquetis de son propre colt crispa Hannah qui ne recula pourtant pas. Elle avait ses mains autour de son verre. Elle le tenait si fort qu’elle aurait pu le briser. C’était de la torture, ce qu’il faisait face à elle et il osait s’excuser. Je sais c’que j’ai demandé. Elle n’avait pas peur. Elle ne ressentait rien de bien défini. Une envie de prendre ses jambes à son coup. Une envie de bouffer une balle. Clyde ne se rendait peut-être pas compte, mais il ne manquait que les liens autour de ses poignées pour qu’elle soit sa prisonnière. La lenteur, le regard, la précision. Il alignait les balles de son colt comme s’il s’agissait d’un rituel, tandis qu’elle sentait l’alcool émaner de chaque partie de son corps.
« J’en ai pas. » Sans comprendre pourquoi, Hannah sourit. C’était peut-être la bêtise de ses mots. Sa voix. Elle avait maintenant envie de rire. Tout cela était tellement absurde.
Jusqu’à présent, elle n’avait pas regardé son arme, écoutant juste les bruits caractéristiques qui s’en dégageaient. Elle jeta pourtant un coup d’œil quand il inséra une seule et unique munition dans le barillet. Son regard s’accrocha finalement à ses lèvres. Elle avala une gorgée de whisky à ce moment-là. L’écoutant. Regardant la scène se dérouler sous ses yeux, sans pouvoir rien y changer.

Les paroles de Clyde n’étaient que mensonges. Sa vie entière était une faiblesse. Il manquerait à celui qui lui vendait son alcool. Il manquerait à sa sœur, quoi qu’il en dise. Il manquerait à son cheval. Et puis quand bien même il n’avait manqué à personne, alors cela ne lui donnait pas le droit de jouer cette scène absurde. Que cherchait-il ? Une raison de vivre ? De mourir ? Un passe-temps ? Elle avait oublié à quel point les alcooliques pouvaient dire des conneries. Hannah pencha la tête et quand ses yeux revinrent aux siens, elle s’y accrocha.

La main de Clyde vint se poser sur sa joue. Elle ne connaissait pas ces mains. Ni ce geste. Pas de sa part. Elle eut envie de profiter de cette sensation. Juste un instant. Elle savait qu’il allait tout gâcher et elle n’osa pas fermer les yeux. Il se sentit obligé de lui enlever sa bouée, récupérant son verre lentement, pour en boire la fin. Hannah ne voulait pas bouger, comme paralysée et regarder ce sourire accentua ce vague qui s’intensifiait en elle. C’était de la colère qu’elle ressentait. Pourquoi fallait-il qu’il vienne et foute la merde, lui offrant une caresse et un sourire par la même occasion ? Il n’aurait pas pu se contenter de l’un ou de l’autre. Elle lui rendit un sourire amer. T’aurais pas mérité mieux.

Elle avait envie de le gifler, mais la curiosité, et une sorte de léthargie, l’arrêtèrent. Elle le laissa prendre sa main pour y déposer le colt, qu’elle récupéra dans un regard plein d’incompréhension.  Ses mains. Elle aurait aimé les garder plus longtemps. Qu’il n’y ait pas cette arme glacée entre eux. En réalité, elle se doutait de ce qu’il voulait. Mais elle ne pouvait pas y croire. Elle préférait penser qu’il allait revenir à la raison, car sinon elle allait exploser, sans plus jamais pouvoir lui pardonner.

Ses yeux parcouraient l’arme qu’elle connaissait si bien. Quel était le sens de tout cela ? Il voulait se faire payer le fait de vivre ? La torturer, et qu’elle fasse de même ? C’était un jeu bien étrange auquel il souhaitait s’adonner. Toutefois, il ne savait plus à qui il avait affaire. Tiraillée entre l’envie de vomir et celle de pleurer, Hannah se retrouva face à un dilemme. Elle ne savait pas quoi faire. Il y avait des quantités de façon de régler le problème. Les larmes lui montaient à la gorge. Elle regarda un instant le plafond, mais ses lèvres tremblaient. Il était si difficile de garder en elle ces sanglots déchirants. Alors, elle se leva, l’arme à la main et tourna le dos à son invité indésirable. Une larme coula sur sa joue et elle l’essuya immédiatement. Hannah, après une grande inspiration, tenta de faire disparaître cette sensation douloureuse qui s’était logée dans sa poitrine. Pour garder la face, elle se mit à rire. Un tout petit rire, plutôt aigu, presque joli. Sa décision était prise et un sourire étira ses lèvres.

Elle fit face à Clyde et commença à tourner et retourner son colt. Elle marcha quelques pas, puis se replaça, les mains sur ses hanches. Elle le jaugeait de haut en bas. Tout ça n’était qu’une pièce. Elle jouait, elle aussi. « Très bien. Assis toi sur une chaise, qu’tu t’éclates pas sur le sol. » Elle lui désigna sa propre chaise.

Baxter attrapa son verre, se servit, but d’une traite et pointa son arme sur le front de Clyde. Ses gestes étaient rapides, précis. L’adrénaline de celle qui va tuer se faisait sentir.
« Avant d’t’achever comme on achève un chien - parce que c’est ça qu’tu veux - j’ai mon mot à dire. Tu crois pas ? »
Le cliquetis de la sécurité ponctua sa phrase. Elle allait l’exaucer, il lui fallait juste de la patience.
« Tu dis qu’t’es désolé. Qu’t’as pas de faiblesse. » Elle secoua la tête, comme acceptant toutes ces conneries. « Mais t’as quoi dans l’crâne ? Oh, je sais. » Elle se mit à rire, mais ses yeux brillaient. « J’vais le voir dans quelques secondes. Mais dis-moi ? T’es assez lâche pour me demander à moi de te tuer ? Tu sais qui j’suis ? Et m’dis pas Hannah Baxter, j’connais encore comment j’m’appelle. Mais j’veux dire, tu sais ce que j’ai vécu ? T’as aucune idée de ce que j’ai traversé et tu viens m’voir pour tenter de bousiller ta vie et la mienne par la même occasion ? T’aurais pu venir et me dire « salut, Hannah, comment tu vas ? La vie elle est douce ? T’as fait des travaux chez toi ? Qu’est-ce qui s’est passé en quinze ans ? » » Hannah bougeait son arme au rythme de ses mots. Plus elle parlait, plus elle était prise de passion et de colère. « T’es qu’un putain d’gamin Clyde. Moi j’ai eu la décence de t’virer d’ma vie quand j’avais envie d’crever, pour pas t’blesser. Toi tu viens, avec ton regard, ta gueule et tu fais comme si y avait pas une vie qui s’est écoulée. Tu penses qu’à toi. T’as toujours pensé qu’à toi. Ah ! Elle est sympa la p’tite Baxter. Elle a pas d’cœur, alors on va l’écraser, parce que c’est c’qu’on fait quand quelqu’un tente d’être fort. Mais écoute-moi bien mon vieux… » Elle s’approcha, effleurant sa joue avec la sienne. Le colt était toujours pointé vers son front. « Y a une vie, j’me serais damnée pour tes yeux. Pour un regard. Pour un sourire. Pour une caresse. J’t’aurais supplié d’arrêter tes conneries. J’t’aurais dit des choses qu’aucune autre femme ne t’aurait jamais dites. » Hannah se recula de nouveau, le regard sombre. Il fallait que cela cesse, car elle sentait la muraille s’effondrer. « Mais j’en ai rien à foutre. T’as envie d’mourir ? Bien. Que ça soit d’ma main ou d’l’alcool, autant qu’j’ai plus à subir tes caprices. »
Hannah fit mine d’avoir terminé et plaça ses deux mains sur l’arme. Ses yeux trahissaient la tempête dans son cœur, mais ses mains de tremblaient pas.
Alors que son doigt commençait à presser la détente, elle s’arrêta dans un petit « Oh. » Mimant l’étonnement, elle enleva le colt du front de Clyde et se gratta la tête avec la crosse. « J’allais oublier. Ta raison d’crever, c’est qu’tu manqueras à personne ? Qu’t’as plus de faiblesse ? Que rien n’t’atteint ? » Hannah se mit à sourire, comme si elle avait eu une révélation. Seulement, elle pleurait pour de bon. Ses larmes coulaient contre sa volonté. Mais à quoi bon lutter ? « Mais jouons Clyde ! Comme quand on était gosses. » En une fraction de seconde, Hannah plaça le canon de l’arme sur sa tempe et appuya sur la détente. Sans aucune hésitation. Ses yeux de clignèrent pas, elle ne bougea pas d’un pouce et se contenta de garder ce sourire. Quelque part, elle avait espéré que ça tombe sur elle.  

Aucune balle ne sortit, juste un cliquetis qui fit trembler la pièce. Elle haussa les épaules et replaça le colt sur le front de Clyde. De sa main libre, elle s’essuya les joues, regardant le plafond. Quand elle put retrouver sa contenance, elle plongea ses yeux dans ceux de King. Sans douceur, elle attrapa sa main qu’elle déposa sur l’arme. Tous deux tenaient le colt peut-être chargé. « À toi ? » Demanda Hannah. Sa voix était brisée. Elle voulait qu’il lui hurle de balancer cette arme et qu’ils puissent s’ignorer en paix. Elle préférait le voir loin d’elle, mais heureux, que chez elle et au bord du gouffre. Ils jouaient à un jeu dangereux et stupide, comme ayant oublié qu’ils n’étaient plus des gamins et que cette fois les balles étaient réelles. Sa voix d’enfant résonnait dans son esprit. Tu sais. Si c’est un jeu. Il est pas drôle… On s’amuse plus avec des bâtons ou des cailloux. Elle avait envie de lui dire ça, mais rien ne pouvait sortir. Alors, elle attendait, profitant de chaque instant à regarder ces yeux et son visage. Après tout, elle avait au moins ça.
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Clyde King
Since : 19/11/2019
Messages : 617
Name : Maëlle.
Faceclaim : Cillian fucking murphy.
Crédits : gifs signature par sparkling-lux.
DC : mila + cole + isaac + amitola
i lost something in the hills | clyde x hannah 992e1b28aeabc748c0bb49537f71ac0b5102de06
Age : 36 ans.
Statut : Le cœur noyé dans le fond d'une bouteille de Gin.
Job : Homme de main pour les O'Reilly, gunslinger.
Habitation : Campement des O'Reilly, Moonstone Pond.
Disponibilité : 3/3
Sam 20 Fév - 21:09



Il l’observa se lever lentement et lui tourner le dos. Toujours assis sur la petite table, Clyde avait les yeux rivés sur Hannah, dans l’attente. Il avait déposé son destin entre ses mains, brutalement, sans lui demander son avis. Il la forçait à jouer à dieu, à exercer un droit de vie ou de mort sur sa personne, comme si c’était une évidence.

Le rire de la brune raisonna dans la pièce et le sourire qui s’étira sur son visage fit frissonner l’écossais. Elle allait exaucer son souhait, il en était persuadé. Lorsqu’elle lui ordonna alors de s’installer sur la chaise où elle-même était assise quelques secondes plus tôt, le brun obéit. Il appuya son dos contre le dossier, la tête droite, le menton haut. Il avait presque l’air fier dans cette position. Pourtant, ses mains posées sur les accoudoirs et ses doigts s’accrochant malgré lui au bois du meuble trahissaient sa nervosité. Mâchoire serrée, il s’efforçait de rester inexpressif pour lui faciliter la tâche. S’il donnait l’impression de ne pas accorder d’importance à sa propre mort (à sa propre vie), l’achever serait certainement moins difficile.

Sans attendre, Hannah pointa son colt sur lui. Il ignorait l’arme, son regard rivé sur les prunelles emplies de larmes de la brune. En écho au cliquetis de la sécurité qu’elle désenclenchait, le pouls de Clyde s’emballa. Il ne bougea pas pour autant, écoutant ce qu’elle avait à lui dire avec attention, se concentrant sur ses mots pour ne trahir aucun émoi.

La colère et la passion d’Hannah l’affectait bien plus qu’il ne voulait se l’admettre, et sa respiration qui devenait soudain plus forte révélait la vraie nature de ses émotions. Pourtant, elle avait raison sur tous les points. Oui, il était lâche. Il l’avait toujours été. Immature, égoïste… la liste des reproches à son encontre était vraie ; mais elle n’en était pas moins blessante de la part de Baxter. Pourtant, il ne pouvait ni la contredire, ni lui en vouloir. « T’as toujours été forte Baxter… Bien plus forte que moi… que n’importe qui a vrai dire. T’as toujours cru, quand on était gosses du moins, que j’étais comme toi. Mais t’avais tors… J’suis qu’un putain d’lâche. », aurait-il aimé lui dire. Dans sa stupidité, il avait conscience de lui faire du mal, et espérait que ce calvaire allait disparaitre avec sa personne ; qu’il ne serait plus qu’un mauvais souvenir pour elle. Peut-être trop alcoolisé pour se rendre compte des réelles conséquences de sa demande morbide, Clyde s’y accrochait comme s’il n’existait aucune autre solution en ce bas monde pour achever ses démons. Pourtant, l’envie de mourir ne faisait pas partie des raisons de sa venue sur ses terres de soir. Il avait voulu la revoir, avant tout. Retrouver un peu de ce qu’ils avaient pu être. Seulement, il avait suffi d’une seule phrase de la part d’Hannah pour que la sinistre idée qu’elle avait pouvoir lever ses malheurs d’une balle entre ses deux yeux s’immisce dans sa tête. Et que ça soit elle - qu’il parte dans les bras d’une femme qui avait aimé d’un amour innocent ; c’était étrangement réconfortant pour l’homme qu’il était devenu. Clyde s’était imaginé mourir des centaines de fois. Et à chaque fois, c’était dans le sang et la souffrance. Etrangement, la macabre scène qu’ils étaient entrain de jouer lui donnaient un peu de pouvoir : celui de choisir où, quand, et comment son existence prenait fin.

Hannah lui avouait soudain avoir partagé ses sentiments dans une autre vie. Clyde déglutit, ravalant difficilement sa fierté face à de tels aveux. Il aurait pu lui parler de la réciprocité de ces derniers, mais ça n’avait aucun sens à cet instant. Il était trop tard. Dans quelques secondes, la balle allait soit traverser son crâne et signer sa fin, soit rester logée dans le colt et maquer l’heure son départ. Clyde irait ensuite se flinguer tout seul dans un champ, son cadavre perdu quelque part dans les plaines de son enfance. Enfin, c’est ce qu’il imaginait. Soit Hannah l’aidait, soit il s’aiderait par ses propres moyens. Il se voyait mal retourner sur le campement de la bande après cette soirée, comme si rien ne s’était passé, et continuer à vivre dans le déni.

Hannah s’arrêta de parler et plaça ses deux mains sur l’arme. Elle semblait sure d’elle malgré la rage dans son regard. Clyde l’observa commencer à presser la détente et ferma les yeux, prêt à sentir son crâne exploser. Retenant sa respiration, mâchoire serrée et les sourcils froncés, il attendait la douleur. Il attendait le soulagement.

« Oh. »

Baxter le ramena à la réalité par ce simple son.  Réouvrant les yeux, Clyde vit l’arme s’éloigner de lui. Il retenait toujours son souffle, sans même en avoir conscience. Les larmes roulaient sur les joues d’Hannah, ses questions atteignant Clyde sans qu’il ne sache quoi répondre. « Mais jouons Clyde ! Comme quand on était gosses », ajouta-t-elle sans prévenir. Et sans qu’il ne s’y attende, elle pointa l’arme sur sa tempe et appuya sur la détente. Une fraction de secondes si brèves que King n’eut pas le temps de réagir. Son cœur sembla manquer un battement et l’écho du tire manqué eut l’effet d’un coup de tonnerre dans la pièce. Le haussement d’épaules qui suivit le lui tira vers le présent, comme si ce n’était rien. Un jeu, avait dit la brune. Bouche entrouverte, il reprit sa respiration difficilement, comme s’il avait oublié comment faire. Il ne put s’empêcher de souffler : « Putain, Baxter… », mais n’ajouta rien d’autre. Il avait bien conscience qu’il n’en avait plus le droit.

Le jeu continuait. Hannah replaça le colt sur le front de Clyde, et attrapa sa main pour qu’ils soient deux à tenir l’arme peut être chargée. Ses yeux bruns plantés dans les siens, le hors-la-loi ne pouvait ignorer son regard empli de qu’il pensait être de la douleur. Trop tard pour se défiler maintenant, pas après ce qu’elle venait de s’infliger. Il posa son pouce sur celui d’Hannah et arma lentement le chien. Sa main posée sur la sienne, ce geste relevait presque de la caresse. Clyde devait se faire violence pour ne pas s’y attarder, pour ne pas prolonger ce contact. Prenant une grande inspiration avant de retenir à nouveau sa respiration, il chercha ses mots quelques secondes, mais rien ne paraissait assez bien pour ce moment. Son regard toujours perdu dans celui de la brune, il était incapable de formuler des pensées cohérentes. Faisant l’impasse sur ses dernières paroles, il posa son pouce sur l’index d’Hannah, appuyant leurs doigts sur la gâchette, se forçant à ne pas cligner des yeux alors que son cœur s’emballa pour la seconde fois.

Le cliquetis assourdissant retentit à nouveau.

Clyde fut partagé entre le soulagement et la déception. Les émotions contradictoires s’entrechoquèrent dans son esprit. Les bruits lui paraissaient soudain étouffés, les pulsations de son sang sans sa tête recouvrant tous les autres sons. S’autorisant à reprendre sa respiration pour la seconde fois, celle-ci se fit forte, presque haletante.

Incapable de soutenir plus longtemps le regard d’Hannah, il attrapa l’arme par le canon et la tira vers lui avec force, forçant Hannah à la lui donner. Ses pensées étaient confuses, allant de l’exaspération à la colère.  Son regard rivé vers l’arme, ses idées en ébullitions, il retourna plusieurs fois le petit calibre entre ses doigts and de souffler : « J’veux plus m’défiler ». Brusquement, sans attendre de réponse, il pointa l’arme sur sa tempe et appuya sur la détente. Le son du métal tapant dans le vide retentit pour la troisième fois ce soir. « Putain d’merde ! », gueula-t-il dans la pièce, contre lui-même et contre le monde entier.

Se relevant précipitamment, il réessaya dans la foulée, la rage au ventre, tremblant. Le destin semblait se moquer de lui. La balle ne quitta toujours pas le petit colt, et l’écossais poussa un soupir de frustration.


« T'as gagné, Baxter » dit-il en croisant le regard d’Hannah. Sa voix trahissait la violence de sa colère, mais également son désespoir. Faisant basculer le barillet, il constata les deux essais restants, et surtout le suivant. Une tentative de plus et il serait mort. « J'suis pas capable de m'faire sauter la cervelle tout seul visiblement », ajouta-t-il en déchargeant l’arme, laissant la balle tomber et rebondir par terre.

S’approchant d’Hannah pour lui rendre son arme, un sentiment de culpabilité l’envahis. Rage, tristesse, frustration, peur… toutes ses émotions s’entrechoquaient dans sa tête, sans qu’il ne sache vraiment laquelle le dominait. Clyde était tant habitué à refouler ses sentiments, qu’il ne savait plus comment les contrôler. Après avoir attrapé la paume d’Hannah pour y placer l’arme, il ne se recula pas. La proximité entre eux rappela au hors-la-loi les caresses glacées que la brune lui avait offert un peu plus tôt, et les sentiments qui avaient accompagnés ces sensations. Tout son corps fut parcouru d’un tressaillement vif qu’il attribua à son énervement. Il observait la jeune femme avec douleur, répugné par ce qu’elle avait fait à cause de lui. « J'débarque là, et j'te pousse a t'pointer un flingue sur la tempe... », commença-t-il. Secouant la tête comme pour faire fuir la masse de pensées contradictoires asseyant son esprit, il détourna le regard et passa une main dans ses cheveux puis sur sa nuque, prenant conscience de son état. L’adrénaline et la rage avaient rendu sa peau brulante, témoignant de son bouillonnement intérieur. Il pensa alors qu’il devait avoir l’air d’un fou avec son regard ahuri et ses gestes illogiques.

Relevant la tête, il s’approcha encore un peu plus d’elle, observant ses grands-yeux emplis de larmes, et la douleur sur ses traits. Il n’avait jamais rien voulu de tout cela. Il était juste trop con pour penser à autre chose qu’a sa petite personne. Sans prévenir, il attrapa le visage d’Hannah entre ses mains, redressant son menton vers lui. Troublé par la multitude de sentiments et de souvenirs qui s’entrechoquaient dans son esprit, il la regarda longuement, essayant de retrouver celle qu’il avait connu – et d’y retrouver celui qu’il avait été. Tout était si simple à l’époque. Juste leurs deux âmes se complétant de façon harmonieuse, un amour de gosse aussi simple que brut. Leurs destins étaient croisés, pourtant c'était une évidence qu’ils n’avaient jamais évoqués à voix haute.

Clyde entrouvrit la bouche pour parler, prêt à lui faire des aveux qui n’allait en aucun cas pouvoir changer quoi que ce soit ; mais il s’arrêta dans son geste. A la place, son regard s’affola, fixant tour à tour l’un puis l’autre œil de la jeune femme. Sans demander la permission, il l’attira a lui et l’embrassa.  



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Lun 22 Fév - 13:23



Tout cela était d’une violence sans nom. C’était Hannah qui touchait l’arme, mais Clyde était en train de la guider. Elle n’était qu’un pantin. Après avoir passé sa vie à tenter de retrouver le contrôle sur son existence, voilà qu’en un geste Hannah n’était plus rien. Il l’utilisait pour ne pas mourir seul, la plongeant dans une redoutable solitude. La douceur de son bourreau brisait un peu plus ses barrières qui s’effondraient au rythme de ce jeu sordide. Le silence n’arrangeait rien. Ne voulait-il pas parler avant de mourir ? Si sa vie avait eu un sens, on aurait pu écrire dans les livres qu’après la folie il était mort, murmurant une dernière fois « Putain, Baxter… ». Un souffle, une brise. Sauf qu’on n’était pas dans un livre et qu’il n’avait rien fait de sa vie. Enfin… Qu’en savait-elle ? Sombre inconnu qui allait la rendre criminelle une fois de plus.

Si Clyde ne cligna pas des yeux, Hannah les ferma, laissant dévaler sur son visage un torrent de larmes. Sa bouche était crispée et son cœur à l’arrêt. Quand elle le regarda de nouveau, le spectacle la consterna. Elle se retrouva interdite, face à quelqu’un qui ne voulait qu’une chose : mourir, là, maintenant. Baxter ne bougea pas, restant immobile, tandis que Clyde tournait et retournait l’arme. Elle avait envie de parler, de crier, mais rien ne venait. La bouche entrouverte, elle était spectatrice. La lumière du feu dessinait les courbes d’un visage pris de folie.

Par réflexe, Hannah ferma de nouveau les yeux au son de l’arme qui ne se décidait pas à abréger leur souffrance. Elle posa alors ses mains sur ses oreilles, pleurant franchement. Elle se tourna pour cacher son visage et ne plus le voir. Il allait le faire et c’était une torture de le voir échouer, car l’espoir revenait à chaque fois.
Nouveau cliquetis, nouveau sursaut. Hannah laissa filer un gémissement d’agonie. C’était trop dur. Ça faisait trop mal. Elle se retourna pourtant après avoir essuyé ses yeux, cherchant à savoir ce qu’il était en train de faire. Une main sur la bouche, l’autre dans le vide, elle le regardait. Quand la balle toucha enfin le sol, Hannah put de nouveau respirer. Son sang sembla la quitter à la même vitesse que la balle était tombée. Elle inspira comme Clyde, haletante. Portant sa main sur son front, elle plaça l’autre sur sa poitrine, comme pour vérifier qu’elle n’était pas morte. « J’ai gagné ? » Demanda-t-elle, entre le rire sarcastique et le désespoir.

Clyde attrapa sa main tremblante pour y déposer son arme. Elle était loin la froideur de sa peau. La peur, la haine, la détresse avait chauffé son corps et de là où Hannah était, elle pouvait en sentir la chaleur.
Alors qu’elle s’attendait à ce qu’il recule et parte, il resta posté là, devant elle. Elle déglutit, le regardant sans réfléchir. Tout cela était invraisemblable et absurde. Que lui voulait-il ? Elle était incapable de le tuer, alors pourquoi rester ? L’annonce de ses sentiments passés n’avait pas arrêté sa folie absurde. Ils étaient maintenant deux inconnus. Se raccrocher l’un à l’autre n’avait plus de sens depuis vingt ans. Ils n’étaient plus amis, plus une famille, plus des enfants. À quoi bon se torturer ? Remuer le passé, juste pour se pourrir le présent ? Hannah n’avait jamais été heureuse, franchement et entièrement, mais depuis sa rencontre avec Makoyepuk elle n’était pas non plus malheureuse. Là, elle effleurait les contours de la folie qui l’avait rongé pendant tant d’années. Clyde, dernier détenteur de son âme et de son esprit, venait écraser tout ce qu’elle avait construit. Pourquoi ?

La réponse ne vint pourtant pas, car Hannah comprit, avant même que Clyde ait pu le décider, qu’il allait se pencher et l’embrasser. La panique l’emporta soudain. Quelques minutes auparavant, quelques heures, quelques jours, les deux êtres ne se connaissaient pas. Là, ils avaient montré leurs pires côtés. Que croyait-il pouvoir ressentir en posant ses lèvres sur les siennes? Après la pluie le beau temps ? Quelle connerie ! Et si ce n’était qu’une autre tempête ? Une erreur qu’elle ne maîtriserait pas ?

Baxter accepta pourtant ce geste, incrédule quant à ce rapprochement qui n’avait pas le moindre sens. Il l’attira contre lui, anéantissant sa raison et son esprit.
Contre toute attente, Hannah déposa ses mains sur la nuque de Clyde, plongeant dans un baiser hors du temps. L'arme glissa et tomba sur le sol, dans un fracas qu'elle n'entendit pas. Elle engouffra ses doigts dans ses cheveux, intensifiant l’étreinte qu’il avait commencée. Les larmes coulèrent sur ses joues pour venir épouser le pourtour de leurs lèvres. Elle en avait oublié de respirer et quand elle s’en souvint, l’air entra difficilement dans ses poumons tant sa gorge était serrée. Toujours sans réfléchir, elle descendit ses mains sur son torse, dévalant sa chemise du bout des doigts, pour atteindre son ventre. Là, elle se glissa entre le tissu et sa peau. Elle s’engouffra dans les plis du vêtement et passa ses mains dans son dos et sur son torse. Il était brûlant, tandis que l’angoisse et la peur avaient refroidi les mains de la brune. Sensation douce et confortable que de pouvoir se réchauffer sur le corps de celui qu’on a un jour aimé.

Seulement, on ne peut engourdir l’esprit qu’un temps et Hannah se réveilla. Elle ouvrit les yeux et se recula violemment. Posant ses mains sur ses lèvres, son regard était empli de larmes et de colère. En une fraction de seconde, elle gifla cette joue qu’elle venait de caresser. Le bruit fut aussi glaçant que celui d’une balle. Tout était allé si vite et elle regretta son geste avant même qu’elle ait pu le terminer. Cependant, il était déjà trop tard et cela devait avoir un sens. Elle regardait maintenant le sol, au bord du précipice. Sans trop réfléchir, elle s’avança pour donner un coup sur le torse de Clyde. Ce n’était pas pour le blesser, mais pour faire sortir ce qu’elle avait au plus profond d’elle-même. Un deuxième. Un troisième. Elle n’y mettait aucune force, les poings fermés et les ongles plantés dans sa peau. « Comment. Oses. Tu ? » Le fantôme d’un baiser flottait sur ses lèvres qui souffraient. Hannah lui faisait face, plongeant son regard dans le sien.

« Tu m’as prise pour quoi ? C’est un parie avec ton gang ? Si tu veux baiser, prends ton fric et vas au Golden. J’suis pas un jouet… » C’était quelque part plus simple de penser ça. « T’es là d’puis… » Combien de temps ? Elle ne savait plus. « Tu reviens dans ma vie pour m’broyer. T’as envie qu’je tombe avec toi ? J’pleure pas pour un mec. » Ses yeux disaient le contraire. Hannah ne criait pas vraiment, elle parlait fort, agitant les mains sans savoir quel mot serait le suivant. Régulièrement, ses doigts effleuraient ses lèvres, comme pour s’accrocher à quelque chose. « Tu comprends ? Ça fait quinze ans qu’on s’est pas vu et t’arrives à m’tordre le cœur, alors qu’certains n’ont même pas réussi à m’faire frissonner. C’est carrément… » Elle serra sa mâchoire et secoua la tête, afin de laisser filer des pensées qui n’avaient pas leur place là, tout de suite. « Si j’t’ai dit de dégager y a quinze ans c’était parce que t’étais tout c’qui me restait et qu’tu m’aurais détruite. C’est pas pour qu’tu reviennes le faire quand j’vais mieux. Alors tu prends ton sac et tu te casses. Va crever dans un trou, j’veux plus t’voir. » Tout en pleurant, Hannah poussa Clyde, l’entraînant vers la sortie, lui fourrant dans les bras les billets qu’il avait ramenés. « Faut arrêter d’jouer avec le cœur des gens, c’est minable, même pour un putain d’alcoolique de merde. » Elle referma la porte et s’écroula sur le sol, glissant sur le bois usé. Hannah enfouit son visage dans ses genoux et elle se mit à pleurer bruyamment, la respiration saccadée.

C’était injuste et trop simple. Il la brisait et s’emparait d’elle, sans rien demander. Il sembla à Hannah que tout lui était dû. Clyde débarquait chez elle, l’écrasait et la baisait juste après ? Pourquoi aurait-elle accepté ça ? Cet inconnu n’avait rien à faire chez elle. Son père avait détruit la mère d’Hannah en l’abandonnant, ce qui avait été le début de ses problèmes. S’il était resté, qu’il ne lui avait pas brisé le cœur, les Baxter n’auraient pas décidé de partir de New Hanover. Qui sait ? Aurait-elle pu les aider ? Les sauver ? Et même si elle avait échoué, au moins, elle serait morte avec eux. Clyde n’avait été qu’une source de problèmes pour elle. De peine et de confusion.

Les pensées d'Hannah déferlaient dans son esprit à la dérive.

Foutaise. Il avait été son seul et unique ami. C’était elle qui l’avait chassé pour la faute d’un père dont il ne savait même pas les méfaits. C’était pourtant plus simple de le détester, car l’accepter dans sa vie, c’était prendre le risque de s’ouvrir pour qu’il la détruise une bonne fois pour toutes. Mais pour une nuit… Rien qu’une seule nuit… Cela n’aurait pas d’importance ? Juste le temps d’assouvir ce qu’elle avait toujours espéré, au fond d’elle. Comprenait-il vraiment ce qu’il était en train de se passer ? De toute manière, s’il oubliait, demain elle se souviendrait et elle pourrait en peser le poids comme il se doit.

Hannah leva les yeux et prit conscience de ce qu’il venait de se passer et de ce qu’elle était en train de faire. Elle se leva poussée par son cœur bien plus que par sa raison et ouvrit la porte. « Clyde ! » Son cri avait brisé le silence nocturne et elle se jeta pieds nus dehors, sûre d’elle. Elle courut jusqu’à Clyde et enlaça son dos pour qu’il ne parte pas. Qu’il ne bouge plus. « J’vais pas m’excuser, parce que t’as merdé… Mais reste… J’veux pas qu’tu crèves… Et si tu décides de mourir quand même, j’veux que tu passes la dernière nuit ici. Avec moi. » Sa voix tremblante se fit plus stable. « J’supporterai pas d’être passé à côté de ça… Pas encore… »
Là, dans la nuit, elle s’accrochait à ce qu’elle désirait véritablement. Pas un fantôme du passé ni une erreur. Juste un homme qu’elle ne pouvait plus laisser filer.
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Mar 23 Fév - 23:04


Si on lui avait demandé la raison de son geste, il n’aurait pas su répondre. Il l’embrassait sans comprendre le « pourquoi », suivant son instinct, geste incontrôlé dans cette tempête d’émotions. Il l’embrassait car son corps l’en suppliait, et sa tête le désirait. Il l’embrassait car sa raison était anéantie, et que ce rapprochement lui paraissait évident.

Pourtant, il fut surpris qu’elle lui rende son éteinte avec tant de passion. Gamin, il se serait damné pour ce contact entre leurs lèvres. Tandis qu’elle déposait ses mains sur sa nuque, il glissait les siennes dans ses cheveux. Instant hors du temps, il en oublia l’horreur de ses actes précédents. Leur étreinte se fit plus passionnée à mesure qu’Hannah passait ses mains sous sa chemise, caressant son corps de ses doigts glacés. La froideur de sa peau contre celle brûlante du brun le fit frissonner, et il la rapprocha un peu plus encore de lui, l’attrapant par la taille, posant ses paumes dans le creux créé par son corset. Ô, comme il la voulait contre lui. Toujours plus près, plus fort. Il la voulait dans ses bras pour l’éternité, que ce moment ne connaisse jamais de fin.

Mais visiblement, ce n’était pas réciproque. Violemment, Hannah se recula et le gifla. Clyde, qui sentait encore les lèvres de la brune sur les siennes, était désemparé. Il prit sur lui pour ne pas réagir. La tête tournée sur le côté, il se força à déglutir, et serra les dents pour faire bonne figure. Il résista fortement à l’envie de passer sa main sur sa joue brûlante, et se mit à prendre de profondes respirations pour rester calme. Il ne pouvait pas lui en vouloir, il avait conscience qu’il méritait cette gifle. Avait-il vraiment cru qu’un baisé pouvait effacer toute la violence de ses actes ? Non, bien sûr que non. Mais pendant quelques secondes, entre ses bras, il avait aimé le croire.

Il tourna à nouveau son visage vers elle lorsqu’elle s’avança pour le frapper au torse. Il la regardait sans bouger, et la laissait faire. Clyde redevenait peu à peu froid, se renfermant sur lui-même. Il se murait dans le silence à mesure qu’elle l’accusait de jouer avec elle et avec ses sentiments. Pourtant, le hors-la-loi avant envie de répliquer. Il avait envie de lui dire qu’elle avait tort, qu’il n’avait jamais rien voulu de tout ce bordel, qu’il était aussi perdu et mal qu’elle, si ce n’est plus… mais il était incapable de parler. Alors il restait planté là, comme un sombre idiot. Il l’écoutait lui avouer qu’elle l’avait sorti de sa vie quinze ans plus tôt parce qu’il était tout ce qui lui restait. Clyde n’avait jamais compris son geste jusque-là. Maintenant, il savait. Il savait qu’elle avait raison, qu’il l’aurait détruite ; comme il le faisait ce soir.

Baxter finit par le pousser vers la porte, lui ordonnant d’aller crever loin d’elle. Le hors-la-loi ne protesta pas. À vrai dire, que pouvait-il faire d’autre ? Il était chez elle, et il ne comptait pas s’imposer éternellement.

Elle claqua la porte derrière lui, et Clyde se retrouva seul dans la nuit. Le brun ferma les yeux, laissant l’air froid du soir caresser sa peau et apaiser la sensation de brûlure qui en émanait. Il releva la tête vers les étoiles, pour retenir ses larmes naissantes. Regardant le ciel sombre parsemé d’éclats lumineux, il se mit à hurler. Ses paroles n’avaient pas tant d’importances, insultes choisies au hasard pour expier son mal-être. Il cria si fort que sa voix raisonna dans l’obscurité, allant presque jusqu’à se briser. Des oiseaux s’envolèrent au loin, en Clyde baissa la tête pour regarder le sol. Passant une main sur son visage, il s’attarda sur sa bouche, ayant du mal à reprendre sa respiration. Un sourire mauvais naquit finalement sur son visage, mélange de dégoût envers sa propre personne et le reste du monde.

En quête d’apaisement, il chercha à s’allumer une clope. Ses mains tremblaient comme celles d’un dément tandis qu’il sortait de sa poche le petit étui argenté. La culpabilité le rongeait doucement, comme ce sentiment d’abandon qui s’immisçait dans sa tête. Tu l’as ta réponse King, lui souffla une petite voix. Même elle, elle veut que tu crèves. Loin d’elle. L’écossais secoua la tête, violemment, pour faire taire ses pensées. Pourtant, il n’arrivait pas à voir d’autres solutions pour abréger ses souffrances. Il cala une cigarette entre ses lèvres, et s’acharna plusieurs fois sur l’allumette qui ne voulait pas prendre feu. Lorsqu’elle daigna enfin s’allumer, il jeta cette dernière par terre et inspira longuement sur sa petite drogue, laissant quelques larmes couler sur ses joues. Il avait eu ce qu’il voulait : il avait la confirmation qu’il était bien temps de disparaître. Frustré, déçu et écœuré, Clyde avait du mal à tenir debout. L’alcool dans son sang ne devait certainement jouer, mais il n’était pas loin de l’écroulement.

Son prénom retentit dans la nuit, le rattrapant avant même qu’il ne chute. Il ne se retourna pas, incapable d’affronter encore une fois Hannah. Il avait merdé, la fois de trop. Il le savait, et ne souhaitait pas remuer le couteau dans la plaie. Laisse-moi crever, pensa-t-il alors qu’il l’entendait arriver en courant. Baissant à nouveau la tête, les yeux fermés, il se préparait à recevoir d’autres vérités. Il attendait ses mots durs bien que vrais.

Il fut donc extrême surpris lorsqu’elle enlaça son dos. Légèrement, il se crispa, incapable d’accepter pleinement ce contact après tout ce qui venait de se passer. Son souffle devint court, et sa lèvre inférieure se mit à trembler légèrement en entendant les mots d’Hannah. Elle aurait pu lui dire bien des choses, l’insulter encore et encore, mais elle revenait, après tout ce qu’ils avaient traversés en l’espace d’une heure, pour lui dire de rester. Elle le voulait auprès d’elle, même si c’était la dernière fois. Le cœur de Clyde allait exploser. À la place, il jeta la cigarette à peine consumée par terre, incapable de la finir.

Et il se retourna, passant ses bras autour des épaules de la jeune femme. Cette étreinte ne ressemblait en rien à la précédente. Elle n’était pas passionnée, ni animée par le désir. Il s’accrochait à elle pour ne pas tomber. Pour ne pas sombrer à nouveau dans sa folie destructrice. Il enfouit sa tête dans le cou d’Hannah, passant une main au niveau de sa nuque. Il avait peur de la voir à nouveau s’éloigner. « J’veux pas t’faire de mal… », dit-il dans un chuchotement presque inaudible. Tandis que respiration se calmait peu à peu, Clyde gardait les yeux fermés. Reniflant malgré lui, il ajouta : « J’ai jamais voulu t’faire de mal, Hannah… ». Sa voix se fit un peu plus forte alors qu’il se reculait juste assez pour voir son visage, en disant : « J’suis désolé ». Sincère, il observa sa réaction, plongé dans ses yeux rougis par les larmes. « Pour tout », précisa-t-il, une main toujours sur la nuque de la jeune femme, l’autre osant à peine toucher sa joue après leur baisé animé. Essuyant sa joue humide avec sa paume, il n’osait plus lui offrir de tendresse. Il continua pourtant à lui présenter ces excuses, comme si cela pouvait changer quelque chose : « …de t’avoir abandonné quand on était gosse, et d’m’être pointé ici ce soir ».  Appuyant son front contre celui d’Hannah, il continua, incapable de soutenir son regard plus longtemps. « J’suis désolé de pas être avoir été à hauteur à l'époque, et de t’avoir blessé ce soir… », dit-il dans un souffle. « J’voulais pas… » ; Clyde marqua une pause pour reprendre sa respiration, bien trop submergé par ses émotions pour parler avec calme. Il finit par relever les yeux vers elle pour lui dit : « …j’voulais te retrouver. » Car elle lui avait manqué. Au fond de lui, Clyde n’avait jamais oublié Hannah Baxter. Il avait pourtant eu une vie depuis leur séparation. Il avait connu l’amour, la haine et la peine. Il avait grandi, changé, oublié celui qu’il était. Mais il n’avait jamais oublié de l’avoir aimé. Il s’était simplement conforté dans l’idée que c’était un simple amour de gosses, et qu’aujourd’hui, il n’était plus le bienvenu dans la vie de celle qui l’avait connu avant qu’il ne change. Avant qu’il ne tue, qu’il ne boive et qu’il ne dépérisse. Si ce soir, il était incapable de mettre des mots sur ce qu’il ressentait en présence de la brune, et qu’il ne comprenait pas vraiment ce qui était en train de se passer ; il était certain d’une chose : il ne voulait plus la laisser filer.

Relevant la tête et s’écartant légèrement après un long moment de silence, il attrapa les mains d’Hannah entre les siennes. Elles lui semblaient glacées. « Rentrons… tu es gelée », se contenta-t-il de dire.

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Jeu 25 Fév - 12:22



La réponse ne vint jamais assez vite. Hannah qui sentait son cœur dépérir crut s’effondrer quand il l’enlaça. C’était terminé pour cette nuit. Plus de guerre ou de souffrance. Elle fut troublée de le sentir aussi proche d’elle, comme si leurs barrières s’étaient effondrées brusquement. Dans la nuit, elle se voyait revivre. Les mots de Clyde ne furent qu’un pansement de plus sur son cœur qui rêvait de les entendre depuis son arrivée - et peut-être depuis des années. Sa voix était incroyable. Nouvelle. Elle ne la connaissait que très peu, car elle avait beaucoup changé depuis leur enfance. Son accent s’était quelque peu atténué, lui sembla-t-il, et Hannah se mit à sourire perdu entre une émotion déchirante et la joie.

La brune accepta ses excuses sans avoir à parler et quand il posa son front contre le sien, elle ferma les yeux, inspirant pour ne pas tomber. Son cœur ne se calmait pas, mais elle se sentait légère. Un poids s’enlevait de ses épaules et de sa vie. Une discussion qui aurait dû se faire il y a des années. Elle lui dirait tout. Tout ce qu’elle a pu vivre et tout ce qu’elle a pu ressentir. Sans ébranler Clyde, elle lui expliquerait son choix. Elle s’excuserait.

Sa peau trembla quand il s’écarta. Elle avait envie de le tirer vers elle et de ne plus le lâcher, mais elle voulait le laisser parler. Respirer. Incapable de parler sans tressaillir, Baxter approcha sa tête de celle de Clyde. Elle tenait sa chemise fermement, comme pour l’empêcher de partir. « Ô Clyde… » Murmura-t-elle finalement. Par où commencer ? Que faire ? Elle qui aimait agir se trouva immobile à le regarder. Le détailler. Elle aimait chaque parcelle de son visage, chaque parcelle de sa peau, chaque parcelle de sa voix, chaque parcelle de son âme… C’était peut-être cet amour qui trouble la raison, mais elle s’en moquait. Ils avaient décidé d’arrêter le temps et comme par magie cela avait fonctionné.

Ce ne fut que quand il attrapa ses mains qu’Hannah se rendit compte qu’elle était glacée. Elle eut soudain si froid qu’un frisson la parcourut de haut en bas. Un sourire offert à Clyde et elle l’entraîna chez elle. Le tenant par la main avec douceur, elle marcha d’un pas déterminé. Rien ne pourrait l’arrêter. Après tout, elle avait réussi à survivre à cette soirée et à cette vie, alors pourquoi reculer et douter. Elle n’était que certitude en entrant chez elle. Certaine de ses désirs et de ses envies.

Après avoir frotté ses pieds sur une toile posée au sol, elle ne passa pas par le salon. Habituellement, pour se donner du courage, elle aurait attrapé sa bouteille de whiskey. Seulement, elle ne voulait pas que Clyde soit trop engourdi par l’alcool. Elle aurait aimé qu’il se souvienne, car elle n’oublierait jamais.
Traversant le couloir, elle serra un peu plus fort sa main. Elle n’osait pas le regarder. Là, ils tournèrent à droite pour arriver dans une chambre sobre. Un lit en fer forgé, une armoire pleine et des piles d’affaires emplissaient la pièce. King avait connu cet endroit comme étant la chambre des parents. C’était la plus grande et une sorte de salle de bain était attenante à la pièce. Hannah n’avait jamais envisagé de s’installer ici, mais à force de pleurer dans ce lit en sentant l’odeur des châles de sa mère, elle avait fini par s’y habituer. La température était plus basse que dans le salon, mais il faisait bon. La cheminée accolée avait chauffé la pièce et une lampe à huile l’éclairait d’une lumière orangée.

Hannah s’arrêta un instant avant d’entrer. Peu d’hommes étaient venus dans cette pièce, mais c’était tout naturellement qu’elle s’y était dirigée. Secouant la tête, elle se rappela qu’il ne fallait plus douter.
C’est avec douceur qu’elle fit asseoir Clyde sur le lit. La lumière vacillait sur ses pommettes, éclairant ses yeux d’un oranger qui dansait avec ce bleu qu’elle aimait tant. Là, devant elle, c’était tant de choses qui s’imbriquaient. Passé, présent, amour, famille, amitié, douceur, violence. Hannah ne sut tout à coup plus quoi faire. Comme l’adolescente qu’elle avait dû un jour être, elle ne voyait plus comment agir. Ce n’était pas faute d’avoir envie, mais elle avait peur. Posant ses doigts devant sa bouche, un petit rire monta sous la pression. Hannah Baxter ne savait pas par où commencer avec un homme. La soirée avait été si forte en émotion, qu’elle en avait perdu ses moyens. Elle le regardait, une main sur sa hanche, l’autre sur son menton. C’était une sensation étrange, car nouvelle. « Pardon… » Murmura-t-elle en rougissant. Allait-il la prendre pour une vieille fille inexpérimentée ? Peu importe, cela ne durerait qu’un temps.




Attrapant la main de Clyde, Baxter l’embrassa doucement pour venir la poser sur sa joue. Se calant entre ses jambes tandis qu’il était installé sur les draps crème, Hannah observa ses lèvres. Elle sentit monter en elle une chaleur qui terrassa le froid et la peine. « Merci d’être venu. J’aurais dû l’faire y a des années. » Elle avait lancé cela dans un souffle, afin de lui donner du courage. Ses doigts s’engouffrèrent dans les cheveux bruns de son ami qui ne l’était plus tant et elle déposa ses lèvres contre les siennes. Si le baiser qu’ils avaient échangé quelques minutes auparavant était presque pressé, là, elle prenait son temps, appréciant la moindre sensation, le moindre frisson.

Engoncée dans ses jupons et son corset, elle grogna quand elle ne put monter sur le lit avec lui. Alors, sans lâcher ce baiser - qui était certainement le meilleur de toute sa vie - Hannah décrocha sa ceinture de lin, laissant tomber sur le sol la masse de tissus qui faisait barrage entre ses désirs et son corps. Il ne restait qu’un seul jupon quand elle guida Clyde, afin qu’il vienne desserrer son laçage. Elle savait le faire toute seule, mais ses mains tremblaient. Avec deux doigts, Hannah détacha les bretelles de l’homme qui lui faisait face. Là, elle le regarda fiévreuse. Faisant glisser sa chemise, elle ne put s’empêcher de reculer pour mieux le voir. Chaque parcelle de peau était une découverte qui la laissait sans voix. Quand son corsage fut assez détendu, elle le glissa par-dessus sa tête, le laissant tomber avec les jupons. Les yeux perdus dans les siens, elle était troublée et exaltée. Ce torse, ces bras, ce ventre. Baxter se mit à rougir et dans une inspiration elle murmura « P’tin Clyde… » C’était ce moment de bascule qu’elle détestait briser. Elle savait qu’il y aurait un avant et un après. Ce n’était qu’un homme face à elle, mais elle était convaincue que ça serait différent de tout le reste. De tout ce qu’elle avait connu.

Attrapant les mains de King qui créait en elle un désir brûlant, elle fit glisser avec lui le dernier vêtement qu’elle portait encore, pour se retrouver entièrement nue. Se montrer ainsi l’impressionna soudain. Qu’allait-il penser d’elle ? Le guidant vers une des nombreuses cicatrices qui marbraient son corps, elle souffla timidement. « Pardon… J’suis… » Elle leva les yeux pour combattre les larmes. « Y a une vie y avait pas ça… Pardon si mes mains manquent de douceur. Si j’tremble. » La sensation de leurs peaux qui s’effleuraient était incroyable, si bien qu’elle ferma les yeux. Une dernière larme glissa sur sa joue. « Ne juge pas trop sévèrement ce corps… J’t’en supplie… Pour chaque cicatrice, j’en ai retourné dix, mais y en a qu’tu n’comprendrais pas. » Détachant sa tresse, elle se décida enfin. Elle avait dit tout ce qu’elle avait à dire, maintenant sa voix ne résonnerait que dans l’allégresse et le plaisir.

Hannah rejoignit Clyde sur le lit pour défaire les derniers remparts qui les séparaient. Les caresses qui étaient tendres se firent passionnées. L’étreinte maladroite devint incroyable et pas une seule parcelle de leur corps ne fut épargnée par ces sensations qu’Hannah n’oublierait jamais. Entre ces murs, il n’y eut soudain plus de place à la tristesse. Plus de place au doute. Terrassés par la passion et ce qui semblait être un amour ravivé, Baxter et King oublièrent tout ce qu’ils avaient connu et tout ce qu’ils connaîtraient. La nuit ne serait jamais assez longue et l’aube se lèverait bien trop tôt, mais peu importe, car maintenant, il était avec elle.

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Ven 5 Mar - 18:20


Sa main dans celle d'Hannah, il se laissa guider jusqu’à la maison qu'ils venaient de quitter. Il n'avait aucune idée de ce que leur réservait le destin pour la suite de la nuit, mais l'écossais était habité par un calme étrange, bien loin de toute sa rage précédente. S'il aurait suffi de gratter (ne serait-ce qu'un peu) la surface de son esprit pour réveiller celle-ci, elle semblait pour le moment endormie, comme apaisée par le contact que réclamait inconsciemment leur corps.

Le hors-la-loi fut surpris que la brune le guide directement vers le couloir des chambres, mais resta silencieux. Après tout ce qui venait de se passer... Lorsqu'elle pressa sa main plus fort, il resserra la prise de ses doigts sur ceux de la jeune femme, commençant à comprendre où allait les mener la suite des événements.

La chambre des parents Baxter n'avait pas beaucoup changée. Clyde n'en avait vu l’intérieur qu'une fois ou deux, en compagnie d'Hannah alors fillette, en l'attendant toujours sur le pas de la porte. Il eut ainsi ce vieux réflexe, le même mouvement d’arrêt, ne souhaitant pas entrer sans y être réellement invité. Et si pourtant, il désirait plus que tout s'allonger dans des draps propres aux côtés de celle qui ne pouvait plus vraiment qualifier d'amie, il attendait qu'elle lui donne l'ordre implicite de son désir.

Par chance, Hannah semblait partager cette envie, car elle le poussa dans la pièce et le fit s'asseoir sur le lit. La lumière de la lampe à huile faisait danser leurs ombres sur les murs, silhouettes fantomatiques dans ces lieux emplis de souvenirs. Ses yeux trop clairs pris au piège dans le regard sombre de la brune, il l’observait se confondre dans une expression nerveuse, laissant même s’échapper un petit rire avant de s'excuser en rougissant. Clyde souffla par le nez en souriant, puis fronça les sourcils avec curiosité, s'attardant sur chacun de ses gestes. « ... de quoi ? », demanda-t-il, sa voix grave raisonnant dans le silence de la nuit. Hésitait-elle à aller plus loin avec lui ? Il ne lui en aurait pas tenu rigueur, surtout après tout ce qui s'était passé ce soir... Mais si au contraire elle voulait toujours de lui, il était prêt à déposer le monde à ses pieds.

Comme pour apaiser ses doutes, elle attrapa sa main et l'embrassa avec douceur. Ce seul geste suffit pour réveiller les ardeurs qu'il refoulait depuis lors, avec plus ou moins de brio. Et tandis qu'elle se calait entre ses jambes, toujours debout, King posa ses mains dans le creux de ses reins, les yeux cette fois rivés sur ses lèvres, impatient de pouvoir l'embrasser, sans pour autant oser être à nouveau trop entreprenant. Sa joue se souvenait encore de la claque qu'elle avait reçue, et il ne voulait pas brusquer Baxter. Par chance, Hannah acheva son supplice en posant ses lèvres sur les siennes, et Clyde l'en remercia silencieusement avec d'autant plus de tendresse. Il appréciait chaque seconde de cette étreinte avec avidité, cupide des sensations qu'elle provoquait en lui. Ses mains remontèrent le long du dos de la jeune femme, pour venir se perdre sur sa nuque et dans ses cheveux. Il senti le tissu de la jupe d'Hannah tomber jusqu'au sol, et se mit à l'aider avec empressement pour la libérer de son corset. De ses mains habiles, elle le déshabillait avec agilité, faisant glisser sa chemise pour l'en débarrasser. Se détachant alors d'elle pour tirer ses bras hors de ses manches et envoyer valser le vêtement par terre, il revint a la charge pour finir de délacer ce rempart entre leurs corps. Ses doigts se glissaient aisément entre les lacets de coton, libérant peu à peu sa peau pour la laisser en chemise. S'étant légèrement reculée, comme pour l'observer, Hannah murmura son nom sur un ton qu'il ne comprit pas. Le hors-la-loi leva alors un regard inquiet vers elle: que voyait-elle entre ses cicatrices et ses tatouages ? Était-elle déçue par celui qu'il était devenu ?

Le rouge qui montait sur les joues de la brune lui fit prendre conscience qu'il avait mal interprété ses mots. Il ne put s’empêcher de sourire, tout en secouant la tête avec une désapprobation joueuse. Son embarras lui donnait encore plus envie de l'embrasser, mais également tout essayer pour la faire rougir encore et encore.

Hannah le guida pour faire glisser le dernier morceau de vêtement qu'elle portait, qui alla rejoindre la pile de jupons et de tissus.

Contemplant sans gêne chaque parcelle de son corps nu, la respiration de Clyde se fit plus profonde, son torse se soulevant au rythme de son désir grandissant. Elle était magnifique. Bouche bée, le souffle presque coupé, il l’admirait telle une œuvre d'art tandis qu'elle se dévoilait à lui. Chaque courbe, chaque angle, chaque creux de son corps lui donnaient envie de l'embrasser à cet endroit précis. Elle était loin d'être la première à se montrer ainsi en tenue d’Ève devant lui, mais il ne s'était jamais imaginé voir autant de sa personne, avoir la chance de découvrir son intimité. Reprenant les mots de la brune, il dit : « Putain, Hannah... », tandis qu'elle attrapait sa main et le guidait pour parcourir ses cicatrices, en s'excusant.

Elle lui semblait à deux doigts de pleurer, lui demandant pardon pour des choses qui n'avaient aucune importance aux yeux de l'écossais. Il n'aimait pas l'entendre parler ainsi, il préférait même qu'elle l'insulte plutôt qu'elle se dénigre. « Non », commença-t-il en secouant la tête, ses paumes glissant sur ce corps qu'il trouvait parfait. « Ne t'excuse pas ». La dernière fois qu'ils s'étaient vus, ils étaient si jeunes, encore des enfants. « Jamais », continua le brun en attrapant le visage d'Hannah avec douceur. Ils étaient adultes maintenant, et son corps de femme avait de quoi le rendre fou. « Pas devant moi, et surtout pas de toi... », précisa-t-il en l'attirant contre lui, l'attrapant par les hanches. Il commença à embrasser son ventre, désireux de ne plus jamais entendre ces mots venant d'elle, mais également de combler tous ses caprices.

Tous deux basculèrent sur le lit, et leur étreinte se fit plus passionnée que tout ce qu’ils avaient pu partager au préalable. Chaque action qui s'était déroulée avant cet instant n'avait plus d'importance, et tout ce qui pouvait ensuite arriver n'avait aucune valeur. Seul l'amour partagé des deux nouveaux amants avait du sens, balayant toute notion de temps. Il n'y aurait plus de violence pour cette nuit, plus de souffrance.


Le jour se leva trop tôt ; chassant la nuit trop courte.

Clyde fut réveillé par l’aube, par la chaleur du soleil sur son visage à travers la fenêtre non voilée, et les ombres des arbres au-dehors dansant avec grâce sur ses paupières closes. Émergeant des bras de morphée, l’écossais cligna plusieurs fois des yeux ; et quand ces derniers s’acclimatèrent enfin à la luminosité, il observa pendant quelques secondes la poussière danser dans la lumière. Cet instant suspendu lui paraissait impossible, comme si depuis le début tout ça n'était qu'un drôle de rêve. Puis, il se frotta de visage d’une main molle, prenant conscience d'être bel et bien éveillé.

C’était une belle matinée, comparée à la tempête qui avait fait rage ici même la veille. En effet, la pièce lui semblait étrangement calme après toute l'agitation qu'elle avait accueilli seulement quelques heures auparavant. Tournant la tête pour observer Hannah logée au creux de son épaule, il ne put s'empêcher de sourire. Il avait l’impression qu’ils ne s’étaient jamais quittés, étrange sensation qui le confortait dans tout ce qui lui avait dit cette nuit. Avec toute la tendresse dont il était capable, il caressa son visage avec douceur pour dégager quelques mèches de cheveux emmêlées entravant ce dernier.

Il avait terriblement envie de la réveiller pour reprendre là où ils s’étaient arrêtés précédemment, mais n’en fit rien. À la place, il fit courir ses doigts sur son épaule, puis sur son bras, et enfin dans son dos. Insatiable du contact entre leurs corps, aussi simple pouvait-il être, il déposa un baiser sur son front. « Mo nighean Dom *», marmonna-t-il dans la langue de ses ancêtres, admirant le visage de la belle qui lui semblait désormais si jeune tant il était paisible. Caressant ses cheveux, il se délectait inlassablement de ses traits. Il aimait chaque centimètre de ce qu’il avait sous les yeux, de ses taches de rousseur à la couleur de ses lèvres en passant par la courbe de ses cils. S’il était capable de se l’avouer, il aurait aussi compris qu’il aimait chaque fragment de son âme, de celle qu'il avait connu à celle qu'il apprendrait à connaître.

En repensant à tout ce qui s’était passé la veille, Clyde eut un pincement au cœur. À peu de choses prés et par sa faute, elle aurait pu se loger une balle dans la tête - celle même qui reposait actuellement contre lui. Il se sentait terriblement coupable, et même le baiser qu’il déposa sur les lèvres de la brune, relevant son menton vers lui, n’apaisa pas ce sentiment. Il était persuadé qu’il allait finir par lui faire du mal, et cette idée même le terrifiait.  



*ma brune/my brown haired lass, en gaëlique écossais.

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Clyde King
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Mar 9 Mar - 8:37



Cette nuit fut de celles où le sommeil ne vient pas. Hannah ne s’assoupit qu’un instant, trop exaltée par l’ivresse des passions pour se confier à Morphée. Elle en était incapable, peut-être par peur qu’à son réveil la chambre eut été vide. Aucun doute n’était permis quant aux plaisirs qu’avait pu ressentir Clyde à passer cette nuit dans ses bras : le corps et les mots n’avaient pas l’air de mentir. Cependant, Hannah ne faisait pas confiance aux hommes, car elle était tout comme eux capable de se lever et de partir. Pour n’importe qui d’autre, cela ne l’aurait pas dérangé, mais là il s’agissait d’une âme qui la réchauffait d’une chaleur qu’elle ne connaissait plus - et qu’elle n’avait peut-être jamais connue.

Dos à la fenêtre, elle s’était lovée contre King qu’elle n’avait pas décollé de la nuit. Sa main dessinait des formes voluptueuses sur ce torse qui l’avait tant grisée la veille. La fatigue avait été balayée du revers d’un léger assoupissement et elle ne ressentait qu’un profond apaisement. Ses doigts se risquèrent sur ce ventre et ces hanches, avide de recommencer ce qu’ils avaient fait et refait cette nuit-là. Un frisson parcourut la peau de l’écossais et elle se ravisa. Tirant sur la couverture qui les protégeait, elle vint couvrir Clyde avec une douceur nouvelle et étrange. Elle ne voulait pas qu’il attrape froid, car la température avait baissé dans la maison. Déposant sa main dans son cou, elle ferma les yeux, bercée par une respiration calme qui l’emmenait loin dans ses pensées. Lui. S’il veut. Il va te briser comme une brindille ma vielle… Pensa-t-elle, en levant les yeux sur son visage qu’elle ne cesserait jamais d’aimer. Un sourire se dessina finalement sur cette bouche qu’il avait malmenée. Peu importe. J’prend le risque. Pensée naissante, comme une réponse à cette voix qui lui disait fuir. Elle se lova un peu plus contre lui et ferma les yeux. Le soleil qui chatouillait son corps ne la ferait pas partir. Au diable la réalité.

À cet instant, Baxter sentit King s’éveiller. Il bougea légèrement et elle refusa d’ouvrir les yeux, attendant qu’il parte, qu’il l’étreigne, qu’il l’embrasse. Quand il commença une danse sur son corps, qu’elle-même avait accompli un instant avant, Hannah se sentit frémir. Elle aurait aimé qu’il ne lui laisse pas un instant, la faisant repartir dans d’incroyables plaisirs, mais elle avait peur qu’il la juge. Ce n’était pas courant, chez elle, une crainte pareille. Elle qui assumait ses désirs comme un homme craignait que son amant ne lui laisse un pourboire en partant. Étrange sensation que Clyde faisait ressortir du bout des doigts. Quand il attrapa son menton pour l’embrasser, Hannah se mit à sourire et ouvrit les yeux. Il avait parlé dans une langue qu’elle ne connaissait pas et elle lui rendit la pareille, d’une voix plus suave et plus douce que la veille. « Bonjour mon amour.* » Les mots n’avaient pas d’importance, elle les garderait pour elle et il ne les connaitrait pas. Ce n’était pas tant par véritable conscience de l’importance de ces mots, que pour se tester et réaliser que cela ne sonnait pas si mal.

Hannah se redressa légèrement et se frotta les yeux, puis le visage, avant de basculer sur le ventre, afin de faire face à Clyde. La lumière était somptueuse. Elle dansait avec ses iris et marquait son visage sans pareil. Les cheveux de Baxter tombaient en cascade sur ses épaules et elle remit une mèche derrière son oreille pour mieux l’observer. Se penchant, elle embrassa ces lèvres qui lui étaient offertes. À cet instant, la suite de la matinée l’angoissa de par ses possibilités. Elle ne voulait pas qu’il parte. Elle avait peur qu’il ait envie de boire. Elle ne savait pas quoi dire ou proposer. Sa main glissa de son torse à ses cheveux, en une caresse si douce qu’elle fit frissonner une nouvelle fois sa peau et quand elle eut replacé les mèches folles de l’écossais elle murmura dans un souffle. « Tu as bien dormi ? » Cette phrase était de rigueur. Elle ne la posait qu’à quelques amants. « Je n’ai pas dormi. »
Ses yeux voguaient de-ci, de-là, s’imprégnant d’un mirage si doux pour son âme. Elle bascula de l’autre côté et regarda l’extérieur. Ses yeux, habitués à la lumière depuis l’aube, ne clignèrent que très peu et elle se mit à sourire en voyant le temps radieux. Les particules en suspensions dans l’air donnaient cette impression que le temps s’était arrêté. Dieu qu’elle aurait aimé qu’il en soit ainsi.

Hannah s’assit, laissant glisser sa couverture sur son corps, révélant son buste sans honte. Elle colla son flanc contre Clyde en le surplombant. La peau de ses cuisses et de ses fesses était froide en comparaison de celle de l’écossais. Cette sensation était délicieuse. Elle le regardait avec bienveillance, un sourire aux lèvres. « Tu as faim ? » Soif ? Elle n’aurait jamais osé lui demander. Une idée lui vint : son ranch avait la particularité d’avoir un puits bien bâti, grâce à ses parents. Elle ne manquait jamais d’eau et c’était bien pratique, car il était tout proche de sa maison. « Un bain, peut-être ? Dans les montagnes, il est rarement chaud. » C’était un travail qu’ils devraient faire à deux, mais ce n’était pas une idée désagréable.

Son regard changea finalement, quand elle fit glisser ses doigts sous la couverture, s’arrêtant au bas ventre de Clyde. « On peut aussi faire tout autre chose. » Hannah faisait un effort pour moins manger ses mots, cherchant à réduire cet accent que le temps lui avait assigné. Elle le regardait avec malice, attendant qu’il décide et priant pour qu’il ne choisisse pas la quatrième proposition : celle de partir. En réalité, Hannah aurait aimé faire tout ça et plus encore. C’était un temps parfait pour monter à cheval. Peut-être chasser. Elle désirait tout savoir sur cet homme depuis la dernière fois qu’il s’était vu, enfants. Mais la vie semblait lui voler ce temps qu’elle aurait pu passer avec Clyde et sa gorge se serra en pensant qu’elle s’emballait bien trop vite. Pourtant, c’était avec un naturel incroyable qu’elle agissait et pensait de la sorte. Plus tard, s’il l’éconduisait, cela s’évanouirait. Là, elle acceptait pour la première fois de sa vie que la tendresse puisse être plus importance et vitale que la méfiance. Après tout, dans ces couvertures, c’était bel et bien Clyde King qui l’avait étreinte. Celui dont elle n’aurait pas même rêvé d’une caresse.


*Blackfoot
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Clyde King
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Ven 2 Avr - 0:19


Les mots prononcés par Hannah lui étaient inconnus, drôle de langue qu’il n’avait jamais entendu. Mais la tendresse de son ton lui donna une petite idée sur leur signification. Où donc avait-elle appris à parler autre chose que l’anglais ? Il était curieux de le lui demander, mais n’en fit rien, l’observant se redresser pour lui faire face. Oh, comme il avait envie de l’embrasser, avec ses traits encore endormis et ses cheveux en bataille. Il aimait les voir ainsi lâchés dans son dos, encadrant son visage avec douceur. Mais la jeune femme sembla lire dans ses pensées car elle se pencha doucement pour venir poser ses lèvres sur les siennes, lui offrant l’étreinte qu’il désirait depuis l’instant où il s’était éveillé à ses côtés.

Il était presque certain de l’aimer. Presque, parce qu’il lui était difficile de se l’avouer, comme si le réaliser et l’admettre allait tout faire disparaitre, comme un tour de magie dont on découvre la logique. Alors il se confortait dans d’abnégation, préférant ne pas y penser. Mais s’il avait eu le courage de le voir en face, et d’affronter ce que sa tête s’acharnait à étouffer là où son cœur ne demandait qu’a hurler, il aurait compris qu’il l’aimait depuis toujours. Qu’il l’aimait depuis qu’il avait posé les yeux sur elle, enfant sauvage aux grands yeux noirs qu’il avait eu tant de mal à apprivoiser. Il l’aimait pour ce qu’elle s’acharnait à voir en lui, et qu’il n’avait peut-être même jamais été, mais qu’il désirait être à ses yeux – sans jamais qu’elle ne découvre la vérité. S’il avait été un peu plus lucide, sans parler d’alcool mais concernant les chimères enfermées dans sa tête, il aurait également réalisé que là, à cet instant précis, il était parfaitement heureux.

« …mieux que d’habitude. Beaucoup mieux. », se contenta-t-il de répondre lorsqu’elle lui demanda s’il avait bien dormi. Un sourire naquit sur son visage lorsqu’elle lui avoua qu’elle n’avait pas dormi. Il n’était pas étonné, mais ravi de l’entendre, flatté.

Il ne voulait pas que cet instant s’arrête. Il aurait voulu qu’elle replace encore et encore du bout des doigts les mèches insolentes de ses cheveux indisciplinés. Qu’elle caresse sa peau jusqu’à ce qu’il ne sente plus rien. Qu’elle lui parle pendant des heures, avec le luxe d’une conversation innocente, loin de celle qu’ils avaient eu la veille au soir. Il la voulait pour lui, et surtout être sien. Mais le risque de perdre tout ce qui était, et aurait pu être, lui semblait soudain trop grand. Sous ses envies teintées de tendresse et de besoin, se cachait ses démons, prêt à tout détruire. La violence, l’alcoolisme, l’égoïsme. Il avait tant de façon de tout perdre. Encore une fois. Clyde ne voulait pas lui faire ça.

« Un peu… », répondit-il à sa question sur sa faim. Il n’avait pas mangé la veille au soir, mais il avait surtout besoin de se désaltérer après tant d’efforts. Cependant, l’écossais préféra ne pas lui demander à boire, ne voulant pas la mettre mal à l’aise face ses vices. A la place, il s’avança vers elle, voulant l’attirer à lui pour en faire son petit-déjeuner, mais elle ne le laissa pas faire, lui proposant plutôt un bain. Haussant les sourcils, il pencha la tête sur le côté, faisant mine de renifler l’odeur de sa peau, avant d’hausser les épaules, un sourire malicieux jusque dans ses yeux. Au-delà de la plaisanterie, cette idée lui plaisait. S’immerger dans l’eau chaude était un luxe qu’il ne s’offrait pas aussi souvent qu’il l’aurait aimé, et sa réponse fut donc toute naturelle : « Si tu viens dans l’eau avec moi ».

Lorsqu’elle proposa une troisième option, pleine de sous-entendus, Clyde passa sa langue sur ses lèvres. Il sentait son regard, brulant, glisser sur son ventre sans aucune pudeur. Un peu plus et il ne serait plus capable de sortir de ce lit pour le restant de ses jours. « J’ai le droit de choisir combien d’options ? ».








C’est finalement le bain qui l’emporta, dans un premier temps.

Se glissant dans l’eau avec plaisir, le brun en oublia les efforts qu’ils avaient mit pour remplir tous ces seaux et les porter jusqu’à l’intérieur pour remplir la cuve. Il ne put s’empêcher de lâcher un « ah » de soulagement, son corps tout entier appréciant la caresse de l’eau propre, chaude et savonneuse sur sa peau. S’immergeant le plus possible, il passa ses mains mouillées sur son visage et puis dans ses cheveux, ravi de profiter de ce luxe avec Hannah. « Merci », lui dit-il en l’observant se glisser à son tour dans l’eau, rangeant ses jambes pour lui faire de la place. Il ne pouvait s’empêcher de se délecter de ce corps qu’il découvrait encore et encore, sous différentes lumières ou de nouveaux angles. Il ne s’en lasserait jamais, il en était certain.

Attrapant le pain de savon, il fit signe à la jeune femme de se tourner pour venir coller son dos contre lui. Les gestes étaient simples : une main passait le pain sur sa peau, tandis que l’autre, posée contre son épaule et sa nuque, appuyait sur ses muscles pour les détendre. Il faisait tout ça d’une façon si naturelle, qu’on aurait cru qu’ils ne s’étaient jamais quittés. Ils n’avaient rien de nouveaux amants, de l’extérieur, leur complicité étant proche de celle d’un vieux couple… Pourtant, quinze années les séparaient bel et bien, et l’ignorer ne les mèneraient nulle part.

« Dis-moi, qu’est-ce que tu m’as dit ce matin ? », demanda-t-il avec calme, ne voulant pas la brusquer avec sa curiosité. « C’était pas d'l’anglais…», ajouta-il. Ils avaient tant de choses à rattraper, tant d’années volées par l’égo de l’un et la fierté de l’autre, qu’il ne savait pas par où commencer. Ses mots doux au réveil lui semblaient un bon début.

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Clyde King
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Lun 12 Avr - 17:28


I lost something in the hills

@Clyde King & Hannah Baxter

Un bain s’avéra être un très bon choix. Après la nuit qu’ils avaient passé, Hannah ne rêvait plus que d’un moment de détente d’où elle sortirait propre. Ses muscles étaient engourdis et ses cuisses tremblaient légèrement. L’eau lui ferait le plus grand bien, même si elle souffrait d’un mal des plus agréables.
Porter des seaux, elle avait l’habitude de le faire seule. La tâche ne fut pourtant pas déplaisante. Entre elle et son Écossais, tout était si simple dans cette matinée hors du temps. Il n’y avait pas besoin de mots, car Clyde semblait ne jamais avoir quitté ce lieu. Petit à petit, ils retrouvaient leur complicité, mais elle était teintée d’une séduction dévorante qu’Hannah appréciait tout particulièrement.

Peut-être que ces seaux n’étaient soudain plus si lourds, car à l’arrivée, ce serait le corps de Clyde qu’elle verrait se glisser dans l’eau. L’observer ainsi s’immerger, le visage détendu, presque heureux, apaisait Hannah. La veille, la détresse de Clyde avait été si intense que personne n’aurait pu croire qu’en si peu de temps son visage aurait retrouvé le sourire. « Derien. » Murmura-t-elle en faisant glisser ses vêtements sur le sol. « Merci de m’avoir aidé. » Après tout, elle n’avait pas fait ça toute seule.
Une fois dans l’eau, la douceur de Clyde et ses attentions étourdirent légèrement Hannah. Allait-elle se réveiller ? Rêve où réalité, toujours est-il que la brune ne refusa pas son invitation et se tourna en silence. Elle se sentait bien petite sous les mains de son amant. Non pas qu’elle eut été une femme frêle, mais le sentir la tenir ainsi avait quelque chose d’impressionnant. Elle avait relevé ses cheveux, les nouant à l’aide d’un pique à chignon. Coiffée comme ça, elle ressemblait à sa mère.

Le massage de Clyde manquait de délicatesse, mais c’était tout ce qu’elle aimait : il ne se comportait pas avec elle comme s’il était avec une petite chose fragile. Un massage du bout des doigts, cela aurait été d’une tristesse… Les muscles de Baxter se détendaient peu à peu, la faisant fermer les yeux pour apprécier l’instant présent. Des gémissements de bonheur sortaient de sa gorge et un sourire béat illuminait son visage. Le silence qui les entourait n’avait rien de désagréable ou de gênant. Le calme, la tranquillité, on entendait plus que le mouvement de l’eau ainsi que leurs respirations. Hannah caressait naturellement les jambes de Clyde au rythme du massage.

Sa question la fit sourire de plus belle. « Huum… Non. C’n’est pas de l’anglais. » Elle pencha la tête pour le regarder du coin de l’œil. « C’était du Blackfoot… » Hannah, à ces mots, sentit une vague de chaleur irradier dans sa poitrine. Ce qu’elle allait lui confier était tellement important pour elle qu’il lui semblait que son cœur allait exploser de joie. Le temps avait balayé la dureté de cette partie de sa vie, ne laissant qu’un souvenir de bonheur pur et intense. La vie dans la tribu n’avait pas été de tout repos, mais elle ne regrettait rien, car chaque instant parmi eux avait été apprécié et savouré à sa juste valeur.
« Quand ma famille a été tuée, j’ai…Mh… » Cette partie de l’histoire avait été effacée par la honte, mais elle ne pouvait pas y échapper. « Mal tourné. 'Fin. Ils ont voulu me placer, mais tu me connais… Je me suis pas laissé faire et j’ai montré que je pouvais me gérer seule. Ce que j’ai pas fait. Enfin. J’ai bu jusqu’à plus savoir comment je m’appelais et franchement… » Elle n’avait pas envie de rentrer dans les détails. Un jour, elle lui raconterait tout, mais là, elle ne voulait pas s’y replonger. « Bref. Y a un natif qui m’a sauvé parce qu’on m’a laissée pour morte dans la forêt. J’suis partie du jour au lendemain du ranch et ils m’ont accueilli. »

Hannah se tourna pour voir le visage de Clyde, comme pour vérifier qu’il ne s’ennuyait pas trop. Elle passa sa main mouillée sur sa joue, puis sur sa lèvre et secoua les épaules pour qu’il enlève ses mains. Son dos maintenant collé à son torse, la brune s’immergea un peu plus dans l’eau, afin de venir lover sa tête contre son épaule. Là, l’un contre l’autre, Baxter inspira profondément et se mit à jouer avec la surface de l’eau du bout des doigts. « Ils m’ont fait arrêter d’boire… J’sais pas comment ils ont fait, mais ils ont même réussi à m’faire coudre. » Un petit rire la secoua. « J’étais docile, parce que… J’sais pas… J’me sentais tellement libre. T’imagines même pas à quel point ils sont extraordinaires… » Elle parlait au présent, comme si toute sa personne était revenue une vingtaine d’années plus tôt. « Enfin, dis-moi si j’t’embête avec mes histoires… » Elle attrapa la main de Clyde et la posa sur son sein gauche, contentant ainsi son besoin qu’il l’entoure, la tienne tout contre lui. « 'Fin. J’ai chassé le bison. J’ai appris leur langue, leur coutume. J’ai même un nom. Matsináámayaakíí. Ça veut dire fine gâchette. » Elle se lova un peu plus contre lui. Tant de souvenirs remontaient en elle. « J’parle presque mieux Blackfoot qu’anglais, maintenant. J’ai plus trop l’accent anglais de ma mère. Hein ? » Petit à petit, l’espièglerie se faisait ressentir dans sa voix. On entendait presque ce sourire qui s’étirait sur sa bouche. Elle était heureuse dans ses bras. Là-bas, elle n’avait pas cessé de penser à lui. Chaque nouvelle chose qu’elle vivait, elle aurait aimé la vivre avec lui. « Le natif, il s’appelle Makoyepuk. C’est devenu mon frère. Hm. Des fois, j’ai l’impression qu’on est nés d’la même mère tellement j’l’aime. » Elle ne lui dirait jamais ce genre de chose en face, mais à Clyde, elle pouvait le faire sans honte. « Enfin. Tu comprendrais si tu le voyais. Au début, c’était le seul qui avait pas envie de me buter, pourtant on s’est battu une paire de fois. Mais il m’a appris à chasser, à dépecer, à faire un tas de choses. T’as déjà chassé un bison ? Franchement, c’était l’truc le plus incroyable que j’avais jamais fait. T’as l’impression qu’tu vas crever face à ce truc énorme. » Hannah leva les bras hors de l’eau, accompagnant le geste à la parole. « J’savais pas qu’un truc pouvait être aussi gros. Ça t’fout une pression dans le cœur d’être face à ça. Mais du coup, ça a imposé le respect. Puis quand ils m’ont vu tirer… » Elle donna un petit coup de coude à Clyde. « D’où le nom. Ils ont plus jamais pensé à m’tuer. Y avait une vieille qui m’appréciait pas beaucoup beaucoup, mais en fait, elle osera jamais le dire, mais elle a fini par m’aimer comme si j’avais t’jours été une native. Elles ont vite compris qu’ma place était avec les hommes et j’ai pu chasser avec ó’si au lieu de faire à manger. T’as goûté la bouffe des natifs ? Le pemmican… Si t’as l’occasion, c’est parfait pour tenir quand tu dois voyager ou qu’t’es dans un coin perdu en hiver. Enfin, voilà… J’ai eu beaucoup d’chance. Au lieu d’mourir… J’ai trouvé une famille. » Elle pencha la tête en avant, regardant les mains de Clyde. Quelque chose manquait à son histoire. « Mais t’sais, comme toutes les familles, ça éclate toujours. Mais voilà pourquoi je parle pas qu’anglais. »

Hannah se mit à rire, gênée. Mais putain arrête de parler, qu'est-ce qui te prend ? « J’parle trop. Pardon. » Ce n’était pas dans son habitude de déblatérer ainsi, mais il lui semblait que le temps leur était compté et qu’il fallait qu’elle se livre toute entière. « Toi. Raconte. » Elle vint frotter sa nuque contre Clyde, le poussant à parler, lui aussi. « T’as fait quoi, après ? » Hannah avait envie de tout savoir. Absolument tout. Comment était-il devenu celui qu’il était aujourd’hui, cherchant la mort, englué dans la bouteille, mais pourtant bien trop similaire dans son regard et dans ses traits.

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Lun 12 Juil - 21:49


Elle caressait doucement ses jambes, le faisant frissonner de temps à autres.

Lorsqu’elle mentionna parler Blackfoot, Clyde ne se fit pas prier pour hausser un sourcil interrogateur, amusé par son regard en coin mais curieux d’entendre son explication. Et il l’écoute. Il l’écoute avec attention parler de sa vie, de ces instants dont il a été écarté.

Silencieusement, il est avide de ces mots et de cette histoire qu’il a enfin le droit d’entendre, aussi difficile soit-elle. Il aurait voulu lui poser des questions. Lui demander qui était le natif et qui l’avait laissée pour morte dans la forêt. Il aurait voulu lui dire qu’il aurait été là pour elle, que si elle l’avait laissé entrer, cette fois là et toutes les autres, il serait venu, il l’aurait aidé – il l’aurait aimé. Mais il n’en fait rien. Il se tait car pour le moment il n’a pas à parler. Il n’a pas à ajouter sa personne dans cette faille qu’elle lui ouvre enfin, et qu’il à attendu pendant si longtemps.

Hannah se tourna pour le regarder, passant sa main humide sur sa joue et il lui fit un petit signe de tête pour l’insinuer à continuer. Son regard se voulait aussi doux que possible, aussi doux qu’il en était capable. Lui aussi, aurait une vie à lui raconter, un jour. Il laisse s’échapper un sourire, accompagné d’un rire, lorsqu’elle lui avoue qu’ils ont réussi à la faire coudre. « J’aimerais voir ça », se permet-il en venant dégager les cheveux collés contre la nuque de la jeune femme pour venir embrasser doucement son cou - mais il n’en fait rien, la laissant parler. Sentant le sourire dans la voix d’Hannah, il ne peut s’empêcher d’être heureux pour elle, de savoir qu’elle a été comblée, même un court instant.

Clyde la laisse encore faire lorsqu’elle fait glisser sa main sur son sein. Il se contente de caresses, aussi douces qu’il en est capable, ne voulant pas briser cet échange – ne voulant pas qu’elle s’arrête de parler. Maintenant, c’est de sa vie avec les natifs dont elle lui parle. L’écossais à du mal à comprendre et à trouver ses repères dans ces histoires, mais il n’en reste pas moins attentif. « Mat-sin-áá-maya-akíí. », répète-t-il dans un Blackfoot qui laisse franchement à désirer. «…ça t’vas bien, fine gâchette», ajoute-t-il amusé. Car il veut comprendre. Il veut tout savoir, et ne plus avoir de secrets. Pourtant, il n’est pas certain de pouvoir lui rendre la pareille lorsqu’il devra à son tour lui expliquer ce qui s’est passé depuis ces dix-sept ans.

Alors qu’elle mentionne un natif du nom de Makoyepuk, Clyde se raidit. Il se rattrape bien vite en faisant mine d’attraper son étui à cigarettes resté dans son pantalon, au bord de la baignoire. Oh, ce nom, il le connait. Ils se sont croisés, il y a bien des années, à une époque où King à omis de parler de ses activités, face au chasseur de primes. Depuis le natif en question s’est promis de rendre la monnaie de sa pièce. Clyde abandonne le tabac lorsqu’il voit qu’Hannah ne prête pas attention à sa réaction. Elle lui parle de la chasse au bison, et de son expérience. Plus détendu, il répond doucement : « Non, j’ai fait bien des choses mais pas un truc pareil. » Il rit à nouveau lorsqu’elle les éclabousse tous les deux en essayant de décrire la bête avec ses mains, et il ne peut s’empêcher de la serrer dans ses bras, comme si elle allait lui échapper pour ce bison fantôme.

« …J’ai trouvé une famille. »,
ses derniers mots, qu’elle remplace bien vite en expliquant que ladite famille a éclaté, font monter un goût amer dans la gorge de Clyde. Il aurait aimé être sa famille. Il aurait dû, l’être. En tous cas, à une époque... il l’était. Baxter était la famille de King pendant des années. Il se sentait chez lui partout où elle était. Il se sentait en sécurité à ses côtés, immortel sous son regard. Et pourtant, il avait beau resasser tous les « et si », il était là, avec elle, à cet instant… ça comptait plus que tout le reste, non ?

Hannah s’excusa d’avoir trop parlé et il secoua la tête ; « …t’excuse pas d’m’raconter ta vie ». Mais bien vite, ce à quoi il s’attendait arriva. Elle lui retourna la question. Qu’est-ce-qu’il lui était arrivé, à lui ? Clyde ne suit par où commencer. Comme elle, il avait vécu mille vies avant d’en arriver là. Mais rien de glorieux. Pas de sauvetage chez les Indiens, ni de bisons majestueux ou de noms à la signification toute trouvée. Non, il avait merdé, de mauvais plans et plans bien pire.

Alors, sans fierté, il se racla la voix, et commença : « Hmm. J’ai perdu ma mère quelques mois après le départ de mon père. Elle est tombée malade, mais je crois surtout qu’elle n’a pas supporté son départ. » Ses doigts se mettent alors à jouer sur le buste de la jeune femme, caresses qui en sont autant qu’une façon pour lui de canaliser ses gestes. « J’me suis occupé d’ma sœur, j’ai quitté l’école. Mais personne ne voulait embaucher un gamin après la guerre. Oh, y en avait des ranchs à reconstruire, mais ils voulaient des gars robustes, pas des mômes. Alors on m’a proposé des façons de s’faire de l’argent facile. Voler des ch’vaux, les r’vendre au receleur. C’était facile au début, on était même une petite bande. » Sa voix est calme, presque sans émotion. Clyde n’est pas nostalgie de cette époque, mais il essaye de mettre de la distance. Il en parle si rarement, ce son enfance et de sa vie d’avant, qu’il a parfois l’impression qu’il n’a jamais vraiment vécu tout ça. « Puis on a eu b’soin d’plus grand. Fallait voler d’autres ranches, alors on est allés sur le territoire d’autres types, plus expérimentés. Y en a un qui s’en est pris à Lili. » Sa voix se fait plus dure alors qu’il parle de sa sœur et ce que qui lui est arrivé. Il n’a pas besoin de s’épancher en précisions inutiles, il sait que Baxter comprendra. Elle et Lili n’ont jamais particulièrement été proches, du moins pas qu’il ne s’en souvienne, mais cette douleur est universelle.

« J’l’ai tué. », conclu-t-il en serrant un peu plus les mains d’Hannah dans les siennes, assaillit par les images de ce meurtre – premier d’une longue série. « Ça a déclenché tout l’reste. J’allais être recherché, alors j’ai pris le train pour New-York. Ah, c’était pas la même chose la ville. J’me suis vite fait une place, mais toujours rien d’bien honnête. » Cette fois, il redevient factuel. « J’suis revenu dans la région y a quelques années. J’avais un plan, avec mes gars, et puis ça à foiré. Connard de Pinkerton, comme mon père. » Il ne se rend pas compte sur l’instant qu’il lui avoue alors pour la première fois la réelle fonction de son patriarche. Clyde s’est tellement défait de cette information qu’il en oubli l’âge et l’époque à laquelle ils se sont quittés, ce qu’Hannah sait ou ne sait pas de ce passé douteux. Mais déjà, il change de sujet : « M’enfin, j’me suis encore retrouvé à fuir, mais pas juste pour une petite vengeance de gang cette fois. J’suis allé dans l’sud. La Louisiane. Et j’suis tombé sur les O’Reilly. J’ai fait quelques coups avec eux, et quand ils ont commencé à chercher un nouveau coin, j’leur ai conseillé New Hanover… ». Il avait pris soin, pour tout son récit, d’omettre quelques détails ayant pourtant une importance capitale.

« Tu vois, rien de bien fameux. »

Il s’en voulait de ne pas tout lui dire. De lui cacher Alice, et tout ce que sa présence dans sa vie avait engendré. Tous les mauvais choix qu’il avait fait pour cette femme, sans même quelle n’en ait conscience. Mais comment lui dire ? Il n’allait pas lui annoncer comme ça, du but en blanc, qu’il avait aimé une femme au point de devenir fou pour elle ? Il n’aurait pas voulu entendre parler de toutes les conquêtes de Baxter, alors il s’imaginait qu’il en était de même pour elle.


(c) AMIANTE

Clyde King
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