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| Since : 07/08/2022 Messages : 67
Faceclaim : Rosamund Pike Crédits : Me (signature) | Moi (avatar)
DC : Fifi & Riri
Age : 35 ans
Statut : Mariée (de circonstances) à Laurie Smith | Mère (d'emprunt) d'Ann
Job : Institutrice à Imogen
Habitation : Un petit appartement dans la rue principale d'Imogen
| Lun 6 Fév - 23:46
She doesn't know they won't grow old together
@Andréas Richter Blair est mortifiée ; Laurie éclate d’un rire compatissant.
« Bien sûr que je ne t’en veux pas, Blair. Comment aurais-tu pu savoir ? » l’excuse-t-il en servant le petit-déjeuner.
Madame Smith observe les oeufs brouillés et le bacon qu’elle a été incapable de cuisiner correctement. Ses tentatives sont là, brûlées, noires, odorantes, poussées en bout de table après la première bouchée de politesse d’Ann et de Laurie.
« Non, non, non, » s’obstine-t-elle en rougissant de honte. « Je n’ai même pas demandé… Je n’ai pas pensé… »
Sa fourchette triture la viande brune ; du haggis que le boucher leur a gentiment offert la veille. Une petite main rose se pose sur celle de Blair. Ann l’observe avec de grands yeux indulgents, de ceux qu’on certains grands-parents lorsqu’ils constatent la bêtise d’un de leurs petits-enfants.
« Tu sais, c’est pas grave si t’es pas une bonne maman. »
Elle a la même mine de bienveillante sagesse que Laurie tandis qu’elle lui offre un dernier hochement de tête pour retourner à son assiette.
« C’est vraiment meilleur, les petits-déjeuners de papa ! » chantonne-t-elle en agitant ses jambes.
Si cela était possible, l’institutrice sentirait des morceaux de son visage tomber pour se fracasser au sol.
« Ann ! » la gronde le psychiatre. « Ce n’est pas gentil de dire ça. Allons, demande pardon. »
« Pardon, » lâche-t-elle sans lever les yeux de sa tranche de bacon qu’elle enfourne sans application dans sa bouche.
Laurie soupire, las, en lissant ses cheveux blonds en arrière.
« Je dois y aller, » annonce-t-il en enfilant son long manteau beige. « Blair, ne te tracasse plus avec ça, d’accord ? »
Elle acquiesce sans vraiment y croire et ce n’est que quand la porte claque derrière lui qu’elle se lève à retardement :
« B-Bonne journée… »
Mais les mots meurent sur ses lèvres sans qu’il ne les ait entendus.
Blair se laisse tomber sur sa chaise avec un soupir plus profond encore que celui de son mari. Elle enfouit son visage dans ses mains.
« Je suis absolument pitoyable, » se lamente-t-elle en pressant ses doigts contre ses paupières closes et ce jusqu’à voir des éclats blancs. « Pitoyable ! »
Elle tire ses yeux vers le bas avec un râle de soldat agonisant.
Un bruit de papier froissé lui fait baisser le nez.
« Ça, regarde, » Ann tapote de son index sur le catalogue du quincailler. Blair ne savait même pas que Laurie l’avait emprunté. « Papa veut ça. Il a dit qu’il voulait changer de chapeau. Le sien fait des grumeaux. »
Le chapeau de feutrine beige, orné d’un ruban de tissu noir que désigne la petite fille fait très chic.
« Vraiment ? » demande Blair, pleine d’espoir. « Tu es sûre ? »
Ann hoche vivement de la tête.
« Oui, oui ! Il m’a dit de te di- ah il me l’a dit ! »
8 $… Oui, si elle ne remplace pas la dentelle abimée de sa chemise de nuit ce mois-ci, mais dans deux mois alors, oui, elle peut le lui offrir !
De joie, elle dépose un baiser sur la tête brune de la fillette qui glousse.
« Nous irons l’acheter ensemble après l’école, d’accord ? Nous en profiterons pour rendre son catalogue à monsieur le quincailler. »
L’excitation d’Ann se fane à la mention de l’école.
« Noooooon, » sanglote-t-elle. « Je veux plus y aller ! Jamais ! »
*
« Habille-toi bien. »
Malgré sa demande, c’est Blair qui finit par reboutonner le manteau d’Ann et de faire un tour de plus avec son écharpe autour de son cou.
« Je peux plus respirer ! » s’étrangle-t-elle en tentant de sortir son menton de ses couches.
Elle se débat et l’institutrice est obligée de rendre les armes pour fermer la porte de l’école. Elle n’a plus la bonne odeur de peinture fraîche qu’elle avait à la fin de l’été, mais elle reste d’une jolie couleur d’un blanc tirant sur le beige.
Un « pouf » dans son dos la fait sursauter.
« Touchée ! » exulte Ann en brandissant les deux mains en l’air. Il lui reste un peu de neige collée sur les gants.
« Oh non, aahhhh, » fait mine de souffrir Blair en se tenant les côtes.
Elle se baisse juste assez pour cueillir un peu de poudreuse. Mais Ann n’est pas dupe et file à toute allure dans la rue principale (la seule) d’Imogen.
« Doucement, doucement ! » s’inquiète sa mère adoptive en tentant (vainement) de la suivre.
Elle a juste le temps de voir Ann disparaître chez le quincailler avec un tintement de clochette.
« Oh non, oh non, oh non, faites qu’elle ne casse rien, pitié pitié pitié. » Elle martèle mieux de la tête que des pieds tandis qu’elle remonte ses jupes pour allonger son pas, pourtant incertains sur le sol poisseux de gadoue et de neige glissante.
C’est essoufflée qu’elle arrive à son tour dans la petite boutique.
« B-Bon…jour, » articule-t-elle en prenant de grosses inspirations. Il n’y a personne derrière le comptoir. « Ann ? Tu es là ? »
Pas de réponse.
« Ann ? »
Il y a un léger craquement des planches à sa gauche, juste derrière le portant à chapeau. Pattes de velours sur le parquet, Blair s'avance, malicieuse jusqu'à apercevoir une silhouette trifouiller dans la pénombre.
« Bouh ! » s'exclame-t-elle.
Son masque enjoué meurt lorsqu'elle se rend compte que ce n'est pas Ann. Mais le quincailler.
« O-oh, euh... Vraiment navrée, désolée, » bafouille-t-elle en tentant de reprendre une contenance. « Je croyais que vous étiez ma fille, Ann, elle vient de rentrer dans le magasin et il fait plutôt sombre ici, non ? Non non, vous ne ressemblez pas à une petite fille de cinq ans, pas du tout ! Mais, oh... Peut-être que ma vue baisse... Vous ne l'auriez pas vue ? Brune, grande comme ça ? J'espère qu'elle ne joue pas avec vos affaires... »
Inquiète, Blair se dresse sur la pointe des pieds pour tenter d'apercevoir Ann derrière les étagères encombrées.
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| | Sam 11 Fév - 15:50
She doesn't know they won't grow old together @Blair Smith Je déteste le froid. C'est à peu prés la seule pensée cohérente qui parvient à mon cerveau en cette fin d'après midi... La colère qui va naturellement avec cette pensée et le déchargement des marchandises à la cave pourraient m'aider à faire circuler mon sang plus vite. Mais ce n'est pas suffisant.
Je m'interromps pour préparer du café. Je laisse la trappe ouverte derrière le comptoir....
Qui oserait affronter l'obscurité des sous-sols à part moi... Je n'en ai aménagé qu'une partie depuis mon arrivée. Peut-être qu'un jour, je prendrais le temps d'explorer les couloirs creusés qui se perdent vers la montagne. Les traces humaines que j'ai découvert sont plus anciennes que celles des premiers blancs... Des autochtones ont du creuser ces galeries bien avant qu'un cul blanc ait trainé dans le coin.
Je remplis ma cafetière d'une poudre noire odorante. Je crois que je serais capable de bruler mon fond de commerce rien que pour en consommer davantage. Je garde toujours le meilleur pour moi... les consanguins du coin ni connaissent rien de toute façon...
J'allume le feu dans le foyer qui s'obstine à ne pas prendre. Un courant d'air me contrarie... quelqu'un à du ouvrir la porte... Je lève la tête. La porte est bien ouverte mais personne de visible. Je ne crois pas aux esprits, alors je mets cela sur le compte du vent. Je me dirige vers l'arrière boutique pour récupérer une veste. J'entends cette fois clairement le bruit d'un pas léger. Et au détour d'un montant en bois...
« Bouh ! »
... me voici devant une paire d'yeux clairs et désespérément innocents malgré son statut de femme mariée à un type que je n'aime pas... J'admets... je n'aime pas grand monde.
Madame Blair Smith... un nom à la fois banal, ordinaire et contrariant... Qui peut bien s'appeler Smith?
Elle se lance dans une tirade étrange, même pour cette femme un peu lunaire... Je comprends grâce à elle que je ne ressemble pas à une petite fille de cinq ans... Me voici rassuré. Et puis mon cerveau se remet en marche. Elle cherche sa gamine. Cette fillette minuscule qui fait plus de dégâts qu'une tornade. Je repense au courant d'air... c'était forcement elle...
J'espère qu'elle ne joue pas avec vos affaires...
C'est forcement le cas...
Dans ce cas, votre note va se rallonger encore. Grace à votre fille, vous êtes devenue ma meilleure cliente...
Ma phrase est interrompue par le bruit d'une chute et un grand cri. Je cours jusqu'à la trappe ouverte sur l'obscurité. Pourquoi les enfants ne connaissent-ils pas leurs limites?
Je vais aller rallumer ma lanterne pour descendre. Parler à votre fille pour que je puisse la repérer.
J’espère qu'elle est consciente. Je n'aime pas les enfants. Mais j'ai toujours fait mon possible pour les laisser vivre.
Récap' des événements - ici tu peux faire une résumé de ce qu'il se passe dans ton post. | | | | |
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Habitation : Un petit appartement dans la rue principale d'Imogen
| Lun 13 Fév - 22:07
She doesn't know they won't grow old together
@Andréas Richter La fin de l’après-midi jette une faible lumière grisâtre à l’intérieur de la quincaillerie. Les étagères alignées contre les murs sont garnies d’objets en tout genre, dans un bric-à-brac désordonné. Fils de fer et barbelés côtoient marmites usagées et manteaux râpés. Blair n’a pas envie de s’imaginer où toutes ces affaires du quotidien ont été dégotées. Malgré elle, elle le fait pourtant. « À des morts, peut-être ? » frisonne-t-elle. « Retirés à même des cadavres ? » L’image cauchemardesque du quincailler en train de dévêtir un corps rigide et blême pour ensuite mettre la chemise sur un des mannequins de la vitrine lui traverse l’esprit. « Mais non, mais non, tu te fais des idées Blair, » tente-t-elle de se rassurer. Le commerçant se redresse, pour la toiser de toute sa hauteur. Il a un air entre l’ennui et l’exaspération peint sur le visage. Finalement, de l’imaginer piller des dépouilles encore chaudes lui semble beaucoup moins fantaisiste. La jeune femme rentre son menton dans son écharpe à carreaux, intimidée.
« S-Se rallonger ? Encore ? » balbutie-t-elle sans comprendre.
Elle l’observe avec des yeux ronds comme des billes avant de les cligner lentement, comme une grenouille ahurie. Elle n’est que rarement venue à la quincaillerie. Une fois pour acheter un nouveau collier à Caroline et une autre s’offrir un nouveau balais. Rien de très extravagant. Et Ann ne l’a jamais accompagnée. « Enfin, je crois ? » se demande-t-elle en se repassant ses visites, en quête du souvenir de sa fille en train de jouer avec les babioles posées sur le comptoir. Mais dans sa mémoire comme dans le magasin, la petite fille est invisible. « Laurie alors ? Il serait venu avec Ann ? » Il lui en aurait parlé, si elle avait cassé quelque chose…
« Je crois que vous faites erreur… » sourit-elle avec une petite voix. « Ann n’a jamais… »
Un cri aiguë résonne et c’est Blair qui hoquette à son tour, les yeux écarquillés. La décharge d’adrénaline qui la secoue la fait trembler toute entière, comme si un tremblement de terre agitait la boutique. D’ailleurs, le sol chancelle sous ses pieds.
« Ann ! » s’exclame-t-elle en s’élançant derrière le quincailler.
Accroupie au bord de la trape menant à la cave, elle scrute le trou béant sans rien voir d’autre que l’obscurité. Pourtant, ses yeux fouillent, scrutent et elle se penche si bien qu’elle menace de basculer en avant.
« Ann ! Ann ! Tu m’entends ? Tu t’es faite mal ? Ann ! »
Blair a l’impression qu’un géant appuie son pied entre ses omoplates. Ses poumons sont vidés de tout air. Les pires scénarios défilent dans sa tête. Ann qui est tombée sur la tête et qui devient comme Maddison Denning - une petite fille de Sunshine qui, après sa chute d’un arbre, n’a jamais reparlé et se contentait de baver -. Ann qui s’est brisée les deux jambes et reste paralysée. « Et si… ? » Un terrible effroi l’étrangle. Elle n'a plus de sang dans le visage. La neige glacée du projectile d'Ann fond dans sa nuque.
« Ann ? Je t’en prie Ann, réponds-m- »
« Ann a rien de cassé ! »
La voix qui s’élève des tréfonds de la cave est fluette.
« Tombée dans les pommes de terre. Ça sent le pipi ici. »
Une exclamation de dégoût leur parvient en écho.
Le coeur de Blair repart si vite qu’il en est douloureux. D’ailleurs, tous ses membres sont soudainement endoloris tandis qu’ils se relâchent.
« Ne bouge pas, surtout ! Monsieur le quincailler va venir te chercher. »
Elle jette un regard vers le commerçant qui s’est équipé de sa lanterne. La lumière vacillante éclaire un visage bourru et mal rasé.
Ses pas grincent contre l’échelle en bois appuyée contre le rebord et il disparait à son tour dans l’obscurité.
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| | Dim 19 Fév - 15:00
She doesn't know they won't grow old together @Blair Smith
Avant de disparaitre dans l'obscurité, je sens dans ma poche la présence de mon briquet. Je tends la lanterne à la femme.
Tenez la simplement au-dessus de la trappe. Je connais l'endroit par cœur. Même en aveugle, je peux trouver les lanternes pour les rallumer
Le temps de la descente me permet de bénir mon célibat et l'absence d'enfants. Être marié et père de famille me donnerait aux yeux de la société un semblant de normalité et me permettrait de me fondre davantage dans la masse. Mais il y a des limites à ma capacité de mentir...
J'en suis aux derniers barreaux de l'echelle. La lumière diffuse de la lanterne au-dessus de ma tête ne révélait pas la situation de la petite.
Parle gamine. Que je ne te marche pas dessus
Et puis comme un piaillent d'oiseau...
Ca sent le pipi...
Je me dirige vers la lanterne que je sais se trouver la plus proche
Tu l'as deja dit. T'es sur de pas plus tôt t’être fait pipi dessus?
Des pleurs me répondent... Bravo... Je fais pleurer des petites filles maintenant. Un crime inédit à rajouter à ma liste... Je parviens à rallumer la lanterne fichée au mur taillé dans la roche. Je me retourne. La fillette est assise sur une montagne de patates qui a pu amortir sa chute.
On dirait une poupée oubliée dans un coin.
La prochaine fois regarde ou tu mets les pieds.
Je ne suis pas certain que les enfants savent écouter quand il faut.
Ca brille par là.
Elle tend son petit doigt vers une longue boite rectangulaire que j'ai oublié de refermer tout à l'heure et que la flamme que j'ai allumé éclaire désormais. Je prend soin de mes armes tous les jours. La lumière a été renvoyée par le métal de ma lunette de visée. Un bon ouvrier soigne son matériel, un tueur aussi. J'ai laissé ouvert la boite. Une négligence impardonnable. Comment imaginer qu'une petite fille trop curieuse se retrouverait là avec ses yeux d'enquêtrice.
Tu sais ce qui brille?
Les petits yeux s'illuminent
De l'or?
Elle me fait rire. Vénale si jeune... Je redeviens sérieux
De la pisse de rats. Ils viennent faire leurs besoins dans la boite. Tu veux voir?
Son regard de petite renarde se révulse
Beurk!!!
C'est bien gamine... Continue comme ça... Soit surtout pas trop curieuse pour ton bien et celui de ta mère.
On va remonter. Tu vas t'accrocher à mon dos. Tu passeras tes bras autour de mon cou. Je m'accroupis et je sens son poids de mouche s'installer sur dos. J’éteins la lanterne et je reprends l'escalade de l’échelle. Une fois arrivé, tout en évitant d’être assommé par la lanterne que la maman m'agite sous le nez, je me libère en douceur de la demoiselle miniature.
Je referme la trappe avec soin, je reprends la lanterne que j’éteins d'un souffle, avant que ne s'ajoute un incendie à mes problèmes.
Je vais faire du café. J'en ferrais pour vous si vous voulez?
Arrivé presque mutique dans ce pays, je suis en train de devenir bavard.
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| Since : 07/08/2022 Messages : 67
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Age : 35 ans
Statut : Mariée (de circonstances) à Laurie Smith | Mère (d'emprunt) d'Ann
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| Jeu 3 Aoû - 11:04
She doesn't know they won't grow old together
@Andréas RichterPostée au bord de la trappe comme une gargouille sur la façade d’une église, Blair se penche si bien qu’elle pourrait à son tour dégringoler le long de l’échelle. L’attente lui semble interminable. Et cette lanterne qui n’éclaire rien ! Elle n’arrive même pas à apercevoir les derniers barreaux. Comment le quincailler fait-il pour y voir quelque chose là-dedans ? Et quelle idée de laisser la cave grande ouverte ! Des voix lui parviennent, mais l’écho déforme leurs mots. Qu’est-ce que c’est que cette cave ? Une grotte ? Comment peut-elle être si profonde… et avec un écho ? Lorsqu’elle repense à la cave de la maison familiale, à Sunshine… Un petit espace exiguë, qu’on atteint après avoir descendu sept barreaux et où les plus grands peinent à tenir debout. Il n’y avait certainement pas d’écho là-dedans.
Enfin, le visage du quincailler se découpe dans l’obscurité, Ann perchée sur son dos. Le soulagement arrache un sourire tremblant à l’institutrice.
“Oh, Ann, tu m’as fait si peur !” Elle aide sa fille adoptive à descendre de son mulet de circonstance. “Ça va, tu n’as rien de cassé ?”
Elle papillonne autour d’elle, s’assurant que chaque membre est à sa place et époussetant son manteau et son écharpe. Enfin, elle la prend dans ses bras et la serre si fort que la fillette se met à geindre et à gigoter.
“Tu m’étouffes !” se plaint-elle. “Ann a rien !”
“Vraiment, tu es sûre ?”
La fille de Laurie ne répond rien et se contente de tirer sur un bouton que sa chute a partiellement arraché.
“Ça, c’est cassé,” annonce-t-elle d’une voix pas du tout alarmée.
Blair éclate d’un petit rire en recueillant le bouton qu’elle range dans sa poche.
“Je le réparerai, ce n’est pas grave,” sourit-elle en caressant la tête d’Ann. “Merci, monsieur Richter, merci beaucoup !”
Elle se retourne vers le quincailler qui s’en est allé préparer des boissons chaudes dans l’arrière-boutique.
“Oh euh oui, avec plaisir !” lui répond-elle enfin en élevant un peu la voix pour qu’il puisse l’entendre.
Ann fronce le nez de dégoût avant de le pincer ostensiblement, grimace à l’appui. Elle jette un coup d'œil vers la porte restée ouverte. L’odeur des grains moulus commence à se répandre.
“Maman…” chuchote-t-elle après s’être assurée que le quincailler ne pouvait pas les entendre. “Il y a de l’or dans la cave… Des lingots ! Il a dit que le pipi de rat ça brillait, mais Ann est pas bête.”
Elle tapote son index sur son front, imitant à la perfection un des tics de Laurie lorsqu’il signifie qu’il réfléchit. Blair fronce les sourcils. Conserver de l’argent est tout à fait normal lorsque l’on tient une boutique. Des dollars, des cents… Mais des lingots ?
“Tu es sûre ? Des lingots ? Ce n’était pas des pièces ?” répond sa mère adoptive sur le même ton.
Ann secoue la tête.
Mais leur conversation chuchotée est interrompue par le quincailler qui revient, armé de deux tasses fumantes.
“Merci, c’est très gentil à vous monsieur Richter,” le remercie-t-elle en acceptant la petite tasse en fer un peu cabossée. “Ann a quelque chose à vous dire, n’est-ce pas, Ann ?”
Ses lèvres forment le mot “Merci” qu’elle décompose bien en deux syllabes. La fillette sourit.
“J’ai vu l’or que tu caches !” l’accuse-t-elle. “Tu penses qu’Ann est bête. Le pipi de rat, ça brille pas !”
Toute fière, elle ancre ses petits poings contre ses côtes. Blair, elle, sent son visage se décomposer. Elle n’était venue que pour acheter un chapeau pour l’anniversaire de Laurie, pas provoquer une guerre avec le quincailler !
“O-Oh, je suis navrée, monsieur Richter ! Ann, tu… Enfin, ça ne nous regarde pas, Ann, d’accord ? Monsieur Richter fait ce qu’il souhaite, ne nous mêlons pas de ses affaires.” Elle prend une gorgée de café. “Il est très très bon, merci.”
Un petit rire de gêne franchit le seuil de ses lèvres. Sa fille adoptive, elle, continue de scruter le quincailler, ses yeux transformés en deux fentes suspicieuses. Son visage mal rasé est faiblement éclairé par la lampe à huile posée sur le comptoir. “Il est plutôt beau garçon sous ses allures renfrognées.” Madame Johnson lui a dépeint le personnage comme un homme bourru et solitaire et Laurie comme un commerçant poli, mais au mot rare. “Il est peut-être veuf ?” conjecture l’institutrice. Il n’y a que les veufs pour traîner aussi la morosité et la mélancolie.
“J’allais oublier !” enchaîne Blair, désespérée de changer de sujet. Elle fouille dans son sac pour en tirer le catalogue. “Mon mari vous l’avait emprunté et je suis venue vous le rendre. Je suis aussi venue acheter… Attendez…” Elle pose son café sur le comptoir et se met à tourner les pages à toute allure. “Où est-il ? Quelle page était-ce déjà… Je l’ai sûrement déjà passé… Ah non, le voilà !”
Malgré les ténèbres qui baignent la boutique, elle parvient à reconnaître le dessin du chapeau qu’elle tapote de l’index.
“Je voulais acheter ce chapeau pour mon mari. C’était son anniversaire et je suis complètement passée à côté…”
“Quelle horrible épouse je fais,” songe-t-elle, un peu triste.
“Il a de l’or !” répète Ann, déterminée à ne pas lâcher le morceau. “Il peut nous donner le cadeau, il a pas besoin de sous !”
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