Long is the night

Cet hiver, Mae Matthews le déteste particulièrement. Parce qu’elle s’ennuie. Elle tourne en rond, tel un lion que l’on a mis en cage. Et elle ne supporte pas tout ça. Mais sa prison, elle se l’est faite toute seule, tous ses choix de vie l’ont mené à tout ça. Ce soir, elle n’en peut plus, elle tuerait pour aller, ne serait-ce qu’une heure au saloon. Non pas qu’elle aime se mélanger aux autres, mais c’est un tout, elle en a besoin. Et vraiment, tout cela commence à jouer sur son moral, elle ne peut même plus fuir, elle est obligée de rester, assignée à une résidence qu’elle n’a même pas choisie.

Pour tout dire, elle était plutôt sage, dans sa tente en train de lire, incapable de se concentrer sur une seule phrase, son esprit partant dans des réflexions inutiles et sans fond. Par habitude, elle avait envie d’aller chercher la compagnie de Kilian, mais elle n’arrivait pas vraiment à le regarder dans les yeux, refusant l’évidence et allant même jusqu’à tenter de se persuader qu’elle ne lui a pas vraiment avoué à demi-mot ce qu’elle ressent. Vaines tentatives, elle l’avait réellement fait et rien que l’idée de s’en souvenir lui tordait le ventre. Agacée par sa propre personne -et ses propres contradictions- elle se décide à sortir de sa tente. Elle y retourne cependant aussi rapidement pour récupérer son manteau, elle qui avait presque oublié ce maudit froid hivernal. Fort heureusement, il n’y a pas de vent ce soir, la nuit, est calme. Seules quelques âmes se perdent encore au campement. Matthews s’allume une cigarette en jetant un rapide coup d’œil aux alentours. Bien, ils lui doivent bien ça. Elle se rend -non sans discrétion- là où les O’Reilly gardent leur bon whisky. Elle n’a jamais vraiment su comment ils faisaient pour avoir une telle liqueur, mais les frères avaient du mal à partager lorsqu’il était question de ces bouteilles. Mais Mae, elle s’en fiche bien. Elle espère juste qu’aucun des deux ne profitera de ce moment pour faire son apparition. Elle aurait du mal à expliquer ce qu’elle fait le nez dans la caisse. L’hiver se fait sentir sur le bout de ses doigts, mais elle parvient à extraire une bouteille de la caisse. Elle la lève alors un instant afin de vérifier qu’il s’agit bien du bon et le cache sous son manteau tel un contrebandier prêt à vous vendre n’importe quoi.

Se redressant, elle aperçoit Hargrave au loin et lui lance un « Hé ! Bonnie ! » tout en s’avançant vers elle. Matthews sort alors triomphante la bouteille de sous son manteau tout en continuant. « R’garde c’que j’ai trouvé ! ». Nul doute que Bonnie saura accueillir cette bouteille avec les honneurs qu’elle mérite. Bonnie et Mae elles s’entendent bien. Parce qu’il n’y en a pas une plus bavarde et plus souriante que l’autre. Elles se comprennent d’un simple regard. Mais ce soir, Matthews a une autre idée en tête, les flammes du feu de camp dansent devant ses yeux, véritable enfer qui s’anime. Elle pointe alors de son menton la jeune Victoria, assise auprès du feu, certainement pour se réchauffer. Sourire en coin, elle regarde Bonnie puis s’approche de Clayton. La pauvre petite en voit de toutes les couleurs depuis qu’elle est arrivée ici. Mais pourtant, Mae a senti en elle une forme de détermination qui, elle en était certaine serait utile au clan. Et, elle ne s’était pas trompée, son baptême s’était plutôt bien passé. Plutôt oui, car Matthews n’ira jamais admettre qu’une personne fait parfaitement les choses. Elle débouche alors la bouteille et la tend à Victoria. « Allez, pour fêter ton premier braquage. ». Elle la regarde, sans sourire, sans rien ajouter de plus, mais ses yeux sont bien plus persuasifs que des paroles.

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Long is the night

Évidemment que Matthews partage, et d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une bouteille honteusement volée aux frères O’Reilly. Les plaisirs de la vie sont souvent les plus simples. Les voilà toutes les trois réunies au coin du feu, prêtes à s’immerger dans le royaume du whisky. Alors, quand Victoria se décide à prendre la bouteille, pressée par Bonnie et son amabilité légendaire, Matthews offre un regard complice à Hargrave. Ces deux morues tiennent la marée, mais qu’en est-il réellement de Clayton ? C’est la question à laquelle Mae a envie de répondre ce soir. Elle prend alors place à ses côtés, tendant ses mains sèches vers le feu et souriant, un peu trop d’ailleurs pour que cela paraisse naturel venant d’elle. Mais Victoria va lui changer un peu les idées et elle en est ravie. « Oh, me r’mercie pas, c’est aux frères. M’enfin leur dit pas, ils aiment pas trop qu’on tape d’dans. » Ils n’apprécient pas du tout même. Une moue accompagnée d’un haussement d’épaules s’empare alors de Mae à l’évocation du braquage. « C’tait pas mal ouais. Disons qu’ta tête passe bien. » Jamais elle n'ira lui dire qu'elle s'est très bien débrouillé pour une première. La hors-la-loi prend alors la bouteille des mains de Bonnie tout en s’adressant à elle. « Doucement, j’irai pas en voler une autre pour vot’ cul y vont s’en rendre compte sinon ! » Elle rit alors, portant la bouteille à ses lèvres et regarde Victoria en désignant Bonnie. « Celle-là, elle parle pas beaucoup mais faut s’en méfier, elle t’sifflerait la bouteille avant qu’t’ai eu l’temps d’dire amen. » Repassant la bouteille sous les yeux de Victoria pour la donner à l’artificière, Mae s’allume une cigarette qu’elle coince au coin de ses lèvres et marque un temps pour regarder autour d’elle, s’entourant de sa fumée.

Si Mae Matthews est d’aussi bonne humeur ce soir, c’est peut-être parce qu’elle sait enfin que les choses commencent à s’apaiser avec les frères. Alors certes, elle n’ose plus regarder Kilian dans les yeux, mais ils se parlent et c’est déjà beaucoup. Et puis, comme tout nouveau, Victoria Clayton mérite son initiation dans le clan très privé des femmes de cette bande de voyous sans foi ni loi. Elle tend alors une cigarette à l’ancienne none tout en désignant Patterson au loin. « Tu vois l’connard là-bas ? C’lui qui rit comme un âne. Joshua Patterson, jamais vu quelqu’un d’aussi con. Y f’rait perdre patience à n’importe qui. D’mande à Bonnie c’sont grand ami. Hein Hargrave ? » Elle rit alors, manquant de s’étouffer avec sa cigarette, toussant avant de se reprendre. « Bon, après devant sa tente t’as Princessa. » En disant cela, Matthews prend des grands airs. « Irina Valanova, complètement ravagée, mais j’l’aime bien. Lui dit pas qu’elle ment, l’dernier qui lui a dit elle nous l’a tué. Une balle entre les deux yeux, comme ça. C’con parce qu’il était bien en plus. » Reprenant la bouteille à qui de droit, elle prend à nouveau quelques gorgées avant de la tendre à Victoria. « Ah oui, elle aime pas trop qu’on s’en prenne à Sean, Kilian ou à moi. J’sais pas c’qu’elle a avec nous, elle est comme ça. Mais y’a pas plus fidèle. » Il est vrai que le trio avait de la chance d’avoir Irina. Bien qu’elle soit complètement folle, elle était toujours là pour les protéger. Matthews prend alors une inspiration et tourne sa tête vers Bonnie. « Oh, Bonnie raconte à la p’tite la fois où vous vous êtes engueulé avec Patterson sur l’braquage du dernier train ! » Sur ces mots, Matthews étend ses jambes, prête à entendre une histoire qu’elle a déjà entendue des dizaines de fois, mais qui la fait toujours autant rire.

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