La nuit est sombre et l'air est froid. L'Hiver touche à sa fin, et la neige fond à vue d’œil. Le lac de Moonstone Pond quant à lui, n'est presque plus gelé et retrouve peu à peu son aspect scintillant au clair de lune. L’atmosphère est légère après la nuit festive que la bande s'est accordée pour célébrer leurs récents exploits ; les derniers rires se mêlent aux paroles incompréhensibles des chants grivois déformés par l'alcool, et le feu de camp s'éteint doucement.

Alors que tous rentrent dans leurs tentes pour aller dormir, Clyde s'accorde un petit moment d’apaisement avant de prendre son tour de garde. Le calme de la nuit est vivifiant, tout comme le vent qui s'engouffre sous sa chemise entrouverte. L’Écossais frissonne, et s'approche du bord du lac pour se passer un peu d'eau froide dans la nuque, ayant besoin de se rafraîchir le corps comme l'esprit. Du coin de l’œil, il observe la jolie captive attachée à un arbre non loin de là. Kilian l'a récupérée lors de leur dernier braquage, petite domestique innocente, et elle croupit depuis contre cet arbre.

Tandis qu'il se passe un peu d'eau sur le visage, il observe toujours la brune qui lui semble épuisée et gelée. Il se demande alors si quelqu'un lui a offert à boire ou à manger ce soir, ou même tout simplement depuis sa capture. Pas envie d'avoir à enterrer son cadavre, pense-t-il en se relevant, réajustant ses bretelles au passage. Il retourne donc sur le camp sans ménagement, et attrape un gobelet qu'il rempli de bière - l'eau claire se faisant rare dans leur provisions. Il prend également un bol de soupe tiède, et retourne au bord du lac.

Lorsqu'il revient vers la captive, Clyde s'approche silencieusement. L'écossais hésite sur la façon de procéder pour la laisser se nourrir. Il pourrait la détacher et la garder en joue, mais le risque de la voir s'enfuir serait trop grand et la prisonnière à déjà prouvé qu'elle n'est pas du genre docile... Non, si elle veut s'abreuver, il faudra qu'elle se laisse faire, qu'elle le laisse s'approcher. Alors, d'un geste lent, il pose le bol de soupe par terre, et garde en main la petite chope. S'adressant d'une voix basse à la native tandis qu'il approche le récipient de ses lèvres charnues, il lui dit d'un ton sec : « Bois ».

La native ne rechigna pas face à l’ordre de Clyde. Mais visiblement surprise par ce qu’il lui servait, elle en recrachât une gorgée et exprima à voix haute son constat apparemment déplaisant. L’Écossais haussa un sourcil, prêt à lui rétorquer que c’était ça ou l’eau stagnante et gelée du lac. Mais la captive en quémanda rapidement d’avantage. Le hors la loi esquissa un sourire amusé, observant cet étrange personnage ouvrir la bouche tel un oisillon attendant la béquée. Il exhaussa alors son souhait, alignant la chope sur ses lèvres tandis qu’elle buvait chaque goulée de façon précipitée.

« …doucement », se surprit-il à lui dire, ne voulant pas la voir s’étouffer contre l’arbre. Il observait avec un intérêt curieux et une certaine intimidation ses regards tantôt suppliants tantôt provocateurs, et ses orbes sombres qui semblait voir jusqu’à son âme.

Capricieuse, elle en réclama d’avantage lorsque le gobelet fut vide, et Clyde ne put s’empêcher de laisser s’étirer un sourire un coin sur son visage. Décidément, il avait bien fait de ne pas la détacher. Elle se serait retournée contre lui en seulement quelques secondes…. Un mouvement contre son genou le pressa, et Clyde se releva, observant depuis sa hauteur cette étrange femme à l’attitude étrangement animale.

Son commentaire sur sa troublante ressemblance avec un vautour le surprit, mais ne le blessa pas. Après tout, on l’avait traité de bien des choses moins nobles que ce rapace charognard. Il souffla par le nez, amusé, avant de lui répondre : « …essaye de pas t’laisser mourir alors. »

Sur ces mots, il s’éloigna. Il prit le temps de s’allumer une clope sur le chemin le ramenant au camp, et attrapa également une couverture. Deux jours que la native était là, elle devait crever de froid. Clyde n’était pas grand fan de ce genre d'enlèvements, aussi ironique que cela puisse paraître lorsqu’on connaissait l’histoire autour de son intégration à la bande.

En revenant vers la captive, il posa la chope par terre, non loin du bol de soupe, et la couverture à côté. Il s’accroupit devant elle, penchant involontairement la tête sur le côté en l’observant. Clope au bec, il tira sur sa cigarette, non sans recracher la fumée au visage de la native, plus par habitude que pour l’énerver. « Nadie, c’est ça ? », demanda-t-il, calme et curieux, avant d’ajouter : « Nadie, si j’ressemble à un vautour, je pense que t'es un chat sauvage ». En effet, elle était petite, plutôt jolie, mais il ne se laissait pas berner par le tranchant de ses crocs et la férocité de ses griffes. « Donc, kitty cat, j’ai quelque chose à te proposer. J’vais détacher tes mains du tronc, d’accord ? ». Désignant de sa cigarette la bière, le bol de soupe et la couverture, il continua : « J’vais les attacher devant toi ensuite, que tu puisses boire et manger. Si tu tentes quoi que ce soit en revanche… » L’Écossais dégaina son colt, l’essuya avec le revers de la chemise, et le pointa sur Nadie en enclenchant doucement le chien. « J’te colle une balle entre les deux yeux, compris ? ». Il n’avait aucun intérêt à en arriver là, mais il n’allait pas passer la nuit à la nourrir comme un oiseau blessé. Un coup de crosse suffirait amplement à clamer ses ardeurs si la captive décidait de jouer au félin féroce.

Voyant qu’elle coopérait, Clyde s’empressa d’aller défaire les liens de ses mains. A peine la captive fût elle libérée qu’elle s’attaqua à la soupe, sans attendre que le hors-la-loi ne rattache ses poignets comme convenu. Le brun soupira alors, cala sa clope entre ses lèvres et s’approcha d’elle pour lui retirer le bol - le temps d’entraver ses mouvements. Mais la native protesta et lui quémanda un peu plus de temps. L’écossais s’apprêta à lui dire que cette option ne faisait pas partie de sa proposition, lorsqu’elle attrapa sa manche. Immédiatement, il posa la main sur son colt, prêt à lui assener un coup si elle tentait quoi que ce soit. Mais son geste se révéla plus défensif qu’agressif, et Clyde, immobile, attendit de voir ce qu’elle comptait faire avant d’agir. Il était curieux. Après tout, ses mains étaient peut-être libres, mais son corps lui, était  toujours attaché à l’arbre.

Mielleuse, elle se fit pleine d’attentions et de douceur à son égard. Elle caresse sa peau avec son pouce, et Clyde la laissa faire. Il se demandait jusqu’où elle était capable d’aller pour se sortir de là, et ce jeu du chat et de la souris l’intriguait. La soirée promettait d’être passionnante.

Il ne fit pas de commentaire lorsqu’elle affirma qu’il n’était pas méchant comme les autres. Certes, il n’était pas aussi con que Patterson mais ne rivalisait pas avec la cruauté d’Irina. Et ça, la jeune femme n’en avait aucune idée. La flatterie le poussa juste à tirer sur sa cigarette et à souffler vers le ciel cette fois.

Les yeux rivés sur elle, il l’observa attraper la chope, boire à nouveau. Il fumait toujours, s’occupant les mains, immobile. La captive faisait tout pour ne pas rompre le contact de leurs regards, laissant même le précieux liquide lui couler sur le menton. Sa main devenait baladeuse, et elle remonta le long de l’épaule de Clyde, jusqu’à aller caresser sa mâchoire. Il en joua, ouvrant alors la bouche pour expirer la fumée de sa petite drogue, qu’il inspira immédiatement par le nez. Tentatrice, Nadie usait de ses charmes avec aisance, allant même jusqu’à pouce le vice en affirmant être un « gentil chat ».

Clyde dut se faire violence pour réprimer le sourire naissant sur son visage. Il laissa malgré-lui s’échapper un petit rire, tirant plus du soufflement par le nez que de l’exclamation. Elle lui proposa alors de boire un peu également, et Clyde hocha la tête pour acquiescer. « Toujours », dit-il en attrapant la chope, ses prunelles trop claires rivées sur la belle native. Pour faire bonne figure, il lui donna sa cigarette à moitié consumée. Avalant une lampée de la boisson tiède, il frissonna de dégout. C’était franchement immonde. Rendant son verre à Nadie, il attrapa dans sa poche sa flasque et trinqua avec elle. Il se rinça ensuite la bouche avec l’alcool - le gin était bien plus agréable, heureusement.

« Nadie, donc… », commença-t-il après avoir refermé le flacon. Se penchant vers cette dernière, il attrapa ses joues entre son pouce et le reste de ses doigts. La moue qui se forma alors sur le visage de la native était boudeuse, presque enfantine. Elle en était pourtant toujours insolemment belle. « Qu’est ce qu’on va faire de toi ? », demanda-t-il, sans animosité. Il l’observa quelques secondes ainsi, puis écarta sa main. « J’ai pas franchement envie de t’laisser crever dans l’froid, mais c’est pas moi qui donne les ordres ici… ». Attrapant la couverture d’une main, il la poussa vers elle, qu’elle se couvre un peu. « La nuit va être longue, ça peut être un bon début », ajouta-t-il avec un clin d’œil, attendant sa réaction.

Donner des ordres ? Clyde n’y tenait pas. Il avait déjà plus ou moins endossé le rôle de meneur avec sa précédente bande, et résultat : ils gisaient tous six pieds sous terre. Il avait déjà assez de mal à gérer sa propre personne pour se soucier trop longtemps du sort des autres. Peut-être dans une autre vie, avec moins de boisson et plus de ressources, mais pas ici-bas.

« Trente-trois ans », lui répondit-il en hochant un léger sourire sur les lèvres. S’allumant une autre cigarette, pensant que Nadie allait terminer la sienne, il tira dessus avant d’répondre à sa seconde question : « Parce que j’suis pas un connard d’Irlandais, et qu’ici c’est la bande des O’Reilly… ». À défaut de trouver une véritable raison, il répondait à son interrogatoire avec plus de véhémence que ce qu’il s’autorisait habituellement, étant plutôt du genre taciturne face aux inconnus. Lorsqu’elle mentionna que Kilian était un gros con, se moquant de sa taille, Clyde rit pour de vrai. « Ouais j’sais, plus c’est petit et plus c’est teigneux, hein ? », ajouta-il en jaugeant Nadie de haut en bas, pas franchement la plus grande des femmes. Même s’il en jouait, il comprenait sa rancœur concernant le cadet des frères, et ne lui en voulait pas vraiment de tenir ces propos. Après tout, il avait complètement merdé sur ce coup, à défaut de leur avoir permis de réussir leur braquage.

Et Nadie insistait. Elle se proposa comme première femme et mère de ses enfants, et Clyde se retint de rire pour ne pas la vexer. Il continuait à fumer comme si de rien était, lorsqu’elle saisit soudainement ses mains. Clyde s’en voulu quelques secondes d’avoir libéré ses poignets, mais il ne dit rien et l’écouta sans broncher, attentif. Il haussa un sourcil lorsqu’elle prononça un mot qu’il ne connaissait pas, et claqua sa langue contre ses dents - en un son réprobateur - quand elle posa son front sur ses mains tel une suppliante.

Il la laissa faire lorsqu’elle attira leurs visages respectifs l’un contre l’autre, la fixant avec un mélange d’amusement et d’agacement. Clyde n’était pas habitué à tout ce cirque, et bien qu’il la trouve très attachante, un simple « j’ai envie de faire pipi » aurait suffi. Mais le brun se délectait du spectacle, à la fois fasciné et incrédule. Elle l’acheva par un « Pitié grand chef », et Clyde, secouant la tête, un sourire révélant ses fossettes, céda : « Hmmm, allez. Lâche moi… C’est bon, j’vais te détacher. »

Il fit alors le tour de l’arbre, lentement et défit le nœud de la corde. Retournant vers elle, il se pencha légèrement pour a hauteur de son visage et dit « T’es jolie, j’ai pas envie d’te plomber… alors fait rien que tu pourrais regretter, tu veux ? ». Si Clyde riait de bon cœur avec elle quelques secondes plus tôt, il était redevenu sérieux. « J’te laisse deux minutes, devant ce buisson », ajouta-t-il en pointant un bosquet à quelques pas de là. « J’me retourne pour qu’tu fasses ton affaire, mais si j’entends plus de bruit, je tire, compris ? ». Il la fixait de façon sévère, n’ayant vraiment pas envie que toute cette histoire se termine en drame.

Clyde se laissa embobiner sans trop de peine par la jeune femme. Après ce que lui avait infligé Kilian lors du braquage, il n’avait pas envie d’être trop con avec elle : elle en chiait déjà assez comme ça depuis trois jours accrochée son arbre.

Mais la gentillesse de l’écossais se retournait visiblement contre lui. Rapidement, alors qu’il fait toujours dos au buisson où était normalement entrain de se soulager Nadie, le bruit caractéristique d’une masse qui tombe dans l’eau résonna à ses oreilles : « Plouf ». Fuck. Il se retourna alors immédiatement, presque certain que ce n'était pas un gros castor qui venait de piquer une tête dans le lac glacé. Se précipitant sur la berge, il aperçu donc la brune qui pataugeait, ne sachant visiblement pas nager. Il posa alors son arme, commença à retirer ses godasses, s’apprêtant à plonger, lorsqu’une masse en furie sortie de nulle part se jetta dans l’eau. « C’est quoi ce bordel ? », marmonna alors le hors-la-loi, dont les pensées franchissaient sans autorisations ses lèvres. L’inconnu a moustache, dont le plat magistral arracha à Clyde une grimace douloureuse, aida Nadie à revenir sur la berge sans que Clyde n’ait à bouger le petit doigt. Ce dernier s’empressa alors de ramasser son arme et de la cacher dans son dos, par précaution.

L’autochtone, quant à elle, n’était pas en reste. Elle embrassa fougueusement son sauveur, sous le regard amusé de Clyde, qui haussait les sourcils avec une surprise non dissimulée. Très vite, celle-ci sembla comprendre son erreur car elle redésigna l’écossais comme son agresseur, interpellant l’inconnu par le nom « Shérif ». Et merde, pensa Clyde, regrettant d’avoir (pour une fois) voulu être sympa.

Il eut alors une idée (peut étre pas la meilleure) pour se sortir de ce mauvais pas. Il s’avança vers Nadie pour la prendre dans ses bras, se retrouvant trempé par la même occasion, en gueulant : « Arrête ça chérie, tu veux ? M’sieur l’Sherif comprendra pas n'tre p'tit jeu… Tu m’as fait peur, on avait dit qu’on s’cachait pas au-delà du campement ! ». Serrant Nadie contre lui avec force pour qu’elle ne puisse pas partir, il présenta sa main au moustachu pour l’aider à se relever. Donnant tout ce qu’il était capable de donner – les talents d’acteurs du gang étant généralement réservés à Sean ; il dit : « Merci beaucoup, Shérif. Ma femme est bien joueuse mais oublie quelquefois des choses élémentaires… comme le fait qu’elle ne sait pas nager… hein, ma douce ? ». En prononçant ces derniers mots, il tourna son regard pour froncer les sourcils vers la native. Puis, la rapprochant toujours plus de lui, il ajouta à destination de l’homme de loi, lui faisant signe de le suivre : « Restez pas là, v’nez vous réchauffer près du feu. Vous excuserez mes camarades Gypsies qui dorment, la journée a été rude, mais doit y avoir une bouteille pour arranger tout ça sans trop de vacarme. » Si n’importe qui sortait de sa tente, Clyde était foutu. Pointant ensuite un doigt sévère vers Nadie, il précisa : « Et toi, fini d’jouer, hein ? ».

Clyde asséna une grande claque sur l’épaule du Sheriff, en l’entendant acquiescer vivement. Puis, pressant sa main entre ses omoplates pour le pousser vers le feu de camp, il prit son rôle de gitan très (trop) à cœur et dit : « T’en fait pas mon pral, elles auront pas bougé t’es affaires, personne va t’les chourrav’, y sont tous au pieux.»

Essayant de masquer sa surprise face à une Nadie qui elle aussi semblait succomber à ce petit numéro beaucoup trop étrange, il lui caressa les cheveux comme on l’aurait fait à un petit chat lorsqu’elle lui ordonna de ne pas l’appeler « ma douce ». Tout ce numéro était ridicule, mais semblait fonctionner. Et la jeune femme, dont le génie était très certainement incompris dans ce monde de brute, eut l’idée du siècle : inviter le moustachu à perdre sa virginité avec eux. Si le hors-la-loi manqua de s’étouffer devant cette proposition, il profita du silence de leur invité inattendu pour renchérir et l’effrayer encore plus : « Oh bha oui, on peut pas t’laisser r’partir comme ça. Et puis tu peux plus dire non maintenant, mon pral, ça serait vexant pour la dame. » commença-il en rapprochant le jeune homme de lui, entravant ses mouvements. « Hein, elle est pas belle ma femme ? ». Son regard vacilla de Nadie au brun. Se forçant à ne pas exploser de rire, surtout avec tout ce qu’il avait bu, Clyde fit de son mieux pour redevenir froid, au moins en apparence. Laissant trainer son regard longuement vers l’inconnu, il lui donna finalement une petite claque derrière la nuque, et ajouta : « La r’garde pas trop non plus. »

Son imitation était grotesque, mais il s’enfonça dans son rôle un peu plus, essayant de lui faire assez peur pour qu’il ne revienne jamais dans ce coin.  Se redressant, il avait maintenant les deux dans les bras, sorte d’étrange maquerelle de la douille, et il finit par conclure alors les avoir observé en silence assez longtemps pour laisser le malaise s’installer : «  Bon, la moustache, si tu poucave pas à tes p’tits amis qu’les dames sont jolies ici, j’te fait cette faveur. Et si tu tiens pas ta parole, j’te jure sur tes grands morts que j’te marrave la gueule, et tu vas raquer, j’ai l’surin qui m’démange quand on touche à ma femme. »

Se redressant de toute sa hauteur pour observer la native et l’homme de loi, il laissa un sourire carnassier se découper sur son visage, et ponctua tout ce manège :« Marché conclu ? »