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Guns & WhiskyFORUM WESTERN · NOUS SOMME EN ÉTÉ
1889. À la lisière de l'Etat de New Hanover, la petite ville forestière d'Imogen compte un peu plus de 500 habitants. Plus connue pour ses ranchs que pour ses pépites, elle est l’exacte représentation des espoirs et des échecs de tous ceux qui ont pu croire au rêve américain. Son seul lien avec la civilisation est le chemin de terre creusé par le passage des diligences, droit vers la station de gare de l'autre côté de la frontière qui mène vers l'Etat de West Esperanza. Cette route est connue pour ses braquages incessants, causés par le gang des O’Reilly. En plus de terroriser la population - leurs méfaits sont racontés dans tous les journaux de la région ; ils rendent périlleux les voyages vers la grande ville : Silverstone. Cité minière dirigée par la respectable famille des Rosenbach, prospère et moderne ; on pourrait presque croire que c’est un lieu où il fait bon vivre. Mais, derrière la bonhomie de son shérif, les sourires de ses prostituées et les façades fraîchement repeintes, l'influence criminelle du Silver Gang grandit de jour en jour. Lire la suite
Clyde King est la fondatrice du forum ! Elle se genre au féminin et ses autres comptes sont : Isaac, Mila, Amitola et Cole. PROFIL + MP
Makoyepuk est modératrice du forum ! Elle se genre au féminin et ses autres comptes sont : Kilian, Ichabod, Amelia, Benicio et Howard. PROFIL + MP
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On ne cherche pas de nouveau Shérif pour l'instant, mais qui sait, un jour tu feras peut-être régner l'ordre et la lois sur ce forum ?
FAIT DIVERSDepuis l'attaque de la banque, Mr le maire, Henry Rosenbach, invite les citoyens à redoubler de prudence - il craint que cet acte n'inspire d'autres scélérats, et met en garde ses concitoyens quant au danger qui rôde dans les grandes plaines. Ainsi, il préconnise les voitures de poste, ou encore le train pour se déplacer.BONNES AFFAIRESN'oubliez pas de passez par le quartier commerçant de Silverstone pour faire vos emplettes dans l'épicerie des Rinaldi ! Vous y trouverez moultes boîtes de conserve, ainsi que quelques plats tout chaud, tout droit sortis de la cuisine et parfois même servi par la petite fille des propriétaires.RUMEURUn prisonnier se serait échappé du Fort de Silverstone. Les rumeurs les plus folles circulent : certains s'imaginent qu'il s'agit encore d'un coup des bandits qui ont attaqué la banque, d'autres, un peu moins terre-à-terre, parlent d'une attaque d'anciens confédérés. La justice, quant à elle, ne commente aucune e ces hypothèses.PETITE ANNONCEDepuis la fonte des neiges, le village d'Imogen est fière d'annoncer la réouverture de son marché agricole ! Chaque mercredi, les producteurs de New Hanover sont invités à monter leur stand dans la rue principale et faire commerce de leur légumes, viandes, poules et autres peaux ! Troc autorisé.RUMEURDes histoires de Dame Blanche circulent dans la région de West Esperanza : certains habitants de Silverstone et des alentours jurent avoir apperçu un fantôme ! Les plus jeunes s'amusent même à invoquer l'ectoplasme dans un nouveau jeu ridicule - mais qui passera bientôt de mode : celui du ouija. Le temple prie pour leur salut.
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John vient réparer le toit de Charlotte qui s'est effondré pendant la tempête de la nuit. La chaleur est écrasante et alors qu’il travaille, il est pris d’un malaise. La chute aurait pu être fatale… En essayant de remédier à ses blessures, la sublime et secrète Charlotte parviendra-t-elle aussi à guérir son coeur ?
C’est une chaude fin de matinée au ranch Kingsley. Petit à petit, le soleil s’élève et cogne de plus en plus fort sur la toiture de la maisonnée où John Maclalane travaille depuis des heures. Pendant la nuit, une tempête orageuse s’est abattue sur la lande et une énorme branche s’est effondrée sur le toit de la ferme. La propriétaire du domaine, la jeune et ambitieuse Charlotte Kingsley, a fait appel à ce bel employé du voisinage pour réparer au plus vite les dégâts. De l’intérieur de la maison, on peut entendre John s’activer. Son échelle est posée contre la gouttière. Soudain, à travers les carreaux de la fenêtre, ce n’est plus un fragment de branche que l’on voit tomber au sol mais le corps bien bâti d’un jeune homme qui s’effondre comme un ange tombé du paradis.
C’est à votre tour ! La chute de John a été amortie par un ballot de paille mais le jeune homme est sûrement bien étourdi. Charlotte va-t-elle voler au secours de ce bel Icare aveuglé par le soleil ?
crédits codage : Bangarang / Merci à Pearl, Makoyepuk Liam et Jonas
Si la chaleur étouffante de la nuit dernière n’avait pas suffit à tenir Charlotte éveillée, l’arbre qui s’était invité dans sa cuisine s’était occupé de la tâche. La longue bataille qu’elle avait menée contre les éléments s'était soldée par la mort prématurée de son toit et l’inondation d’une partie de la maison. Pour être honnête, elle était tout de même surprise qu’il ait fallu un arbre pour faire s’effondrer son plafond. Elle le regardait avec suspicion depuis qu’elle avait acquis la maison. Enfin, maintenant, elle avait une excuse pour le refaire…
Alors qu’elle s’occupait de l’intérieur de la maison, elle tentait de ne pas trop penser à celui qui était au-dessus de sa tête. Lorsqu’elle était allée chercher de l’eau, elle avait pu apercevoir John très indécemment vêtu s’affairer. Après un simple coup d’œil, elle s’était réfugiée dans la maison, les joues rosies. Elle referma la porte derrière elle, ajustant les mèches de ses cheveux qu’elle avait laissées libres par manque de temps face au plus pressant. À peine avait-elle repris ses esprits qu’un corps passa devant la fenêtre, suivit de près par quelques feuilles.
La surprise passée, elle se précipita à l’extérieur. John était là, gisant dans la paille, les yeux clos, la peau trempée de sueur et luisante sous les rayons ardents. Elle sortit un mouchoir de sa poche et se pencha vers le bel homme pour éponger son front, lui offrant l’abri de son ombre.
“Est-ce que vous allez bien?” S’enquit-elle, les sourcils froncés.
La situation était grave, mais elle devait tout de même faire des efforts pour ignorer le manque de décorum de son travailleur. Que dire, Charlotte avait un œil pour les belles choses et les beaux êtres, et John avait attiré son regard avant même de se dénuder.
Invité
John L. MacLachlan
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Dim 14 Fév - 22:00
Il faisait fort chaud pour cette période de l’année. C’était ce que se disait John alors qu’il suait à sa besogne, perché en haut de son échelle. Sa chemise grise de poussière lui collait au corps. C’était désagréable ! Il regarda à droite, à gauche. Personne. Il ôta vivement son vêtement, l’arrachant presque de sa ceinture. C’est qu’il n’aurait pas voulu effaroucher la belle de la maisonnée. S’il avait sû ! Mais au moins, il respirait un peu mieux. Il laissa un instant la petite brise qui soufflait sur la lande lui rafraichir le dos, qu’il avait à présent offert aux éléments. Puis il se pencha de nouveau sur sa scie. L’épaisse branche ne se dégagerait pas de ce toit toute seule.
La demoiselle Kingsley avait eu ne la chance, tout de même, qu’il passât par sa ferme ce matin ! A vrai dire ce n’était pas du tout sa destination quand il avait prit la route. Mais il avait remarqué les dégâts qu’avaient fait l’orage nocturne à la maison de la belle de la colline voisine et il s’était figuré qu’il y aurait surement du travail pour lui. Son instinct ne l’avait pas trompé ! Il avait maintenant une grosse branche noueuse à extraire d’un toit à lui tout seul.
John se prit à se demander comment la demoiselle avait bien pu se débrouiller jusqu’à présent, seule avec sa ferme. Il ne doutait pas de la débrouillardise des femmes en tant que sexe. Il en avait déjà croisé fortes comme des ourses, braves comme des lionnes et qui crachaient tout aussi loin que n’importe quel soudard. Mais la demoiselle Kingsley ne lui paraissait pas le type. Trop jolie, trop délicate. Sa peau d’albâtre ne semblait pas avoir beaucoup connu la cuisante morsure du soleil à midi, et ses jolies petites mains n’avaient pas une seule callosité sur la paume. Elles semblaient si douces. En comparaison John se dit que ses mains devaient être aussi agréables à caresser que du cuir d’hippopotame.
Une porte claqua qui retentit comme un coup de feu aux oreilles du jeune homme et par la même le sorti violemment de ses rêveries. Son sursaut le déséquilibra, son pied glissa, la scie dérapa et avant qu’il se rende compte de son sort la terre se retrouva en haut et le ciel en bas. A un moment dans cette suite d’événements malheureux il se tapa méchamment la tête et tout devint noir.
Une voix lui parvint, lointaine, environnée d’écho, comme sortant d’un songe. Mais c’est la curiosité qui lui fit ouvrir les yeux. Quelque chose lui chatouillait le cou, il espérait que ce ne fut pas une bête. La vision qui s’offrit à lui le laissa béat comme un benêt. A qui étaient ces grands yeux noisette qui se plongeaient avec chaleur dans les siens ? Et ces brillants cheveux d’ébène qui s’échappaient de cette coiffure délicate et dont c’était une mèche qui venait d’agacer ses sens (mais il n’en était à présent plus dérangé).
- Mademoiselle Kingsley… ? Arriva-t-il à prononcer avec difficulté tant la vision de ce visage aux traits fins comme le coup de crayon d’un artiste le laissait sans voix.
Avant que sa tête ne se rende compte de ce que faisait son corps, il prit la main qui lui épongeait si agréablement le front et l’amena devant son visage. Sa propre patte lui parut bien trop brune, bien trop rude et bien trop grosse en comparaison. Honteux, il lâcha. Mais il se sentait béni d’avoir pu, même qu’un instant, effleurer cette si jolie main.
- Pardonnez ma maladresse, il se redressa sur les coudes, la jeune fille au dessus de lui l’empêchait de faire plus ample mouvement, je vais bien mieux, grâce à vos gentilles attentions que je ne mérite pas.
Garçon de ferme ayant grandit seul qu’avec une mère, il ne se doutait pas de ce que la promiscuité avait de malséant pour une jeune fille bien née. Heureux, rendu un peu idiot par son coup à la tête, John avait oublié qu’il était à demi-nu.
Elle soupira de soulagement lorsque John ouvrit les yeux et l’appela, soupir arrêté à peine sortit lorsqu’il se saisit de sa main. Son coeur lui battait dans les tempes et elle se surprit à serrer cette main calleuse, cette main d’homme qui savait s’occuper de la terre et des toits pénétrés lors d’une nuit orageuse. Elle fut presque déçue qu’il la lâche, mais était trop bien éduquée pour le lui montrer. Elle restait cependant penchée sur lui, son esprit occupé par un mélange d’inquiétude, de soulagement… et de désir? Elle déglutit difficilement, empêchant son esprit de vagabonder vers les lectures qu’elle faisait en secret dans son jardin londonien. Lorsqu’il se releva, approchant son visage du sien, elle baissa les yeux pour se retrouver nez à nez avec le corps sculpté du beau fermier. Elle releva vivement la tête, les joues désormais rougies comme des tomates au soleil.
“Ne vous dénigrez pas tant, Mr MacLachlan,” dit-elle avant d’apercevoir un filet rouge couler sur la tempe de l’homme.
Oubliant sa gêne d’avant, elle lui prit le visage entre ses mains avant de relever les mèches auburn de son employé. Une entaille à la profondeur heureusement minime décorait la tempe de John et Charlotte, dans son ignorance éclairée, paniqua.
“Vous saignez! Venez, il faut nettoyer la plaie.”
Elle se releva et offrit ses bras pour appui au fermier. Elle l’emmena vers l’intérieur, à l’abri du soleil étouffant, mais même la fraîcheur de la maisonnée ne parvint pas à apaiser ses pensées. Elle avait contre elle un homme à moitié nu, et c’était là plus de perversion que tous les livres qu’elle avait pu lire au cours de sa vie. Pas le temps pour ces sottises, se corrigea-t-elle. Une fois John installé sur une chaise, elle s’affaira à préparer un chiffon propre et une bassine de l’eau qu’elle venait de pomper. Elle s’accroupit face à John, demandant silencieusement la permission de l’approcher, de le toucher, pour aucune autre raison que médicale, ce qu’elle dû se répeter un certain nombre de fois.
“Que faut-il que je fasse?” demanda-t-elle. Il avait probablement plus de connaissance en plaies de labeur qu’elle.
John vit qu’elle rougissait, tremblait presque. Avait-il causé tout ce trouble en elle ? Qu’il se soit montré trop avenant l’avait surement mis en colère. Il avait été fermier autrefois, c’était bien peu mais au moins c’était quelque chose. A présent, il était un vagabon qui courrait après de menus travaux. Il n’était rien du tout. Comment avait-il osé se montrer aussi familier avec cette petite demoiselle au parler de duchesse, reine de son ranch. Si elle voulait le chasser il se laisserait faire. Elle aurait eu bien raison.
Mais alors qu’il s’attendait à ce qu’elle le chasse a coup de balai, elle se rapprochait de nouveau pour lui tenir son visage mal rasé entre ses petites et parfaites mains. Il pouvait sentir son souffle léger sur sa jour, le parfum enivrant de ses cheveux . Et voilà qu’elle passa les doigts dans les sien pour y découvrir une blessure. L’estomac de John se noua à l’en meurtrir. Il ne pouvait avoir faim il avait mangé à peine une heure plus tôt. Etait-ce cette proximité avec Mademoiselle Kingley qui l’émouvait de la sorte ? Elle lui offrit le bras. Après sa main son doux bras dont la modestie était protégé dans de délicates manches de coton aux broderies fleuries. Ne voulant plus l’importuner de son contact il tenta de se relever seul, mais chancela. La terre dansait la sarabande partout ou se posait ses yeux. Il dû bien accepter l’aide qu’il croyait contrite de cette princesse du Vieux Monde. Il s’appuya sur elle ayant l’impression d’un buffle s’appuyant sur un oisillon. Mais il ne se montrer qu’admiratif le la résilience qu’elle employa à l’amener jusqu’à sa maison.
Assis sur son tabouret il l’observa s’agiter tout autour de lui. Mais quelque chose clochait. La belle était bien née assurément. Elle employait des tournures de phrases qu’il n’avait lues que dans des livres. Et son accent d’Angleterre, il était beau. Trop beau pour une maison aussi délabrée. Ou peut-être était-ce elle qui semblait irradier de beauté et de grâce au milieu de cette maison aux planches de travers traversée de mille courants d’air. Et soudain, cette beauté, cette princesse devant lui, John le rien, Simple John, comme s’il était quelque puissant seigneur du Moyen-Age. Ses joues à lui s’en trouvaient toute rosies.
- Oh vous savez… commença-t-il pour protester.
Mais il ne finit pas sa phase. Une lueur dans les yeux brulants de la jeune fille le fit plier.
- Le mieux… je crois est de laver la plaie à l’eau claire avec un linge propre…
D’ailleurs elle était où cette plaie. Il posa ses mains sur son visage, il était tout poisseux. Ouch ! Il venait de trouver son entaille à la tempe. Bénigne, il supposait, mais qui saignait tout de même abondement. Quatre gouttes carmin trouvère même leur chemin jusqu’à son torse.
Charlotte avait appris à se tenir dans les meilleures écoles d’Angleterre. Elle savait quel était l’usage de chacun des couverts qui ornaient une table de banquet, mais n’avait aucune idée de comment soigner. Elle avait lu dans quelques livres qu’il fallait nettoyer et elle fut ravie d’entendre de John qu’elle ne s'était pas trompée. Lorsqu’il se toucha le front, elle ne fut pas assez rapide pour l’arrêter.
« N’y touchez pas, » réprimenda-t-elle doucement, retenant l’avant-bras fautif de sa main tremblante.
Les gouttes qui tombèrent sur son torse doré par le soleil lui rappelèrent qu’il était toujours dévêtu. Était-elle trop prude de se sentir étourdie par la vue de sa peau? Il ne semblait pas en faire cas, et Charlotte n’osait ni regarder ni y penser trop longuement, de peur de se laisser tenter à toucher.
Le corps de l’Apollon de chair devant elle n’avait rien à envier à celui de marbre qu’elle avait vu au musée, quelques années auparavant. Sous la pilosité les muscles se dessinaient avec délicatesse. Sans doute le fruit d’un labeur quotidien dont elle ne pouvait qu’imaginer la teneur. Sans même qu’elle y pense, ses yeux quittèrent la parcelle tâchée pour glisser vers le nombril avant de remonter aussi haut que la barbe.
Lorsque ses yeux rencontrèrent ceux de John, à la couleur d’un ciel clément, elle fut comme électrisée. Elle lui donna son mouchoir sans un mot pour qu’il s'essuie lui même le torse. Évitant tout autre regard insistant, elle se concentra sur le nettoyage. Elle retroussa ses manches et trempa le tissu propre dans la bassine. Incertaine, elle tamponna gentiment la plaie, prenant soin de ne pas appuyer trop fort pour ne pas lui faire de mal.
« Je dois vous avouer ne jamais avoir fait cela, » chuchota-t-elle alors que le sang qu’elle venait d’éponger était promptement remplacé par un plus frais. « Je vous en prie, dites-moi si je vous fait souffrir. »
Dans son effort pour contenir le saignement, elle avait passé le tissu sur tout le côté gauche du visage de John. Ses mains se teintèrent d’écarlate mais cela ne la dérangeait étonnamment pas. Les sourcils froncés, la bouche serrée dans une expression sérieuse, elle s’inquiétait pour John. Était-il normal de perdre autant de sang?
Le contact de sa main douce sur son avant bras lui brûlait la peau mais d’une brûlure délicieuse dont il aurait voulu être consumé tout entier éternellement. Il n’osait bouger de peur de rompre le contact. De rompre l’enchantement. Elle non plus ne bougeait plus. Retenant son souffle il baissa des yeux océan vers le visage de poupée de porcelaine aux joues roses de la demoiselle toujours agenouillée à ses pieds. Elle le regardait, l’étudiait plutôt. Son regard habité d’une lueur que le jeune rustre ne put déterminer inspectait chaque centimètre de sa peau nue. Il en sentait la brûlure aussi sûrement que s’il se fut agit d’un tison ardent. Ce regard gravissait chaque courbe de ses muscles durcis par le labeur des champs, s’enfonçait dans chaque zone d’ombre causé par le relief de ses membres aux proportions qui auraient inspirées un artiste de la Renaissance. Il vit ses yeux descendre vers son ventre que sa respiration difficile faisait onduler légèrement. John ne savait plus bien si c’était vraiment le coup qu’il avait reçu qui lui faisait tourner autant la tête. Il se senti mis a découvert pour la première fois de sa vie. S’il avait eu sa chemise… Sa chemise ! Elle était restée sur la branche à côté de la scie toujours plantée dans son bois. Il se sentait si honteux. Mademoiselle Kingsley devait être bien embarrassé de sa nudité. C’était une des premières règles de bienséance que lui avait inculqué Madame Margery. Cela au moins il le savait.
Leurs regards se croisèrent. La demoiselle rompit le contact pour lui tendre un délicat mouchoir de coton blanc que John n’osa pas utiliser. Il le gardait entre ses mains rugueuses. En détaillait la broderie sans savoir s’il était heureux ou triste de cette distraction. Ce qu’il savait en revanche c’est qu’il aurait été si dommage de souiller de son sang ce joli ouvrage que la jeune femme avait probablement brodé elle-même. Le travail était fin, elle avait dû y passer de longues heures, penchée devant sa fenêtre, le dos courbé à s’en faire mal et lui devrait ruiner le fruit de ce dur labeur pour toujours ? Qui était-il pour prétendre à cela ? Il n’oserait jamais…
- Je ne puis…commença-t-il en un souffle.
Mais alors la jeune fille qu’il appelait déjà affectueusement dans sa tête la Petite Reine lui passait un linge imbibé d’eau sur le visage pour nettoyer sa plaie. La fraîcheur du tissu humide lui coupa le souffle. De l’étoffe trop gorgée d’eau dégoulinaient de longs filets rosés qui dévalaient sa mâchoire, courraient sur son cou, s’attardaient sur son épaule avant de reprendre leur folle route jusqu'à la ceinture de John qui marquait pour le moment leur destination. Mais cela John ne le voyait pas sinon il aurait peut-être été surprit que les gouttes ne s’évaporent pas au contact de son épiderme qu’il croyait brûlant. Tout ce que voyait John c’était ce visage d’une blancheur irréelle d’autant plus accentuée par ce rideau satiné de cheveux noirs de jais qui l’entourait. Elle était si proche qu’il sentait son souffle alors qu’elle chuchotait comme si chaque mot murmuré venait embrasser sa joue, si proche qu’il lui aurait suffit de tendre un peu le cou pour…
Et elle lui demandait si elle le faisait souffrir. Oh ! Il voulait lui répondre qu’elle l’avait fait souffrir à partir du moment ou elle avait posé ses beaux yeux sur lui, à partir du moment ou sa voix claire aux accents chantants avait carillonné jusqu'à son cœur. Et en même temps cette souffrance était si douce. Il eu voulu qu’elle ne s’arrête jamais.
- Non mademoiselle Kingsley jamais de ma vie je n’ai été soigné avec autant de soin et de gentillesse.
Il ne mentait pas, ni Betty, ni le médecin de son village n’étaient des tendres. Peut-être était-ce là toute l’origine de son trouble ? Il n’était habitué à la douceur et l’attention. Il avait peur de bouger de peur de se réveiller au pied de son échelle et d’apprendre que finalement toute cette volupté n’était qu’un rêve.
- Je… je me sens bien mieux grâce à vous…
En vérité il se sentait encore bien étourdi mais il n’était plus sûr que sa chute en soit la cause. Il posa avec délicatesse le mouchoir brodé sur le coin le moins sale de son pantalon et posa sa patte sur la main charitable qui lui rinçait le visage.
- N’abîmez pas votre peau délicate pour un simple comme moi. Je m’en veux de vous voir souillée de mon sang. Je ne veux pas vous causer de l’embarras…
Il disait tout cela mais il pensait presque tout le contraire. Il était déchiré entre deux sentiments. Il ne voulait importuner la demoiselle Charlotte mais il ne voulait pas non plus que cesses ces délicates attentions féminines dont il faisait les frais pour la première fois.
Les mots étaient sortis avant même qu’elle ne puisse les retenir. Peut-être était-ce par simple politesse, mais elle savait au plus profond d’elle-même qu’elle souhaitait diminuer cette distance insoutenable qui existait entre eux, ne serait-ce que par leurs paroles. Son apparente sincérité sur la gentillesse qu’il avait vécu lui serra le coeur. Comment un être aussi tendre pouvait-il avoir été traité avec autre chose que de la gentillesse? Redoublant d’attention, sa tâche devint caresse, une excuse pour lui offrir un contact chaleureux, dénué de mauvaises intentions.
Lorsqu’il prit à nouveau sa main, Charlotte s’arrêta, le souffle court. Il s’inquiétait pour elle alors qu’il était celui qui saignait. Et il se traitait de simple, lui donnant de ce fait une supériorité qu’elle était loin de mériter.
“Vous n’avez pas à vous en vouloir, j’ai choisi de vous aider et je ne regrette aucunement.” Elle posa sa main libre sur celle de John, la caressant presque sans y penser de son pouce. “Et puis, je ne vois pas comment vous, qui sauvez mon humble demeure, pouvez être simple. Je suis incapable de tenir un marteau correctement. Vous êtes mon héros.”
Elle maintint le regard de l’homme avec un courage qu’elle ignorait posséder, un sourire effleurant le coin de sa bouche. Oublié était le toit ouvert qui laissait entrer le soleil juste au-dessus de son four, oublié était le monde et ses cigales bruyantes. Pour quelques secondes, il n’y avait qu’eux et ce contact de leurs mains, les siennes frêles entourant la sienne forte.
“Peut-être devriez-vous rester à l’intérieur pour quelque temps,” dit-elle finalement, son expression changeant pour une inquiétude qu’elle ne cherchait pas à dissimuler. “Je ne voudrais pas que vous tombiez à nouveau par ma faute.”
Et puis, en toute sincérité, elle ne voulait pas qu’il parte, même s’il n’était qu’à quelques pas au-dessus.
Charlotte, ce nom, prononcé par cette bouche rose aux lèvres ourlées avait des accents princiers. Mais lui oserait-il prononcer ce nom, l'écorcher plutôt, avec ses intonations de vulgaire campagnard ? Il se promit qu'il essaierait cependant. Tout pour faire plaisir à cette princesse venue d'au-delà l'océan.
La caresse de la jeune femme le fit tressaillir et il resserra inconsciemment sa prise sur la petite main délicate de la belle Charlotte sans toutefois la tenir au point de blesser ces doigts aussi gracieux que les ailes d’un papillon. John avait rudoyé des bœufs récalcitrants dans son enfance, des bêtes de sommes de dix fois son poids, il avait dressé des étalons fougueux dont le coup de sabot pouvait tuer un homme. Il avait parcouru l’Amérique, été le compagnon de beuverie de coupeurs de gorges en Louisiane, de déserteurs tueurs d’esclaves dans le Missouri. Il avait soupé avec ces sauvages des plaines tant craints par le monde civilisé mais ce sont ces quatre mots prononcés par une demoiselle qui le désarmèrent complètement. Cette jeune fille était une fée qui le rendait lui, le rustre à la peau tannée par le soleil, se sentir aussi inoffensif qu’un nourrisson. Un héros. Il n’avait jamais été le héros de personne et il ne méritait pas de devenir le sien. Cependant elle l’avait nommé ainsi et il se ferait un devoir de remplir cette tâche au mieux. Il était empli de l’esprit des contes qui furent les premières lectures hésitantes de son enfance. Il se sentait l’âme d’un chevalier devant sa reine.
Portant un instant à ses lèvres la blanche main de sa Guenièvre, il y posa un doux baiser.
- Si tel est votre désir, mademoiselle Charlotte, alors je resterai un instant à vos côtés. Mais je vous prie de vous assoir et de me laisser votre place sur le sol.
Tout en parlant il la tira gentiment vers lui pour la redresser. D’un geste adroit qui rappelait le déroulé d’une valse, il se leva de sa chaise pour l’y installer sans toutefois rompre le précieux contact de leurs doigts noués. C’était maintenant lui qui se trouvait à genoux aux pieds mignons de Charlotte. Son autre main lui tendit le fin mouchoir de coton brodé. Il avait prit soin d’essuyer ses doigts sanglants sur son pantalon avant de s’en saisir.
- Je vous le rends mademoiselle. Je ne peux pas accepter un si beau cadeau. L’étoffe est trop fine, le motif trop délicat pour un goujat de la campagne. Je ne ferais que vous le salir.
Tout en lui tendant (tristement bien qu'il n'en laissa rien paraître) il se demanda quand même si le mouchoir portait son parfum, le même parfum qu’il avait senti quelques minutes plutôt émaner de sa chevelure de jais et qui lui manquait déjà.
Un simple effleurement de ses lèvres roses sur sa peau laiteuse et elle n’était plus qu’un amas d’émotions indiscernables les unes des autres. Milles et une proses passèrent dans son esprit, des mots des grands écrivains qu’elle avait lu, mais rien n’arrivait à décrire le feu qui s’était soudain emparé d’elle. Elle voulu protester lorsqu’il lui offrit sa place, peut-être même se débattre lorsqu’il avait habilement échangé leurs places, mais elle n’y arrivait tout simplement pas. Obnubilée par ce contact, elle se mit à imaginer cette bouche rose contre son bras, son cou, la naissance de ses seins…
Le souffle court, elle fut presque reconnaissante d’être désormais assise, ou alors elle se serait jetée aux bras de ce bon voisin. Elle le pouvait encore, sans doute, mais la force lui manquait. Leurs doigts encore entrelacés, il proposa de lui rendre le mouchoir.
“Je me dois d’insister. Il n’aura pas meilleur usage qu’en votre possession.”
La broderie représentait ses initiales et le savoir sur lui serait un peu comme être avec lui lorsqu’il allait inévitablement se retirer. Par tristesse ou hardiesse, elle remonta une de ses mains sur l’avant-bras de John, lentement, de peur qu’il s’évapore si elle se montrait trop insistante, ou pire encore, qu’il se recule sous ses caresses. Elle se mordit la lèvre, effrayée par son courage, enivrée par l’odeur musquée de l’homme qu’elle avait à ses pieds. Sa main glissa plus haut, jusqu’à l’épaule, pour finalement redescendre sur la poitrine de l’homme. D’un geste tendre, elle essuya les gouttes tombées plus tôt, mais, une fois la tâche accomplie, ne retira pas sa main.
Elle sentait sa respiration sous ses doigts, devinait son cœur battre. Ou alors c’était le sien qui, affolé, se faisait entendre jusque dans ses phalanges. Elle ne put s’empêcher d’observer encore ces lèvres, discrètes sous une barbe virile, et pourtant si alléchantes...
John ramena doucement le mouchoir vers lui et le plaça précieusement dans la poche arrière de son pantalon sali par la poussière âcre de la lande.
- Puisque vous me le demandez, mademoiselle Charlotte, alors je le garde. Il me portera chance alors que je le garderai toujours contre mon cœur.
"Des que j'aurais récupéré ma chemise" compléta-t-il mentalement cette fois.
Mais voilà que les mains de Charlotte se faisaient douces caresses. Aventureuses elles s'engageaient dans les routes tortueuses de la définition de ses muscles. Elles gravissaient, téméraire, des collines de sa peau brunie. Ses doigts traçaient un chemin tortueux partant de ses bras, franchissant la courbe de son épaule, s'attardant près de son cou, puis devalaient le ravin de sa poitrine tendue pour avoir trop retenu son souffle. Effleurement. Volupté. Délicieux accident ou sensualité délibérée... John ne savait plus. Il frissonnait. C'était son âme qui frissonnait tout entière. Il n'était qu'un homme après tout. Que pouvait il faire face aux faveurs d'une déesse.
Le feu de ses yeux se fit dévorant. Il ne redecouvrait sa demoiselle. Il ne voyait plus que ses grands yeux et leur lueur cajolante pour lesquels il se serait damné sans hésiter. Ses lèvres, ce bonbon rose qu'il voulait goûter. Cette épaule blanche que son col ouvert laisser deviner et qui semblait le supplier de la délivrer du piège moite de l'étoffe de coton. La naissance de son corsage qui laissait présager bien des trésors délicieux dont seul un brigand desargenté pourrait vénérer la préciosité à sa juste mesure.
Il s'approcha, rempa sur ses deux genoux plutôt, jusqu'à ce que sa ceinture se presse contre les plis de la robe de la jeune fille. Il ne s'effacait pas à ses caresses aux contraire. Il en voulait plus. Il voulait être prisonnier de ces doigts gracile pour toujours. Jusqu'à sa mort et plus loin encore. Il posa sa main à présent libre sur le poignet de Charlotte pour que la caresse se fasse étreinte. Ses doigts fouillaient le tissu de la manche. Cherchaient un bouton à ouvrir pour pouvoir s'aventurer au delà encore de ce poignet charmant. Ses doigts étaient éclaireurs, le pays inconnu devait être le paradis.
L'autre main, celle encore emmêlée dans les doigts de Charlotte, il la posa sur sa joue pour la sentir remonter les poils drus de sa barbe naissante jusqu'à sa bouche. Et baisa sa paume chaude goulument. Il aurait voulu la déguster toute entière mais n'osait pas. Pas encore.
Charlotte s’était avancée sur le bord de la chaise. Les frissons de l’homme faisaient écho aux siens, et ils redoublèrent d’ardeur lorsqu’il embrassa sa paume. Le chatouillement des poils contre sa paume éveilla ses sens déjà aux aguets. Ses yeux se délectèrent de ceux de John, elle se noyait dans leur océan. Ses mains se brulèrent sur sa peau, durcie par le travail et pourtant si douce sous ses doigts. Elle écoutait le souffle rauque de leurs respirations emmêlés et sentait jusqu’à son haleine alors qu’elle approchait, lentement, indubitablement, le confort de ses bras. Elle pivota le sien pour lui offrir le bouton qu’il semblait chercher alors qu’elle-même attrapait les mèches rebelles sur la nuque du vagabond. Elle n’était qu’à un souffle de son visage, mais elle n’osa pas faire le pas de plus.
Charlotte Madeline Victoria Kingsley, la jeune dévote, l’ingénue de Southampton, était à présent à la merci d’un nomade californien à la chevelure de braise. Et elle se délectait de son impuissance, ou plutôt de ses propres actions si peu convenables.
Elle n’était définitivement plus assise sur la chaise, mais à cheval sur les genoux de John. Son corps, encore trop habillé vu la chaleur environnante, ne répondait plus à ses pensées, mais à ses sens. Et sous ses doigts, contre sa peau, tout l’être de John la désarmait, l’attirait dans une danse dont elle connaissant instinctivement les pas. Elle pressa son front contre celui de l’apollon, les yeux rivés sur sa bouche dissimulée.
“Puis-je?” demanda-t-elle, dans un ultime effort de chercher un échappatoire à la damnation qui l’attendait sûrement si elle se laissait entraîner dans la volupté.
Ô doux calvaire, délicieux supplice. Pourquoi fallait-il que la plus douce jeune femme qu’il ait jamais rencontrée soit aussi sa plus habile tortionnaire. Chacune de ses caresses le marquait aussi sûrement qu’un tisonnier rougeoyant. Elle s’était rapprochée de lui, ou lui d’elle. Il ne savait plus. La brume avait envahit sa tête et plus rien n’existait plus pour lui que Charlotte. La belle Charlotte aux pupilles chaudes, aux cheveux à la douceur de soie. Lui, elle. Eux. Il s’était désincarné mais elle redessinait sa silhouette de ses doigts. Galvanisait ses sens. Elle le retenait sur Terre. Elle était son ancre. Son amarre salvatrice qui le maintenait dans le flot bouillonnant de ses émotions.
Quand s’était-elle mise à chevaucher son genou comme la plus impétueuse des cowgirls ? Le savait-il ? Cela avait-il seulement de l’importance ? Un peu. Beaucoup. Car la réalisation de cette proximité se déversa comme une nouvelle vague de chaleur alors que John se croyait déjà aussi ardent que le désert de la Vallée de la Mort.
Le bouton sauta, John enfonça sa main dans la large manche de voile pour agripper l’épaule de Charlotte comme un noyé agrippe un récif salutaire en pleine tempête. Leurs fronts s’unirent. Le fermier habitué à des odeurs autrement moins noble ferma les yeux pour permettre à ses narines de s’enivrer de la douce fragrance séraphique du corps de la belle. Sa voix, dont il ne se lasserait jamais d’entendre les accents musicaux lui fit rouvrir les paupières.
Pouvait-elle ? Oh, elle pouvait depuis le moment délicieusement maudit ou il avait franchit la barrière de son domaine. Mais tant d’attention et de prévenance brisèrent les derniers remparts de John. De sa volonté il ne restait plus rien. Charlotte était une reine conquérante et son arme la plus sournoise était sa candeur.
Le paysan n’en pouvait plus. Il étouffait. Son vêtement le serrait, sa ceinture le scindait en deux. Il avait chaud, il avait froid. C’était la fièvre. Il savait que le remède à tous ses maux se trouvait juste devant lui, entre les lèvres ourlées qui s’offraient à lui. Il les prit sans un mot. De toute façon les mots n’avaient plus de sens. Les paroles sonneraient creux, la propre langue lui était soudain inconnue. Seule comptait cette bouche. Leurs lèvres jointes. Leurs souffles mêlés.
Il lâcha enfin la main blanche de Charlotte mais c’était pour mieux enserrer sa taille et la serrer plus fort contre lui. Mais ce n’était pas assez. Il y avait encore trop de tissus entre eux. La robe, le corset, une chemise sûrement. Ces délicats vêtements féminins dont il aurait probablement admiré la coupe un peu plus tôt lui faisait maintenant figure d’entraves dont il devait la libérer pour mieux la découvrir. Pour l’aimer plus complètement. Il l’embrassait toujours, plus sauvagement encore alors qu’il lâchait finalement l’épaule gracile pour chercher en aveugle un laçage ou une agrafe qu’il pourrait détacher pour libérer la jeune fille de ses pièges de tissu.
Félicitation vous avez réveillé le shérif des mœurs ! Vos aventuriers ont relevé le défi avec beaucoup d’ardeur et on entend vos émois volcaniques jusqu’à Fort Randall. Gare au courroux des pionniers qui rêvaient de la conquête de l’ouest avec pieuseté. Un nouveau challenge vous attend.
Alors que le typhon du désir noie déjà John et Charlotte dans la cuisine, le ciel au-dessus du toit s’alourdit. Heureusement, un voisin avisé du ranch Kingsley observe le temps depuis sa fenêtre et s’inquiète pour sa gentille et inexpérimentée petite voisine. Arrivera-t-il à temps pour la prévenir du danger qui la guette, alors qu’elle s’oublie auprès du bel adonis supposé réparer une autre passoire (la toiture) ?
Le temps est lourd. N’importe quel autochtone de la région comprend, dans ce beau filet de ciel bleu, que c’est l’arrivée d’une nouvelle tempête qui se prépare. Edwin, le bel anthropologue passionné qui partage avec cette lande un lien charnel et puissant, le sent bien. Cet engageant intellectuel anglais qui n’a pas froid aux yeux hume la tension palpable qui électrise l’air. Il redoute que sa petite voisine, la belle Charlotte fraîchement débarquée du vieux continent, ne soit encore trop innocente de la nature sauvage du Nouveau Monde. De plus, les turbulences de la nuit ont pu l’effrayer ou pire !Causer des dommages à son vieux ranch. N’y tenant plus, il décide d’aller lui rendre une visite éclair pour s’assurer que tout le monde se porte au mieux. En approchant de la bâtisse, il constate avec horreur les dégâts causés sur sa toiture. Au sol, gît un harmonica qu’il s’empresse de récupérer, de plus en plus inquiet. Soudain, un coup de tonnerre tonitruant gronde dans le ciel, aussitôt suivi d’un déluge soudain. Edwin accoure vers la maison à l’intérieur de laquelle des trombes d’eau commencent déjà à tomber. Ami de la propriétaire, il ne s’encombre pas de présentation et s’engage directement vers la porte de la cuisine. En poussant précipitamment cette porte qui dissimule un océan de vices, le séduisant chercheur désabusé pourrait tomber sur un sujet d’étude ...caniculaire.
A vous les fripouilles ! Comment John et Charlotte, surpris par le déluge tel Noé et sa ménagerie, vont-ils retrouver leurs esprits pour empêcher le ranch de couler ? Edwin retrouvera t-il le propriétaire du mystérieux harmonica ? Et surtout, son esprit se remettra-t-il de la vision anthropologique terrible qui se cache derrière la porte dérobée ?
crédits : Jonas la chagasse / Merci à Pearl, Liam et Makoyepuk
Depuis l’arrivée de Charlotte à Imogen, Edwin ne cessait de s’inquiéter pour elle. Ils n’étaient pas frère et soeur de sang, mais il ne pouvait s’empêcher de se sentir responsable de la jeune demoiselle, d’autant plus avec ce que sa famille - et par extension les Watson - lui avaient fait subir. Le fait qu’elle se retrouve si jeune à la tête d’une telle propriété ne le rassurait pas davantage. Certes, cela lui permettrait peut-être de s’assurer un avenir, mais la gestion d’un ranch était loin d’être simple et pouvait amener des convoitises. Et surtout, il n’aimait pas la savoir seule, en particulier lorsque le temps était si capricieux. Il hésita à courir lui rendre visite à l’instant où le ciel commença à se couvrir. Mais Victoria avait été malade toute la nuit, et son état avait beau ne pas être bien sérieux, son inquiétude de jeune père lui avait tordu les entrailles.
Une fois le médecin passé, il décida de se mettre en route pour se rendre chez la jeune fille. La tempête avait été terrible et il éprouvait du remord à l’idée de ne pas s’être déplacé la veille. Si quelque chose était arrivé à sa belle-soeur, il ne se le pardonnerait jamais.
Le trajet en diligence lui sembla durer une éternité, mais enfin il fut en vue du ranch. Malheureusement ce qu’il voyait n’avait rien pour le rassurer. Le toit s’était au moins en partie effondré et les dégâts lui faisaient craindre le pire. « Charlotte ! » Nul signe de vie. Le silence était pesant et l’angoisse le prenait au corps.
Alors qu’il marchait, il sentit son pied heurter quelque chose. Il baissa les yeux pour découvrir un harmonica abandonné et le ramassa. Appartenait-il à la jeune Kingsley ? Il ne se rappelait pas l’avoir jamais vue en jouer.
Il recommença à l’appeler, mais au même moment, un coup de tonnerre retentit avec force, au point de le faire sursauter. L’instant d’après, la pluie se mit à tomber. Pluie qui se transforma rapidement en averse. L’Anglais se précipita vers la maison et ouvrit ce qui semblait être une porte de service avant de se réfugier entre ces murs. « Charlotte ? » Pas de réponse. La demeure semblait déserte. Où pouvait-elle bien être ?
Frigorifié, il décida de prendre le chemin de la cuisine. Il aurait volontiers mangé quelque chose, et pourquoi pas bu un verre de vin pour se réchauffer. Mais lorsqu’il ouvrit la porte, il se trouva face à une vision bien inattendue et des plus choquantes. La jeune fille se trouvait clairement dans une position compromettante en compagnie d’un homme inconnu, du moins inconnu de lui. Edwin sursauta à cette vue, puis eut le réflexe de détourner le regard. « Bon sang ! » fut tout ce qui lui vint aux lèvres.
Il était étonnant de voir à quelle vitesse le monde extérieur s’effaçait à ses sens. Dans la cuisine, qui était déjà délabrée avant la tempête, seuls eux existaient dans un temps arrêté. Sa peau s’électrifiait sous ses caresses et elle était persuadée que le tonnerre qui grondait était un effet de son coeur qui s’emballait, ou de son ventre qui se tordait de désir. Quand à l’eau qui s’écoulait dans les seaux qu’elle avait placé la nuit dernière.
Son corset était déjà à moitié défait, ses lèvres rougies par les attentions de John et elle était en train d’enlever ses bras de ses manches lorsqu’Edwin débarqua. Elle sursauta à son juron, s’éloignant de son presque-amant comme s’il était devenu un tison brûlant et criant le nom de l’intru. Après la surprise, c’était la colère qui s’installait chez Charlotte. Une autre émotion nouvelle pour la demoiselle au sourire habituellement ineffaçable. Frustrée, ses sourcils se rencontrèrent et elle se releva d’un bond. Elle prit le temps de se rhabiller sommairement, et de cacher le torse nu de John en se plaçant entre les deux hommes, avant de se tourner, les mains sur les hanches, vers son beau-frère.
“Que fais-tu ici par un temps pareil?” dit-elle, la voix aussi menaçante que celle d’un chaton ébouriffé, incapable d’ignorer la pointe d’inquiétude que provoquait le tonnerre.
Les possibles conséquences de ses actions vinrent alors la frapper d’un coup. S’ils avaient été seuls plus longtemps, elle aurait offert sa vertu au beau travailleur, ruinant de ce fait sa réputation, et ses possibles fiançailles avec Friedrich Rosenbach. Mais aimait-elle seulement le beau brun lorsque le roux la faisait se consumer d’un seul regard? Et ce désir charnel qu’il avait éveillé en elle était-ce de l’amour, ou simplement un instinct primitif qu’elle avait jusque là enfoui? Chassant ces pensées philosophiques, elle s’approcha d’Edwin.
“Ne dis rien à personne, je t’en supplie.”
Un éclair zébra le ciel, retirant la couleur des traits suppliant de Charlotte.
Les doigts de John avaient finalement trouvé les agrafes de la robe et s’étaient attaqués au laçage du corset avec une adresse qui aurait pu surprendre la demoiselle s’il de s’occupait déjà pas de ses lèvres avec tant d’appétit. Puis il voulu goûter sa joue, son oreille, son cou et il continuait son exploration vers l’épaule d’opale quand il se sentit violement repoussé par sa compagne avec une force ma foi surprenante. Déjà en équilibre sur un genou (l’autre servant de monture à Charlotte) il ne pu éviter la chute sur le dos, au milieu des débris du toit toujours ouvert. Ce trou, qu’il était censé réparer, il le voyait, le sentait plutôt parce qu’il était juste en dessous et qu’il se prenait une pluie torrentielle sur la tête en plein milieu de la cuisine. Quand avait-il recommencé à pleuvoir ? Aucune idée. Mais son ignorance était toute excusée il avait eu la tête occupée ces dernières minutes. En tout cas cette averse l’avait rafraichit plus encore que le mouvement de rejet de sa belle.
Il se releva, de nouveau trempé, pour voir ce qui avait bien pu effaroucher sa demoiselle. Un homme ! Il voulut se jeter devant elle pour protéger sa vertu en faisant barrière de son corps (certes à moitié nu mais lui, né garçon, n’avait pas de compte à rendre à qui que ce soit contrairement à la majorité de la gente féminine de l’époque) mais visiblement Charlotte avait eu la même idée. John fit un pas de côté pour ne pas la percuter, glissa sur l’éponge abandonnée près du baquet (c’est vrai qu’il y avait une éponge dans cette histoire à un moment), battit des bras pour rétablir son équilibre et y parvint après trois pas en arrière. Il était de nouveau sous le trou. Sous la pluie. Par le trou. Dans le toit. Ce toit qu’il était censé réparer. Une pensée émue pour sa chemise soit accrochée à la branche et battue par les éléments déchaînés, soit déjà bien loin, ayant profité d’une bourrasque pour prendre son envol.
La situation prenait de plus en plus une tournure feydesque (pour peu que John fut venu d’une époque et d’un lieu où il pouvait savoir ce que cela voulait dire) quand le fermier, résolu à être condamné à une douche froide au sens propre comme au figuré comprit aux paroles de Charlotte que ces deux-là se connaissaient. Un ami, un amant, un mari ? C’est vrai que John ne s’était absolument pas posé la question du statut marital de sa belle tentatrice aux cheveux d’ébène. Mais il se sentait égoïste (et frustré) s’il le fallait il se battrait pour elle.
Sa résolution prise il sorti de sa douche (trempé mais enfin propre pour la première fois de la journée) en même temps qu’un éclair zébrait le ciel (quel timing). Il se plaça devant Charlotte, ce preux chevalier des campagnes. Il découvrait enfin son adversaire maintenant qu'il n'était plus flouté par le voile de pluie qui dégoulinait sur le visage de John jusqu'alors. Un grand échalas enroulé dans des tissus à la finesse que le paysan ne connaitrait jamais. Pas l'air bien débrouillard. John n'aimait pas spécialement se battre mais si la situation dégénérait il estimait que ses chances dominer son adversaire étaient plus que correctes. Pour ne pas dire assurées.
- Je sais pas qui t’es mais je te trouve bien gonflé de juger une jeune fille après l’avoir laissée seule pendant un ouragan. Et puis elle a pas l’air de pouvoir souvent compter sur toi si c’est à moi qu’elle doit faire appel pour accomplir la main d’œuvre sur sa f…
John ne finit pas sa phrase. Il venait de voir son harmonica dans les mains de l’autre. Son précieux. Son compagnon d’aventures. Son meilleur ami. Pleurant avec lui lorsque son cœur était mélancolique et tressaillant de joie sous ses lèvres quand il ne savait comment exprimer son bonheur. John, pour la première fois depuis longtemps, sentit poindre la colère dans sa poitrine. Il la contenait encore, seulement trahi par son accent des campagnes qui revenait ponctuer son discours.
- Ca… dit-il en pointant l’instrument du doigt, ça c’est mon harmonica. Rends-moi le !
Edwin ne se serait certainement pas attendu à voir Charlotte dans une pareille posture. Elle était si jeune… Du moins, la voyait-il ainsi. Il oubliait qu’elle grandissait, qu’elle était en réalité maintenant adulte et amplement en âge de… ce genre de choses. Il n’avait pas son mot à dire, et pourtant… Bien qu’elle ne soit ni sa fille, ni même sa soeur de sang, il se sentait une réelle responsabilité vis à vis d’elle. Raison pour laquelle, au lieu de se montrer compréhensif comme il aurait dû le faire, il agit aussi stupidement que pouvait le faire un parent dans l’inquiétude. « Je v…venais voir si t…tu allais bien avec cette tempête. Je ne sais pas si t…tu as vu les dégâts. » Remarque ironique bien sûr, considérant l’eau qui s’écoulait dans la cuisine. Passé la surprise, son bégaiement avait réapparu comme par enchantement.
Il lui laissa le temps de retrouver sa décence avant de la regarder de nouveau. « Mais enfin Charlotte, qu…qu’est-ce qui te prend ? T…tu sais ce que tu r…risques ? » Se compromettre pouvait être pire que tout pour une jeune fille, surtout qui semblait si proche du mariage. Ici, les gens parlaient, il avait bien pu le constater. Il soupira et porta une main à son front. « Evidemment que j…je ne dirai rien… »
Mais en serait-il de même de la part de l’homme qui semblait prêt à parvenir à ses fins ? Edwin le regarda d’un air des plus sévères, tout en ne pouvant s’empêcher de remarquer le charme de ce bel éphèbe au corps humide. Mais ce n’était certainement pas le moment de laisser trainer ses yeux, d’autant plus que celui-ci semblait également furieux et lui faisait des reproches avec une familiarité des plus impolies. Voilà qui était bien malvenu considérant la position dans laquelle qu’il venait de les surprendre !
Mais le fauteur de troubles ne termina pas sa phrase, se concentrant directement sur l’harmonica. Donc, l’instrument était à lui. « Ne v…vous emballez pas c…comme ça, je l’ai simplement trouvé dehors. » Visiblement très agacé, il lui tendit l’objet - tout en ne pouvant s’empêcher de l’imaginer au contact des lèvres de l’inconnu -. Il n’avait pas pour autant l’intention de le laisser s’en tirer si facilement. Pas après ce qu’il venait de faire, et surtout pas sans que l’Anglais puisse connaitre ses intentions vis-à-vis de Charlotte. Pourraient-ils compter sur son silence ?
Il le regarda avec dureté et s’adressa à lui d’un ton froid qu’on lui connaissait bien rarement. « M…maintenant, qui êtes-vous et que v…voulez-vous de ma belle-soeur? »
L’air s’était refroidi de bien plus d’une façon et elle frissonna lorsqu’une brise vint caresser la peau encore nue de son dos. Elle entendait bien John derrière elle et s’en voulu de l’avoir aussi brusquement rejeté. Elle voulait se retourner, l’aider peut-être en entendant le raffut qu’il faisait, mais elle devait s’assurer que son beau-frère garderait le secret. Leurs avenirs à tous deux en dépendaient.
Elle eut à peine le temps de pousser un soupir de soulagement aux paroles d’Edwin que le rouquin apparut devant elle, tel un défenseur contre une menace qu’il ne savait pas inexistante.
“Messieurs, s’il vous plaît…” commença-t-elle.
Sa main se posa sur le flanc trempé de John et elle s’appuya sur lui pour se glisser entre les deux. Elle sentait la colère alourdir la pièce et l’inquiétude de voir deux hommes qu’elle appréciait se battre fit s’envoler la sienne.
Elle n’avait jamais eu la prestance de sa sœur ou l’aura puissante de son père, et ce manque de charisme lui fit croire qu’ils ne l’entendraient pas. Alors elle prit les mains des deux hommes qui se lançaient des regards plus violents encore que les éclairs de dehors. Un geste qu’elle voulait tendre et sans quiproquo et qui pourtant ravivait en elle le feu qu’avait allumé John. Même la main qui tenait celle d’Edwin lui renvoyait des frissons et elle jeta un regard insistant sur la mâchoire sculpté de son beau-frère.
“Nul besoin d’en venir aux mains, nous sommes tous civilisés ici.”
Ses doigts tâtèrent des deux côtés pour desserrer les poings, et s’entrelacer avec ceux qui le voudraient bien. Un geste qu’elle répétait chaque dimanche à l’église et qu’elle teintait, aujourd’hui, d’un désir encore très présent pour John et jusque-là inexploré pour Edwin.
Quand l'inconnu lui rendit son harmonica, la colère de John s'évanouit aussitôt. Il porta l'instrument à l'épaisseur froide à sa bouche et en savoura le goût métallique qui glissait de ses lèvres sur la langue agile. Il en tira quelques notes longues et plaintive ressemblant au cris que pourrait lancer un enfant qui aurait été trop longtemps séparé de sa mère. À part un peu d'humidité qui sécherait bien vite l'instrument n'avait aucun dommage à déplorer. Le fermier musicien le rangea dans son holster vide avec une tape affectueuse. Maintenant que son meilleur ami lui avait été retourné, il se demanda même pourquoi il s'était énervé. L'inconnu pouponné ne lui semblait pas méchant et encore moins dangereux. Et son bégaiement le rendait presque attendrissant aux yeux de John dont l'instinct protecteur s'était déjà reveillé pour moins que ça. Même son énervement avait quelque chose de séduisant. Se rendait-il compte que sa moue agacée qui rosissait ses joues en même temps que ses lèvres donnait à son visage quelque qualité féminine rapprochant par la même le nouveau venu des modèles androgynes si admirés des tableaux de la Renaissance ? John se prit à se demander si cette qualité ne s'arrêtait qu'à son visage aux traits fins ou s'étendait au reste de son corps élancé.
Une main douce et chaude agrippant la sienne, calleuse et encore un peu humide de pluie mit un terme aux égarements sensuels de son esprit. Il tourna la tête vers sa petite reine qui essayait de désamorcer avec courage la tension naissante entre les deux hommes en joignant leurs mains dans une drôle de chaîne pacifique. Ses petits doigts fins finirent tout à fait de detendre son corps et son âme et leur chaleur bienheureuse fit renaître la flamme que John portait pour leur maîtresse dans le fond de son ventre. Il s'aperçut de l'aspect débraillé de la jeune fille et lâchant cet aimé contact avec regret, il se plaça derrière elle pour tenter de cacher de son corps cette nudité dont il était le seul fautif. Il essaya de refermer les agrafes de ses doigts gourds, ces mêmes agrafes que ces même phalanges maladroites avaient fait sauter quelques minutes plus tôt, mais le corset maintenant délacé empêchait la robe de se fermer tout à fait. Il laissa peut-être sa main s'attarder légèrement plus longtemps que nécessaire sur les omoplates blanches en une caresse fugitive avant de lancer sur un ton que lui aurait jalousé le plus blanc des chevaliers :
- Je n'ai rien d'autre pour Mademoiselle Charlotte que des intentions nobles. Et s'il en est de même pour vous, alors vous ôterez votre veste pour préserver sa vertu. Je l'aurais bien couverte de ma chemise si elle ne m'avait pas été arrachée aux éléments.
Il s'était fait une raison et considérait son vêtement comme définitivement perdu. Et bien que décidé à faire la paix avec son beau rival parce que Charlotte le voulait mais aussi parce qu'une part de son âme désirait l'apprécier, il ne pouvait s'empêcher de le jauger du regard comme un coq qui se rend compte qu'il n'est plus le seul maître sur sa basse-court.
Ils se jaugeaient l’un l’autre, presque prêts à en découdre. Edwin ne se faisait pas d’illusion: en cas d’altercation physique, il n’aurait certainement pas l’avantage. Mais il n’était pas non plus couard, et si la situation le demandait, il saurait faire face. C’est alors que Charlotte s’interposa entre eux, visiblement pour calmer cette atmosphère électrique. Il aurait dû une fois de plus détourner le regard face à la tenue indécente de sa belle-soeur. Mais cette fois-ci, il en fut incapable. Il avait toujours considéré cette dernière comme une enfant qu’il lui appartenait de protéger. Mais les formes qu’elle dévoilait à présent étaient bel et bien celles d’une femme, et il se surprenait à la regarder d’une toute autre manière à présent.
Rares étaient les femmes qu’il avait admirées de cette façon, et jamais il n’aurait pu imaginer que Charlotte susciterait un jour de telles sensations en lui. Mais cette proximité, le toucher de sa main si douce et la semi nudité du beau jeune homme qui l’accompagnait, firent monter en lui une chaleur bien inattendue. La fureur qui l’avait animé à peine quelques instants plus tôt semblait désormais se muer en toute autre chose.
Il leva les yeux vers l’inconnu, cette fois-ci plus que troublé par son regard, ne pouvant s’empêcher d’admirer la beauté de ses traits qui semblaient avoir été sculptés dans le marbre. La délicatesse avec laquelle il avait manipulé son instrument de musique avant de le ranger inspira Edwin à se demander l’effet que de telles mains pourraient produire sur sa peau.
Il sembla vouloir dissimuler le corps encore trop dénudé de Charlotte, et l’Anglais en fut attendri, n’ayant pas le courage d’admettre à voix haute que le mal était déjà fait. Remerciant intérieurement ces éléments qui avaient volé la chemise de son interlocuteur, il toussota avant de se reprendre. « Oh euh… oui b…bien sûr. » Il retira prestement sa veste et en couvrit les épaules de sa belles soeur, non sans les effleurer du doigt au passage, un geste qu’il se persuada être accidentel. Puis il regarda de nouveau l’inconnu. « J…je veux bien vous croire, v…vous semblez être honnête. Mais c…comprenez que cette situation p…pourrait nuire à Charlotte et… »
Il s’arrêta, incapable de prononcer un mot de plus, perdu sous le regard de ce Pygmalion et de cette femme qu’il avait de plus en plus de difficulté à ne voir que comme sa belle-soeur…
La main de John entre ses omoplates lui donna la chair de poule et l’envie qu’ils fussent à nouveau seuls. Mais Edwin était là et sous le regard de son beau-frère, Charlotte se sentait aussi toute chose. Il enleva sa veste sous les suggestion de John et la jeune femme observa la manoeuvre avec beaucoup d’attention. John était arrivé dans ses bras déjà à moitié nu et elle n’avait donc pas soupçonné à quel point voir quelqu’un retirer une couche de vêtement pouvait être aussi érotique. Elle fut même déçue qu’il s’arrête à la première, curieuse de découvrir son torse, probablement moins fort et bronzé que celui de John, mais probablement tout aussi enivrant.
La brève caresse d’Edwin en était-elle une ou un simple accident? Charlotte se surprit à espérer la première, fermant même les yeux pour apprécier au mieux le contact de ses doigts fins. Elle se sentait telle Juliette prise entre Roméo et Paris, mais dans sa version, le premier était un éphèbe aux baisers appétissants et le second un apollon à la peau d’albâtre. Elle s’humidifia les lèvres, repensant à celle de John et imaginant le goût de celles d’Edwin. Une pointe de jalousie envers Carolina lui caressa l’esprit.
« Je suis sûre que ma réputation est en sécurité si vous deux êtes les gardiens de ce secret. »
La bonne chose à faire était probablement de lui jurer qu’un tel incident ne se reproduirait pas, mais elle ne souhaitait pas faire de promesses en l’air. Après tout, elle succomberait bien aux charmes de l’un comme de l’autre en cet instant même et, summum de la damnation, se laisserait même tentée par les deux à la fois.
Comme une punition divine, la pluie qui s’abattait dans la cuisine et qui n’était plus retenu par les seaux renversés par John vint lui chatouiller les orteils. Les sabots qu’elle avait paresseusement mis ce matin étaient bien loin, oubliés dès que John s’était emparé de sa taille.
« J’aurais besoin de votre aide, ou la maison sera définitivement perdue! »
Le regard du bel inconnu se fit doux et caressant et John se dit qu'il aurait pu suivre ces yeux par delà le Styx, jusqu'aux enfers pour se jeter dans la gueule écrasante de Cerbère. Il ôta sa veste avec une délicatesse qui donnait aux mouvements aériens de son corps des allures de danse séductrice. Sous le froissement de la chemise, il devina la blancheur, la fermeté de son torse gracile. Sa bouche devenait sèche. Il degluti.
Puis Charlotte, sa belle petite Charlotte reprit la parole de sa jolie voix mélodieuse et claire. John ne savait plus où donner de la tête. Bien sûr qu'il garderait le secret ! Jamais ai grand jamais pourrait-il lui faire quoi que ce soit pour lui nuire ! Tout ce qui s'était passé et se passerait entre ces murs resterait pour toujours entre eux trois. Tout.
Le fermier au torse nu encore humecté de larmes du ciel suivit le regard que la belle aux boucles ondulant dans le vent frais qui s'engouffrait par le toit en même temps que la pluie. Et vit la flaque qui disparaissait sous la robe de la demoiselle. Horreur ! Si elle avait les pieds trempés elle risquerait de tomber malade ! D'attraper la fièvre ! La pneumonie ! La mort !
John la prit dans ses bras tel le prince charmant enleva Blanche-Neige après l'avoir réveillée d'un baiser et l'éloigna dans une envolée de jupons froufroutants du déluge qui inondait sa cuisine.
- Je m'occupe de sauver Mademoiselle Charlotte de la noyade ! Il faudrait, s'il vous plaît, que vous remettiez le baquet en place sous le trou et trouver quelque chose, n'importe quoi pour éponger le parquet avant que les taches ne deviennent irréversibles...
... Avec votre chemise par exemple. Pensa-t-il tout bas.
Il tenait toujours sa princesse serrée contre lui et son odeur, mêlée à celle plus musquée de l'homme dont elle portait la veste se fondaient en la fragrance la plus divine que John ait eu l'occasion de sentir.
Plus les secondes passaient, plus le trouble l’envahissait. Un trouble que jamais il n’avait pensé connaitre envers sa belle-soeur, au point que le bref contact de sa peau le fit frissonner. Autant que le regard intense de l’homme face à lui. Son regard se posa sur ses lèvres charnues et il s’imagina les embrasser avec passion. Il avait de la difficulté à se retenir de fixer ce torse dessiné par le labeur. C’est presque avec regret qu’il avait rhabillé la jeune femme, mais il ne pouvait se permettre de se laisser divaguer ainsi. Après tout, elle était supposée être sous sa protection, non ? Il la regarda, tentant de contrôler l’ardeur qui l’habitait en cet instant. « B…bien sûr, tu sais que j…jamais je ne répéterai quelque chose qui p…pourrait te nuire. »
Il regarda le jeune homme, espérant qu’il en ferait de même. Mais celui-ci semblait si plein d’attentions envers Charlotte qu’Edwin avait envie de lui faire confiance. Ou peut-être était-ce lié à ce regard caressant qu’il sentait sur lui et provoquait des désirs de plus en plus intenses… Ils avaient cependant bien d’autres préoccupations, et ce fut sa belle-soeur qui les ramena à la réalité: en effet, s’ils n’agissaient pas rapidement la maison serait en ruines, sans compter l’humidité et le froid qui menaçaient de les consumer. Jusqu’à présent le Britannique, envahi de la chaleur de ses désirs, n’y avait fait nullement attention.
L’empressement face à la situation le poussa à obéir aux instructions du beau jeune homme - ce qui n’était pas difficile -. Il se précipita pour ramener le récipient sous le trou béant du toit, espérant que cela suffirait. A défaut de trouver quoi que ce soit d’autre - et peut-être lisant dans certaines pensées - il retira sa chemise, afin d’éponger l’eau, découvrant son torse. Le tissu fut rapidement imbibé, et il se tourna vers eux. « J’ai p…peur que ça ne suffise pas… »
A cet instant, une bourrasque glaciale s’infiltra dans la cuisine. Edwin se redressa et se précipita vers eux. « Nous d…devrions nous mettre à l’abri. » Il voyait que la tempête ne faisait qu’empirer et il craignait qu’ils finissent par se mettre en danger s’ils ne quittaient pas cette pièce.