PrettyGirl

Ella, les yeux revolver. Elle a le regard qui tue - surtout quand ses iris noirs comme une nuit sans sommeil le suivent partout, se posant sur silhouette d’Ichabod qui, au vue de la beauté de cette femme, se sent comme un prince et oublie presque qu’il boîte. Sa jambe et la pirogue doivent être faites du même bois, car quand il prend place dans l’humble vaisseau, il ne vacille aucunement - chose rare quand on a plus que la moitié de son équilibre. Il se reproche tout de même son absence de bon sens : chuter sur la demoiselle aurait pu être une superbe façon de se rapprocher d’elle - ceci, la main qu’elle pose sur lui est une récompense suffisante. Histoire d’impressionner la douce, il ne manque d’ailleurs pas de bander ses muscles, lui donnant l’impression pendant quelques secondes qu’il n’est pas juste sec comme un bâton de réglisse ( mais tout aussi savoureux ).
La remarque de la maquerelle lui arrache un sourire franc, suivi d’un clin d'œil - incorrigible anglais, il aurait certainement salué les frasques de Hugh Grant s’ils avaient eu le plaisir de naître à la même époque. — Madame, mon seul plaisir est de savoir votre coeur apaisé et contenté. “ Il était heureux qu’elle le voit comme un rempart entre elle et le danger, mais était bien plus ravi encore de l’emmener pour la première fois faire un tour sur l’eau.

Une fois la chef d’entreprise installée, c’est avec vigueur qu’Ichabod commence à ramer, se penchant peut-être parfois un peu trop vers l’avant, comme pour détruire la distance qui sépare. La curiosité semble posséder chacun de ses gestes : il a d’ailleurs du mal à regarder là où il va quand devant lui, comme un tableau, se dévêtit chastement une femme qui a autant de pudeur qu’un marrin, mais dont la grâce n’est pas sans rappeler une Salomée des temps moderne. — J’espère que cet instant sera pour vous aussi doux que la muse qui me l’a inspiré. “ Pas de doute sur le nom de cette extraordinaire figure.
Quoiqu’il en soit, Ichabod profite des yeux clos de la demoiselle pour tenter le diable et faire de cet instant une aventure : les condamnant à la dérive, long moment d’attente entre le départ et le retour, l’armateur laisse glisser de ses mains les pagaies qui l'encombrent. Plouf. Adieu. — Oh non ! “ Il feinte la surprise dansun jeu d’acteur qui ferait pâlir Sarah Bernard. — Eh bien maintenant que j’ai les mains libres... “  Il marque une courte pause, sortant un baluchon de sous son banc.  — On dirait bien que je vais pouvoir nous servir deux coupes de champagnes. “ Monsieur s’éxécute donc.

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