Noir. Tout était désespérément noir et vide. Et silencieux. Puis des bruits étouffés parvinrent à ses oreilles. Lointains. Des voix peut-être, des pas aussi. Sean pourrait en être sûr s’il arrivait à se concentrer mais cet horrible mal de tête lui empêchait toute pensée construite de se former dans son crâne. Puis la lumière fût, comme disait ce bon vieux testament. Enfin lumière, c'était accorder beaucoup de crédit à la pénombre qu'il percevait par les de fentes de ses yeux à peine entrouverts. Un visage lui masquait le seul rayon de soleil qui arrivait à percer dans la pièce. Beaucoup trop près. Sean recula instinctivement. Ce mouvement engendra une onde de douleur qui électrisa tout son corps et lui fit serrer les dents. Suivit d'une autre, soudaine et brutale provoquée par un coup de poing dans le ventre mais qui eut l'avantage de lui rappeler ce qui l'avait amené à se retrouver dans cette situation pointilleuse.
La cargaison, l'attaque, les Borden, trou noir.
Ce qui expliquait aussi son mal de tête.

Sean ne pouvait pas se voir dans un miroir, ni vérifier son état, saucissonné comme il l'était sur sa chaise mais il devinait qu'il devait être bien mal en point. La douleur qui pulsait dans tout ses membres était l'indicateur plutôt fiable que ses agresseurs avaient dû s'en donner à cœur joie même après qu'on l'ait forcé à rejoindre les bras de Morphée. Sa vision diminuée par son œil droit qui ne s'ouvrait qu'à moitié et le liquide gluant qu'il sentait collé sa tempe en étaient deux autres tout aussi révélateurs.

Mais le bandit n'avait pas le temps pour une introspection, son ravisseur était bavard et ne lui laissait aucun répit. S'il le reconnaissait ? Comment oublier cette tête de fouine synonyme de traîtrise qui avait décimé sa famille et lui avait arraché des bras sa Kelly, la seule petite femme de sa vie? Ses lèvres se déformèrent dans un rictus sinistre alors qu'un poignard, bien plus douloureux que tous les coup qu'on avait pu lui mettre se retournait sans sa poitrine.

- Miss ya'? Sorry lass I don't remember all the whores I fucked, don't take it personally. Though with yer sweet lady face ye shouldn't wear pants it doesn't suit ya'.

L'affront serait sûrement récompensé d'un autre coup mais voir le visage décomposé de ce petit chef de gang juvénile aux traits trop fins pour être honnêtes en valait la peine. Et Sean ne serait pas Sean sans sa grande gueule.

Dans la salive du chef de gang se mêlait le goût du ferreux du sang. Il cracha par terre mais l'autre, imperturbable, continuait à bavasser. Chacun de ses mots, chacun de ses gestes semblaient avoir été longuement calculés. Sean aurait fait une grimace si son visage tuméfié en avait été encore capable. Ca l'avait toujours énervé, les poseurs. Sa promesse d'avoir épargné ses hommes il se la mettait bien profond. Il n'avait aucune once de confiance en cet homme qu'il avait déjà vu à l'œuvre dans un des moments les plus noirs de sa vie. Mais de son inquiétude Sean ne montra rien. Il ne voulait dévoiler aucune émotion que l'autre pourrait interpréter comme de la faiblesse. A la place, il força un éclat de rire tonitruant dont il avait le secret qui lui brûla les poumons et envoya un pluie de postillons sanglants sur sa chemise.

- Darlin', if ye think she’s stupid enough to run into yer little trap for me sorry arse… (then you're late to the party, mate) ... yer as thick as a plank.

Mae lui avait bien fait comprendre après son retour d'expédition que Kilian était son one and only et thank you next. Mais ça Baby Borden n'avait pas à le savoir. De toute manière l'eau avait coulé sous les ponts depuis et Sean n'y pensait plus… sauf quand on lui donnait une occasion de se remémorer ce souvenir humiliant, et ça l'énervait. Le hors-la-loi ne manquerait pas de donner une claque à ce présomptueux petit psychopathe pour la peine dès que l’occasion se présenterait.

Des bruits à l'extérieur vinrent interrompre les douces pensées de Sean qui s’imaginait tout ce qu’il ferait à son ravisseur s’il avait les mains libres. Malheureusement, par la fenêtre de la roulotte plongée dans la pénombre il ne pouvait rien voir d’autre qu’un bout de ciel bleu et n’avait donc aucune idée de ce qui pouvait provoquer toute cette agitation. Cole, en revanche, semblait bien renseigné de la situation.

- Shite, on the clock! Did ye prepare a singin’ number too? Make it quick ‘cause I’m knackered.

Il faisait le malin parce que les mains liées, il n’avait de toute façon pas grand chose d'autre à faire, mais au fond il priait tous les saints du Ciel (les occasions de se montrer pieux lui étaient rare mais celle-là en était une) que Mae ne s’était pas jetée dans la gueule du loup sans avoir fomenté un plan. Pas qu’il doutait de son intelligence (c’était indéniable qu’elle l’était bien plus que lui) mais il savait aussi que la tête pensante du trio pouvait parfois se laisser mener par son cœur plutôt que par sa tête et ce qui l’amenait souvent, quand c'était le cas, à prendre des décision regrettables. Même si cela le tuait de l’admettre, peut-être que l’évolution dernière de leur relation était une bonne chose dans cette situation précise.

Le jour perce à peine la toile blanche de la tente quand Mae se décide à émerger d’une nuit qui a été bien plus courte pour le cadet O’Reilly encore endormi à ses côtés. Une partie de la joyeuse bande a décidé de terminer une soirée déjà bien entamée au saloon d’Imogen. Mais Mae n’était pas d’humeur à rire ce soir-là, reprenant un rythme de vie plutôt normal, elle s’était mise à faire la gueule sans raison apparente, elle-même ne savait pas vraiment pourquoi. Il s’agissait pourtant d’un signe de bonne santé chez les hors-la-loi. Tout allait pour le mieux, aucun avis de recherche n’avait franchit l’entrée de la petite ville faite de bois, Sean était de retour et il avait accepté la nouvelle les concernant elle et son frère (du moins, elle essayait de s’en persuader, oubliant la brouille de quelques heures qu’il y avait eue entre les frères.), le vieux Cogburn leur foutait toujours la paix et surtout, les affaires allaient pouvoir reprendre. Sean avait d’ailleurs repris la route pour se rendre vers un nouveau partenaire qui leur avait été indiqué. En réalité, Matthews le soupçonnait de vouloir être un peu seul, mais elle n’avait pas insisté pour l’accompagner lorsqu’il lui avait dit que cela ne serait pas nécessaire.

L’assemblée de hors-la-loi profite encore de quelques heures de répit en reposant leurs yeux fatigués. Si l’on tend l’oreille, il est possible d’entendre les ronflements d’Irina et de Patterson se répondre. A moins qu’ils ne viennent du même endroit ? Mae fronce un instant les sourcils, marquant une pause dans le café qu’elle était en train de préparer. Elle se redresse, mangouste à l’affût du moindre indice puis secoue la tête en se remettant à sa préparation, elle a décidément trop d’imagination. Irina et Patterson, quelle idée tirée par les cheveux. Jamais la princessa n’irait partager du temps avec un demi cul-de-jatte. Les soupirs des endormis sont pourtant rapidement troublés par l’arrivée en trombe de deux membres du clan Irlandais. C’est Darragh O’Daly qui commence dans un premier temps à hurler en courant vers Mae, suivi de son cousin le jeune Patrick MacSanly essoufflé par trop d’embonpoint. Les deux jeunes adultes (ils ont à peine la vingtaine.) s’expriment alors ensemble, soufflant l’accent des terres irlandaises aux oreilles de l’Américaine qui commençait à se servir un café bien mérité. Sa main brandit en bouclier face au dialecte dont elle arrive à cerner des bribes avec le temps, elle les arrête alors. « Wait, wait, wait. Darragh, you first. » Haussant les sourcils de dépit, Mae décide qu’il est temps pour elle de caler une cigarette au coin de ses lèvres. Mais elle ne l’allumera pas, sentant son cœur grimper jusqu’à ses lèvres à l’évocation de la situation de l’aîné. « O’Reilly, wake up, that’s your brother. » Mais Kilian met – à son goût – trop de temps à lui répondre, elle gueule un peu plus fort en ouvrant la tente. « KILIAN ! For god sake ! »

Et alors que Mae tend son café à Kilian, Darragh leur explique tout. Les gars sur qui ils sont tombés, ce type qui a gardé Sean et leur a laissé la vie sauve, les consignes qu’il a données : uniquement Kilian et Mae, personne d’autre. Et puis, ils donnent une description de leur campement, et, rapidement, le regard de Mae croise celui de Kilian, l’inquiétude prend place sur son visage quand ses lèvres murmurent à peine un nom qui leur a causé bien trop de torts. « Borden. » Des souvenirs qu’elle pensait bien trop éloignés pour se montrer à nouveau reviennent à sa mémoire. Elle entend à nouveau les cris de désespoir de Grace qui glaçaient les nuits moites du Bayou, elle voit les yeux de Sean s’éteindre, et le regard de Kilian se perdre. Et surtout, elle voit la confiance de leur clan diminuer. Ses yeux voient défiler cet agent de la Pinkerton qui l’aurait certainement tué si le cadet O’Reilly n’avait pas tiré avant. Mae redresse la tête en se ressaisissant, elle regarde les deux cousins. « We need weapons. You’ll be there, hiding, just in case. I know he saids no one except Kilian and I, but I don’t trust this son of bitch. »

**

Les cousins abandonnent donc le couple bien avant qu’on ne puisse les distinguer. Une cigarette est rapidement consommée à l’approche du campement des gitans et Matthews regarde le cadet O’Reilly. « I swear I don't leave this place ’til I have his body attached to my horse. » Et elle est très sérieuse lorsqu’elle fait cette annonce en jetant sa cigarette à même le sol.

Descendant de son cheval, l’accueil des Borden est à la hauteur de ce qu’ils pouvaient attendre d’eux. Des hommes viennent leur retirer leurs armes que Mae donne en gueulant « Don’t touch me ! BORDEN COME HERE ! I’M GONNA … Hey ! That’s my breasts don’t … ! » Après lui avoir confisqué sa Winchester, ses trois colts ainsi qu’un couteau qu’elle avait dissimulé dans ses cheveux, voilà que l’homme qui prenait un malin plaisir à la palper avait découvert la dynamite qu’elle avait caché dans son chemisier. Discrètement, elle fait alors signe à Kilian qu’ils ont tout trouvé.

Les dents serrées d’énervement, désarmée, elle attend donc sans patience aucune que leur plus grand ennemi et surtout le plus gros traitre qu’il leur ait été donné de croiser se montre. Chuchotant pour eux, elle se penche vers Kilian. « Anything left ? » N’importe quoi, même un bout de verre ferait l’affaire pour pouvoir mourir avec un peu de dignité.  

@Cole Borden @Sean O'Reilly @Kilian O'Reilly

Décidément le destin avait décidé d’humilier Sean jusqu’au bout car Mae et Kilian arrivaient à point nommé selon le programme du maître de cérémonie. Et ce ne fut pas tant la réflexion du malfrat qui remettait en cause l’intelligence de ses deux amis que son petit air satisfait qui crispa le visage du kidnappé. Ce sourire il avait envie de lui arracher du visage à coup de tir-bouchon… Tire-bouchon! L’aîné O’Reilly eut une révélation mais n’en montra rien sur sa trogne, continuant à faire la trogne comme si aucune idée de génie venait de lui traverser le cerveau. Il prend son mal en patience alors que l’autre lui fiche une claque molle qu’il aurait à peine senti s’il n’avait pas déjà eu le visage complètement tuméfié, mais qui n’en restait pas moins humiliante. Sean se promis qu’il la lui rendrait à la première occasion mais la sienne n’aurait pas sa touche délicate de minet, il lui montrerait ce que c’était qu’une vraie claque de bonhomme.

Cole bavassait dehors mais Sean n’écoutait déjà plus. Il avait peu de temps pour agir et n’en avait pas à perdre. Profitant du fait que le mastodonte qui lui tournait le dos en montant la garde devant la porte bloque une partie du champs de vision de Borden (qui ne le regardait absolument pas de toute façon, trop occupé à faire un discours qu’il avait dû répéter des heures devant son miroir), Sean commença à se tortiller silencieusement sur sa chaise pour faire glisser le tire-bouchon qu’il avait coincé dans sa manche plus tôt dans la journée. Loin de son cheval et de sa besace il n’avait spu ou le ranger, et le regard noir de Grace la dernière fois qu’il lui avait donné un pantalon à reprisé l’avait dissuadé de le glisser dans sa poche de pantalon. S’il s’en sortait, ce serait un peu grâce à elle finalement, il se ferait une joie de la remercier comme il se doit quand il rentrerait au campement.

Mais un tire-bouchon, bien que pointu, n’était pas un couteau, et Sean rencontrait des difficultés à entamer ses liens. De plus le cours peu catholique qu’avaient prises ses pensées étiolait sa concentration et le ligoté s’entama la paume plutôt que la corde. Il eut un violent sursaut de douleur et bien qu’il réussit au dernier moment à se retenir de crier, il ne put en revanche retenir la chaise déséquilibrée par tant d’agitation. Il se vit perdre l’équilibre au ralenti, le carré de lumière face à lui passant du vertical à l’horizontale avec une lenteur infinie. Sa tête heurta violemment le sol étourdissant au passage sa caboche déjà bien malmenée, ce qui expliqua sûrement pourquoi il ne sentit pas que dans la chute, la mèche s’était enfoncée dans sa main et la traversait de part en part.

Lancer de dé:

La réponse du plus jeune des O'Reilly quant aux promesses de carnage dissimulées sur sa monture étire un léger sourire à la hors-la-loi qui se reprend bien rapidement lorsqu'elle fait face au campement ennemi.Les yeux de Mae se baladent sur le camp de fortune des infortunés et les relents amers de la vengeance lui reviennent rapidement en bouche dès qu’elle croise le regard d’un homme du clan Borden. Cela fait bien longtemps qu’ils auraient dû régler son compte au petit merdeux qui descend de sa cabane sur roues. Se faire avoir par un rejeton en pleine crise d’adolescence avait déjà été suffisamment humiliant la dernière fois, il n’était pas ici question de recommencer.

Le jeu d’acteur du petit chef ne l’impressionne absolument pas, et elle retient même un rire face aux idioties déblatérées. Il ne changera donc jamais. Il n’apprendra donc jamais. Il fanfaronne Cole, depuis leur dernière rencontre, mais il devrait savoir que s'attirer les foudre d’un groupe aussi chaotique que les O’Reilly est dangereux. Rien ne retient ces hommes et ces femmes usés par la vie. Et s’il y a bien la mise à mort d’une personne sur laquelle tout le monde s’accorde sans discuter, c’est bien celle de Cole Borden. Les seuls débats animés à son sujet tournent autour de la façon de lui ôter la vie et à ce jeu là, Mae Matthews est une grande partisane de l’idée de Owen qui consiste à le traîner à cheval couvert d’huile et une torche à la main. Owen est un homme inventif en plus d’être d’une grande intelligence. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est apprécié. Lorsque Cole leur expose sa demande ridicule, Matthews recule sa tête de deux mentons et demis, haussant les sourcils de surprise avant de se mettre à rire. “I’m sorry, what ?” Il est gonflé Borden, de venir comme ça s’imposer sur un territoire qui n’est pas le sien. “C’mon Borden, get serious for once.” La hors-la-loi lisse sa jupe en coton rapiécée au moins cinq fois cette année pour enlever la poussière de la route et s’avance en soupirant aux côtés du cadet O’Reilly en pleine découverte touristique. Le monde des saltimbanques leur est inconnu, c’est tout nouveau pour lui. “So, here’s the deal : you let us take back our partner and you stay the hell out of our way or I swear Borden you’ll regret it.” Les yeux maintenant rivés sur l’homme, elle remarque alors qu’il ressemble à s’y méprendre avec un vautour. La pensée l’éloigne quelques instants du sujet de conversation avant qu’elle n’y revienne en secouant légèrement la tête pour remettre son chapeau. Une insolation serait de trop. “There are men dying for revenge waiting for our signal around here.” Sa main brasse l’air afin d’accompagner les hommes prêts à faire feu, coup de bluff qu’elle estime nécessaire afin de le faire redescendre de son piédestal. C’est comme au poker, il faut être sûr de soi quand on s’apprête à faire tapis avec un jeu merdique afin de faire reculer l’adversaire qui aurait le bonheur d’avoir un brelan. Imitant l’autre moitié de son couple, Matthews se met à rouler une cigarette qu’elle coince au creux de ses lèvres. “But yeah …” D’apparence calme, elle ôte la cigarette de la bouche de Kilian pour allumer la sienne avant de la remettre en place. “You can try to reduce us to a group of two and we can reduce you to, let's say...” Elle joue, regarde Kilian dans une fausse concertation avant de s’en remettre au Borden dans un souffle de tabac trop sec. “ Zero ?”

En silence, elle soutient le regard du romanichel, prête à entamer un jeu auquel elle le sait, il va perdre puisque la détermination s’affiche jusque dans le fond de sa rétine.Un bruit sourd se fait entendre dans la roulotte gardée par le frêle corps de Cole et celui imposant du gros cailloux derrière lui. “Everything good Sean ?”

@Cole Borden @Sean O'Reilly @Kilian O'Reilly